Un Arménien de 16 ans arrive avec 50 dollars en poche à Pamiers (Ariège). Seul, il se dirige vers les bénévoles du secours populaire qui distribuent les repas. C'est soir de réveillon de Noël. Conduit au commissariat de la ville, le jeune garçon raconte que ses parents sont morts et qu'un oncle « a payé le voyage jusqu'en Ariège. »
Dernièrement, un autre adolescent se présente à l'institut protestant de Saverdun muni d'un curieux bout de papier sur lequel on peut lire : « Je viens de la part du conseil général. » Ils sont Angolais, Congolais, Pakistanais, Afghans, Arméniens, Géorgiens et depuis 2004, de plus en plus d'adolescents fuient des situations de misère, des guerres dans leur propre pays pour frapper à la porte de l'Ariège dès leur descente de train à Pamiers. De 17 en 2005, ils sont 48 à ce jour a être pris en charge par ce département. Un afflux que les structures du conseil général, compétent en matière d'aide à l'enfance, à toutes les peines à contenir. Plus grave, ces arrivées d'enfants clandestins mettent en lumière la possible existence de filières internationales de passeurs. Même si aucune enquête judiciaire n'a permis de mettre au jour, aux pieds des Pyrénées, la présence d'une telle organisation liée à l'immigration clandestine, il existe cependant des « réseaux d'amitiés », des « filières communautaires », au centre de ces mouvements de mineurs. « L'Ariège a toujours accueilli des réfugiés et ce département s'est construit une solide réputation de terre d'accueil », analyse Christian Morisse, coordinateur du réseau Education sans frontière (RESF 09). Partis de Géorgie, d'Arménie ou d'Angola, ces adolescents, sont envoyés par des proches de leur famille en Europe, soit pour assurer leur survie, soit pour financer « une dette de servitude », selon Simon Sire, directeur de l'institut protestant de Saverdun. Une structure d'hébergement connue des communautés étrangères pour son travail d'insertion et de formation. « Ces établissements peuvent créer un appel d'air d'où l'afflux de ces jeunes migrants en Ariège », explique un spécialiste des flux migratoires. Par bus, bateau ou avion, ils arrivent en France avec un maigre pécule en poche et souvent accompagnés d'un tiers, un pseudo-passeur ou un proche. À l'aéroport de Roissy, ces ados qui parlent trois mots de français, seraient ensuite aiguillés par des membres de leur communauté vers Toulouse, puis Foix par le train. « Des voyages très organisés », observe un associatif ariégeois. La filière des pasteurs angolais, congolais et des églises évangélistes plane sur le financement de ces voyages. « C'est mon pasteur à Kinshasa qui a payé », aurait indiqué un adolescent , arrivé à Pamiers. En Ariège, 64 % de ces jeunes viennent d'Afrique noire. Ce département offre des possibilités d'emplois dans le secteur du bois et du bâtiment. Bref, un avenir.
Le chiffre : 48
48 mineurs étrangers pris en charge par l'Ariège.Depuis 2004, 48 mineurs étrangers isolés (31 mineurs et 17 jeunes majeurs) sont pris en charge par le conseil général de l'Ariège. Ce qui représente 13% de l'ensemble des mineurs confiés au département.
« Qu'ils soient adolescents ou majeurs, ils ont tous une trouille viscérale de rentrer chez eux. Certains, dont les parents sont décédés, ont peur pour leur vie ». Christian Morisse, coordinateur RESF 09.
Interview
"L'Etat doit nous aider"
Augustin Bonrepaux, Président du conseil général de l'Ariège (PS).
À quoi est confronté votre département ?
Depuis plusieurs mois, nous constatons une arrivée importante de mineurs étrangers isolés en Ariège. Ce n'est pas le cas dans d'autres départements. Ici, on fait tout pour les accueillir, à travers nos structures, on les éduque et on les accompagne jusqu'à l'âge de 22 ans, selon les contrats d'apprentissage des uns et des autres, en leur octroyant 900 € par mois. Mais aujourd'hui, nos structures sont limitées. Le budget consacré à l'aide sociale à l'enfance (ASE) est de 13 M d'€. 13% de ce budget est dévolu aux mineurs étrangers isolés. On voudrait les accueillir mais on ne peut plus.
Que proposez-vous ?
L'État doit nous aider dans la prise en charge de cette solidarité. Ces arrivées de mineurs pourraient être plus équitablement réparties. L'État pourrait financer leur redéploiement dans d'autres départements. J'ai écrit dernièrement au ministre de l'immigration Éric Besson pour le sensibiliser à notre problématique. Il y a en Ariège 320 mineurs déjà placés. Toutes ces structures font bien leur travail et fonctionnent à plein. Comment fait-on si un jour, nous devons gérer une situation d'urgence pour placer un mineur ?
Que craignez-vous à terme ?
Je ne sais pas si nous sommes victimes de notre succès. Mais ces arrivées répétées pour un département comme le nôtre (150 000 habitants, budget de fonctionnement 146M d'€) peuvent déséquilibrer nos finances. Prochainement, 9 mineurs pris en charge par le conseil général seront majeurs. L'État pourrait prendre le relais. On doit déjà faire face à un poids énorme : le transfert de charges non compensées par l'État qui s'élève depuis 2004 à 25 M d'€.
À quoi attribuez-vous l'arrivée de ces mineurs étrangers ?
Ils ne viennent pas ici par hasard. Nos structures font bien leur travail et cela se sait. Il y a un réseau d'acheminement de ces jeunes. Mais je ne sais pas lequel.