24 Heures
jeudi 11 novembre 2010
143 clandestins dans un camion citerne en Grèce
La police grecque a annoncé jeudi 11 novembre avoir découvert 143 migrants sans papiers entassés dans un camion citerne près de Corinthe, dans le Péloponnèse (sud), et arrêté six passeurs présumés, en route pour Patras, le port reliant la Grèce à l'Italie.
La majorité des migrants ont déclaré être des Afghans tandis que parmi les six passeurs présumés figuraient cinq Syriens et un Grec. L'arrestation a eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi. Le camion citerne était précédé par un véhicule où se trouvaient la plupart des passeurs, qui, selon la police, avaient l'intention de conduire le groupe à Patras pour le faire passer en Italie.
L'enquête policière a montré que "les six passeurs avaient constitué une organisation criminelle dont l'objectif était de faire sortir des sans papiers arrivés en Grèce vers l'Italie ou vers d'autres pays européens à bord de camions et au prix de 2.500 à 3.300 euros chacun", a indiqué un communiqué de la police. S'affirmant débordée par l'afflux de migrants illégaux en route vers l'ouest à ses frontières avec la Turquie, la Grèce accueille sur place depuis la semaine dernière une centaine de gardes-frontières européens, dépêchés à sa demande par Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières.
Renvoi d'étrangers, l'OSAR soutient le contre-projet
Alors qu’elle s’était prononcée contre en juin 2009, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés a finalement décidé de soutenir le contre-projet que les autorités opposent dans quinze jours à l’initiative «pour le renvoi des criminels étrangers».
L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) est favorable au contre-projet que les autorités opposent dans 15 jours à l’initiative de l’UDC «pour le renvoi des criminels étrangers». Au moment de sa présentation par le Conseil fédéral en juin 2009, l’OSAR était pourtant contre.
Face au risque, confirmé dans les sondages, d’un succès de l’initiative le 28 novembre, l’OSAR a entretemps revu sa position, plaidant pour la solution «la moins pire», a indiqué jeudi Adrian Hauser, porte-parole de l’oeuvre d’entraide. Contrairement au texte de l’UDC qu’elle appelle à rejeter, le contre-projet a le sens de la mesure, il respecte la Constitution.
Selon le texte de l’UDC, des délits mineurs tels que le fait pour un chômeur de ne pas déclarer un gain intermédiaire ou la vente de quelques grammes de cannabis pourraient entraîner le renvoi d’un étranger, quel que soit son âge et environnement familial. Un Suisse ne recevrait, pour le même délit, qu’une amende. Dans le contre-projet, les raisons impliquant le renvoi ne sont pas basées sur une liste de délits dressée à la va-vite et de manière arbitraire comme le prévoit l’initiative, écrit l’OSAR dans un communiqué. Le contre-projet définit au contraire la nature du délit et la gravité qui justifieraient un renvoi. Il prévoit une pesée des intérêts en présence et respecte les droits fondamentaux.
L’OSAR souligne également le volet intégration prévu dans le contre-projet. Cela permet de franchir un pas important. Selon l’ONG, l’intégration réussie de tous, au niveau professionnel et social, reste encore le meilleur moyen de combattre la criminalité à ses racines.
ATS relayé par le Temps
Immigration et peur de l'étranger
Des millions de personnes dans le monde sont victimes de déplacements forcés. Réfugié, demandeurs d’asile, sinistrés, déplacés. Notre gros plan aujourd’hui s’intéresse à la peur de l’étranger et de l’immigré.
Michel Agier est anthropologue et ethnologue. Ses recherches portent sur les relations entre la mondialisation humaine, les conditions et lieux de l’exil, et la formation de nouveaux contextes urbains. En 2008, après sept années d’enquête dans les camps, principalement africains, il a publié un ouvrage intitulé « Gérer les indésirables ». Au micro de Marie-Agnès Georges, Michel Agier souligne que la notion d’étranger s’est radicalisée au cours des dernières années.
Les fausses promesses de l'UDC
L’initiative des moutons noirs séduit les électeurs. Or, le texte est illusoire et sera inopérant contre la criminalité volante venue d’ailleurs. Le point en cinq questions clés.
Dans la campagne sur l’expulsion des criminels étrangers, les confusions foisonnent. D’abord, l’insinuation que le droit suisse aurait attendu l’initiative UDC pour renvoyer les délinquants étrangers, alors que plus de 600 d’entre eux ont été reconduits à la frontière l’an dernier (lire L’Hebdo du 28 octobre).
Ou encore, comme ose le prétendre le site internet de l’UDC, que le contre-projet du Parlement «empêche l’expulsion d’assassins, de criminels violents, de violeurs». Mais surtout, la campagne menée par les initiants laisse croire aux citoyens qu’ils sont appelés à choisir entre expulsion ou intégration, alors que la pratique actuelle - et plus encore le contre-projet allient les deux.
Que propose l'initiative?
L’initiative introduit une liste de délits qui entraînent l’expulsion de leur auteur. Parmi eux, des actes dont la gravité tombe sous le sens - meurtre, viol, traite d’êtres humains, trafic de drogue - mais qui valent aujourd’hui déjà l’expulsion. Le fil rouge, pour Yves Nidegger, conseiller national UDC genevois? «Viser les délits qui mettent en danger la sécurité physique.»
Ainsi, à l’inverse du contre-projet, l’UDC se garde bien d’attaquer la criminalité économique. L’escroquerie et la fraude fiscale passent à l’as. Par contre, l’abus de prestations sociales rejoint le panthéon des crimes odieux. Pas la fraude - qui induit une systématique aggravante - mais le simple abus.
Idem pour le brigandage ou l’effraction. Un ado secundo qui rackette dans la cour de récré serait renvoyé au pays aussi sûrement qu’un meurtrier. Car, détail non négligeable, les mineurs subiraient ce régime comme les adultes.
A l’inverse, les chauffards passent entre les gouttes. Les trois jeunes fous du volant (un Grec, un Turc, un Croate), qui ont tué une jeune femme en 2008 à Schönenwerd (SO) et écopé jusqu’à cinq ans de prison, ne seraient pas inquiétés par l’initiative. Mensongère, donc, l’affiche des jeunes UDC valaisans qui fait campagne sur ce cas.
La liste de délits n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le fondement de l’initiative, lui, repose sur un mot: automatisme. Aujourd’hui, conformément aux principes élémentaires du droit, chaque cas d’expulsion subit un examen détaillé, lors duquel les intérêts de la sécurité publique (risque de récidive) se mesurent à ceux du condamné (situation familiale, sociale, etc.).
Selon l’initiative, ces facteurs-là ne seraient plus pris en compte, seul le délit déterminerait l’expulsion. «Tout système de sanction qui ne permet pas d’appréciation aboutirait à des résultats choquants», prévient Martin Killias, criminologue à l’Université de Zurich.
L’initiative introduit systématiquement «la double peine» pour les étrangers: un criminel paie deux fois, lors de son séjour en prison, et après, alors que l’incarcération sert traditionnellement à payer, une bonne fois pour toutes, sa dette à la société. Cette sévérité accrue, censée dissuader les criminels d’agir ou de récidiver, ne touche que les étrangers. Cette discrimination est choquante et, pour beaucoup, raciste.
Y aura-t-il vraiment plus d'expulsions?
Ce n’est pas sûr, car la pratique s’est beaucoup durcie depuis la récolte de signatures en 2007. Que ce soit avec l’initiative ou le contre-projet, c’est le nombre de décisions plutôt que d’expulsions réelles qui augmenterait. Jusqu’à quadrupler, comme l’avait chiffré le Département fédéral de justice et police, bien que cette estimation soit depuis revue à la baisse, face à la sévérité croissante des grands cantons.
Par contre, l’efficacité à reconduire concrètement aux frontières les criminels soulève des doutes. Certes, la majorité des expulsions s’effectue volontairement, par vol de ligne, informe Marie Avet, porteparole à l’Office fédéral des migrations (ODM). Mais lorsque la personne refuse son expulsion, elle peut être placée sur un vol spécial.
Or, ces six derniers mois, l’ODM a échoué à quatre reprises à rapatrier des requérants d’asile déboutés, faute d’accord avec le pays ou d’autorisation d’atterrissage. Pas facile de rendre des citoyens dont personne ne veut. «La pratique varie énormément d’un Etat à l’autre, explique Denis Pittet, porte-parole du Département de l’intérieur vaudois. Certains ont signé des accords de réadmission mais ne les appliquent pas, d’autres acceptent les retours sans autre.»
Actuellement, la Suisse compte quarante-trois accords de réadmission. C’est l’Afrique subsaharienne qui pose le plus de problèmes, l’Ethiopie, l’Erythrée, la Somalie, la Gambie, le Nigeria, mais aussi l’Algérie. «L’Espagne est la seule qui est parvenue à conclure des accords avec eux, explique Cesla Amarelle, présidente du PS vaudois.
Mais pour cela, elle a dû mettre le paquet en contre-parties économiques, cela lui a coûté des millions.» Avec l’Italie et Malte, l’Espagne apparaît comme un modèle pour pousser les Etats à récupérer leurs ressortissants.
Que deviennent ceux que l'on ne parvient pas à expulser?
Entre leur libération de prison et leur expulsion forcée, les criminels sont placés en détention administrative, à Frambois (GE) pour la plupart des cas romands. Le centre ne possède que vingt places et les détenus ne peuvent y rester plus de 24 mois ou si «l’exécution du renvoi (...) s’avère impossible», selon la loi sur les étrangers.
Ainsi, lorsque les vols spéciaux de l’ODM ont été suspendus ce printemps, suite au décès d’un Nigérian à l’aéroport de Zurich, les tribunaux vaudois ont fait libérer les détenus du canton à Frambois. Une décision imposée. «Parmi les sept libérés, il y en avait deux expulsés pour des motifs pénaux et ils ont disparu sans laisser d’adresse», précise Denis Pittet.
Ainsi, si l’augmentation des décisions de renvoi ne s’accompagne pas d’un règlement des problèmes avec les pays d’origine, ce genre de cas insolubles risque de se multiplier. L’initiative aura peu d’effets réels. «Nous allons créer une classe de sous-prolétariat flottant, déraciné, chassé de partout, prévient Martin Killias. Sous l’Ancien Régime déjà, le bannissement était une mesure fréquente: ces personnes sans statut ont ensuite posé un problème d’ordre public.»
A noter que la pratique des expulsions s’est durcie chez la plupart des membres de l’UE. Mais la gestion des non-expulsables est devenue un casse-tête, sans compter les coûts.
«C’EST UNE ÉVIDENCE QUE L’INITIATIVE VIOLE LE DROIT INTERNATIONAL!» Andreas Auer, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Zurich
L’émergence d’une caste de sanspapiers non expulsables (lire témoignages en page 22) est-elle un moindre mal afin de lutter contre la criminalité étrangère? Pour cela, encore faudrait-il que l’initiative lutte efficacement contre la criminalité.
Si le texte dénonce «les bandes criminelles qui profitent de l’ouverture des frontières pour faire des expéditions de cambriolages en Suisse», il n’apporte en revanche aucune solution. Car cette criminalité volante est le fait d’étrangers non résidents en Suisse, sur lesquels toute tentative d’expulsion est vaine.
Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS), un tiers (1396 sur 4200) des condamnés étrangers en 2008 ne détenaient aucun permis de séjour. L’initiative n’a pas de prise contre ces délinquants-là, qu’une interdiction formelle de revenir sur territoire helvétique n’empêchera pas de récidiver.
De plus, 718 autres relevaient de l’asile, souvent d’ores et déjà déboutés, mais impossibles à expulser. Ironiquement, ce sont donc uniquement les étrangers impliqués dans la vie du pays, ceux qui y vivent et y ont parfois fondé une famille, qui pâtiraient du durcissement.
L'initiative est-elle compatible avec le droit international?
«C’est une évidence que l’initiative viole le droit international!» prévient, comme de nombreux confrères, Andreas Auer, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Zurich. L’Union européenne a, elle, aussi averti la Suisse que l’expulsion systématique de citoyens européens contreviendrait à la libre circulation, qui stipule que seuls ceux qui mettent en danger la sécurité publique peuvent être reconduits aux frontières.
Or, l’automatisme voulu par l’initiative bafoue ce principe. L’Union européenne pourra donc saisir le comité mixte UE-Suisse pour contrer l’automatisme.
Dès lors, risque-t-on de voir apparaître un régime différencié entre citoyens européens et extra-européens, seuls les seconds subissant l’expulsion? C’est possible dans un premier temps, mais les ressortissants du reste du monde pourront eux aussi recourir contre leur expulsion, à la Cour européenne des droits de l’homme. L’article 8 de la Convention stipule que «toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance».
Les recours ont toutes les chances de se multiplier et mettront la Suisse face à l’obligation de revenir sur ses décisions d’expulsion, au terme de longues procédures (comme cela a déjà été le cas). «Les citoyens ont le droit de voter oui à l’initiative, résume Andreas Auer.
Mais ils sont prévenus qu’on ne pourra pas appliquer les expulsions de manière automatique. Le peuple est certes souverain, mais pas tout-puissant. Il ne faudra donc pas crier au scandale après coup.» Quant à déterminer la ligne de conduite qu’adoptera le Tribunal fédéral - pris entre la Constitution et le droit international - nul n’est encore en mesure de le prédire.
A noter qu’ après l’internement à vie, l’interdiction des minarets, ce serait la troisième fois en six ans que la Suisse, siège des conventions de Genève, se doterait de dispositions lésant les droits humains et contraires à l’ordre juridique international.
Quels sont les avantages du contre-projet?
Le contre-projet a l’avantage d’être compatible avec le droit international et les accords de libre circulation. Conformément à la vocation de ce type de texte, il prend en compte la préoccupation des initiants mais balise des solutions réalistes et praticables.
Plutôt que de révolutionner la pratique des expulsions comme l’initiative, la proposition du Parlement consiste en un durcissement et une harmonisation de la pratique. «On peut lire la situation actuelle, le contre-projet puis l’initiative comme une graduation progressive de la rigueur», analyse Andreas Auer. Ainsi, le contre-projet ne focalise pas sur la nature des délits mais sur leur gravité, qu’il qualifie selon la durée d’emprisonnement.
Un an pour crime grave (meurtre, viol, etc.), 18 mois pour délit économique ou deux ans pour le reste, entraîneront l’expulsion de l’auteur. Cependant, des garde-fous seront posés. Non seulement l’expulsion sera décidée au cas par cas afin de prendre en compte la situation individuelle. Mais elle se soumettra aussi explicitement au droit international (examen individuel de chaque cas).
Dans ce sens, le contre-projet se rapproche des tours de vis effectués ces dernières années en Allemagne et en Autriche, bien qu’il comprenne moins d’exceptions, sur les mineurs notamment. La version du Parlement propose aussi d’agir en amont, avec l’introduction de mesures d’intégration censées lutter contre la marginalisation, puis la criminalisation, des nouveaux venus.
Ce premier article constitutionnel sur l’intégration vise essentiellement à équilibrer les différences régionales, souvent le reflet d’un clivage ville-campagne. «Certains cantons alémaniques ne disposent d’aucune mesure pour les étrangers, déplore Ada Marra, conseillère nationale (PS/VD). A Schwytz par exemple, les écoliers allophones doivent aller tous les matins jusqu’à Zoug dans les classes d’accueil.»
En quoi consisteront les offres minimales dont devront se doter tous les cantons? On l’ignore encore, mais la nouvelle ministre de Justice et Police, Simonetta Sommaruga, veut croire au potentiel de cet article sur l’intégration, à la suite des libérauxradicaux qui l’appellent de leurs voeux depuis plusieurs années, et compte bien, le cas échéant, lui donner une forte substance (contrat d’intégration, participation à tous les cours de l’école obligatoire - y compris de natation...).
A l’inverse, les cantons qui mènent de longue date des actions ciblées sur les communautés étrangères pourraient voir d’un oeil suspicieux et amer cette intervention de l’Etat fédéral. «Neuchâtel n’a pas eu besoin d’un article constitutionnel pour mener une politique d’intégration», s’est exclamé Matthieu Béguelin, président du PS cantonal lors du congrès de Lausanne.
Mais l’amertume sera assurément moindre qu’avec une initiative qui éjecte des adolescents en crise et brise des familles établies depuis plusieurs générations.
Un article de Tasha Rumley en collaboration avec Chantal Tauxe dans l'Hebdo
Quinze raisons de voter non à l'initiative de l'UDC
1. Elle introduit deux poids, deux mesures face à la justice.
2. Elle ne respecte pas le droit international.
3. Elle met en péril les accords de libre circulation avec l’UE.
4. Elle introduit un automatisme alors que chaque justiciable a droit à un examen individuel de son cas.
5. Elle condamne la famille du condamné.
6. Elle n’est que de la gesticulation démagogique sans effets réels sur la criminalité.
7. Elle ne prévoit rien en amont pour améliorer l’intégration des étrangers.
8. Elle sera sans effets sur les criminels non résidents en Suisse.
9. Elle ne respecte pas l’esprit des institutions qui encourage le Parlement à proposer un contre-projet face à des initiatives extrêmes.
10. Elle ne tient pas compte de la pratique actuelle des cantons qui s’est déjà durcie.
11. Elle nie la vocation de réhabilitation de l’emprisonnement.
12. Elle nie le droit à une seconde chance lorsque l’on a commis une erreur.
13. Elle ne prévoit rien pour la criminalité économique.
14. Elle laisse croire que toute décision d’expulsion sera exécutable, alors que l’absence d’accords de réadmission empêche souvent l’exécution.
15. Elle va créer une nouvelle sorte de sans-papiers, indésirables mais inexpulsables.
La guerre des affiches
Suisse: la guerre des affiches
Le 28 novembre, le peuple helvète votera sur le renvoi du pays des étrangers criminels. L'initiative populaire provient de l'Union démocratique du centre (UDC), parti également à l'origine de l'interdiction des minarets en Suisse.
Le projet prévoit de retirer leur titre de séjour aux étrangers qui commettent des délits graves. Le contre-projet du Conseil fédéral, lui, reprend le même principe en durcissant même quelques dispositions.
"Selon l’enquête menée durant la deuxième semaine d’octobre par l’institut de recherche gfs.berne, 58% des personnes interrogées accepteraient l’initiative pour le renvoi des étrangers criminels" (Swissinfo).
Une affiche interdite
Sur le terrain, les partis emploient les affiches comme armes politiques. L'UDC sème son fameux mouton noir (à gauche), tandis que le Parti suisse du travail la détourne pour promouvoir la diversité (à droite).
Autre polémique: le Mouvement Citoyens Genevois (MCG), qui avait créé une affiche à l'effigie de la famille Kadhafi pour promouvoir le renvoi des criminels étrangers. Le Ministère Public de la Confédération, à Berne, a décidé de retirer cette affiche de l'espace public pour "éviter de froisser" la Libye, selon 20 minutes.
En réponse, le MCG crie à la censure et se félicite qu'on parle de lui. Pour le quotidien de gauche Le Courrier, la "communication politique prend en otage la démocratie". "Sous l'impulsion de l'UDC, notre pays est passé maître dans l'art de la provocation poussée à l'extrême en guise de communication politique, écrit Rachad Armanios. Au point de susciter des vocations dans toute l'Europe. Partout, les fachos ont copié les affiches des moutons noirs ou celle des minarets. Belle industrie d'exportation!"
Un article de Marie Maurisse paru sur son blog "Fondue, la Suisse ?"
Guerre des chiffres en ligne
La question de l'immigration rebondit mardi sur le web à deux semaines de la votation sur le renvoi des criminels étrangers. Sur un site internet spécial, l'écologiste Antonio Hodgers démontre les nombreuses erreurs du parti agrarien dans l'utilisation des statistiques citées pour défendre son initiative. L'UDC pour sa part nie toute manipulation.
Le site lancé mardi par Antonio Hodgers attaque frontalement les statisticiens de l'UDC. [RTS]
Dans un site-pamphlet mis en ligne mardi, qui reprend point par point le tout-ménage envoyé aux foyers de Suisse par le parti de Christoph Blocher, le Vert genevois dénonce des chiffres tronqués, omis, voire falsifiés pour tenter d'influencer la perception qu'ont les Helvètes de l'immigration. Au total, ce sont 52 "manipulations" que révèle le site "ce que l'UDC vous cache.ch".
La démarche est pleinement assumée de la part d'Antonio Hodgers, qui précise que son site répond à une démarche citoyenne plus que politique, le but n'étant pas tant de promouvoir les idées de l'élu Vert que de démontrer que l'UDC ment constamment et sciemment à la population sur la question des étrangers.
Manipulations dénoncées
Et Antonio Hodgers d'en rajouter: "Christoph Blocher est loin d'être bête et s'il omet certains chiffres, c'est précisément parce que ceux-ci ne vont pas dans le sens de sa politique de méfiance vis-à-vis des étrangers."
L'écologiste du bout du lac assume également la série de vidéos humoristiques dénonçant les mensonges du chef de file de l'UDC et qui servent à appâter des internautes parfois peu friands de statistiques rébarbatives.
Le député genevois assure qu'il lui a suffi de se plonger dans les chiffres de l'Office fédéral de la statistique et les rapports fédéraux pour constater les manipulations qu'il dénonce.
L'UDC prend acte et nie en bloc
Du côté de l'UDC, on n'en démord pas, les chiffres utilisés sont "corrects", à en croire Claude-Alain Voiblet, le président du groupe UDC Lausanne. L'élu communal estime que de toute façon, toute statistique peut toujours être présentée de façon à valoriser tel ou tel point de vue, l'important étant moins les chiffres en eux-mêmes que la manière dont ils ont été obtenus et utilisés.
Et l'UDC vaudois de renvoyer la balle à l'expéditeur en estimant que c'est Antonio Hodgers qui "adapte" les chiffres de l'OFS à sa vision.
Bien que franchement accusateur, le site du Vert genevois ne risque pas trop de s'attirer les foudres des agrariens. "De telles attaques, l'UDC en subit de toutes sortes", relève Claude-Alain Voiblet, qui précise que le parti se contentera une fois de plus de simplement "prendre acte".
Jérôme Holzer pour la RSR
"Deux habits pour un squelette"
L'initiative «pour le renvoi des étrangers criminels» sera sans doute acceptée le 28 novembre. En associant criminalité et étrangers, l'UDC joue la paire gagnante.
Passé l'effet de purgation des émotions et des passions, cet article constitutionnel ne satisfera pourtant ni le droit ni la raison. Il sera souvent inapplicable: sans accords de réadmission signés avec les pays d'origine, les renvois sont impossibles. Ils ne sont pas exécutables non plus lorsque les papiers du délinquant n'existent pas, ou sont faux. Reste la poudre aux yeux, l'illusion de pouvoir démêler un sac de nœuds avec des incantations.L'excessive proportion de ressortissants étrangers peuplant les prisons helvétiques n'est pas un fait contestable. Il y a un réel problème de surreprésentation des immigrés dans les statistiques de la criminalité. Les communautés étrangères du pays, dont la grande majorité des membres respecte les lois helvétiques, ne sont pas les dernières à en souffrir. Mais comment leur expliquer, le 28 novembre au soir, le grand écart de la Constitution? La Charte fondamentale affirme que «tous les êtres humains sont égaux devant la loi» et que «nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine». Or, l'initiative, qui prône l'automaticité des renvois, vise à légitimer deux régimes juridiques distincts, pour les Suisses et pour les étrangers. Deux? Même plus, si l'on s'en tient au texte: une femme de ménage au noir pourrait être renvoyée, mais pas un escroc de la trempe d'un Madoff! Le contre-projet a au moins le mérite d'établir une liste cohérente des délits passibles du retrait de l'autorisation de séjour, et d'«harmoniser» les pratiques cantonales du renvoi aujourd'hui disparates. Le contre-projet veille au respect des engagements internationaux du pays et du principe de la proportionnalité. Mais comme l'initiative, il confond Constitution et Code pénal. Il ne propose qu'une tenue juridiquement convenable à l'Etat de droit réduit à un état de squelette.
Edito de Louis Ruffieux dans la Liberté
L'initiative de l'UDC serait difficile à appliquer
L'initiative de l'UDC soumise au vote le 28 novembre n'est pas applicable telle quelle. Principal obstacle? Le renvoi automatique des étrangers condamnés est contraire au droit international et au principe de proportionnalité. Et l'application de l'initiative serait incompatible avec l'Accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE. A Fribourg, Patrick Pochon, chef du Service de la population et des migrants, explique pourquoi le canton n'expulse que 5 à 8 personnes par an.
La campagne sur l'expulsion des délinquants étrangers, voulue par l'UDC au mépris des principes généraux du droit suisse et international, et désirée par le Conseil fédéral dans le respect de l'ordre juridique, soulève de nombreuses questions. Quelle est au juste l'attitude du Service de la population et des migrants (SPOMI) envers les criminels étrangers? Chef du service, Patrick Pochon répond sans détour.
«L'Hebdo» estime entre cinq et huit les renvois de délinquants décidés chaque année à Fribourg, alors que les tribunaux en condamnent des dizaines. Confirmez-vous ces chiffres?
Patrick Pochon: Je confirme, mais je précise. Présentés comme cela ils ne signifient rien. Nous prenons en compte les seuls cas où la condamnation est le motif unique, d'autres cantons annoncent tous ceux où elle s'ajoute à d'autres motifs. Nous comptons les personnes ayant un droit au séjour, soit les permis C, dont l'expulsion est décidée pour la seule raison de leur condamnation. Et seulement dans les cas où la décision a été exécutée. D'autres cantons ajoutent les permis B et les étrangers en situation irrégulière et les renvois non exécutables.»Sur une année, nous examinons en gros dix révocations de permis C pour un motif pénal. Sept débouchent sur une décision de renvoi, deux ou trois seront remises en cause par les tribunaux supérieurs, ou ne seront pas exécutables pour des raisons pratiques. Les raisons de certaines décisions ne résident pas uniquement dans la condamnation pénale. Il peut s'y ajouter d'autres motifs: le manque d'intégration sociale ou la dépendance de l'aide publique par exemple.»En prenant en compte ces motifs de refus multiples, on arrive entre 22 et 25 révocations de permis C par an. A quoi s'ajoutent les permis B et les étrangers en situation irrégulière.
Mais quand même, cinq à huit, ça ne vous paraît pas faible?
Non. Nous recevons les jugements, et nous avons des juristes spécialisés qui pondèrent tous les éléments d'appréciation et les comparent avec la jurisprudence. Elle nous oblige à prendre en compte tous les éléments pour et contre le renvoi, en pesant l'intérêt public de la Suisse à expulser, et les intérêts privés de l'étranger et de ses proches à rester. Ce chiffre résume ces examens. Si le SPOMI décidait de l'augmenter, en fixant un quota ou en durcissant sa pratique, ses décisions ne passeraient pas les tribunaux supérieurs. On n'est pas là juste pour se faire désavouer.
Quels sont les aspects de la condamnation pris en compte?
Le premier, c'est la durée de la peine, qui mesure la gravité de la faute. A partir d'un an, le Tribunal fédéral estime qu'elle est assez grave pour justifier l'expulsion, même si la peine a été assortie d'un sursis. Le type de délit est aussi important. Un gros trafic de stupéfiants, la violence, un viol sont appréciés plus sévèrement.»Nous devons regarder encore d'autres éléments pour mesurer le danger que le condamné présente: les rapports psychiatriques, du Patronage, etc. Et bien sûr la situation du condamné, dans le cadre du principe de proportionnalité et du droit international, par exemple la Convention européenne des droits de l'homme, qui protège la famille. Dans un cas où nous avions prononcé l'expulsion d'un violeur condamné à trente-cinq mois de prison, le Tribunal cantonal a jugé que notre service n'avait pas assez tenu compte de l'évolution possible de la situation du recourant. Ce jugement nous oblige à prendre davantage cet aspect en considération à l'avenir.
A votre sens, qu'est-ce que l'acceptation de l'initiative de l'UDC changerait à votre pratique?
Dans un premier temps, certainement beaucoup: l'autorité n'aura aucune marge de manœuvre et devra renvoyer automatiquement dans les cas prévus par l'initiative. L'examen actuel n'aura plus lieu d'être. Le gros point d'interrogation sera l'attitude du Tribunal fédéral qui pourrait prendre en compte les principes généraux du droit sur recours et «tirer» les décisions vers l'ordre juridique. Contre l'avis du peuple qui, s'il accepte l'initiative, dira clairement qu'il ne veut pas de ça.»Le contre-projet, préservant notre capacité d'examen, ne changerait pas fondamentalement la pratique, mais donnerait une impulsion claire vers plus de sévérité et une pratique harmonisée entre les cantons. C'est une impression, à vérifier dans les faits.
Et que fera-t-on alors des délinquants qui doivent être renvoyés mais qui ne peuvent pas l'être?
Ce qu'on fait maintenant, car nous avons déjà des décisions bloquées. Il y en aura simplement davantage. Si l'Etat de destination refuse de reprendre ses ressortissants, ce qui est le cas de nombreux pays africains, le renvoi forcé restera impossible. Restera la possibilité de tenter d'inciter d'une manière ou d'une autre les condamnés à accepter leur renvoi. C'est un peu tout ce qu'on pourra faire, et c'est une gageure.
Propos recueillis par Antoine Rüf dans la Liberté
L'ombre de James Schwarzenbach
Il avait lancé quatre initiatives contre la surpopulation étrangère dans les années 70. Aujourd’hui, ses thèses sont remises au goût du jour par l’UDC. Mais les différences entre les deux mouvements et les deux époques sont plus importantes que les similitudes.
Zurich n’aura pas sa rue James-Schwarzenbach (1911-1994). La proposition émanait des Démocrates suisses, désireux d’honorer le conseiller national, dont le principal titre de gloire fut de déposer dans les années 70 quatre initiatives contre «la surpopulation étrangère». La plus connue fut rejetée de justesse le 7 juin 1970, par 54% des votants.
Le Conseil de ville de Zurich a refusé plus sèchement la proposition de baptiser une rue au nom de James Schwarzenbach, par 114 voix contre une, mais l’UDC a trouvé l’idée «pas tout à fait antipathique».
C’est un euphémisme. Le programme pour les élections nationales de 2011, élaboré par l’idéologue de l’UDC Christoph Mörgeli, pourrait avoir été écrit par James Schwarzenbach. Il y est question de la «surpopulation étrangère de la Suisse» (Ueberfremdung), mais aussi de craintes qui occupaient déjà le patricien zurichois des années 70: le bétonnage de la Suisse, la pénurie de logements abordables pour les petites gens.
Lire la suite de cet article de Jean-Claude Péclet dans le Temps