mardi 6 septembre 2011

Huit requérants curent les forêts lausannoises

Depuis hier et pendant trois mois, huit migrants encadrés par l’EVAM participent à un programme d’occupation de la ville de Lausanne.

Lausanne compte deux forêts, trois rivières et 1382 requérants d’asile. Encadrés par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), huit d’entre eux videront les forêts de Sauvabelin et du Bois-Mermet de leurs déchets, et dégageront le lit du Flon, de la Louve et de la Vuachère durant trois mois. Employés vingt heures par semaine, soit à mi-temps, les requérants toucheront une indemnité de 300 francs versées par la ville.

«Nous organisons beaucoup de programmes d’occupation plus courts à Lausanne et dans d’autres communes, indique Emmanuelle Marendaz Colle, chargée de communication de l’EVAM. L’intérêt de celui-ci est sa durée et la possibilité qu’il se pérennise.» C’est le cas à Moudon et à Payerne, où des migrants ont pu travailler jusqu’à une année entière auprès des employés communaux. A Payerne, un migrant s’est même vu proposer un remplacement de durée déterminée à l’issue de cette année, atteignant ainsi un des buts visés par ces programmes d’occupation.

Autres objectifs des travaux d’utilité publique: favoriser l’intégration des requérants au sein de la population locale et les sensibiliser à la question du développement durable. «Beaucoup de migrants viennent de pays où la notion de tri n’existe pas», conclut Emmanuelle Marendaz Colle.

Cécile Collet dans 24 Heures

La chasse aux Noirs fait rage en Libye

Plus d’un millier de migrants africains sont bloqués dans un port à l’abandon près de Tripoli. Confondus avec les mercenaires, ils risquent la mort.

Photo: Olivier Vogelsang

Ils sont Togolais, Nigérians, Sénégalais ou Maliens. Comme les vieux bateaux dans lesquels ils se sont installés, ils ont échoué ici, dans le port de Sayad, situé à une vingtaine de kilomètres de Tripoli. Après avoir fui les combats, ils luttent aujourd’hui pour leur survie. Accusés d’être des mercenaires à la solde de Kadhafi, ces travailleurs noirs africains ont été menacés, brutalisés et entièrement dépouillés. Ils sont plus d’un millier à être restés à quai.

Photo: Olivier Vogelsang Balthazar est arrivé dans cette ancienne garnison italienne il y a trois semaines. Comme bon nombre de ses compagnons de galère, ce Nigérian de 23 ans a élu domicile à l’ombre de la coque d’un bateau. Impossible de respirer à bord des rafiots, les températures frisent les 50 degrés. Il y a peu, Balthazar était employé comme manutentionnaire dans le port de la capitale libyenne. Il y travaillait depuis quatre ans. Avec la révolution, sa vie a basculé. Il a perdu son job, avant de se faire chasser de sa maison. «Des hommes armés ont débarqué chez moi en plein après-midi. Ils m’ont dit qu’ils ne voulaient plus de nous ici. Ils m’ont pris mes affaires, mon argent, mon téléphone portable et m’ont dit de dégager», ra conte le jeune homme qui avoue se sentir plus en sécurité ici – malgré des conditions de vie inhumaines – qu’en ville. «Nous devons quitter la Libye, mais nous n’avons plus rien et surtout nulle part où aller!» Rentrer au pays? Impensable, rétorque le jeune homme. «On a besoin de travailler! Qui va nourrir nos familles? Qui va leur envoyer de l’argent tous les mois?»

Avant la guerre, la vie n’était pas tous les jours facile, «on n’était pas toujours payés, mais on n’a jamais été menacés de mort. Aujourd’hui, ils sont sûrs que tous les Noirs sont des mercenaires. Et on a beau leur dire qu’on n’a rien à voir avec ces gens-là, ils ne nous croient pas!»

Photo: Olivier Vogelsang

Pas de bateau

En rejoignant Sayad, certains réfugiés comme John, un Togolais de 35 ans qui partage un bateau avec 25 camarades depuis deux mois, imaginaient pouvoir s’enfuir en Europe par la mer. John a vite déchanté. «Regardez autour de vous! Il n’y a aucun bateau en état de naviguer. Et aucun d’entre nous ne serait capable de s’orienter au milieu de la Méditerranée. Prendre la mer, c’est la mort assurée. En restant ici, on a peut-être une chance d’obtenir de l’aide.» Wallas, son jeune frère de 28 ans, précise que le Vieux-Continent n’est pas un but en soi. «Le Japon me conviendrait aussi! Ce que nous voulons, c’est aller dans un pays où on pourrait travailler pour gagner notre croûte sans risquer notre peau, c’est tout.» L’assemblée qui assiste à la conversation approuve à l’unanimité.

Photo: Olivier Vogelsang

Menacés toutes les nuits

«Toutes les nuits, on est agressés ici. Des hommes viennent avec leurs kalachnikovs, ils tirent en l’air, ils nous menacent et violent nos femmes…» Silence. En face, Ayad est assise au bord du quai. La jeune Malienne de 22 ans regarde dans le vide. Elle n’a pas envie de parler. A ses pieds, une casserole et la tête d’une vache envahie par les mouches. Comme la centaine de femmes condamnées à survivre dans ce camp, elle va tenter une fois de plus l’impossible pour faire bouillir la marmite. Tandis que, trois cents mètres plus loin, devant le bâtiment de béton qui sert de dispensaire aux humanitaires de Médecins sans frontières (MSF), seule ONG à porter secours actuellement à ces réfugiés, la file d’attente ne cesse de grossir. A l’intérieur, deux médecins et une psychologue enchaînent les consultations. Nous ne pourrons pas les rencontrer. L’urgence est ailleurs. Et elle saute désespérément aux yeux.

Des envoyés spéciaux de 24 Heures Yannick Van der Schueren (textes) Olivier Vogelsang (photos)

Droit d'asile: amendes confirmées pour une manif non autorisée

Le 10 décembre 2010, sept militants du droit d’asile menaient une action symbolique à l’entrée du Service cantonal de la population (SPOP) à Lausanne. Allongés sur le sol, ils entendaient protester contre la politique actuelle en matière de renvois (notre édition du 11 décembre 2010). Suite à ce rassemblement, qui s’était déroulé sans incident, les participants s’étaient vu infliger une amende pour manifestation non autorisée.

Saisi du recours de deux des manifestants, le Tribunal de police lausannois vient de confirmer cette sanction, en se basant sur le règlement municipal de police. Ce dernier oblige les organisateurs d’une manifestation à solliciter un accord préalable des autorités. Les sept militants devront s’acquitter d’une amende d’environ 150 francs. Quant aux recourants, ils écopent en sus des frais de justice (400 francs chacun).
Jeudi dernier, face au juge Alexandre Feser, ils ont tous deux invoqué la liberté d’expression et «le droit inaliénable de manifester». «J’estime aussi que, s’il y a urgence, on peut faire des actions spontanées», a déclaré Florence*. Le fait que cette action est restée «très circonscrite» a par ailleurs été souligné. Un témoin a confirmé à ce propos que les participants n’avaient pas empêché l’accès au bâtiment du SPOP.

Deux policiers étaient arrivés sur place après une demi-heure, sans pour autant intervenir. «Ils ne nous ont pas demandé de quitter les lieux», a précisé Florence. Ce n’est qu’après avoir quitté les abords du SPOP que les participants avaient été rattrapés par trois voitures de police et une dizaine d’agents. Les photos de cette interpellation ont pourtant été versées à leur dossier, ont raconté les recourants, dénonçant «une stratégie de dissuasion» de la part de la police.
A l’annonce du verdict, les militants ont, dans un communiqué, exprimé leur inquiétude face à «un durcissement général contre les mouvements de protestation».

Arnaud Crevoisier dans le Courrier

* prénom d’emprunt