vendredi 4 décembre 2009

Un mufti appelle à manifester

«Affronter notre peur de l’islam»


La Mezquita de Cordoue, d’abord mosquée, aujourd’hui cathédrale. (AFP)

La Mezquita de Cordoue, d’abord mosquée, aujourd’hui cathédrale. (AFP)

Pour le jésuite, théologien et archéologue Jean-Bernard Livio, notre crainte face à l’islam vient en partie de ce que nous sommes peu au clair avec nos valeurs chrétiennes et avec la place de la spiritualité dans nos vies

Le Temps: Quelle leçon tirez-vous
de l’acceptation de l’initiative sur les minarets?

Jean-Bernard Livio: C’est un événement grave pour la Suisse. Mais paradoxalement, c’est peut-être une chance. Car cela va obliger à prendre en compte les peurs qui se sont exprimées lors de ce vote. Jusqu’ici, ni les politiques, ni les responsables religieux, ni les faiseurs d’opinion, ni les médias n’ont jugé nécessaire d’analyser ces peurs.

– Mais comment affronter ces peurs?

– Il faut d’abord les entendre, les approfondir. La présence de plus en plus forte de l’islam en Suisse change le paysage global. Comment? Que disent nos valeurs démocratiques à ce sujet? Comment peuvent-elles nous aider à négocier ces changements? Ce sont les questions auxquelles nous devons tous répondre, communautés musulmanes comprises.

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Christophe Darbellay sous le feu de la critique


Christophe Darbellay est bien seul. Son parti ne veut pas de sa motion contre la burqa. (Keystone)

Christophe Darbellay est bien seul. Son parti ne veut pas de sa motion contre la burqa.  (Keystone)

Burqa, cimetières: les propos tenus par le président du PDC après le vote sur les minarets ont mis le feu aux poudres. Le Valaisan a-t-il, une fois encore, parlé trop vite?

Au parlement fédéral, les démocrates-chrétiens sont plongés dans l’embarras. «Aucune motion sur la burqa ne sera déposée au nom du PDC», assure le chef du groupe, Urs Schwaller. Mais le président du parti, Christophe Darbellay, déposera malgré tout, en son nom propre, une intervention parlementaire à ce sujet. «J’ai promis d’agir avant la fin de la session (ndlr: elle se termine le 11 décembre)», prévient-il. «Je vais donc le faire, en attendant que le courage renaisse chez ceux qui étaient d’accord avec une interdiction de la burqa la semaine passée.» Sous-entendu au PDC.

Comment le PDC, justement, en est-il arrivé là? Christophe Darbellay, habitué aux déclarations chocs, a-t-il «une fois encore» parlé trop vite, comme le lui reprochent des collègues? De toute évidence, les propos tenus par le Valaisan depuis la votation sur les minarets ont mis le feu aux poudres. Lundi, le conseiller national, désireux d’«apporter des réponses à un vote qui ne découle pas uniquement de l’ignorance», annonçait à grand fracas le prochain dépôt, par le PDC, de toute une série d’interventions touchant à l’intégration des musulmans (LT du 01.12.2009). Christophe Darbellay – qui a déjà interpellé le Conseil fédéral en 2006 à ce propos – évoquait notamment une interdiction de la burqa. Avant de se voir reprocher, sous la Coupole, de sauter dans le train en marche.

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Eric Besson veut s'attaquer au "supermarché de l'asile"


PARIS — Dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine, Eric Besson entend s'attaquer à ce qu'il appelle un "supermarché de l'asile en Europe", s'attirant les critiques des associations qui l'accusent de vouloir décourager les réfugiés d'arriver en France.

Pour le ministre qui s'exprimait au retour d'un voyage dans les Balkans, de lundi à mercredi, "il y a une montée évidente de candidats à l'émigration qui, tactiquement, passent par le droit d'asile". "Si on veut défendre cette tradition (du droit d'asile, ndlr), on ne peut pas accepter cette dérive", a-t-il déclaré à un journaliste de l'AFP.

"En mettant fin au supermarché de l'asile en Europe, nous protègerons mieux les personnes persécutées et nous lutterons plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine", a dit M. Besson.

Observant qu'il y a une "très forte croissance de la demande" d'asile et une "croissance du détournement de la procédure", le ministre a affirmé: "c'est une catastrophe absolue pour la tradition d'asile et pour l'espace Schengen" de libre circulation au sein de l'Union européenne.

"L'Ofpra (Office de protection des réfugiés et apatrides) et la CNDA (commission nationale du droit d'asile) sont bien armés, si tel était le cas, pour parer à d'éventuelles fraudes", a répondu France Terre d'Asile (FTA).

Mercredi à Pristina, M. Besson ne s'est pas privé d'exprimer son sentiment devant les autorités du Kosovo lors de la signature d'un accord de "réadmission" des ressortissants de ce pays en situation irrégulière en France.

Le ministre n'envisage pas une modification immédiate de la loi. Mais "ce n'est pas un engagement pour l'avenir" en raison d'une croissance constante de la demande, prévient-il.

Avec 42.599 demandes déposées en 2008, soit une hausse de 19,9% par rapport à 2007, la France est redevenue en 2008 la première destination des demandeurs dans l'Union européenne, selon l'Ofpra.

En deuxième position, la Grande Bretagne a reçu 25.930 demandes qui se sont traduites par 7.3OO réponses favorables.

Se réappropriant l'argument du "détournement" utilisé par M. Besson, l'ONG Amnesty International accuse le ministre de vouloir "détourner" les réfugiés en les empêchant d'arriver dans un pays de l'UE pour y déposer leur demande d'asile.

M. Besson "est le champion de la défense de Frontex (l'agence européenne de surveillance des frontières); il cherche à détourner les demandeurs d'asile" grâce à des contrôles au plus près des pays de départ ou de passage (Libye, Maroc, Mauritanie) pour que les refoulements soient de plus en plus en efficaces", a-t-elle dit.

"Il est de plus en plus difficile d'arriver à la procédure d'asile" parce que "des systèmes dissuasifs sont mis en place" aux frontières, a confirmé de son côté le directeur général de France Terre d'Asile (FTA), Pierre Henry.

Pour lui, la tentation de contourner la loi résulte de la fermeture des voies d'immigration régulière qui s'est traduite en 2008 par près de 30.000 reconduites à la frontière, un chiffre supérieur à l'objectif gouvernemental de 26.000.

Selon M. Henry, "il en va ainsi: plus vous bloquez le guichet de l'émigration régulière et économique plus il y aura des stratégies de contournement".

Pour illustrer son propos, il remonte aux années où des dictatures sévissaient encore en Europe (Espagne, Grèce, Portugal) sans provoquer d'importants flux des réfugiés.

Entre 1954 et 1974, le nombre de demandeurs d'asile était en moyenne de 5.O00. Les ressortissants de ces pays "ne prenaient pas le chemin du contournement" de la procédure "parce qu'il y avait l'émigration économique", dit-il.

Par ailleurs, Eric Besson a annoncé que les deux premières cartes de résident de 10 ans seront prochainement remises à deux ex-prostituées moldaves qui ont coopéré avec la police et témoigné lors du procès de la filière qui les a exploitées.

"J'ai demandé à la préfecture de police de leur délivrer dans les meilleurs délais possibles une carte de résident de 10 ans", a déclaré le ministre, saluant leur "courage" dans les locaux parisiens de l'Equipe d'action contre le proxénétisme (EACP), l'association qui les a soutenues.

Ces titres de long séjour rentrent dans le cadre de la circulaire du 5 février 2009 qui permet d'attribuer des cartes de séjour d'un an renouvelable pour les victimes des réseaux de traite humaine qui dénoncent à la police ceux qui les ont exploitées. Une carte de 10 ans est délivrée en cas de condamnation définitive.

"La circulaire n'était pas appliquée", a-t-on reconnu au ministère, ce qui explique que peu de femmes exploitées se soient insérées dans ce dispositif.

Des deux femmes, une seule était présente. Elle a expliqué son parcours, difficile même après sa sortie du réseau de proxénétisme. "J'ai témoigné (au procès), j'ai été très choquée que le proxénète ne prenne pas une grande peine de prison", a raconté Katia (le prénom a été modifié), 30 ans.

Selon l'avocat de l'EACP, la tête du réseau, qui achetait les jeunes femmes environ 3.000 euros et les revendait plusieurs fois, a été condamné en correctionnelle à 6 ans d'emprisonnement et a été libéré à mi-peine et expulsé.