jeudi 21 février 2008
Naturalisation: la Grande-Bretagne serre la vis
La Grande-Bretagne durcit encore un peu plus le ton contre l'immigration. La ministre de l'Intérieur, Jacqui Smith, a présenté mercredi une réforme pour rendre plus difficile la naturalisation britannique. «La citoyenneté doit se mériter», fait-elle valoir. «Nous devons être plus explicites en ce qui concerne les valeurs communes qui font de nous un pays et non pas une accumulation de personnes, ajoute Gordon Brown, le premier ministre. La citoyenneté n'est pas qu'un passeport, ce sont des valeurs.»
Après avoir eu une politique migratoire très libérale pendant les années 1990, la Grande-Bretagne resserre la vis depuis quelques années. Cela a commencé par l'instauration d'une cérémonie de remise de la citoyenneté en 2003. Puis, un examen obligatoire a été mis en place pour vérifier les connaissances de base de la société britannique des candidats à la naturalisation.
De plus, un nouveau système d'immigration à points va être introduit à la fin du mois. Les candidats à un visa britannique recevront des points en fonction de leur âge, de leur qualification, de leur provenance... Cette méthode, copiée sur les Australiens, cherche à ne faire venir que les personnes les plus jeunes et brillantes.
Mais le gouvernement de Gordon Brown veut franchir une étape supplémentaire. Jacqui Smith propose que la citoyenneté britannique ne soit désormais ouverte qu'à ceux qui parlent anglais, «travaillent dur et paient des impôts», respectent la loi et «contribuent à la vie de la communauté locale».
Plus droit aux aides sociales
En particulier, la ministre s'attaque au sujet très controversé de l'accès aux aides sociales: les immigrants n'y auront plus droit - à quelques exceptions près - jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur naturalisation. De plus, un fonds d'aide aux collectivités locales sera mis en place pour soutenir les villes qui font face à une hausse soudaine de l'immigration. Il sera financé par les frais de dossier des candidats à la citoyenneté britannique.
Enfin, le processus de naturalisation va être rallongé. Après la période habituelle d'un minimum de cinq ans de résidence au Royaume-Uni, le candidat recevra une «citoyenneté probatoire», qui sera confirmée après un minimum d'un an. Néanmoins, la demande de naturalisation pourrait être accélérée si le candidat est très actif dans la communauté, par exemple en tant que volontaire dans une association caritative.
Ces propositions n'en sont qu'au stade du «livre vert», la toute première étape parlementaire, et cela ne se transformera pas en loi avant l'année prochaine au plus tôt. Mais le ton, volontairement dur, est donné.
Le paradoxe est que les principales tensions de ces dernières années ont concerné l'afflux de migrants d'Europe de l'Est. Autant de personnes, parce qu'elles font partie de l'Union européenne, qui ne sont pas concernées par la plupart de ces nouvelles mesures.
Des gitans se font agresser au pistolet à peinture
Michel reste songeur devant sa caravane
abîmée, avec la fenêtre cassée. «Des gens
nous tirent dessus en passant depuis la
route et on ne nous prend pas au sérieux.»
RESTOROUTE DE LULLY
20 FEVRIER 2008
Jean-Paul Guinnard
«On nous tire dessus et les flics ne veulent même pas venir», se fâche Michel, l'un des gitans établis ces jours près du Restoroute Rose de la Broye, à Lully. Des mauvais plaisants leur ont tiré dessus, mardi soir, avec des pistolets à peinture. Ces armes factices, utilisées dans les compétitions de paintball, tirent des billes colorantes qui peuvent blesser.
En l'occurrence, les projectiles jaunes et orange ont endommagé cinq des 25 caravanes, causant des impacts et cassant une fenêtre. «On a appelé la gendarmerie, raconte Michel, mais ils ne voulaient pas venir. Il leur a fallu trois quarts d'heure pour arriver. Quand des gens se plaignent de notre présence ou qu'un de nos enfants vole un bonbon, ils viennent en dix minutes!» La police fribourgeoise conteste cette accusation. «Une patrouille est intervenue sur demande à 22 h 20, explique Hans Maradan, son porte-parole. Les gendarmes étaient en intervention à Chiètres, ils ont mis 20 minutes pour venir à Lully.»
Sur place, les agents ont constaté que la tension était vive. «On avait peur, confirme la femme de Michel. De l'intérieur de la caravane, le bruit ressemblait à de vrais coups de feux.» La police a fermé la bretelle d'accès au restoroute, depuis le giratoire, pour le reste de la nuit. Pour rassurer les gitans et pour éviter toute velléité de représailles contre des automobilistes. La police n'a pas retrouvé les tireurs de billes.
Michel n'en a presque pas dormi. «Quarante ans que je suis sur la route, dit-il, mais j'ai rarement vécu ça.» Il se demande pourquoi lui et ses amis, des «commerçants itinérants avec des patentes délivrées par Berne, bien connus dans la région», se font tirer dessus. Il a le sentiment que les gendarmes ne les ont pas pris au sérieux. «On n'a pas d'assurance, dit-il, et une caravane coûte 30 000 euros.»
Chez les voisins, le discours est différent. Ces Tziganes français ne sont pas les bienvenus au restoroute de la Broye. Les gitans mineurs n'y sont pas admis, pas plus qu'à la station-service attenante. «Nos enfants ne peuvent pas aller chez McDonald's et on nous refuse de prendre une douche», se plaint Michel. Gérant de Rose de la Broye, François-John Blancpain se refusait hier à tout commentaire. Les nomades se sont imposés sur la place au nord du restoroute, samedi passé, malgré la fermeture permanente des chemins d'accès. Les caravanes ont roulé sur les champs gelés pour y accéder. Après négociations avec la commune de Lully, ils auraient payé près de 1500 francs (10 francs par jour et par caravane) pour pouvoir rester jusqu'à vendredi.Le canton de Fribourg n'a toujours pas de place de stationnement pour les nomades. En 2007, le député Eric Collomb, de Lully, a interpellé le gouvernement à ce sujet. Une commission cantonale planche sur le problème.