La Conférence des Églises européennes (KEK) veut renforcer son action auprès des migrants et fait de 2010 une « Année européenne des Églises pour la migration »
Par-delà les frontières confessionnelles, le souci des migrants est devenu une priorité pour les Églises en Europe. Pour preuve, la Conférence des Églises européennes (KEK) – la plus vaste organisation œcuménique d’Europe, réunissant 124 Églises protestantes, anglicanes et orthodoxes – a décidé de consacrer l’année 2010 à promouvoir les droits des migrants et à rendre visible l’engagement des Églises à leurs côtés.
« Les migrants sont le témoignage du monde global dans lequel nous vivons, souligne Jean-Arnold de Clermont, qui achève son mandat à la tête de la KEK. Quand on parle de migration en Europe, la priorité est d’être garant de l’accueil que nous devons à ces personnes. »
Pour marquer l’inscription de cette cause au cœur de l’agenda des Églises, l’assemblée de la KEK, réunie à Lyon mi-juillet pour les 50 ans de la Conférence, a voté l’intégration en son sein de la Commission des Églises auprès des migrants en Europe (Ceme).
Le travail auprès des migrants devient ainsi le troisième pilier de la KEK, au même plan que le plaidoyer auprès des institutions européennes et le dialogue théologique entre les Églises. « Cette intégration va faciliter notre travail et donner plus de poids à l’engagement des Églises », se réjouit Doris Peschke, secrétaire générale de la Ceme.
"Nous sommes désormais à un carrefour"
Du travail, il n’en manquera pas pour les Églises… « Depuis plusieurs années, nous constatons une dégradation des conditions d’accueil en Europe, déplore Doris Peschke. Nous sommes désormais à un carrefour : l’Europe doit rééquilibrer la situation en faveur des migrants et des demandeurs d’asile. » Signe de cette Europe forteresse : la diminution drastique du nombre de demandeurs d’asile en Europe.
« Il est de plus en plus difficile d’atteindre le sol européen, condition nécessaire pour déposer une demande, souligne la responsable de la Ceme. Du coup, il y a aujourd’hui moins de demandeurs d’asile dans l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne que dans la seule Allemagne il y a dix ans. »
Les Églises d’Europe commencent aussi à prendre la mesure des transformations provoquées par la mondialisation dans le tissu ecclésial lui-même. « Pour les Églises minoritaires, comme les Églises protestantes italiennes, la transformation se fait sentir plus rapidement », souligne Alessia Passarelli, protestante italienne et présidente de la Fédération mondiale des étudiants chrétiens.
Cette diversité culturelle et confessionnelle croissante pose des questions inédites aux communautés.
Retisser l'unité dans un paysage ecclésial morcelé
« Quand des migrants arrivent dans une ville où il n’y a pas d’Église de leur confession, faut-il leur conseiller de changer de confession, ou les envoyer au culte à 50 km de chez eux, au risque que leur lien avec la communauté chrétienne se délite ? », interrogeait à Lyon un délégué finlandais, lors d’un atelier sur les migrations.
À ses côtés, un évêque luthérien russe partageait les difficultés de son Église. « Nous avons perdu 50 % de nos membres ces dernières années, confiait-il, intéressé d’apprendre comment ses fidèles pouvaient « conserver leurs liens avec l’Église à l’étranger ».
Les communautés chrétiennes de migrants, nombreuses et éclatées, ont aussi leurs propres défis. « Souvent elles louent les locaux des Églises locales pour leurs propres offices religieux, sans avoir de contact avec les chrétiens du lieu, note Doris Peschke. Nous devons aller plus loin, et ne pas limiter nos relations à la diaconie ou au service social. »
Mais comment retisser de l’unité dans un paysage ecclésial de plus en plus morcelé ? À la KEK, on sait que ce sera un enjeu des prochaines années. « L’éclatement des Églises de migrants ne facilite pas les choses, reconnaît June Becks, protestante d’origine indonésienne, responsable d’une association d’Églises de migrants aux Pays-Bas. Nous sommes divisés entre dénominations, mais aussi sur le plan culturel et ethnique. La seule chose que nous avons en commun – outre la foi – est d’être des migrants. Cela ne fait pas forcément une identité commune… »
Élodie MAUROT dans la Croix