Des associations de défense des droits de l’homme dénoncent une récente loi qui favorise le contrôle de papiers au faciès. L’Etat compte quelque 460 000 immigrés clandestins. Un article de Luis Lema dans le Temps.
Fin mars dernier, le corps de Robert Krentz était trouvé dans le sable du désert, près de sa voiture. Propriétaire d’un énorme ranch de 14 000 hectares au sud de l’Arizona, l’homme portait un revolver à la ceinture qu’il n’avait pas utilisé. Quelques jours plus tôt, comme il le faisait souvent, il avait alerté une «Border patrol» sur la présence d’illégaux mexicains et d’un possible trafic de drogue. Mais le «rancher» était aussi connu pour venir parfois en aide aux immigrants assoiffés et désespérés qui traversaient ses terres en direction du nord. Les derniers mots qu’avait entendus son frère juste avant la mort de Krentz, énoncés de la radio de son véhicule, étaient ceux-ci: Illegal alien.
La mort de Robert Krentz, dont les aïeuls avaient fondé le ranch au début du siècle dernier, a été l’épisode de trop pour les habitants de l’Arizona, un Etat qui sert de principal couloir de passage aux clandestins mexicains. Ils ont saisi leurs élus qui, à leur tour, ont élaboré une loi divisant aujourd’hui profondément les Etats-Unis. Désormais, la police locale aura le droit de contrôler les papiers de n’importe quel individu soupçonné d’être un clandestin, même s’il n’a pas commis d’autre délit. Les contrevenants risquent 6 mois de prison et des milliers de dollars d’amende. La loi, que vient d’approuver la gouverneure républicaine de l’Etat, Jan Brewer, a fait bondir les associations de défense des droits civiques, et les communautés hispaniques du pays. L’Arizona compterait quelque 460 000 immigrés clandestins, qui sont pratiquement tous Mexicains. Elle est, selon ses détracteurs, une invitation au racial profiling, le contrôle au faciès.
Etat «raciste»
En quelques jours, le débat s’est envenimé. Devant le Congrès de Phoenix, des manifestants ont dessiné sur le sol des croix gammées avec des haricots, symbole des paysans mexicains. D’autres crient à «l’apartheid». Le maire de Phoenix lui-même, le démocrate Phil Gordon, s’en est pris vivement à cette mesure qui, selon lui, risque d’envoyer en prison «les enfants et les retraités» qui ne disposent pas d’un permis de conduire (la plupart des Américains n’ont pas d’autre document d’identification). En Californie voisine, certains responsables appellent au boycott de cet Etat «raciste».
Face à cette avalanche de critiques, la gouverneure ne s’en laisse pas conter. Loin de croire aux menaces de boycott, elle se réjouit d’offrir aux futurs entrepreneurs un Etat «plus sûr». En une année, dit-elle, elle a envoyé cinq lettres à l’administration Obama pour qu’elle se penche sur ce problème. L’immigration est certes une matière qui tombe sous la compétence des autorités fédérales. Mais, depuis le meurtre de Robert Krentz, la presse locale détaille sur de pleines pages les «nuisances» très locales que provoquerait l’afflux de clandestins: meurtres, vols de voitures, drogue, kidnappings. A quoi s’ajoutent, note encore Loyd Eskildson, un professeur retraité qui se définit lui-même comme «un fier porteur du drapeau américain»: «Les pertes d’emplois pour les natifs américains, les écoles bondées, la perte de valeur des maisons «surhabitées», le bruit, les déchets et les coûts exorbitants des soins de santé.» «Ces illégaux ne sont plus intéressés par l’assimilation. Il n’est plus possible de fermer un œil et d’ignorer ces problèmes en Arizona.»
Réforme attendue
De fait, Barack Obama a décidé d’entrer de plain-pied dans la polémique en qualifiant la législation de l’Arizona de «malencontreuse» et en demandant au Département de la justice de vérifier qu’elle est conforme à la Constitution. Le président s’est, semble-t-il, résolu à lancer une réforme globale du système d’immigration dont on ne connaît pas encore les contours, mais qui pourrait passer par la légalisation d’une partie des 12 millions d’illégaux que compte le pays. Il est vrai que, jusqu’ici, les Latinos ont été déçus par le peu d’empressement de l’administration d’empoigner cette réforme. Or, les élections approchent, et le vote hispanique est primordial pour les démocrates…
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