lundi 7 février 2011

En Europe et ailleurs, le peuple sans papiers

Migrants venus d'Erythrée, d'Europe orientale, du Mali ou d'ailleurs, les résidents illégaux rejoignent le peuple des sans papiers, un peuple étrange qui ne figure sur aucune carte. En Europe, les chiens, les moutons, même les oiseaux ont des papiers. Pourquoi pas ces hommes et ces femmes?

Le 9 janvier 2011, La Voix du Nord titre À Norrent-Fontes, le préfet met le maire en demeure de raser le camp des Érythréens: "Dans une missive envoyée le 24 décembre, le préfet du Pas-de-Calais met en demeure le maire de Norrent-Fontes de « faire disparaître le campement » qui accueille depuis des années sur sa commune des Érythréens en quête d'Angleterre. Il invoque des raisons sécuritaires et sanitaires."

Le maire de la commune (1433 habitants au recensement de 2007) refuse d'obtempérer et engage des discussions avec la préfecture.

Un mouvement de soutien se développe. Le Haut Comité aux réfugiés de l'ONU se déplace, ce qui énerve certains: " ce sont bientôt toutes les tribus de l''Erythrée qui vont s'implanter dans notre Région!"

Le 30 janvier, jour de l'échéance fixée par le préfet, un cortège de 500 personnes, nombreux élus en tête, manifeste son soutien à la résistance du maire. Les organisateurs se réjouissent de cette réussite: "Et le moins que l'on puisse dire, c'est que dans ce combat de David contre Goliath, le petit village n'a pas à rougir, notamment au vu du soutien apporté. Car il était bien là l'enjeu de cette marche : montrer l'indignation des gens de tous bords, mais surtout la solidarité des élus de tout horizon, dans un secteur où la question des migrants fait dorénavant partie du paysage".

On en est là. Les tribus de l'Erythrée attendront encore un peu de voir si l'invasion de l'Artois se présente sous un jour favorable.

En ce même mois de janvier 2011, la Belgique voit se multiplier des demandes d'asile de Vrais Roms, faux Kosovars. "Le Kosovo n’est pas un pays candidat à l’UE , confirme Ivan Ivanov, directeur du European Roma Information Office (Erio). Les autres, comme la Serbie et la Macédoine, sont sous étroite surveillance de la Commission européenne pour le respect des minorités. Ce n’est pas le cas du Kosovo. Du coup, les Roms demandent l’asile en se revendiquant Kosovars et victimes de l’après-guerre." Effet miroir à l'infini: pourquoi les Roms, qui sont décidément un peuple de trop en Europe, ne seraient-ils pas aussi kosovars, après tout?

L'occasion de la tenue à Dakar du Forum Social Mondial a été saisie par des mouvements sociaux de lancer des caravanes qui ont cheminé à travers l'Afrique de l'Ouest pour venir interpeller les participants. Le peuple sans papiers a sa propre caravane, partie du point de rassemblement de Bamako.

En France, des collectifs de sans-papiers ont annoncé leur participation, dans la foulée de leur marche de Paris à Nice en mai 2010.

Partis de Paris fin janvier, ils racontent leur progression et leurs étapes en audio et en vidéo: Bamako: "[Même] les oiseaux, ils ont des papiers en Europe. Pourquoi les hommes n'ont pas de papiers en Europe?" , Nioro aux confins du Sahel.

Le vol Air France Paris-Bamako du 20 janvier a été le théâtre de graves incidents, un peu filmés et largement relatés, et suivis en direct sur internet.

Jeudi 20 janvier 2011, 19h23. "Une vingtaine de passagers ont été redescendus d'un avion ce soir, vol Air-France Paris Bamako, et sont actuellement dans les mains de la PAF (Police de l'Air et des Frontières) suite à une protestation dans l'avion contre une expulsion. Une partie d'entre eux sont allemands et rejoignaient la caravane jusqu'à Dakar dans le cadre du forum social.

Dans ce même vol se trouvait une personne enchaînée accompagnée par la police, qui tentait de résister. Les militants puis de plus en plus de personnes se sont levées, l'avion qui avait déjà décollé s'est trouvé contraint de repartir pour Charles de Gaulle et le commandant a demandé à ce que les personnes s'étant opposées à l'expulsion descendent de l'avion. Depuis ces vingt personnes (dont trois enfants) ont été conduites au commissariat. Visiblement le commandant de bord a préféré se débarrasser des personnes qui se sont manifestées plutôt que de s'opposer à l'expulsion."

Jeudi 20 janvier 2011, 20h46. "Selon la police (assaillie d'appels très polis - les allemands ont entendus les nombreux coup de fil, ndlr), ils sont toujours au poste mais on ne sait pas s'ils sont en garde à vue."

Jeudi 20 janvier 2011, 22h32. "Qui pourrait s'occuper de ces délinquants ? Ils sont parait-il de nationalité allemande, ont été interpellés lors de leur escale à Roissy et descendus de l'avion alors qu'ils étaient en route pour la caravane du Forum social de Dakar, pour être intervenus en soutien à un expulsé qui lui est parti avec l'avion ?"

Vendredi 21 janvier 2011, 00h19. "Leur libération (tous à priori) vient d'être annoncée il y a quelques minutes."

Vendredi 21 janvier 2011, 19h24. "C’est déjà la troisième fois, en l’espace d’une semaine, que des vols à partir de Paris sont retardés : vendredi passé, lors du vol AF946 à destination de Douala (Cameroun), des passagers se sont levés pour protester contre une expulsion. Quatre d’entre eux avaient été sortis de l’avion et ont dû subir un contrôle d’identité. Mercredi matin, plusieurs passagers ont refusé de prendre place dans l’avion de la Royal Air Maroc pour s’opposer à une expulsion. L’appareil est parti avec une heure et demie de retard, sans les deux prisonniers. Certains employés d’Air France se sont déjà prononcés en 2007 pour que cessent les vols d’expulsion de leur compagnie, jusqu’à présent sans succès."

Ces voyageurs indociles prennent pourtant des risques sérieux, ce que ne manque pas de leur rappeler une note "à ne pas jeter sur la voie publique" distribuée aux passagers par la Police de l'Air et des Frontières: "Le fait d'entraver (…) la navigation et la circulation des aéronefs en incitant les passagers à faire débarquer (…) l'étranger reconduit hors des frontières françaises (…) est un délit prévu (…) par le code de l'aviation civile. Ce délit sera puni d'une peine de 5 ans d'emprisonnement et d'une amende de 18000 euros. La tentative est punie de la même peine."

Un passager du vol s'est retrouvé en garde à vue pour avoir filmé l'expulsion.

Une autre passagère y a échappé, mais elle témoigne de son dégoût devant "« le savoir faire français en matière de maintien de l’ordre » prôné par MAM."

Martine et Jean-Claude Vernier sur MediaPart

Le Sénat français devrait réviser le projet de loi relatif à l'immigration

Les sénateurs devraient notamment éliminer les dispositions anti-Roms et garantir les droits des demandeurs d’asile.

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Une fillette rom assise sur sa valise à l'aéroport de la capitale roumaine Bucarest, peu après l'atterrissage de son avion en provenance de Marseille le 14 septembre 2010. Elle faisant partie d'un groupe de Roms roumains rapatriés à la suite d'une « Obligation de quitter le territoire français» (OQTF) délivrée par les autorités françaises.© 2010 Reuters

Le Sénat devrait supprimer les dispositions du projet de loi relatif à l'immigration qui sont incompatibles avec les normes des droits humains, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch dans une lettre ouverte aux sénateurs. Il est prévu que le Sénat reprenne le 8 février 2011 l'examen du projet de loi relatif à l'immigration présenté par le gouvernement, article par article. L'Assemblée nationale a approuvé le projet en octobre 2010.

Le projet contient des mesures qui semblent avoir été conçues pour être utilisées contre les Roms.  Par exemple, la loi permettrait aux autorités d'obliger un citoyen européen de quitter la France pour abus du système de protection sociale du pays, même si la personne n'a reçu aucune prestation de ce système.

« Après la campagne de l'été 2010 visant à démanteler les camps roms et à chasser les Roms hors de France, et compte tenu des déclarations de ministres du gouvernement autour du projet de loi, cette mesure constitue un risque réel », a déclaré Judith Sunderland, chercheuse senior pour l'Europe occidentale à Human Rights Watch. « Les Roms qui sont en France légalement pourraient en être chassés sur la simple hypothèse qu'ils pourraient un jour demander à bénéficier d'une aide sociale. Ceci est incompatible avec les obligations de la France aux termes du droit européen. »

L'examen par Human Rights Watch de documents portant l'obligation de quitter le territoire français, délivrées à des Roms roumains entre août et novembre 2010, a révélé qu'il s'agissait de formulaires virtuellement identiques, pré-remplis, sur lesquels les noms avaient souvent été rajoutés à la main. Les motifs avancés pour ordonner le départ des personnes concernées était qu'elles faisaient peser une charge déraisonnable sur le système de protection sociale. Mais aucun de ces documents ne contenait la moindre information personnalisée ni aucune preuve que la personne avait bénéficié d'une quelconque prestation, de quelque sorte que ce soit.

Confronté aux pressions de la Commission européenne, consécutives à la campagne à l'encontre des Roms à l'été 2010,  le gouvernement a intégré des amendements de dernière minute pour introduire des garanties procédurales explicites dans certains cas de reconduite aux frontières et d'expulsion, le but étant d'aligner la France avec les règles de droit européen relatives à la liberté de circulation.

« Les modifications de dernière minute ne changent pas le fait que la loi cible injustement les Roms », a déclaré  Judith Sunderland.  « Le Sénat devrait rejeter ces mesures discriminatoires. »

Human Rights Watch estime que ce projet de loi affaiblit aussi les droits des migrants et des demandeurs d'asile. Il élargirait les circonstances dans lesquelles le gouvernement pourrait maintenir des personnes dans les zones dites d'attente. Les personnes détenues dans ces zones ont moins de droits, même si elles demandent asile, et peuvent facilement être expulsées. Les recherches menées par Human Rights Watch en 2009 ont établi que les mineurs non accompagnés, maintenus dans la zone d'attente de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, sont exposés à des mesures d'expulsion rapides, y compris vers des pays qu'ils avaient seulement traversés lors de leur voyage vers la France.

Dans sa version actuelle, la loi permettrait aussi au gouvernement de détenir jusqu'à 19 mois des étrangers suspectés d'actes de terrorisme, y compris lorsqu'ils auraient eu gain de cause dans leur recours contre une mesure d'expulsion en faisant valoir qu'ils risqueraient d'être torturés ou d'être victimes de mauvais traitements s'ils revenaient dans leur pays d'origine. Human Rights Watch a déclaré  que les sénateurs devraient rejeter cette mesure, en infraction avec le droit à la liberté et, au contraire, améliorer les garanties procédurales du système existant d'assignation à résidence.

Outre l'amendement des dispositions problématiques contenues dans ce projet, les sénateurs devraient soutenir une proposition d'amendement qui garantirait aux demandeurs d'asile la possibilité de rester en France jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile,  l'arbitre final en matière de demandes d'asile, ait pu statuer en dernier ressort. Le droit à un recours suspensif est une garantie fondamentale contre le renvoi d'un réfugié potentiel vers la persécution, et la marque d'une procédure d'asile juste et crédible, a déclaré Human Rights Watch dans sa lettre. Human Rights Watch a fait campagne aux côtés d'Amnesty International France et de l'ACAT France (Action des chrétiens pour l'abolition de la  torture) en faveur de la réforme de la procédure prioritaire.

Human Rights Watch

Nouvel incendie sur le "camp des Afghans" à Cherbourg

Les pompiers de Cherbourg ont été appelés pour éteindre un incendie qui s'est produit peu après 13 h au « camp des Afghans» près du gymnase Nordez à Cherbourg.

camp afghan cherbourg

Trois tentes sur les quatre plantées à cet endroit ont été détruites. Actuellement , le camp accueille une vingtaine de réfugiés afghans. Aucun n'a été blessé. Une enquête est en cours pour déterminer les causes de ce sinistre, qui pourrait être accidentel. Cependant, ce nouvel incendie provoque la colère des réfugiés, tous des jeunes hommes d'une vingtaine d'années. Colère également pour les associations d'aide aux réfugiés . Ainsi, la présidente d'Itinérance, Claudie Rault-Verprey, s'insurge : « On n'aurait pas ce genre de problème si un lieu d'hébergement en dur existait pour ces réfugiés.»