Venus chercher de l’aide auprès de l’Eglise protestante vaudoise, des requérants africains ont subi des propositions déplacées d’un pasteur bénévole. Enquête exclusive signée Alain Walther dans 24 Heures.
Se rendre au Point d’Appui, c’est frapper à la bonne porte, lorsqu’on est un sans-papiers débouté – soit fragile et démuni.
Il y a trois ans, dans le vestiaire de ce sanctuaire de l’Espace multiculturel des Eglises à Lausanne, des Africains adultes ont subi les avances d’un bénévole, pasteur à la retraite. Proposition de massage dans la pièce d’à côté, paroles obscènes et déplacées… Deux hommes se sont sentis humiliés par le comportement du pasteur, au point qu’ils osèrent parler et faire part de leur désarroi à Cécile Ehrensprenger. A l’époque, la directrice du foyer d’accueil pour migrants à Vennes a jugé qu’«il était de son devoir professionnel de faire part à ces personnes de leurs droits, de leur expliquer comment porter plainte».
Trois ans plus tard, alors que les deux hommes sont maintenant tous deux titulaires d’un permis, l’un d’eux a parcouru le long chemin pour faire reconnaître son humiliation. C’est gagné: une plainte pénale est sur le bureau d’un juge d’instruction lausannois. La police a d’ores et déjà entendu les plaignants. C’est là le premier pas vers la reconnaissance du statut de victime. Quant au pasteur prévenu, il a été entendu par la police mais n’est pas inculpé pour l’instant.
Avant d’en arriver à une éventuelle confrontation devant un juge, tous les protagonistes auront connu déconvenues, déceptions et désespoir. Avertis de son comportement, les supérieurs du bénévole l’obligèrent à ne plus travailler seul au vestiaire puis, de façon plus radicale, à quitter le Point d’Appui. Du côté des personnes maltraitées, il a fallu comprendre que l’avocat proposé par l’Eglise protestante avait enterré le dossier. Un autre défenseur plus déterminé vint à la rescousse et les aida à déposer une plainte pénale.
A son domicile, le pasteur attend son heure – l’heure du pardon. «Sans me contrôler, j’ai glissé sur une voie que je n’aurais pas dû prendre.» Au téléphone, il explique que les mots crus furent «prononcés sur le ton de la rigolade, qu’il n’y eut aucune contrainte de sa part». Pourtant, le prévenu se dit coupable. «L’endroit où j’ai prononcé ces mots, le vestiaire du Point d’Appui, permet à la justice d’invoquer l’abus de la détresse.»
L’abus de la détresse frappe «celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d’un lien de dépendance fondé sur les rapports de travail ou d’un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d’ordre sexuel». Ce délit peut être puni d’une amende jusqu’à 3 ans de prison.
Aujourd’hui, attendant la décision du juge, le pasteur espère encore en la réunion que n’a jamais organisée le Conseil synodal. «J’aimerais rencontrer les victimes pour leur demander pardon. Pardon de les avoir atteintes dans leur dignité .»
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