Beda est venu au Grütli avec le Groupe Suisses- Etrangers de Moudon et région. Requérant d’asile ivoirien, il ne s’est pas laissé impressionner par la meute de photographes entourant Micheline Calmy-Rey. Muni de son petit appareil de photo, il s’est d’abord fait repousser par un garde du corps, mais la présidente de la Confédération l’a remarqué. «Elle m’a tendu la main, on s’est regardés dans les yeux et j’ai eu l’impression qu’elle me disait: on t’accueille à bras ouverts», raconte, sous le coup de l’émotion, le jeune homme de couleur. «Je n’aurais jamais pu approcher comme ça le président ivoirien, maintenant c’est sûr, la Suisse, c’est mon pays.»
Près de huitante personnes accompagnaient Beda dans son voyage. Des Moudonnois, suisses ou étrangers, ainsi qu’une bonne délégation de la Fareas. Pour soutenir la démarche de la présidente, pour se rendre sur la prairie mythique, ou simplement pour s’offrir une journée de détente.
Au petit matin, l’ambiance était bon enfant: Jacques, requérant camerounais, se lançait à haute voix dans l’hymne national… et s’arrêtait à la fin du premier couplet, comme la plupart des Suisses. Sur le bateau, Silvana, réfugiée kosovare, essayait de maîtriser sa peur: son dernier voyage sur l’eau était clandestin et très mouvementé. Mais l’occasion d’offrir une balade en Suisse à ses cinq enfants était trop belle pour s’en priver.
Sponsor aux anges
Sur le pont supérieur, Johann Niklaus Schneider-Amman, l’industriel qui finance avec Nicolas Hayek les frais de sécurité de la journée, découvre cette délégation avec étonnement: «Je ne sais pas comment ils ont fait pour obtenir 80 places. Mais la présence de tous ces gens à bord me réjouit. C’est un symbole de la vie de notre pays, de son système démocratique et multiculturel.»
L’arrivée au Grütli a réservé son lot de surprises: «J’imaginais quelque chose de grand, d’impressionnant», avouait Perparim, presque déçu. «Mais ce pâturage est justement ce qui fait que la Suisse n’est pas un pays comme les autres», lui répliquait Manuel. A l’ombre des sapins, le groupe a partagé un repas de midi composé de l’inévitable bratwurst, mais aussi de croquettes de morues et de tortillas. Tout un symbole qui a aidé à oublier la bouteille de Saint-Saph’ payée 46 francs sur le bateau.
«Voilà les Moudonnois!»
A la fin de la partie officielle, quelques membres du groupe ont approché la présidente pour lui remettre un cadeau. Les voyant arriver, l’ambassadeur Roberto Balzaretti, conseiller diplomatique de la présidente, lance: «Ah! Voilà les Moudonnois! Pas de problème, allez-y, tout le Conseil fédéral vous connaît.» Et de faire signe au service de sécurité qu’ils pouvaient laisser passer. La présidente de la Confédération a aussi immédiatement reconnu ceux qu’elle avait côtoyés lors de sa rencontre avec la population vaudoise en avril dernier. «Et j’ai croisé vos bus décorés sur l’autoroute ce matin», a-t-elle encore ajouté avant d’être happée par la foule.
Sur le chemin du retour, les échanges d’anecdotes et de photos allaient bon train. Mais seul Beda pouvait se vanter de posséder sur son appareil une photo en très gros plan de Micheline Calmy-Rey: «Elle a vraiment pris la pose pour moi. Je n’en reviens toujours pas!»
SYLVAIN MULLER GRÜTLI | 01 Août 2007 | 23h48 pour le quotidien 24 Heures
"Grütli sans crânes rasés et présidentes très applaudies" sur swissinfo
"Calmy-Rey prône l'intégration au Grütli" sur la TSR