lundi 5 janvier 2009

Rappel de la lutte de En 4 Ans On prend Racines

LE TEMPS - REGIONS
http://www.letemps.ch/template/regions.asp?page=7&article=247208

A Lausanne, une action similaire avait porté ses fruits

Des requérants avaient occupé l'église de Bellevaux en 2001 durant 125
jours. L'association qui les avait soutenus s'est dissoute récemment.

Laurent Caspary
Lundi 5 janvier 2009

A Zurich, environ 150 sans-papiers ont occupé jusqu'à ce dimanche le
Predigerkirche depuis le 19 décembre. Ils voulaient attirer l'attention
du public sur leur situation précaire en occupant ainsi un lieu
symbolique où l'on imagine mal la police entrer en force. La méthode est
connue et a fait ses preuves, dans le canton de Vaud notamment. A
Lausanne, sympathisants, militants et anciens requérants d'asile se sont
d'ailleurs récemment réunis dans l'église de Bellevaux, théâtre d'une
«occupation» de 125 jours en 2001 qui a donné une visibilité importante
à un mouvement tout en marquant profondément la politique vaudoise
plusieurs années durant. Mais cette réunion était en réalité une ultime
fête. Celle de la dissolution de l'association En quatre ans on prend
racine, sur le constat d'une victoire importante: la régularisation de
l'immense majorité des requérants concernés par l'occupation.

En se dissolvant, les membres d'En quatre ans on prend racine ont ainsi
tourné une page de l'histoire politique et sociale du canton du Vaud.
L'association a joué sans le savoir alors le rôle de détonateur qui
allait déboucher sur plusieurs années de crise dans les relations entre
Berne et le Conseil d'Etat à travers ce qui était petit à petit et de
facto devenu «l'exception vaudoise».

«Sans En quatre ans on prend racine, il n'y aurait pas eu le mouvement
dit des «523» (nombre de requérants déboutés en 2004 suite à la
tentative du socialiste Pierre Chiffelle de régler la situation, ndlr),
c'était une continuité qui a permis de donner naissance au mouvement de
soutien aux sans-papiers», dit Yves Sancey, un des piliers de
l'association désormais dissoute. «Notre force, c'était d'avoir
l'émotion. Nous avons mis des visages sur les dossiers des requérants,
notamment grâce à une très forte médiatisation de l'occupation de
l'église de Bellevaux.»

Constat partagé par celui qui était de l'autre côté de la barrière.
Henri Rothen, chef du Service de la population (SPOP) a traversé avec
ses collaborateurs toutes ces années de crise en endossant bien malgré
lui le costume du fonctionnaire qui refuse les dossiers. «Ils ont gagné
une partie de la guerre de la communication, c'est sûr, dit-il
aujourd'hui. C'était des périodes difficiles car avec des arguments
émotionnels ils ont eu une partie de l'opinion publique de leur côté,
même si leurs slogans étaient parfois simplistes et leurs arguments pas
toujours corrects. De notre côté, on ne jouait pas sur le même terrain;
nous étions les garants de l'Etat de droit et devions rester très
institutionnels dans notre communication. Nous avons été traités de tous
les noms alors qu'au final, nous sommes tout de même le canton de Suisse
qui a obtenu le plus de régularisations.»

En se dissolvant, En quatre ans on prend racine donne-t-elle le signal
que la question de l'asile est désormais pacifiée? Bien au contraire,
rétorque Yves Sancey. La lutte continue via la Coordination
asile-migration qui tente de «décloisonner» le monde des requérants
d'asile et celui des sans-papiers. «Ces gens subissent les mêmes
violences d'Etat.»

Entre besoin de main-d'œuvre et peur de l'étranger, une contradiction durable

Lu dans le Temps un article de D.S. Miéville

LIBRE CIRCULATION. C'est quand la Suisse était la seule maîtresse de ses frontières qu'elle les a le plus largement ouvertes, à l'époque où était encore en vigueur le statut de saisonnier. Analyse. 

La question de la libre circulation des personnes, au-delà de ce qu'elle doit à la controverse spécifique sur la politique européenne et aux problèmes internes de l'UDC, plonge ses racines dans une contradiction qui a marqué et continue à marquer la vie politique suisse depuis le début des années 60, entre la soif de main-d'œuvre étrangère de l'économie et la peur de la surpopulation étrangère dans une large partie de la population. 
L'évolution du statut de saisonnier, les initiatives xénophobes, la politique d'asile, la politique européenne et notamment la libre circulation des personnes, voilà autant de dossiers qui s'inscrivent, directement ou indirectement, entièrement ou partiellement, dans cette continuité. La Suisse a besoin des travailleurs étrangers, mais en même temps elle redoute les immigrants et s'évertue depuis plus de trente ans à en endiguer et à en contrôler le flot. 
Endiguer le flot 
Endiguer et contrôler le flot, c'est bien ce que veulent les adversaires de la libre circulation, qui considèrent que la votation du 8 février représente la dernière occasion, politiquement si ce n'est formellement, de refuser l'ouverture des frontières qu'implique à long terme, une fois toutes les réglementations transitoires arrivées à échéance, la mise en œuvre pleine et entière de la libre circulation des personnes. L'UDC s'était déjà opposée, vainement, en 2005 à l'extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l'UE. Elle s'est résignée à la défaite ou en tout cas fait mine de se résigner, à cette défaite. Mais les deux nouveaux candidats sont à de nombreux égards exemplaires comme repoussoirs, avec une forte différence de niveau de vie, de culture et de culture politique, un niveau élevé de corruption, ainsi qu'un problème tout à fait spécifique avec la communauté rom en Roumanie, au point qu'ils suscitent une solide méfiance à l'intérieur même de l'UE. 
L'UDC anticipe une défaite sur l'extension à la Bulgarie et à la Roumanie comme une sorte de blanc-seing à toutes les extensions futures. Il sera en effet difficile d'effrayer la population avec les candidats admissibles dans un avenir prévisible, comme la Croatie, par exemple, dont il faut rappeler que, contrairement à la Bulgarie et à la Roumanie, elle faisait partie, il y a encore nonante ans, du même univers politique et culturel que le nôtre, puisque intégrée dans l'empire austro-hongrois. 
Doublement inacceptable 
L'extension de la libre circulation à la Bulgarie et à la Roumanie est pour la majorité de l'UDC doublement inacceptable, dans la mesure où elle entre en résonance avec le renforcement de l'intégration à divers titres et des pressions de l'UE, en particulier dans le domaine de la fiscalité. Il y a là l'occasion non seulement de poser un verrou à l'immigration, mais encore de donner un coup de frein à l'intégration, après une série ininterrompue de défaites pour les adversaires de l'Europe, qui ont d'autant plus mal pris le paquet ficelé par les Chambres qu'il les privait d'une campagne simple et ciblée contre les seuls Bulgares et Roumains. 
S'agissant de l'immigration, il y a tout de même un formidable paradoxe dans l'attitude des milieux nationalistes à propos de la libre circulation. C'est bien l'intégration européenne qui a rétréci le cercle des immigrants aux ressortissants des pays européens plus les USA et le Canada et c'est bien à l'époque où la Suisse était la seule et unique maîtresse de ses frontières qu'elle les a largement ouvertes à l'immigration balkanique, et dans une moindre mesure turque, que dénonce aujourd'hui de la façon la plus virulente l'UDC. Une immigration largement nourrie par le statut de saisonnier, qui aura marqué, jusqu'à la fin des années 80, la politique suisse de la main-d'œuvre. 
Engagés pour neuf mois avec l'interdiction de faire venir leur famille et de changer d'employeur, entassés dans des baraquements, les saisonniers, italiens d'abord, puis espagnols, portugais et balkaniques, attendaient le sésame, le permis B qui leur était accordé au terme de quatre saisons effectuées en Suisse. 
Depuis la fin de la dernière guerre, le recrutement de la main-d'œuvre étrangère s'est progressivement élargi du plus proche au plus lointain. En 1948 un accord est signé avec l'Italie. En 1961 suit un accord avec l'Espagne. En 1964, un nouvel accord avec l'Italie prévoit la conversion du permis de saisonnier en permis B et accélère le regroupement familial pour les porteurs de permis B. 
Reprise durant les années 80 
Après un ralentissement de l'immigration dans les années 70, dû aux effets de la première crise pétrolière en 1974, celle-ci reprend de plus belle dans les années 80. La zone de recrutement s'élargit alors au Portugal, à la Turquie et aux Balkans. En 1991, le Conseil fédéral adopte la politique dite des trois cercles (Europe - Canada, Etats-Unis et Europe de l'Est, reste de la planète). Les Yougoslaves, et parmi eux les Kosovars, ainsi que les Turcs basculent dans le troisième cercle. Ils ne peuvent plus venir comme saisonniers et ceux qui n'ont pas accompli quatre saisons en Suisse perdent tout espoir d'obtenir jamais un permis B. Nombre d'entre eux, et notamment les Kosovars, au moment où la répression s'accentue chez eux, se transforment alors en demandeurs d'asile. En 1998, le système des trois cercles est remplacé par une séparation du monde en deux: d'un côté l'UE, les Etats-Unis et le Canada, de l'autre le reste de la planète. 
L'un des arguments majeurs des adversaires de la libre circulation des personnes est que la Suisse n'a nul besoin d'un tel accord pour obtenir de la main-d'œuvre étrangère dont elle a besoin en faisant appel à qui elle veut comme elle veut. Si l'on admet que même cet exercice de pleine souveraineté nécessite un minimum d'organisation, il vaut la peine de rappeler les gémissements des différents acteurs du monde économique à l'époque où la Suisse n'avait effectivement pas besoin d'accords internationaux pour faire venir des saisonniers. C'était la grande foire d'empoigne pour la répartition des contingents de travailleurs étrangers, jamais suffisants, avec tout ce que cela suppose d'attentes déçues, de retards, de goulets d'étranglement et de rigidités et en fin de compte de frein à la croissance. 

Les sans-papiers zurichois déménagent dans une autre église

Lu dans le Temps

ZURICH. Les occupants ont quitté la Predigerkirche pour migrer vers l'église Saint-Jacques. Une délégation rencontre aujourd'hui le Conseil d'Etat. 

Les sans-papiers qui occupaient une église en ville de Zurich ont déménagé dimanche dans une autre église. Ils pourront y rester jusqu'à mercredi soir. Quelque 60 à 70 sans-papiers ont migré vers l'église Saint-Jacques, a indiqué dimanche le collectif de soutien. Cela correspond à une petite moitié des 150 personnes qui avaient pris leurs quartiers dans la Predigerkirche le 19 décembre. Avant de partir, les occupants ont nettoyé le sol et les toilettes, a précisé le collectif. 
Lundi, une délégation des sans-papiers, emmenée par le président du conseil de paroisse Ruedi Reich, rencontrera le conseiller d'Etat Hans Hollenstein (PDC) pour une discussion. Celui-ci avait posé comme condition pour cette rencontre que la Predigerkirche soit évacuée. 
Samedi après-midi, les sans-papiers et leurs sympathisants ont manifesté à travers la vieille ville de Zurich. D'après le collectif de soutien, le défilé a rassemblé 2500 participants. La police les a quant à elle estimés à un millier. 
Par leur action, les sans-papiers et leurs sympathisants entendent attirer l'attention sur leur situation précaire et revendiquer de meilleures conditions de vie. Ils demandent notamment «une pratique plus humaine et non bureaucratique pour les cas de rigueur» ainsi qu'une levée de l'interdiction de travailler. Le collectif de soutien se dit convaincu que le conseiller d'Etat Hollenstein peut procéder à des améliorations rapides. 
Lors d'une conférence de presse du collectif, l'avocat Marc Spescha, spécialiste du droit d'asile, avait souligné samedi que le canton de Zurich avait renoncé jusqu'à présent à soumettre à la Confédération des demandes concernant des cas de rigueur. Des cantons comme Vaud ou Saint-Gall ont transmis l'année passée 300, respectivement 85 demandes de ce type, contre aucune pour le canton de Zurich. 

 

A Lausanne, une action similaire avait porté ses fruits 
Laurent Caspary 

Des requérants avaient occupé l'église de Bellevaux en 2001 durant 125 jours. L'association qui les avait soutenus s'est dissoute récemment. 

A Zurich, environ 150 sans-papiers ont occupé jusqu'à ce dimanche le Predigerkirche depuis le 19 décembre. Ils voulaient attirer l'attention du public sur leur situation précaire en occupant ainsi un lieu symbolique où l'on imagine mal la police entrer en force. La méthode est connue et a fait ses preuves, dans le canton de Vaud notamment. A Lausanne, sympathisants, militants et anciens requérants d'asile se sont d'ailleurs récemment réunis dans l'église de Bellevaux, théâtre d'une «occupation» de 125 jours en 2001 qui a donné une visibilité importante à un mouvement tout en marquant profondément la politique vaudoise plusieurs années durant. Mais cette réunion était en réalité une ultime fête. Celle de la dissolution de l'association En quatre ans on prend racine, sur le constat d'une victoire importante: la régularisation de l'immense majorité des requérants concernés par l'occupation. 
En se dissolvant, les membres d'En quatre ans on prend racine ont ainsi tourné une page de l'histoire politique et sociale du canton du Vaud. L'association a joué sans le savoir alors le rôle de détonateur qui allait déboucher sur plusieurs années de crise dans les relations entre Berne et le Conseil d'Etat à travers ce qui était petit à petit et de facto devenu «l'exception vaudoise». 
«Sans En quatre ans on prend racine, il n'y aurait pas eu le mouvement dit des «523» (nombre de requérants déboutés en 2004 suite à la tentative du socialiste Pierre Chiffelle de régler la situation, ndlr), c'était une continuité qui a permis de donner naissance au mouvement de soutien aux sans-papiers», dit Yves Sancey, un des piliers de l'association désormais dissoute. «Notre force, c'était d'avoir l'émotion. Nous avons mis des visages sur les dossiers des requérants, notamment grâce à une très forte médiatisation de l'occupation de l'église de Bellevaux.» 
Constat partagé par celui qui était de l'autre côté de la barrière. Henri Rothen, chef du Service de la population (SPOP) a traversé avec ses collaborateurs toutes ces années de crise en endossant bien malgré lui le costume du fonctionnaire qui refuse les dossiers. «Ils ont gagné une partie de la guerre de la communication, c'est sûr, dit-il aujourd'hui. C'était des périodes difficiles car avec des arguments émotionnels ils ont eu une partie de l'opinion publique de leur côté, même si leurs slogans étaient parfois simplistes et leurs arguments pas toujours corrects. De notre côté, on ne jouait pas sur le même terrain; nous étions les garants de l'Etat de droit et devions rester très institutionnels dans notre communication. Nous avons été traités de tous les noms alors qu'au final, nous sommes tout de même le canton de Suisse qui a obtenu le plus de régularisations.» 
En se dissolvant, En quatre ans on prend racine donne-t-elle le signal que la question de l'asile est désormais pacifiée? Bien au contraire, rétorque Yves Sancey. La lutte continue via la Coordination asile-migration qui tente de «décloisonner» le monde des requérants d'asile et celui des sans-papiers. «Ces gens subissent les mêmes violences d'Etat.» 

Un vrai asile de nuit ou des logements d’urgence?

Lu dans 24 heures
© GEORGES MEYRAT - A | Seule unité d’accueil à Nyon, ces trois lits – réservés aujourd’hui aux femmes – sont placés sous la responsabilité du Major Verena Keller.

MADELEINE SCHÜRCH | 05.01.2009 | 00:03

Le projet mijote depuis des mois mais peine à se concrétiser. L’idée de créer dans le district de Nyon un sleep-in, autrement dit une structure d’accueil de nuit d’urgence, a été lancée conjointement par l’Association sociale œcuménique de La Côte (ASOLAC) et l’Armée du Salut après un premier forum social organisé en septembre 2007. Les églises et des intervenants avaient alors constaté qu’il manquait dans la région de quoi prendre en charge des sans-abri ou des personnes en situation momentanée de détresse.

Le chef-lieu compte bien trois lits de secours, géré par l’Armée du Salut dans sa petite église de la rue Gaudin, mais ce modeste asile, ouvert à la demande, n’accueille que des femmes en difficulté financière ou psychologique, faute de place pour pouvoir séparer les sexes. La plupart y séjournent parfois des mois. A l’Esp’Asse, le Point Virgule, géré par Caritas, dispose d’une structure d’accueil, mais seulement de jour.

Cas rares, mais…

Certes, on ne voit pas, dans les rues nyonnaises ou glandoises, une population fixe de SDF, à l’exception des mendiants roumains importés à la journée de leur squat genevois. «Tout au plus quelques fêtards désargentés que l’on retrouve parfois dans une entrée d’immeuble. Les contrôles de papier ne révèlent que rarement des cas de sans-abri, et ces derniers se règlent en appelant famille et amis», constate Christian Gilgen, adjoint au chef de la police municipale.

Pour Paul Zimmermann, président d’ASOLAC, il y a pourtant, même dans ce district si opulent d’apparence, un réel besoin pour loger temporairement des personnes sans abri, des jeunes en difficulté ou présentant des troubles du comportement liés à des addictions, des ménages endettés qui se retrouvent sans logement ou des femmes victimes de violence conjugale.

Une étude pour identifier les besoins a été commandée en 2007 à une personne neutre. Celle-ci a envoyé des questionnaires aux paroisses du district, aux polices, aux hôpitaux. En retour, si les personnes sans domicile fixe ne représentent que 24% des quelques individus en conflit ou tombés dans la marginalité, aucune structure n’est là pour les prendre en charge. La plupart des cas sont dirigés vers la Marmotte de Lausanne, le Sleep-in de Renens, l’Armée du Salut à Genève ou vers des centres spécialisés, comme Malley-Prairie pour les femmes battues, le Relais ou même les campings de la région en période estivale.

Appartements d’urgence

L’ASOLAC et l’Armée du Salut pourraient gérer une passade de 10 à 15 lits. Mais il manque pour l’instant des locaux pour lancer un projet qui ne convainc pas tout le monde. Au sein du réseau social, en effet, on doute de la nécessité de créer un asile de nuit. «Ce qui manque surtout, ce sont des appartements d’urgence pour accueillir femmes et enfants en rupture, ou des jeunes éjectés de chez eux. Des logements qu’on peine à trouver dans cette région qui connaît une pénurie et des prix élevés», explique Pierre-Alain Chollet, directeur du Centre social régional de Nyon-Rolle. C’est dans le chef-lieu, où se trouvent 40% des gens soutenus par le filet social, qu’il faudrait en trouver en priorité. Une piste pourrait être le bâtiment de Bel-Automne, qui abrite des appartements pour des retraités à revenu modeste, si la ville réalise de nouveaux appartements protégés .



Les cantons dépassés par les demandes d'asile

Les cantons sont dépassés par l’augmentation des demandes d’asile. La Confédération mise sur une politique plus restrictive et la collaboration européenne. Un article de Romain Clivaz dans 24 Heures.

Les demandes d'asile sont passées de 11000 à 16000 entre 2007 et 2008. Dans le même temps, les capacités d'accueil des cantons ont diminué, sur conseil de la Confédération, qui souhaite un nouveau tour de vis législatif. Absente de l’actualité en 2008, la politique d’asile fera son grand retour en 2009. Alors que, l’an dernier, le nombre des demandes d’asile a pris l’ascenseur, les cantons tirent la sonnette d’alarme. Sur conseil de la Confédération, ils ont en effet diminué leurs capacités d’accueil. Résultat: ils sont main­tenant dépassés. Pour surmonter ces difficultés, la conseillère fédé­rale Eveline Widmer-Schlumpf (PBD) compte sur un nouveau tour de vis législatif, et attend beaucoup de la base de données européenne EURODAC.
  «Nous sommes dans une si­tuation d’urgence absolue.» C’est ainsi que le conseiller d’Etat ber­nois Hans-Jürg Käser (PRD) dé­crit, dans le journal dominical Sonntag, la problématique de l’accueil des requérants d’asile. La situation s’est encore dégra­dée en fin d’année 2008. Lucerne, Argovie ou encore Schaffhouse ont les mêmes problèmes. Les cantons romands sont aussi sou­mis à cette pression, la réparti­tion des requérants étant propor­tionnelle au nombre d’habitants. Bruno Zanga, chef de l’Office can­tonal des étrangers de Saint-Gall, ne décolère pas et reproche à la Berne fédérale d’avoir «encou­ragé » ces baisses de capacité de prise en charge (base de calcul: 10 000 requérants par année).
De 11 à 16 000 demandes

  Du côté de la Confédération, après avoir alloué des moyens supplémentaires aux cantons pour ce type d’hébergements, on joue l’apaisement: «Je com­prends ces frustrations, concède Eduard Gnesa, directeur de l’Of­fice fédéral des migrations (ODM), mais je suis confiant pour la suite. Nous avons déjà fait face à des situations plus urgentes et nous collaborons étroitement avec les cantons.» Pourtant, ces augmentations n’ont rien de marginal. De quel­que 11 000 demandes d’asile en 2007, on devrait passer à environ 16 000 en 2008, selon l’ODM. Ces derniers mois, ce sont avant tout des ressortissants de la Corne de l’Afrique (Erythrée, So­malie), d’Irak, du Nigeria ou en­core du Sri Lanka qui sont venus en Suisse, précise Eduard Gnesa.
EURODAC à la rescousse

  A l’avenir, Berne mise surtout sur une «optimisation» des pro­cédures d’asile. Pour ce faire, elle compte sur deux leviers: l’utilisa­tion d’une base de données euro­péenne, et un tour de vis législa­tif. Le premier peut être actionné depuis décembre dernier. En vertu de la Convention de Du­blin, notre pays a accès à l’EURODAC, qui recueille les em­preintes digitales des deman­deurs d’asile et des immigrés clandestins. Lorsqu’une per­sonne a déjà déposé une de­mande dans un autre pays signa­taire, la Suisse peut normale­ment l’y reconduire. Est clairement visé ici ce que les Anglo-Saxons appellent le «shop­ping » de l’asile. «Après la pre­mière semaine d’utilisation, nous avons obtenu plus de 50% de résultats positifs», se réjouit Eduard Gnesa.
  Le deuxième levier sera pro­chainement actionné par Eveline Widmer-Schlumpf. Ses services confirment qu’elle présentera, dans le courant du mois de jan­vier, une «révision de la loi sur l’asile». En clair: révision rimera avec restriction.