jeudi 5 octobre 2006

Juifs et musulmans veulent leurs propres cimetières

Lire l'article de Rachad Armanios dans le Courrier

Blocher fait mal au ventre de Philippe Dumartheray

Lire l'édito de 24heures en ligne
Décidemment, Christoph Blocher n'en rate pas une. Jusqu'ici, il réservait la primeur de ses coups bas et de ses mensonges au seul peuple suisse. Et on croyait naïvement avoir tout vu ou presque. Eh bien, le scandale Blocher s'exporte aussi très bien. En Turquie notamment, pays avec qui la Suisse entretient des relations compliquées pour n'avoir pas suffisamment ménagé les susceptibilités des sourcilleux nationalistes d'Ankara. Joseph Deiss et Micheline Calmy-Rey peuvent en témoigner.

Ce n'est désormais plus vrai. En entendant les propos du conseiller fédéral suisse, les autorités turques, en difficulté sur la scène européenne, ont bu, d'un coup, leur ration annuelle de petit-lait. Voilà donc un représentant suisse, ministre de la Justice de son état, qui vomit ouvertement le fameux article 261 du Code pénal suisse qui réprime les propos des négationnistes de tout poil. On croit presque rêver. Heureusement l'indignation est là pour nous réveiller.

En l'occurrence, Christoph Blocher est fidèle à lui-même. C'est un militant de l'UDC qui continue, sans états d'âme, son combat idéologique. Pour mémoire, cela fait dix ans maintenant que l'Union Démocratique du Centre tente d'abroger la norme antiraciste du Code pénal au nom d'une notion très particulière de la liberté.

Mais Christoph Blocher se trompe de rôle. En toute connaissance de cause. Il est un de nos sept conseillers fédéraux. Un ministre censé respecter et la loi suisse et la séparation des pouvoirs. En Turquie, Christoph Blocher a tout simplement envoyé un coup de poignard dans le dos de son pays et de ses institutions.

Blocher séduit les turcs

Lire l'article de Laure Marchand dans 24heures en ligne

Le Code civil suisse était à l'honneur à l'occasion du 80e anniversaire de son adoption en Turquie. Mais le Code pénal lui a volé la vedette. Hier, Christoph Blocher était invité à l'Université d'Ankara pour inaugurer une conférence consacrée à la transposition du Code civil national dans le système juridique turc en 1926. Après avoir rendu hommage à «ce geste qui nous emplit de fierté», le conseiller fédéral a profité d'une conférence de presse avec son homologue turc, Cemil Cicek, pour tirer à boulets rouges sur l'article 261 bis du Code pénal. «Cet article me fait mal au ventre», a-t-il lancé, estimant qu'il n'était «plus approprié».

Le chef du Département fédéral de Police et Justice a expliqué que cette norme antiraciste avait été «adoptée en 1994 pour lutter contre la négation de l'holocauste mais que personne, à l'époque, ne pouvait imaginer qu'il traînerait en justice un éminent historien turc». En mai 2005, en effet, la justice suisse a ouvert une enquête contre Yusuf Halacoglu pour négation du génocide arménien lors d'un discours prononcé à Zurich. Deux mois plus tard, le leader du Parti turc des travailleurs, Dogu Perinçek, s'est retrouvé à son tour en infraction par rapport à l'article 261 bis, pour avoir dénoncé à Lausanne «le mensonge international [sur le] prétendu génocide».

Tensions persistantes

En mesure de rétorsion, la visite de Joseph Deiss, alors ministre de l'économie, avait été annulée à l'automne 2005. Depuis, aucune délégation officielle d'hommes d'affaires suisses ne s'est rendue en Turquie. Ces deux péripéties judiciaires sont venues s'ajouter à la longue liste de griefs de la Turquie contre la Suisse. La reconnaissance du génocide arménien par le Conseil national, et par le Grand Conseil vaudois en 2003, est à l'origine des tensions persistantes dans les relations bilatérales. Ankara nie le caractère génocidaire des massacres perpétrés par l'Empire ottoman entre 1915 et 1917. En mars 2005, Micheline Calmy-Rey a effectué une visite dans le sud-est à majorité kurde, mais avec un an et demi de retard sur la date initiale. Et au printemps dernier, l'avionneur Pilatus a été écarté d'un appel d'offres. L'invitation de Christoph Blocher est donc le signe d'une détente. «Il est encore trop tôt pour dire que c'est la fin du malentendu, mais le climat s'est énormément amélioré», a-t-il assuré.

Son point de vue sur les tueries contre les Arméniens pendant la Première Guerre mondiale a satisfait Ankara: «Je soutiens la proposition turque de créer une commission historique internationale pour juger ces événements. Ce n'est pas aux politiques ou au tribunal de dire s'il s'agissait d'un génocide ou non.» Dans son opération de séduction des Turcs, il a insisté sur les liens unissant les deux pays, comme le Traité de paix de Lausanne, acte fondateur de la République turque en 1923, ou la création des centres commerciaux Migros en Turquie en 1954. Et Christoph Blocher de louer «la longue et fructueuse relation d'affaires» nouée avec un entrepreneur turc alors qu'il n'était «encore [qu'] un jeune collaborateur juridique» au sein de l'entreprise Ems-Chemie.

«Propos scandaleux» ou «comportement indigne»: le monde politique est sous le choc

Hier à Flims, les parlementaires étaient en état de choc.

«Ces propos scandaleux ne sont qu'une provocation de plus et Christoph Blocher n'a pas sa place dans le gouvernement helvétique», s'exclame Ueli Leuenberger (Verts, GE) avant d'annoncer son intention de déposer dès aujourd'hui une interpellation au Parlement.

Le ton est le même du côté de l'association Suisse-Arménie, dont le co-président, Sarkis Shakinian, se dit «consterné». «Ce qui est arrivé dépasse les limites de la démocratie, souligne celui qui est aussi secrétaire général du groupe parlementaire Suisse-Arménie. Le chef du département de Justice et Police ridiculise la Suisse en la transformant en tapis rouge pour les pires négationnistes.»

Co-président avec Ueli Leuenberger du même groupe parlementaire Suisse-Arménie, Dominique de Buman ne cache pas non plus sa colère: «Le comportement de Christoph Blocher est indigne.» Selon le vice-président du PDC, le ministre de la Justice a voulu faire plaisir à la Turquie et à économiesuisse, inquiète des tensions entre les deux pays. Le conseiller fédéral UDC veut aussi montrer qu'il a des contacts avec un pays musulman et donner un signe à son électorat: «En niant la norme antiraciste, il montre qu'il veut continuer à durcir toutes les lois contre les étrangers.» Ce qui choque également le Fribourgeois, c'est que Christoph Blocher n'a pas respecté la neutralité, la souveraineté et l'indépendance de la Suisse. «C'est scandaleux de critiquer notre ordre juridique à l'étranger.»

«C'est un véritable scandale, surenchérit Hans-Jürg Fehr, président du Parti socialiste. Il oublie que c'est le peuple suisse qui a voté cette norme. Et il ne respecte pas la neutralité.» Le conseiller national schaffhousois espère que le Conseil fédéral n'acceptera pas de tels propos. Pour lui aussi, «cet incident est une nouvelle preuve que Blocher n'a pas sa place au Conseil fédéral».

Fulvio Pelli, président du Parti radical, est moins vindicatif: «Monsieur Blocher se trompe de cible. Le problème, c'est la justice suisse qui se lance dans des enquêtes qu'elle n'arrivera jamais à clôturer.» Le Tessinois ose espérer que le conseiller fédéral UDC a consulté ses collègues avant ses déclarations d'Ankara.

Le cimetière mixte, messager de la paix

Lire l'édito de Xavier Lafargue dans le Matin

Plainte contre Yvan Perrin

Le Matin - Plainte contre Yvan Perrin
CONTRE-ATTAQUE Nadia Karmous réagit aux propos du parlementaire UDC. La présidente de l'Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse dément toute relation avec des fonds terroristes, ainsi que l'avait insinué le vice-président de l'UDC lors du dernier

Blocher attaque la norme antiraciste

Lire le dossier de tsr.ch avec de nombreux liens multimédia vers des clip audio et vidéo-
Christoph Blocher a critiqué mercredi à Ankara la norme antiraciste helvétique. Il a regretté qu'elle ait conduit à une enquête en Suisse, très critiquée par la Turquie, contre un historien turc pour ses propos sur le génocide arménien.
Voir aussi le site de la Première avec des archives sur la question arménienne

De Turquie, Christoph Blocher sème la colère

Lire dans le Temps - Suisse
En visite à Ankara, le ministre de la Justice remet en cause l'application de la norme antiraciste. Vague de désapprobation...

Commentaires de Bernard Wüthrich:
Il se moque du peuple et des institutions


...On ne peut en revanche accepter qu'un membre du gouvernement aille dire à ses interlocuteurs turcs que cet article du Code pénal lui «fait mal au ventre». C'est d'autant moins acceptable qu'il le fait alors qu'une procédure pénale est en cours.

Il ne lui suffit pas de rappeler, comme il l'a fait, la position du Conseil fédéral face à la question arménienne et l'attachement de la Suisse à la séparation des pouvoirs pour se permettre un tel abus.

«Un acte d'une bêtise totale»

Lire l'article d'Isabelle Graber dans le Journal du Jura en ligne

Les frasques xénophobes de Jürg Scherrer font la une de la presse nationale: la photo du chef de la Police biennoise dégustant un minaret en chocolat suscite la colère de Hans Stöckli.
Hier après-midi, le blog du Parti suisse de la Liberté était inaccessible: la photo montrant Jürg Scherrer en train de mordre à belles dents dans un minaret en chocolat n'était par conséquent plus visible sur la Toile, tout comme les têtes de nègres grimaçantes destinées à illustrer le procès en diffamation que lui avait intenté l'Association des Africains de Bienne (voir notre édition d'hier).

Le cliché montrant un Jürg Scherrer hilare croquant dans un minaret a été prise le 25 septembre dernier à Langenthal: lors d'un discours de 45 minutes, le chef de la police s'était exprimé à propos du projet de construction d'un minaret de six mètres sur le toit de la mosquée. Selon le quotidien «Le Temps», qui consacrait hier un article à cette affaire, le politicien d'extrême droite ne se serait alors pas privé de dire tout le mal qu'il pense de ce projet, ne cachant rien de son aversion pour la culture musulmane qui, selon lui, «met en péril la culture suisse». A la fin de son discours, en guise de cadeau, les organisateurs ont apporté une tourte ornée de minarets en chocolat à Jürg Scherrer, dans lesquels le chef de la Police a croqué sans vergogne.

Publiée dans Le Matin mardi, puis reprise hier dans le Blick et le Bieler Tagblatt, la photo a évidemment provoqué moult réactions: si les partisans de Scherrer se sont certainement réjouis de la publicité inespérée faite au tribun d'extrême droite, certains politiciens biennois - de gauche comme de droite - ne cachent pas leur colère face à la nouvelle frasque du conseiller municipal.

Joint par téléphone à Flims, en pleine session parlementaire, le maire Hans Stöckli a accepté de s'exprimer à propos de cette affaire.

- Hans Stöckli, l'affaire Scherrer fait-elle des vagues jusqu'à Flims?

- J'en ai parlé aujourd'hui avec le conseiller national Yvan Perrin (UDC/NE), qui n'a pas caché son malaise. Jürg Scherrer a commis une bêtise totale et inacceptable. Je ne pense pas que la photo publiée sur son site soit le fait du hasard: cette mise en scène était réfléchie et préméditée. Cela prend évidemment une dimension supplémentaire au lendemain des votations du 24 septembre. Symboliquement, le fait de manger un minaret est extrêmement grave, car cela démontre un mépris total face à l'une des religions les plus importantes du monde. En tant que chrétien, cela me perturbe profondément.

- Bien que vous condamniez cette nouvelle provocation de Scherrer, votre position est assez inconfortable, puisqu'il a été élu par le souverain au Conseil municipal...

- Jürg Scherrer a plusieurs casquettes, puisqu'il est directeur de la Sécurité, mais aussi député au Grand Conseil et président du Parti suisse de la Liberté. C'est dans ce cadre-là qu'il s'est exprimé.

- Il y a quelques années, vous lui aviez pourtant demandé de quitter la présidence du PSL.

- Oui. Mais il a affirmé que le parti avait refusé sa démission.

- Vous n'avez donc aucun moyen de le sanctionner?

- Seuls les citoyens biennois peuvent le sanctionner. Pour ma part, je vais m'occuper de cette affaire dès la rentrée des vacances d'automne; dans un premier temps, je vais discuter avec Jürg Scherrer, afin qu'il puisse s'expliquer. Le Conseil municipal débattra de son cas lors de sa prochaine séance. Nous évoquerons notamment la création d'une ordonnance concernant les règles de la collégialité. Mais c'est un domaine délicat car il relève de la sphère privée. Pour pouvoir punir, il faut des règles strictes, dont nous ne disposons pas.

- Impossible donc d'exiger sa démission?

- Politiquement, on peut toujours demander sa démission, mais juridiquement, c'est impossible. J'ignore si une plainte pénale sera déposée à la suite de cette affaire.

- Reste qu'un tel individu ne redore guère le blason biennois...

- L'image de Bienne ne dépend pas des agissements de Scherrer, mais de l'économie, de la culture et du sport! Scherrer est un exotique et les gens connaissent sa valeur.

- Mais il est toujours brillamment réélu. Et des affaires telles que celle-ci lui font une pub d'enfer!

- Je ne suis pas sûr qu'il gagne des électeurs par de telles provocations. Ce qui m'inquiète en revanche, c'est qu'il soit considéré comme un précurseur par l'UDC, qui s'approprie nombre de ses arguments et lui donne ainsi une légitimité certaine. L'UDC - un parti gouvernemental! - a sans doute repris une partie de son électorat. Du coup, Scherrer surenchérit et se montre de plus en plus virulent.


«Des propos effrayants et répugnants»
La classe politique biennoise réagit vivement aux propos racistes tenus par Jürg Scherrer, jugés «effrayants et répugnants». Son collègue de parti Patrick Calegari a donné sa démission du PSL (voir notre édition d'hier). Il reste néanmoins membre du Conseil de ville. Peter Moser, conseiller de ville radical et député, estime l'intervention de Jürg Scherrer «dénuée de tact et d'un goût douteux».

En publiant une illustration de têtes de nègres en chocolat, le conseiller municipal «marche une nouvelle fois sur la corde raide» et pourrait bien, un jour ou l'autre, «tomber de haut». Le conseiller de ville UDC Andreas Sutter estime que Jürg Scherrer «adore flirter avec la limite de la légalité». Il estime qu'on est en droit d'attendre d'un membre de l'exécutif «qu'il aborde des sujets sensibles comme celui-là avec davantage de conscience et de précaution». Et d'ajouter que les propos racistes de Jürg Scherrer «nuisent à l'image de la ville».

«Des propos terrifiants»

Du côté des Verts, Andreas Bösch qualifie les propos incriminés de «terrifiants». Il n'est pas autrement surpris, «car son racisme est de notoriété publique», mais il se dit inquiet que les opinions d'un homme comme celui-là «soient si bien tolérées par beaucoup de gens» et qu'il soit «toujours aisément réélu». La conseillère de Ville socialiste Teres Liechti estime que l'illustration parue sur le site du PSL est non seulement «répugnante», elle est également «inutile» et ne fait que montrer à quel point Jürg Scherrer «a mauvais goût».

Pourtant, elle ne croit pas que ces dérapages nuisent réellement à l'image de la ville de Bienne, car elles engagent l'homme privé et le président de parti, et non le conseiller municipal. Mais elle ne comprend pas ce besoin constant de provoquer: «Il ferait mieux de consacrer toute cette énergie à résoudre les vrais problèmes». Quant au président des Musulmans turcs de Bienne, Zinnuri Tokmak, il a pris la photo montrant Jürg Scherrer croquant des minarets pour une provocation, mais il précise que sa communauté n'envisage nullement de construire un minaret à Bienne.

L’association Suisse-Arménie critique les propos du chef du Département fédéral suisse de justice et police à Ankara

Nouvelles d’Armenie en ligne - http://www.armenews.com

Les propos de Christoph Blocher en visite en Turquie mercredi 4 octobre 2006 contre de la norme pénale anti-racisme soulèvent des critiques en Suisse. L’association Suisse-Arménie a qualifié les déclarations du conseiller fédéral d’"irresponsables".

"L’association Suisse-Arménie regrette de telles déclarations irresponsables", a indiqué son co-président Sarkis Shahinian. "Elles sont d’une gravité inouïe et portent atteinte à l’indépendance de la Suisse", a-t-il ajouté. Selon lui, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) "ridiculise la Suisse en la transformant en tapis rouge pour les pires négationnistes. Et il se ridiculise lui-même en définissant Yusuf Halacoglu d’éminent historien turc."...

En visite en Turquie, Christoph Blocher critique la norme suisse antiracisme

Lire le dossier de swissinfo

Le ministre suisse de la Justice a critiqué la norme antiracisme qui a conduit à une procédure en Suisse contre deux Turcs pour leurs affirmations sur le génocide arménien.