Lire l'opinion de JACQUES DEPALLENS, Municipal, président de la CISE (Commission d’Intégration Suisses Etrangers) Renens parue dans 24heures
Danger! Confusions en cours! Les mêmes mots n’ont plus le même sens… Tenez! La notion d’intégration, en train d’être grossièrement dérobée à une vision humaniste, active et respectueuse des différences, par une armada de responsables politiques allant de l’UDC à la droite du Parti socialiste suisse (hélas dominante en Suisse alémanique), en passant par les hauts fonctionnaires de l’Office fédéral des migrations, d’obédience blochérienne.
Après les votations du 24 septembre, voici, sous couvert d’un plan d’intégration, le retour en force d’une politique musclée d’assimilation. Elle prétend déterminer «le degré d’intégration » des étrangers vivant en Suisse, mesurer leur maîtrise linguistique, dans le but avoué de statuer sur l’octroi ou la prolongation d’un permis B, C, ou une naturalisation.
Il y aura, si on n’arrête pas ces «cerveaux», un label fédéral de compétences linguistiques «suffisantes ou insuffisantes», de connaissances civiques acceptables ou trop lacunaires. L’administration prétend pouvoir trier entre les bons étrangers intégrables et les migrants jetables, inaptes à la vie en Suisse. Bonjour les dégâts, les frais d’expertise et de recours. Avec des tests inapplicables, portant sur un domaine trop complexe pour être mesuré.
Chacun de nous connaît au moins deux ou trois exemples d’immigrés (ou d’Alémaniques), des aigles dans leur profession, mais qui parlent toujours notre langue de façon sympathique et approximative. Le plus renommé des entraîneurs de juniors du FC Renens, ouvrier d’usine apprécié, a reçu, avec d’autres «coaches», le mérite de l’intégration à Renens. Pour leur belle réussite humaine et sportive dans l’encadrement de jeunes footballeurs venus de quatre continents. Cet Espagnol parlait aux joueurs à peu près ainsi: «Mustafa! Si tou tchoute’el ballonne del pié gotch, tou marqué ounn’gol souperbe!» Avec les règles absurdes qui se préparent et s’appliquent déjà dans certaines communes, ce citoyen méritant pourrait, malgré sa médaille, mettre une croix sur le renouvellement de son permis C ou sa demande de naturalisation, à cause de ses lacunes en français écrit, voire oral! D’accord pour des cours de français vivants, des subventions aux associations bénévoles, leaders dans le domaine linguistique (Français en Jeu, Lire et Écrire, Franc Parler, à Renens). Des associations qui dosent subtilement apprentissage du français et intégration au quotidien (leçons sur le travail, la santé, le logement, l’école, les assurances, les impôts, le syndicat, la culture, les sports, etc.) Oui à des incitations aux cours: subsides aux élèves, aménagement du temps de travail.
Mais, de grâce, pas de thermomètre fédéral de l’intégration, introduit par un Département qui «excelle» plutôt dans la multiplication des discriminations entre populations d’origine européenne et du reste du monde*. Un vrai poison pour tout processus soucieux d’intégration!
Vivre ensemble, connaître les autres, aller à leur rencontre, encourager les non-francophones à aimer, à apprendre notre langue et à nous connaître dans nos us et coutumes respectifs, voilà la politique d’intégration à mener.
Et ce ne sont pas des pratiques excluantes de contrats et de contraintes sommaires qui mettront en harmonie les différents secteurs formant notre précieux tissu social!
* M. Mario Gattiker, premier responsable de l’intégration au sein de l’OFM, parle volontiers, à propos de simples questions de clientèle-cible pour les cours de langue, de «groupes à risque», comme s’il s’agissait de sida ou de grippe aviaire… («Terra Cognita», 9-2006)