samedi 17 juillet 2010

L’étranger, bouc émissaire d’une Europe affaiblie par la crise

Le dernier rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (Ecri) met en exergue une augmentation des comportements xénophobes. En cause, la crise économique mondiale dont les conséquences sur les groupes vulnérables en Europe sont néfastes.

Avoid shooting blacks Rosarno L’Ecri dépeint un tableau assez sombre de la situation. Les étrangers sont plus facilement montrés du doigt, accusés de tous les maux, et notamment d’être en partie responsables de la montée du chômage et des déficits des organismes de prestation sociale.    « Nous constatons une augmentation générale des attitudes xénophobes et intolérantes, accompagnées d'attaques verbales virulentes et d'incidents violents », relate sans ambages l'instance du Conseil de l'Europe, dans son bilan annuel publié le 8 juillet.

L'Ecri se dit ainsi très préoccupé par la dégradation du climat et pointe notamment « le racisme anti-Noirs (qui) reste présent dans les États membres et se manifeste souvent sous des formes extrêmes, telles que les attaques organisées contre des personnes ou des communautés entières ». Et de préciser, en ce lendemain de Coupe du monde de football organisée en Afrique : « Les injures liées à la couleur de peau sont fréquentes dans le cadre des activités sportives. »

Musulmans mal vus

Les politiques nationales figurent également au banc des accusés. « La crise économique a contribué au durcissement du ton du débat sur l'immigration. Les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile sont souvent tenus pour responsables de la dégradation des conditions de sécurité, du chômage et des déficits des systèmes de santé », assure l'Ecri.

Le débat sur le voile ou l'affaire Lies Hebbadj (mis en examen pour fraude aux aides sociales) en France, par exemple, peuvent participer à stigmatiser une communauté. D'ailleurs, « la perception négative des musulmans qui s'exprime souvent dans le cadre de débats sur les « valeurs », a toujours une incidence profonde sur la vie quotidienne », écrit l'organisme. L'antisémitisme, l'antitsiganisme, la brutalité policière et le délit de sale gueule sont d'autres travers persistants à l'intérieur de l'Union européenne.

Michael Pauron dans JeuneAfrique

Une trop stricte application de l’accord de Dublin dénoncée

Deux organismes de défense des requérants sont montés au créneau vendredi à Genève pour dénoncer "l'application mécanique et rigide" de l'accord de Dublin par la Suisse. Les autorités disposent d'une marge de manoeuvre humanitaire mais refusent de l'utiliser, dénoncent-ils.

Le transfert de requérants d'asile vers le premier Etat Dublin par lequel ils sont passés n'est pas du tout impératif, a relevé Yves Brutsch, chargé d'information du Centre social protestant (CSP). Il insiste sur l'existence d'une clause de souveraineté permettant à tout Etat de se déterminer "responsable" du dossier d'un requérant d'asile.

Cette clause permettrait d'éviter des drames humains, selon M. Brutsch. Pourtant, depuis l'entrée en vigueur de l'accord en décembre 2008, les autorités dégagent presque systématiquement en touche, a relevé Aldo Brina, coordinateur de l'Observatoire romand du droit d'asile et des étrangers (ODAE). Et de citer le nombre de 3486 requérants en 2009 tombant sous le coup d'une non-entrée en matière relevant de Dublin, sur un total de 17'326 requêtes.

La proportion est inquiétante, souligne M. Brina. Pourtant l'Office des migrations (ODM) juge "positif" le bilan de Dublin puisque la Suisse a pu transférer nettement plus de personnes qu'elle n'en a repris. Cette appréciation scandalise M. Brina. Selon lui, ces chiffres ne signifient pas que la situation des requérants s'est améliorée, mais que la Suisse se décharge simplement sur d'autres Etats.

Recours rejetés

Le CSP et l'ODAE ont été saisis de nombreux cas de renvois Dublin qui posaient des problèmes humanitaires importants. Les règles de cet accord sont appliquées sans considération pour la vulnérabilité des personnes, comme les mineurs, les familles avec des enfants en bas âge ou les malades graves, relève M.Brina.

Le CSP qui défend les droits des requérants a du reste perdu ses recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Les juges estiment généralement que les autres Etats membres de Dublin sont aussi signataires de conventions sur les droits de l'homme et des réfugiés. Il n'y aurait donc pas de raison de ne pas renvoyer les requérants dans ces Etats.

ATS

Le droit de vivre en Suisse n’est pas qu’une question d’argent

L'Etat de Vaud se fait sermonner par la justice pour avoir refusé un permis de séjour sur la seule base de critères financiers.

Plus qu'à l'intégration et aux liens familiaux, l'administration vaudoise regarde-t-elle à la fiche de paie des étrangers avant de leur octroyer un permis de séjour? La justice vient de remettre à l'ordre le Service de la population (SPOP), qui avait refusé de donner un permis B à un couple de Kosovars sous prétexte qu'il risquait d'être à la charge de l'aide sociale. Dans un arrêt du 5 juillet dernier, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal estime que le SPOP a abusé de son pouvoir d'appréciation.
Logique administrative
L'histoire de ce couple est intéressante à plus d'un titre. Elle illustre d'abord l'absurdité de la logique purement administrative, qui conduit à fractionner le destin de familles. Les deux époux arrivent en Suisse en 1998, avec leurs cinq enfants. Leurs trois filles aînées obtiennent le statut de réfugié. La réponse est négative, en revanche, pour les parents et leurs deux fils cadets, qui doivent se contenter d'une admission provisoire... Douze ans plus tard, quatre des cinq enfants ont un permis B ou C. Mais le SPOP rechigne toujours à donner un statut un peu plus stable aux parents.
Cette affaire rappelle aussi une dure réalité du droit suisse: pour un étranger, le fait de toucher l'aide sociale est quasiment assimilé à un délit. C'est en effet un des motifs de révocation d'une autorisation de séjour, aux côtés de la condamnation à une peine de prison de longue durée et de l'atteinte grave ou répétée à la sécurité et l'ordre publics. Interdit durant la procédure d'asile, le travail devient pour le coup très pressant. En dépit du fait qu'un permis F (admission provisoire) n'est pas précisément le meilleur tremplin vers une carrière professionnelle.
Au vu de ce cadre légal, la justice vaudoise admet que la dépendance ou le risque de dépendance à l'aide sociale est un critère à prendre en compte. Mais le père travaille depuis un an et demi et les enfants apportent un soutien financier au couple, qui ne touche plus de prestations sociales.
Des critères négligés
Surtout, le SPOP est sermonné pour avoir négligé des facteurs autrement plus importants que la question de la capacité financière. «Le niveau d'intégration, la situation familiale et l'exigibilité d'un retour dans le pays de provenance (...) doivent être examinés, écrivent les juges. Une importance plus grande doit même être donnée à ces critères qui sont expressément prévus par la loi.»
La justice rappelle à l'administration que le couple a quitté le Kosovo dans «une période de graves troubles» et qu'il n'y a donc probablement plus d'attaches. C'est l'inverse s'agissant de la Suisse, où résident durablement les cinq enfants. Le tribunal en conclut que le SPOP a «abusé de son pouvoir d'appréciation».
Il le condamne à payer 800 francs de dépens et lui ordonne de délivrer un permis de séjour, «l'approbation de l'ODM (Office fédéral des migrations, ndlr) étant réservée».
La loi et la justice
Même avec un permis B, le happy end n'est pas garanti. Si le couple devait avoir besoin un jour du filet de l'aide sociale, l'administration vaudoise pourrait lui retirer son permis de séjour. Le mécanisme est certes légal, mais sa brutalité mériterait de susciter un débat politique. Lorsqu'un étranger perd son travail et peine à en retrouver un, est-il juste de le punir encore en le privant de sa terre d'accueil?

Un article de Michaël Rodriguez dans le Courrier

Augmentation des décès de clandestins cherchant à entrer aux Etats-Unis

Le bilan des clandestins morts dans le désert alors qu'ils tentaient de gagner l'Arizona à partir du Mexique a connu une augmentation dramatique depuis le début du mois, en raison de la chaleur torride qui s'est emparée de la région, a annoncé le médecin-légiste du comté de Pima.

Selon le Dr Bruce Parks, son bureau a reçu 38 cadavres de clandestins depuis le 1er juillet. Si ce rythme continue, le bilan devrait passer le record de 68 morts qui remonte à juillet 2005. Dans les colonnes de l'"Arizona Daily Star", il s'est dit effrayé par ce chiffre, et a ajouté qu'il ne pensait pas pouvoir le revoir un jour. Ces temps-ci, ses services récupèrent un à quatre cadavres par jour, la plupart décédés depuis peu.

Depuis 2001, plus de 1.750 hommes, femmes et enfants sont morts dans le désert.

AP

Migrations, le poids de l’histoire

Les migrations sont tout simplement une des façons dont les peuples évoluent. Editorial signé Sylvie Arsever dans le Temps.

Les pays développés, souligne l’OCDE dans un rapport publié mardi, ont trop limité l’immigration. Pour leur santé économique et démographique, ils gagneraient à se montrer plus souples et surtout à augmenter les efforts visant à garder les migrants qui ont trouvé à s’insérer dans l’économie: intégration, naturalisation – et garantie d’une protection égale en période de crise. Ce programme dicté par le bon sens est aussi de nature, à terme, à désamorcer les angoisses identitaires sur lesquelles surfent aussi bien les mouvements xénophobes que les intégrismes religieux en tout genre. Mais il est douteux qu’il soit suivi: pratiquement tous les partis européens se retrouvent aujourd’hui otages de mouvements populistes qui font un barrage très efficace à toute mesure favorisant l’accueil des migrants.

L’histoire des migrations – dont Le Temps a feuilleté quelques pages la semaine écoulée – est faite de craintes semblables, nées à une époque où on migrait le plus souvent les armes à la main. Les invasions barbares, sur le modèle desquelles ont aussi été imaginées les migrations préhistoriques, les exodes forcés pour cause de religion ou, avec les traites négrières, d’exploitation économique, nous ont laissé des souvenirs sanglants et parfois coupables qui ont jeté une ombre angoissante sur les migrations économiques de grande ampleur commencées au XIXe siècle avec le développement des transports.

Mais cette histoire est aussi porteuse de quelques vérités rassurantes: les rencontres entre peuples que favorisent les migrations, même conquérantes, ne sont pas faites que de chocs des civilisations et, a posteriori, il est souvent difficile d’y discerner un vainqueur et un vaincu. Les valeurs dont nous craignons la perte au contact des nouveaux migrants extra-européens sont elles-mêmes le produit de métissages culturels dont nous avons parfois perdu jusqu’au souvenir. Finalement, les migrations sont tout simplement une des façons dont les peuples évoluent. Et la question est peut-être de savoir si la vieille Europe a encore le désir d’évoluer.

Un monde de migrants

L’époque contemporaine voit les migrations avant tout comme des menaces pour l’ordre politique. Mais si le mouvement était naturel? Et si les peuples n’étaient pas ce qu’on croit ? Réflexion signée Sylvie Arsever dans le Temps.

monde en migration

Les Africains qui se pressent, au péril de leur vie, aux portes de l’Italie et de l’Espagne; les Néerlandais qui tentent de sauvegarder leur modèle de société tolérante en la barricadant; les milliers de Darfouris, de Tamouls ou d’Irakiens chassés de chez eux par les combats, l’insécurité et les persécutions… Un nombre écrasant de nos contemporains sont concernés par la migration – désirée, crainte, salvatrice ou inévitable mais toujours hasardeuse, lourde de dangers ou riche d’opportunités. On a dit du XXe siècle que c’était le siècle des réfugiés. Un enjeu majeur du XXIe apparaît déjà de savoir comment y seront traitées les conséquences humaines de la mondialisation de l’économie.

Les représentations avec lesquelles nous affrontons ce défi sont à la fois héroïques, de l’expansion des idiomes indo-européens aux conquêtes coloniales; dramatiques lorsqu’on songe aux exils bibliques ou aux persécutions religieuses du XVIe et du XVIIe siècle; et figurées comme l’occasion d’affrontements décisifs où les civilisations jouent leur destin, sur l’image de la chute de l’Empire romain en mains barbares, vignette centrale de théories du déclin occidental aux relents parfois ouvertement racistes.

Cette vision s’est forgée en bonne part au XIXe siècle autour de l’idée alors nouvelle de peuple, un groupe humain homogène dont le génie propre, forgé de génération en génération, le voue à se choisir un destin commun – et distinct – en formant une nation. Un groupe dont, au début du XXe siècle, la base biologique sera mise en rapport direct avec ses performances: angoisses démographiques françaises, stérilisations de marginaux en Suède ou en Suisse témoignent du même souci de préserver la «race», socle de la nation, que l’on retrouve, sous une forme délirante, aux fondements de l’antisémitisme nazi.

Au moment où l’invention du peuple débouche sur la naissance de l’Italie et de l’Allemagne, les migrations européennes en direction des Etats-Unis explosent: près d’un demi-million de nouveaux arrivés chaque année entre 1847 et 1930 pour une population qui passe dans la même période de 23 à 123 millions d’individus.

Les mesures restrictives prises face à cet afflux visent explicitement à préserver le génie des premiers colons – les Anglo-Saxons protestants – des influences pernicieuses des vagues ultérieures – Chinois, Italiens, juifs de l’Est… Etendues à l’Europe, elles rendront de plus en plus difficile à ces derniers d’échapper aux politiques antisémites qui se mettent en place au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Elles reposent sur un présupposé implicite destiné à une belle postérité: un monde normal est un monde où chacun reste chez soi, derrière ses frontières. La migration est une irruption peu souhaitée dans cette normalité, qu’il s’agit, pour le bien de tous, de maintenir à un niveau aussi bas que possible. C’est encore la philosophie qui sous-tend notre actuelle loi sur les étrangers, dont la première mouture date de 1924.

Le voyage, à travers les âges cette fois, auquel nous avons convié les lecteurs du Temps la semaine écoulée, amène à relativiser fortement cette conception, sinon à la démentir. Dès son origine, l’humanité est en mouvement. Les langues et les gènes ont voyagé, souvent ensemble dès la préhistoire, sur des distances qui défient l’imagination.

Les empires mis en place aux époques historiques n’ont cessé d’absorber des nouveaux venus, conquis ou, déjà, migrants économiques attirés par leur prospérité se présentant parfois les armes à la main. De l’Antiquité tardive à l’an mil, l’Europe occidentale en voie de constitution a été confrontée à des vagues régulières de compétiteurs venus du Nord et de l’Est, conquérants désireux, plutôt que d’annexer de nouveaux territoires, de s’y imposer, de préférence dans une position dominante – et de s’y fondre.

C’est encore une forme de migrations – les Croisades – qui salue la montée en puissance de la papauté à partir du XIe siècle; les reconquêtes chrétiennes en Espagne musulmane en provoqueront d’autres – les expulsions massives de juifs et de morisques – qui préfigurent la constitution, au XVIIe siècle, d’Etats religieusement homogènes, soumis à la foi du prince. Et promoteurs d’autres migrations forcées pour lesquels s’invente le terme, destiné à un riche avenir, de refuge.

Les départs pour cause de religion alimentent également les migrations vers le Nouveau Monde, où ils se combinent toujours plus étroitement avec l’attrait d’une vie meilleure dans une imbrication de motivations idéologiques, politiques, et économiques que les autorités qui s’efforcent aujourd’hui encore de réglementer les flux n’ont toujours pas réussi à démêler.

Ces mouvements de grande ampleur se déroulent sur un fond lui aussi en mouvement: transhumances saisonnières, vagabondages de démunis à la poursuite d’une subsistance, pérégrinations de colporteurs, de clercs à la recherche d’un maître ou d’étudiants en quête d’expériences et de diplômes, migrations professionnelles en tout genre, au nombre desquelles il faut compter le service étranger qui a mis des soldats suisses à disposition de pratiquement tous les souverains européens. Autant d’occasions d’influences réciproques, de métissages, et parfois aussi de solides incompréhensions, de préjugés et de persécutions.

Ceux qui partent ne sont jamais exactement ceux qui arrivent. La migration, souvent poursuivie sur plusieurs générations, modifie ceux qui la vivent. Les contacts, même violents, avec d’autres civilisations influencent peu ou prou. Si certains chocs, comme celui imposé par les conquistadors aux Américains du XVIe siècle, sont assassins, il n’est pas rare que des vaincus remodèlent de fond en comble la culture de leurs vainqueurs. On le savait. Mais l’historiographie des dernières décennies a apporté un élément nouveau autrement perturbant: le mouvement, historique cette fois, ne se fait pas toujours dans le sens qu’on croit.

Un peuple n’est pas une famille élargie qui diversifie sa culture au fil de son expansion sur des terres étrangères. Mais un conglomérat de groupes et d’individus d’origines diverses qui, à un moment donné, se définissent une identité commune – par l’adoption des valeurs tribales d’une minorité dirigeante, par la constitution de mythes originels communs, par la soumission à une même loi ou par la conversion religieuse.

Ce phénomène, dit de l’ethnogenèse, a d’abord été mis en évidence à travers l’étude des peuples dits barbares qui, du IIIe au Xe siècle de notre ère, ont déferlé sur le territoire de l’Empire romain d’Occident, où ils ont fondé des royaumes plus ou moins durables, contribué à nommer de nombreuses régions – Normandie, Bourgogne, Lombardie, Bavière, Saxe notamment – et servi de lointains précurseurs à des Etats dont certains – France, Danemark, Allemagne… – ont également conservé leur nom.

Les transformations et les assimilations auxquelles ces peuples n’ont cessé de procéder remettent en question l’image d’un affrontement fatal entre un Empire cosmopolite et décadent et de pures tribus nordiques venues renouveler son sang corrompu. Elles retentissent aussi sur d’autres sujets.

Peut-on par exemple continuer à se représenter les migrations qui ont créé le bloc indo-européen à la préhistoire comme l’expansion d’un unique modèle linguistique et culturel à partir d’un tronc commun? Même si l’émergence d’Etats modernes a sans doute restreint la plasticité identitaire, des peuples ont-ils jamais cessé de s’imaginer – par exemple, dans certaines banlieues du XXe et du XXIe siècle – ou de se recréer sous des formes nouvelles – comme certains mouvements indigènes pourraient donner à le penser…? De quel peuple font partie les Italo- et les Sino-Américains d’aujourd’hui? Les questions posées pour le peuple juif par l’historien israélien Shlomo Sand (LT des 11.04 et 28.12.2009) peuvent être reprises pour tous.

La virulence des réactions suscitées, dans un contexte politique certes particulièrement explosif par l’ouvrage de ce dernier, Comment le peuple juif fut inventé, le montre. Un fossé s’est creusé entre les notions d’une partie croissante des historiens et des anthropologues et les évidences héritées des nationalismes qui continuent de dominer le débat public.

En matière de migrations, ce dernier semble aujourd’hui tétanisé par une double impossibilité. Celle, d’une part, de freiner les flux importants générés par les insécurités et les inégalités économiques dans un monde globalisé. Et d’autre part, celle de limiter les dégâts politiques causés par la prolifération d’extrémismes construits sur l’exploitation des angoisses identitaires suscitées, de part et d’autre, par ces flux.

Quant au regard des spécialistes, il n’est sans doute pas entièrement dénué de biais idéologiques – développés notamment en réaction à l’horreur des crimes commis par les nazis au nom de la race. Mais il s’appuie aussi sur des travaux approfondis et des connaissances nouvelles qui, toutes, apportent à la vision de l’histoire où s’alimente notre imaginaire des retouches qu’il ne devrait plus être possible d’ignorer. Car si le mouvement est perpétuel et si les peuples ne cessent de se créer et de se recréer, peut-être peut-on aborder la question politique sous l’angle positif: comment faire pour que les migrations du XXIe siècle soient profitables à tous?

Croisade contre l’Islam

Pour porter son message islamophobe dans le reste de l’Occident, le député d’extrême droite Geert Wilders annonce qu’il va créer une alliance dans cinq pays.

«Stop islam, défense de la liberté.» Ce message, le député islamophobe néerlandais Geert Wilders veut qu’il soit porté d’abord dans cinq autres pays occidentaux – Les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne – par des formations qu’il positionne entre les conservateurs et l’extrême droite. Il exclut ainsi, avec un brin de provocation, toute alliance avec le «British national party, qui est un parti raciste». Le chef du PVV surfe dans son pays sur la crise économique pour demander l’arrêt de l’émigration musulmane, considérant l’islam comme «une religion fasciste».

Pas de charia à l’Ouest

Ce discours désignant un bouc émissaire aux difficultés du moment lui a permis de remporter plusieurs succès électoraux cette année dans son pays. Aux municipales à Almere et à La Haye, comme aux législatives, portant le nombre des députés de sa formation de neuf à 24. A priori écarté de la formation du prochain gouvernement néerlandais, le politicien, poursuivi pour incitation à la haine raciale, vise désormais l’international. Au parlement, il a annoncé que l’alliance qu’il comptait former d’ici à la fin de l’année aura pour corpus commun «l’interdiction dans les pays occidentaux de l’immigration en provenance de pays musulmans et de la charia». Il espère ainsi que d’autres députés seront élus dans ces pays sur ce programme radical.

Ayhan Tonca, porte-parole des musulmans néerlandais, craint que le discours islamophobe de Wilders ne trouve un terreau fertile en Europe et en appelle «aux personnes bien intentionnées pour s’opposer à son message».

Olivier Bot dans 24 Heures