mardi 5 janvier 2010

Identité nationale : Besson persiste et signe


[ 05/01/10 ]

Malgré les critiques croissantes de l'opposition et d'une partie de la majorité, le ministre de l'Immigration a défendu hier le bien-fondé du débat qu'il a lancé à l'automne et s'est félicité du succès rencontré par les réunions organisées localement par les préfets.

Faire plus de pédagogie. C'est ce que lui avait demandé le président de la République à la veille de Noël. Eric Besson s'y est employé hier lors d'une conférence de presse durant laquelle il présentait la synthèse des contributions apportées via Internet sur l'identité française. Sans rien lâcher sur la nécessité de mener un tel débat aujourd'hui, malgré les critiques croissantes de l'opposition et d'une partie de la majorité sur son opportunité et son contenu.

Le ministre de l'Immigration s'est avant tout défendu de faire le jeu des extrêmes : « Discuter de ce qui rassemble, ce n'est pas diviser […] Ce qui fait le jeu des nationalistes, ce n'est pas que nous soyons trop nombreux à parler de nation, c'est qu'ils soient les seuls à en parler ». Eric Besson s'est félicité du succès rencontré par les réunions organisées localement par les préfets, parlant de « débats constructifs et sans heurts ». Selon les chiffres du ministère, 227 débats locaux avaient eu lieu à la date du 31 décembre 2009, avec un nombre moyen de participants approchant la centaine de personnes.

Dérapages verbaux minimisés

Le ministre de l'Immigration s'est aussi employé à faire taire les critiques, de droite comme de gauche, qui ont émaillé le débat ces derniers jours, notamment la focalisation sur l'Islam et l'immigration : « La part des contributions [sur Internet] abordant ce thème reste inférieure à 25 % […]. La caricature du “défouloir raciste” n'a pas fonctionné », a-t-il souligné, en minimisant cependant le fait que les déclarations à caractère raciste ou hors sujet avaient été écartées lors de l'analyse des 50.000 contributions.

Eric Besson a minimisé les dérapages verbaux de certaines personnalités politiques. Le maire UMP de Gussainville, André Valentin, le secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, et l'ancien garde des Sceaux Pascal Clément, ont notamment tenu des propos controversés. Des dérapages inévitables, selon Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, signataire de l'appel au président de la République pour faire cesser le débat : « Vu le contexte actuel et la chronologie des événements récents, je pense à l'évacuation de la jungle de Calais en septembre, à la polémique sur les “mariages gris” et la question du port de la burqa, le débat ne pouvait que déraper. »

Le chef de l'Etat, dans ses voeux télévisés, jeudi soir, avait invité la majorité et l'opposition à un dialogue constructif, dans une allusion au débat sur l'identité nationale. « Respectons-nous les uns et les autres, faisons l'effort de nous comprendre, évitons les mots et les attitudes qui blessent », avait-il déclaré.

Un serment citoyen

Quant au rôle de l'Etat dans l'organisation du débat, là encore, le ministre de l'Immigration s'est voulu offensif : « Oui, l'Etat a un rôle central à jouer dans ce débat […]. La France […] n'a pu devenir nation que par l'action sans cesse renouvelée de l'Etat, qui a imposé de puissants efforts d'intégration et de construction d'une identité nationale. »

Sur le fond, certaines des propositions émanant des internautes ont retenu l'attention du ministre, notamment le fait de rendre plus solennelle l'accession à la citoyenneté par un serment citoyen, ou celle de faire chanter « La Marseillaise » dans les rencontres de Première division des championnats de France des principaux sports. C'est d'après ce panel de propositions que devrait se prononcer le président de la République dans la première quinzaine de février. Une proposition de loi n'est pas à l'ordre du jour, selon Eric Besson, mais « certaines décisions pourront avoir une traduction législative ».

Zurich refuse d’interdire le port du voile à l’école

Les filles ont le droit de porter un foulard en classe. Hier, le Grand Conseil zurichois a rejeté une motion visant à bannir ce signe religieux de l’école. En Suisse romande, le débat ne fait que commencer. Un article de 24 Heures, signé Nadine Haltiner, Zürich.

© KEYSTONE | Le gouvernement et la plupart des partis ont rejeté le projet de l’UDC visant à bannir le foulard des classes.

Après les minarets, le voile. Depuis fin novembre, plusieurs projets de loi visant à interdire le port du voile à l’école fleurissent dans les parlements romands. Vaud, Fribourg et Neuchâtel débattront de la question cette année. De l’autre côté de la Sarine, Zurich est un des premiers cantons à avoir pris position. Hier, le Grand Conseil a rejeté par 104 voix contre 65 une motion de l’UDC visant à bannir le foulard des classes. Une décision qui pourrait faire ricochet en Suisse romande.

Le texte discuté hier dormait depuis 2007 dans un tiroir du parlement. Rejeté par le gouvernement et la plupart des partis, le projet – qui voulait aussi obliger les musulmanes à participer aux leçons de gymnastique pendant le Ramadan – semblait condamné d’avance. «De telles règles rendraient plus difficile l’intégration des enfants concernés et iraient à l’encontre de la liberté de croyance», a plusieurs fois dénoncé le Conseil d’Etat.

«Du coup, il n’y a pas vraiment eu de débat hier, regrette Barbara Steinemann, auteure du projet. Après le vote contre les minarets, les partis ont préféré s’en tenir au politiquement correct. C’est dommage. Même la Turquie bannit le port du voile à l’école. J’ai hâte de voir ce que feront les Romands!»

Ces derniers ne devraient pas se prononcer avant avril. Mais, pour les opposants au foulard, le vote zurichois est un mauvais présage. «Je suis déçue, note Erika Schnyder, députée au Grand Conseil fribourgeois. Le texte a été rejeté haut la main. Cela signifie que la liberté de croyance est plus importante que la liberté de l’individu. C’est inadmissible.» Syndique de Villars-sur-Glâne, la socialiste s’est basée sur un cas concret pour rédiger sa motion.

Fillette de 8 ans voilée
En septembre, une fillette de 8 ans s’est présentée en classe voilée. Pour la politicienne, qui défend ardemment l’égalité entre hommes et femmes, c’en était trop. «Je n’attaque pas la religion musulmane, précise-t-elle. Mais l’école doit être un endroit neutre. Mon texte vise donc aussi à bannir de l’école les signes ostentatoires d’autres religions.»

Voile, kippa, crucifix, même combat. Une motion élargie qui a été reprise telle quelle par l’UDC vaudoise. «En visant toutes les religions, notre projet met les enfants sur un pied d’égalité, note Pierre-Yves Rappaz, député au Grand Conseil vaudois. Il a aussi plus de chances de passer la rampe parlementaire. Les Jeunes Socialistes pourraient nous suivre.» Reste que c’est bien le voile qui pose «le plus de problèmes». «Je ne connais pas de cas concret sur Vaud, admet-il. Mais il existe une lacune dans la loi. Si un parent veut envoyer sa fille voilée à l’école, malgré un préavis négatif du canton, il en a le droit. Or, c’est le fait de porter un foulard qui marginalise l’enfant, pas notre projet de loi.»