mercredi 27 février 2008
Libre circulation sans illusion
On reparlera de la libre circulation des personnes dans les quinze prochains mois. Aujourd'hui même, le délai de consultation échoit sur les deux propositions de confirmer la validité de l'accord Suisse/Union européenne au-delà du 31 mai 2009 et d'en étendre l'application par paliers à la Roumanie et à la Bulgarie. Ces deux objets constituent un seul sujet, duquel le Conseil fédéral ne pense que du bien. Il tire en effet un bilan positif pour l'économie du pays des six premières années d'ouverture des frontières et s'engage donc pour la reconduction de la libre circulation. Le parlement fédéral en débattra en juin. Sa décision sera ensuite sujette à référendum. Celui-ci étant d'ores et déjà programmé du côté des forces populistes et nationalistes, la date du 17 mai 2009 est déjà retenue pour ce scrutin.
Cet accord de libre circulation des personnes touche à deux facettes de la politique économique suisse. Il fait d'abord partie de la politique migratoire. Les frontières sont ouvertes aux travailleurs ou rentiers financièrement autonomes de l'Union européenne, soit un marché de 500 millions d'individus dans moins de 30 pays. A côté, la loi sur les étrangers s'applique aux six autres milliards d'êtres humains de la planète. Les ressortissants des pays extra-communautaires peuvent émigrer en Suisse selon leurs degrés d'utilité à l'économie du pays. Enfin, la loi sur l'asile filtre étroitement les plus pauvres parmi les pauvres et les persécutés. Sur cette toile de fond, le modèle d'avenir pour bâtir un monde égalitaire est pourtant la non-discrimination, principe de base de l'accord de libre circulation. Dans ce sens, son extension à tous trace le chemin à suivre.
En second lieu, cette dernière a aussi des répercussions sur le marché du travail intérieur. En étendant le bassin de recrutement des entreprises à l'Europe, voire au monde, elle renforce la concurrence entre les travailleurs, fragilisant leur position sociale. Mais c'est bien plutôt la libre circulation des capitaux qui entretient la concurrence de tous contre tous. L'argent va en effet prioritairement où les coûts de production sont minimaux et le rendement maximal. La baisse des salaires par le jeu de la concurrence est ainsi un processus du capitalisme toujours à l'oeuvre et ne provient pas des migrations des travailleurs.
Contre cette tendance de fond, les mesures d'accompagnement de la libre circulation sont, il est vrai, bien peu contraignantes. Les contrats collectifs couvrent un tiers de la population active, les contrats-type de travail sont quasi inexistants et les contrôles étatiques des entreprises seulement sporadiques. Cette faiblesse favorise le refus de la libre circulation par des salariés. Mais seuls les travailleurs eux-mêmes et les militants issus du sérail sont suffisamment présents pour contrôler partout leurs propres conditions de travail. Les syndicats se doivent de les épauler dans ce combat quotidien, pour accroître leurs droits. Cette tâche est toujours nécessaire, avec ou sans libre circulation. A l'inverse, son éventuel abandon, comme le menacent certains syndicats, n'allégera pas la pression concurrentielle pesant sur les épaules des salariés. Se tromper de combat ne facilitera pas la résistance à la déréglementation.
Migrants le nouveau souffle vaudois
Les milieux de défense des migrants entameraient-ils un nouveau cycle de lutte? C'est ce qu'on peut en conclure à l'issue des 2e Etats généraux vaudois, qui se sont déroulés samedi à Lausanne, moins de quatre mois après le premier rassemblement cantonal. Les militants reprennent pourtant à peine leur souffle, après trois années de combat pour les requérants déboutés dont le nombre est devenu un nom: «les 523» et «les 175».
Cette histoire-là commence le 1er avril 2004, comme une mauvaise plaisanterie. Les dossiers laissés en suspens par le canton de Vaud sont négociés à Berne: environ 700 personnes sur 1273 se voient refuser la régularisation. Suivront des ordres d'expulsion pour 523 déboutés. Se lève alors un vent de fronde dans le canton: occupations d'Eglises, avis de droit, manifestations, pétitions, motions... A force de ténacité, beaucoup de ces requérants obtiendront une régularisation sur l'autel de feu «l'exception vaudoise».
Le 1er avril 2004, c'est aussi, au niveau fédéral, la mise à la rue des requérants frappés d'une non-entrée en matière (NEM). Une situation que les déboutés subissent à leur tour depuis ce début d'année. Une partie des enfants, femmes et hommes de ces deux «catégories» de migrants rejoignent ainsi le sort des sans-papiers. Ceux-là même qui ont cru en une possible régularisation collective en sortant de l'ombre dès 2001 et qui ont essuyé, à quelques exceptions près, des refus à leurs demandes de permis humanitaires.
Aujourd'hui, face à ces discriminations inacceptables dans un Etat dit de droit, la convergence entre les luttes pourrait créer une nouvelle dynamique. Mais pas seulement. Si l'on en croit certains militants, l'entrée en vigueur des nouvelles lois sonne comme un signal général de mobilisation.
Dans le canton de Vaud, les mouvements de soutien aux requérants d'asile, aux personnes frappées d'une NEM, aux requérants déboutés et aux sans-papiers savent que la seule voie possible est d'unir leurs forces pour «le droit de rester», pour toutes et tous.
Le slogan positif et offensif suisse alémanique «Bleiberecht» pourrait ainsi remplacer à terme le «Stop aux renvois» vaudois. Une idée discutée samedi et qui doit encore mûrir, comme les nombreuses actions d'ores et déjà prévues.
Un front commun qui se remet en question aussi, car la lutte pour les droits des migrants ne pourra se faire sans les principaux intéressés, encore trop peu nombreux dans les mouvements. La création d'un réseau social, notamment grâce aux structures associatives, peut ouvrir à terme un champ de sensibilisation propice à une politisation des migrants. Une politisation nécessaire comme l'ont démontré les associations créées par les premiers arrivants, les Italiens en tête. L'action doit donc être pensée à moyen, voire à long terme, pour contrer le durcissement des politiques migratoires filles des initiatives Schwarzenbach, qui ont finalement été approuvées... quelque vingt ans plus tard.
Claude Gumy, l'homme qui a remporté le marché de l'asile fribourgeois
Assis derrière son bureau, Claude Gumy sourit, l'air posé. L'homme paraît serein, détendu même, malgré le stress engendré par son nouveau poste. Pourtant, rarement une entrée en fonction n'aura suscité une telle polémique. Depuis le 1er janvier, la société ORS Service AG (Organisation für Regie une Spezialaufträge) s'occupe de la prise en charge des requérants d'asile dans le canton de Fribourg. Claude Gumy, 43 ans, dirige cette antenne cantonale.
Droits humains: la Suisse bientôt sous la loupe de l'ONU
fait partie des domaine où la Suisse doit faire
un effort, selon les ONG. (Keystone)
Le document des organisations non gouvernementales (ONG) est rendu public en vue de l'examen par le Conseil des droits de l'homme du rapport officiel de la Suisse. La discussion à l'ONU aura lieu au mois de mai. Nouveauté depuis cette année: les 192 États membres de l'ONU doivent se soumettre à l'examen périodique universel (EPU) et les ONG peuvent apporter leur contribution.
Des mécanismes permettant de garantir une mise en œuvre efficace des traités relatifs aux droits humains "font largement défaut" en Suisse, selon la coalition d'ONG.
Les ONG dénoncent notamment les discriminations qui frappent les migrants et les femmes, le durcissement de la politique d'asile, les réserves de la Suisse en matière de droits de l'enfant, l'usage disproportionné de la force par la police, "des comportements racistes et discriminatoires".
Les ONG demandent à la Suisse de ratifier les Conventions de l'ONU sur les travailleurs migrants, les disparitions forcées, les handicapés. Berne doit reconnaître le droit de porter plainte aux personnes victimes d'une violation de leurs droits économiques, sociaux et culturels
Le cadre législatif doit en outre être renforcé par l'introduction d'une loi fédérale contre les pratiques discriminatoires, incluant des stratégies de lutte contre le racisme et la xénophobie. Les ONG recommandent également une meilleure information de la population sur les traités en matière de droits humains.
ATS