Présidente du comité biennois «2xNON», Judith Giovannelli-Blocher critique les révisions préconisées par son frère, Christoph Blocher.
Judith Giovannelli-Blocher estime que la révision des lois sur l’asile et les étrangers
doit exprimer en premier lieu le souci de protection (Keystone/Engeler)
«Comme travailleuse sociale, qui a consacré sa vie aux réfugiés, je ne peux pas me taire: cette loi menace la substance sociale de notre pays», s’exclame Judith Giovannelli- Blocher qui préside le comité biennois pour le non. Elle s’oppose à son frère en qualifiant d’exagérés les abus reprochés aux requérants. Entretien.
«Ces lois mineraient nos droits démocratiques fondamentaux! » Ainsi parle la soeur de Christophe Blocher, Judith Giovannelli-Blocher, 74 ans, présidente du comité biennois «2xNON» aux lois sur l’asile et sur les étrangers soumises au vote populaire du 24 septembre. Dès vendredi, elle mènera campagne dans la région où elle réside.
Très décidée, la soeur du ministre helvétique de la justice et de la police souhaite rester sobre et objective à l’égard de Christoph Blocher. «Je me concentre sur le contenu et je trouve qu’actuellement, la focalisation sur sa personne n’est pas utile. Pourtant, c’est assez pesant de représenter l’exact opposé politique de mon frère.» Judith Giovannelli-Blocher critique d’abord la révision de la loi sur l’asile: on n’entrera plus en matière sur les requêtes de personnes n’ayant pas de papiers. «Il y a un énorme danger que des gens réellement persécutés ne puissent pas être reconnus. Souvent, de telles personnes n’ont aucun document. Et les victimes de tortures relatent fréquemment leurs tribulations de manière décousue. »
Abus surestimés
Selon elle, une loi sur l’asile doit exprimer en première ligne le souci de protection – en y incluant la présomption d’innocence des immigrants. Or les deux projets sur l’asile et les étrangers sont marqués par la méfiance et la dissuasion.
«Des abus, il y en a bien sûr, mais on les surestime», affirme la travailleuse sociale qui a vu défiler des milliers d’étrangers. Alors que le nombre des requérants et des réfugiés admis est en baisse, il n’y a aucune raison, s’insurge-t-elle, d’endurcir les mesures de contraintes et de biffer complètement l’aide sociale aux requérants déboutés. «Lorsque des gens sont vulnérables, ou lorsque les relations familiales ont été brisées, cette aide doit pouvoir être maintenue. » Des solutions? La soeur aînée du conseiller fédéral préconise d’un côté davantage de projets cohérents pour aider les requérants à retourner vivre chez eux. Et de l’autre une meilleure intégration en Suisse, notamment en les autorisant à travailler. «En fin de compte, c’est la pauvreté au Sud qu’il faut combattre», préconise Judith Giovannelli-Blocher.
«La révision de la loi sur l’asile et la nouvelle loi sur les étrangers se heurtent à la substance sociale de notre pays», avertit l’opposante. Ainsi, ceux qui accueillent des requérants déboutés peuvent être punis de leur acte altruiste. «Par exemple des pasteurs, des prêtres ou des gens qui s’engagent activement dans leur commune pour soutenir des réfugiés.» Elle se réjouit du soutien toujours plus large qui se développe en faveur de la campagne contre les deux projets. «Si ces lois sont refusées, ce sera un signal positif pour d’autres enjeux sociaux, actuellement menacés par des mesures d’économie – comme les soins aux personnes âgées et aux handicapés. » Auteur de deux livres, Judith Giovannelli-Blocher a dirigé un département à la Haute école pour le travail social de Berne. Sa conclusion se veut optimiste: «La Suisse est malgré tout un pays capable d’intégrer!»
DOMINIQUE SCHÄRER, INFOSUD