jeudi 23 août 2007

Aux cantons de prouver que leurs étrangers sont bien intégrés

Les cantons saluent la politique d’intégration présentée hier par Christoph Blocher: 45 mesures basées avant tout sur l’apprentissage d’une langue nationale.
Mais ils craignent qu’à terme, leur financement ne soit plus assuré par la Confédération.


Christoph Blocher a déploré
qu’un étranger sur quinze ne parle
aucune de nos langues nationales.

KEYSTONE/PETER
SCHNEIDER

«L’intégration des étrangers est du ressort des cantons, pas de la Confédération», lançait, hier à Berne, Christoph Blocher lors d’une conférence de presse sur la politique d’intégration du Conseil fédéral. Une affirmation qui sem­blait faire office de porte de se­cours pour un ministre de Justice et Police qui ne savait plus com­ment se dépatouiller des ques­tions insistantes des journalistes. Car, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’une heure et demie d’ex­posé n’aura pas suffi à faire com­prendre les «mesures concrètes» que le gouvernement entend ap­porter. Malgré plusieurs explica­tions, il reste un certain flou sur qui fera quoi et avec quels moyens.
Intitulé «Politique d’intégra­tion de la Confédération: adop­tion de mesures concrètes», le projet composé de 45 mesures est censé combler les lacunes en ma­tière d’intégration des étrangers, notamment des plus jeunes. La priorité est clairement mise sur l’apprentissage d’une langue na­tionale, seule clé pour pouvoir suivre une formation et trouver un emploi. «Un étranger sur quinze ne parle aucune de nos langues nationales», a déploré Christoph Blocher. Avant d’ajou­ter qu’«il ne suffit plus qu’ils sui­vent des cours de langues, main­tenant ils devront aussi les ap­prendre!»

La fin des subventions?
Aux étrangers donc de mettre la main à la pâte. Et pour le ministre, cela passe par la signa­ture d’une «convention d’intégra­tion ». Une sorte de contrat que l’immigré signe à son arrivée pour prouver sa bonne volonté.
Mais qui vérifiera que le con­trat est respecté? «Les cantons évidemment», répond le ministre. Une nouvelle tâche parmi beau­coup d’autres qui laisse les princi­paux intéressés mi-figue, mi-rai­sin. «Au moins, les cantons de­viennent responsables de l’ensemble des projets, relève An­dré Castella, délégué ad interim à l’intégration à Genève. L’ennui c’est qu’on ne connaît pas encore le mode d’application de toutes les mesures, c’est par exemple le cas de la «convention d’intégra­tion ».
Une vision partagée par Ma­galy Hanselmann, sa collègue vaudoise: «L’avantage de cette ré­partition, c’est que cela responsa­bilise les cantons, mais d’un autre côté, ce sont aussi des tâches supplémentaires.» Autre flou: les montants que les cantons obtiendront. Le crédit annuel de 14 millions de francs octroyé actuellement devrait être maintenu, voire augmenter de quelque 2,6 millions, apprenait­on hier. Neuf millions pourraient être accordés à l’enseignement des langues. Mais les sommes exactes ne seront dévoilées que quand le gouvernement aura mis la dernière main au projet.
Reste que certains cantons crai­gnent que la Confédération ne leur délègue à terme également la responsabilité financière de l’inté­gration. Et des voix inquiètes se demandent jusqu’à quand Berne versera ses subventions.
Nadine Haltiner, Berne, dans le 24 Heures

Intégration, le mot magique et l’apprenti sorcier

Christoph Blocher veut intégrer les étrangers.
Ou plutôt, il veut que les étrangers fassent eux-mêmes l’effort de s’intégrer. Dans le fond, comment lui donner tort? La Suisse est en droit de choisir les migrants qu’elle accueille. Elle est en droit aussi d’exiger d’eux, en échange de son hospitalité, qu’ils respectent ses lois et ses usages, et même qu’ils apprennent une de ses langues nationales. Après tout, il en va de leur propre réussite ici.
L’intégration, c’est vrai, impossible d’être contre. La preuve: tous les partis, de gauche comme de droite, l’ont inscrite à leur programme électoral. Mais ce mot magique qui fait pschitt! peut cacher bien des maléfices et des arrière-pensées.
D’ailleurs, Christoph Blocher ne jouerait-il pas aux apprentis sorciers? Le conseiller fédéral UDC l’admet lui-même, la Suisse n’a pas de problèmes majeurs avec ses étrangers, contrairement à l’image sulfureuse renvoyée par quelques sordides faits divers. Et les cantons n’ont pas attendu que Berne les y pousse pour s’atteler à l’intégration.
Alors pourquoi Christoph Blocher se sent-il le besoin de s’imposer dans ce dossier? Pourquoi monte-t-il en première ligne s’il n’a pas plus de réponses concrètes à apporter?
Le chef de Justice et Police, en sous-main, semble en fait accréditer la thèse que la Suisse ne parvient plus à assimiler ses migrants et qu’elle est par conséquent en danger. Procès d’intention? Que Christoph Blocher dégage les moyens financiers nécessaires à une politique d’intégration ambitieuse, et l’on est prêt à croire que son intention est bien de mettre de l’huile dans les rouages, et pas d’en jeter sur le feu.

Editorial
de Serge Gumy, chef de la rubrique suisse pour le quotidien 24 Heures

Pour Berne, l'intégration passe par les langues

La maîtrise d'une langue nationale est la clé de l'intégration des étrangers en Suisse. C'est désormais la ligne du Gouvernement, qui mettra également l'accent sur la formation et le travail.


Tous les étrangers doivent se mettre aux langues nationales. Et commencer jeunes.
Tous les étrangers
doivent se mettre
aux langues nationales.
Et commencer jeunes.
(Keystone)


Et ceux qui ne pourront pas ou ne voudront pas s'intégrer devront en tirer les conséquences, notamment en matière d'autorisation de séjour, avertit le Conseil fédéral. La clé de l'intégration est l'apprentissage d'une langue nationale, a martelé le ministre de Justice et Police Christoph Blocher devant la presse. Pour lui, la politique d'intégration «a maintenant les pieds sur terre» et «les aspects romantiques restent à l'arrière-plan». Le rapport gouvernemental élaboré par divers offices de plusieurs ministères fait d'ailleurs la part belle au credo du conseiller fédéral UDC (nationaliste). Un étranger sur quinze habitant en Suisse ne parle jamais en français, en allemand ou en italien, s'inquiète Christoph Blocher. Dans ces conditions, il ne peut ni s'intégrer ni trouver un emploi. «Il s'agira de faire en sorte à l'avenir que les étrangers apprennent réellement une de nos langues; plus question de se contenter de suivre des cours sans rien apprendre», insiste le ministre.

Politique d'intégration