Lire l'éditorial de Jacques Poget dans 24heures
Le 24 septembre, si les sondages disent vrai, les Suisses accepteront aussi bien l’initiative COSA que le paquet formé des lois sur l’asile et les étrangers.
Et pourtant le débat, virulent, touche des nerfs à vif, et laissera des traces. Il divise le pays sur des lignes de rupture bien différente selon les deux objets - chacun touchant à des acquis jugés fondamentaux pour la Suisse, sans pour autant résoudre le problème visé. Trois oui probables, et une profonde désunion.
Verser à l'AVS une partie du bénéfice de la Banque nationale, voilà qui séduit des personnes âgées ou proches de la retraite ainsi qu'un public composite, aux revenus modestes ou sensible à la précarité d'autrui: en partie gauche populaire, en partie UDC et conservateurs. Mais COSA hérisse entre autres les fédéralistes, les riches, les personnes attachées à l'ordre économique.
Car il est peu orthodoxe de priver les cantons, copropriétaires de la Banque nationale, d'un revenu attitré, qu'ils ne pourraient compenser que par de nouveaux impôts. Il est peu orthodoxe de faire dépendre les retraites des bénéfices de la BNS. qui n'a justement pas pour vocation de gagner de l'argent, mais de garantir - à perte s'il le faut - la stabilité de la monnaie nationale et des conditions économiques générales. Il est peu orthodoxe de s'attaquer conjoncturellement à une impasse structurelle. Si l'AVS manque d'argent, c'est que son équation démographique a implosé: «Beaucoup d'actifs, peu de retraités» est devenu «Peu d'enfants, beaucoup de grands vieillards»! Pomper dans l'argent des cantons retarde l'échéance; il faudra se résoudre à trouver des ressources nouvelles (TVA ou autre impôt) ou à réduire les rentes… soit les deux à la fois.
Mais dans l'immédiat, électoralement parlant, COSA est une idée pimpante: elle prouve que la gauche - tant pis pour ses conseillers d'Etat secrètement horrifiés par cette torpille dans leurs finances - se soucie des vieux et de solidarité. Alors que la même gauche hurlerait à la démagogie si l'idée avait émané de l'UDC (embarrassée et muette). Cette manœuvre à court terme et à courte vue n'est décidément pas défendable.
Pourtant le Parti socialiste se sert du succès de COSA pour se défausser de l'échec du referendum contre le paquet asile/étrangers. Car elle sera difficile à assumer, la cruelle sanction du peuple. Il va dire oui à des mesures qu'il avait refusées - de justesse - sous la forme d'une initiative de l'UDC «contre les abus de l'asile». Des dispositions désormais inscrites, pour l'essentiel, dans la nouvelle loi. Par les partis bourgeois qui combattaient l'UDC.
Ce changement de cap a d'ailleurs bouleversé des conservateurs, outrés de voir sacrifier des principes fondamentaux dans l'espoir de récupérer un électorat attiré par l'UDC. L'alliance objective de leur fronde avec la gauche ne remportera pas la majorité; mais elle signale un abrupt fossé dans l'opinion, sur des sujets extraordinairement sensibles. On pourrait même dire: en proportion inverse du nombre de personnes concernées! Car la loi sur l'asile touche quelques milliers de requérants d'asile - 10'000 cas nouveaux en 2005, cinq fois moins qu'en 1999 - alors que le texte sur les étrangers - un million et demi d'habitants - ne provoque pas les mêmes remous.
Ces deux lois, pourtant, sont tellement imbriquées qu'il faut les accepter ou les rejeter en bloc. Si la seconde pose les conditions-cadres du genre d'immigration que la Suisse désire favoriser, elle n'est pas acceptable par qui s'oppose à la nouvelle législation sur l'asile. Or cette dernière divise profondément.
Dans le camp du oui, pas seulement des xénophobes et des craintifs! Beaucoup accepteront par pragmatisme, par réalisme, en se disant qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Lassés par trop d'abus, trop de délinquance, trop de déboutés non expulsables, ils espèrent que les vrais réfugiés trouveront leur chemin, et qu'enfin la Suisse sera outillée pour se défendre contre les autres.
Compréhensible, cette réaction n'en constitue pas moins une double dérive. Dans l'immédiat, elle causera de graves injustices; les véritables victimes de persécution n'auront plus guère de chances d'être acceptées. La nouvelle loi est accusée de violer à la fois la Convention de Genève (un comble, puisque la Suisse en est dépositaire…) et celle qui protège les droits des enfants. A plus long terme, les pratiques insensibles, voire inhumaines, les procédures bureaucratiques presque sans recours, les décisions administratives impersonnelles finissent toujours par déraper et par contaminer ceux qui les appliquent. Jeu dangereux pour une démocratie que d'enfreindre ses propres principes pour les protéger…
Tout cela est d'autant plus regrettable que la loi ne résoudra probablement presque rien. Passeurs et requérants abusifs contourneront ses chicanes; les expulsions forcées ne seront pas plus faciles vers des pays qui ne reprennent pas leurs propres ressortissants. Interdits de travail, contraints de vivre avec huit francs par jour, les déboutés seront poussés à la délinquance. N'espérez pas que les incidents violents comme ceux de Bex ne se produiront plus! Bref, la loi s'annonce surtout contre-productive.
Sauf pour l'UDC! Car celle-ci annonce déjà qu'elle veut encore serrer la vis. Normal: son objectif n'est pas de résoudre le problème, mais de surfer électoralement sur la crainte. En inscrivant dans la loi ce que l'UDC n'avait pas obtenu en votation, le centre droit la pousse à persévérer. Alors qu'une révision plus nuancée, moins idéologiquement marquée, aurait dégagé des solutions plus efficaces. Espérons que les non, de droite comme de gauche, plaçant une ferme limite, imposant une application modérée des textes, poseront la base d'une future politique enfin constructive.
«Espérons que les non imposerontune application modérée de la loi»
samedi 2 septembre 2006
Darbellay invente le «petit oui»
Lire le débat entre Alain Berset et Christophe Darbellay dans 24heures en ligne
Dernière ligne droite pour les votations du 24 septembre sur l'asile et les étrangers. Les bulletins de vote sont arrivés dans les boîtes aux lettres. Les tracts sont distribués, les débats se succèdent. Selon les derniers sondages, la révision de la loi sur l'asile devrait être acceptée par 54% des votants et celle sur les étrangers par 59%. Le résultat en Suisse romande demeure incertain.
Pour ses journalistes et pour ses lecteurs, 24 heures a lui aussi décidé de lancer le débat. Deux jeunes politiciens romands, parmi les plus écoutés à Berne ont ainsi croisé le fer hier matin à la rédaction. Le socialiste fribourgeois Alain Berset, opposé aux deux lois et le démocrate chrétien valaisan Christophe Darbellay, favorable à cette double révision. C'est la première fois de la campagne qu'ils se retrouvaient face à face. A noter que Christophe Darbellay sera élu aujourd'hui président du PDC suisse.
Moments forts d'un débat qui s'est concentré sur la révision de la loi sur l'asile.
LA SUISSE A-T-ELLE BESOIN D'UNE NOUVELLE LOI SUR L'ASILE?
Christophe Darbellay: La Suisse doit rester une terre d'asile pour les gens qui sont persécutés. Nos engagements internationaux ne changent pas et on doit les respecter. Mais nous avons des problèmes en matière d'asile et ce serait faux de les nier. Nous sommes ainsi confrontés, comme dans toute l'Europe, à un problème de mouvement de population lié à des différences choquantes de richesse. C'est légitime de venir chercher son bonheur ailleurs, mais cela n'a rien à voir avec l'asile. Beaucoup de requérants ne remplissent pas les critères pour obtenir l'asile. D'ailleurs seuls 15% d'entre eux obtiennent le statut de réfugié. D'autre part, actuellement 7000 personnes sont toujours en Suisse, alors qu'elles devraient être renvoyées. Tout simplement, on ne peut pas exécuter ces renvois car elles n'ont pas de papiers.
Alain Berset : L'année passée, 10000 personnes ont déposé une demande d'asile en Suisse. C'est le chiffre le plus bas de ces 20 dernières années. Il n'y a donc aucune urgence. On devrait donc pouvoir mener dans le domaine de l'asile un débat serein. Je reconnais d'ailleurs qu’il existe des problèmes. J'en vois principalement deux: notre incapacité à exécuter des renvois et les abus. Il y a deux types d'abus. La petite criminalité liée principalement à l'inactivité forcée des requérants d'asile. Et la grande criminalité contre laquelle on dispose d'un arsenal pénal. Mais rappelons que seuls 4% des requérants sont concernés par la criminalité. D'ailleurs principalement la petite.
POURQUOI DE NOUVEAUX ACCORDS DE RÉADMISSION PERMETTANT DE RENVOYER PLUS FACILEMENT LES REQUÉRANTS DÉBOUTÉS N'ONT-ILS PAS ÉTÉ SIGNÉS?
Alain Berset: Ruth Metzler avait beaucoup travaillé dans ce domaine. Avec quelques succès. Depuis que Christoph Blocher est à la tête du Département de justice et police, il ne se passe plus rien du tout. Je le soupçonne de faire exprès de ne pas signer des accords de réadmission, même si je suis conscient que c'est difficile.
Christophe Darbellay: Selon vous, la seule solution serait les accords de réadmission. Mais il y en a actuellement 33 et 10 qui sont en préparation. Il y a trois jours, Christoph Blocher a signé un accord de réadmission avec la Grèce. Cela fait rigoler tout le monde. Mais il y a quand même des gens qui transitent par ce pays.
UN REQUÉRANT QUI ARRIVE SANS PAPIERS D'IDENTITÉ A-T-IL ENCORE DES CHANCES D'OBTENIR L'ASILE?
Alain Berset: 50% des personnes ayant obtenu le statut de réfugié n'ont pas pu présenter de papiers d'identité à leur arrivée en Suisse. Ils avaient par exemple des actes de naissance ou des permis de conduire qui, désormais, ne seront plus valables. On nous promet qu'il y aura des exceptions, mais il faudra voir si elles seront appliquées et ne pas oublier qui est le chef de ceux qui devront appliquer la loi (n.d.l.r.: Christoph Blocher). Un requérant malhonnête va continuer à détruire ses papiers et il ne pourra pas être renvoyé. Cette mesure est totalement inefficace.
Christophe Darbellay: 80% des requérants d'asile, aujourd'hui, n'ont pas de papiers. Cette mesure de non entrée en matière pour les personnes n'ayant pas de papiers n'a rien de dramatique. Une personne qui arrive dans un centre, comme celui de Vallorbe sera auditionnée par une personne de la Confédération. Il y aura aussi un représentant des œuvres d'entraide et un interprète. Ces entretiens dureront entre deux et six heures. Si la personne qui n'a pas de papiers d'identité et peut expliquer cette absence, une procédure sera ouverte. En cas de doute, une enquête supplémentaire sera effectuée.
Alain Berset : N'oublions pas que les passeports et les cartes d'identité qui seront exigées sont aussi les documents permettant l'exécution les renvois. Par ailleurs, il est arrivé que la présence d'un passeport ou d'une carte d'identité soit invoquée pour refuser la demande. Sous prétexte qu'un véritable opposant ne peut pas obtenir de tels papiers de son gouvernement.
Dernière ligne droite pour les votations du 24 septembre sur l'asile et les étrangers. Les bulletins de vote sont arrivés dans les boîtes aux lettres. Les tracts sont distribués, les débats se succèdent. Selon les derniers sondages, la révision de la loi sur l'asile devrait être acceptée par 54% des votants et celle sur les étrangers par 59%. Le résultat en Suisse romande demeure incertain.
Pour ses journalistes et pour ses lecteurs, 24 heures a lui aussi décidé de lancer le débat. Deux jeunes politiciens romands, parmi les plus écoutés à Berne ont ainsi croisé le fer hier matin à la rédaction. Le socialiste fribourgeois Alain Berset, opposé aux deux lois et le démocrate chrétien valaisan Christophe Darbellay, favorable à cette double révision. C'est la première fois de la campagne qu'ils se retrouvaient face à face. A noter que Christophe Darbellay sera élu aujourd'hui président du PDC suisse.
Moments forts d'un débat qui s'est concentré sur la révision de la loi sur l'asile.
LA SUISSE A-T-ELLE BESOIN D'UNE NOUVELLE LOI SUR L'ASILE?
Christophe Darbellay: La Suisse doit rester une terre d'asile pour les gens qui sont persécutés. Nos engagements internationaux ne changent pas et on doit les respecter. Mais nous avons des problèmes en matière d'asile et ce serait faux de les nier. Nous sommes ainsi confrontés, comme dans toute l'Europe, à un problème de mouvement de population lié à des différences choquantes de richesse. C'est légitime de venir chercher son bonheur ailleurs, mais cela n'a rien à voir avec l'asile. Beaucoup de requérants ne remplissent pas les critères pour obtenir l'asile. D'ailleurs seuls 15% d'entre eux obtiennent le statut de réfugié. D'autre part, actuellement 7000 personnes sont toujours en Suisse, alors qu'elles devraient être renvoyées. Tout simplement, on ne peut pas exécuter ces renvois car elles n'ont pas de papiers.
Alain Berset : L'année passée, 10000 personnes ont déposé une demande d'asile en Suisse. C'est le chiffre le plus bas de ces 20 dernières années. Il n'y a donc aucune urgence. On devrait donc pouvoir mener dans le domaine de l'asile un débat serein. Je reconnais d'ailleurs qu’il existe des problèmes. J'en vois principalement deux: notre incapacité à exécuter des renvois et les abus. Il y a deux types d'abus. La petite criminalité liée principalement à l'inactivité forcée des requérants d'asile. Et la grande criminalité contre laquelle on dispose d'un arsenal pénal. Mais rappelons que seuls 4% des requérants sont concernés par la criminalité. D'ailleurs principalement la petite.
POURQUOI DE NOUVEAUX ACCORDS DE RÉADMISSION PERMETTANT DE RENVOYER PLUS FACILEMENT LES REQUÉRANTS DÉBOUTÉS N'ONT-ILS PAS ÉTÉ SIGNÉS?
Alain Berset: Ruth Metzler avait beaucoup travaillé dans ce domaine. Avec quelques succès. Depuis que Christoph Blocher est à la tête du Département de justice et police, il ne se passe plus rien du tout. Je le soupçonne de faire exprès de ne pas signer des accords de réadmission, même si je suis conscient que c'est difficile.
Christophe Darbellay: Selon vous, la seule solution serait les accords de réadmission. Mais il y en a actuellement 33 et 10 qui sont en préparation. Il y a trois jours, Christoph Blocher a signé un accord de réadmission avec la Grèce. Cela fait rigoler tout le monde. Mais il y a quand même des gens qui transitent par ce pays.
UN REQUÉRANT QUI ARRIVE SANS PAPIERS D'IDENTITÉ A-T-IL ENCORE DES CHANCES D'OBTENIR L'ASILE?
Alain Berset: 50% des personnes ayant obtenu le statut de réfugié n'ont pas pu présenter de papiers d'identité à leur arrivée en Suisse. Ils avaient par exemple des actes de naissance ou des permis de conduire qui, désormais, ne seront plus valables. On nous promet qu'il y aura des exceptions, mais il faudra voir si elles seront appliquées et ne pas oublier qui est le chef de ceux qui devront appliquer la loi (n.d.l.r.: Christoph Blocher). Un requérant malhonnête va continuer à détruire ses papiers et il ne pourra pas être renvoyé. Cette mesure est totalement inefficace.
Christophe Darbellay: 80% des requérants d'asile, aujourd'hui, n'ont pas de papiers. Cette mesure de non entrée en matière pour les personnes n'ayant pas de papiers n'a rien de dramatique. Une personne qui arrive dans un centre, comme celui de Vallorbe sera auditionnée par une personne de la Confédération. Il y aura aussi un représentant des œuvres d'entraide et un interprète. Ces entretiens dureront entre deux et six heures. Si la personne qui n'a pas de papiers d'identité et peut expliquer cette absence, une procédure sera ouverte. En cas de doute, une enquête supplémentaire sera effectuée.
Alain Berset : N'oublions pas que les passeports et les cartes d'identité qui seront exigées sont aussi les documents permettant l'exécution les renvois. Par ailleurs, il est arrivé que la présence d'un passeport ou d'une carte d'identité soit invoquée pour refuser la demande. Sous prétexte qu'un véritable opposant ne peut pas obtenir de tels papiers de son gouvernement.
Berne rejette le recours de la famille Kuljanin
Le Matin - Berne rejette le recours de la famille Kuljanin
Le ciel vient de tomber sur la tête des Kuljanin. Le recours de cette famille de requérants d'origine bosniaque vient d'être refusé par la Commission de recours en matière d'asile (CRA) à Berne. En juillet dernier, la pétition en leur faveur, signée par 2200 personnes, avait été rejetée par le Conseil d'Etat vaudois. L'expulsion semble donc cette fois inéluctable.
Depuis plus d'une année, le sort des Kuljanin, arrivés en Suisse en 2001, suscite un important élan de solidarité à la Vallée de Joux, où ils habitaient. Interdits de travail, ils ont depuis été déplacés à Yverdon-les-Bains par la Fareas.
On ne baisse pas les bras
Malgré ces mauvaises nouvelles, le comité de soutien des Kuljanin refuse de baisser les bras. Il rappelle que cette famille est menacée en Bosnie par des intégristes et que la fille, Mirela, est atteinte de sclérose en plaque. Le comité va réunir des signatures de personnalités politiques d'ici mardi pour aller demander le soutien du Grand Conseil.
Le ciel vient de tomber sur la tête des Kuljanin. Le recours de cette famille de requérants d'origine bosniaque vient d'être refusé par la Commission de recours en matière d'asile (CRA) à Berne. En juillet dernier, la pétition en leur faveur, signée par 2200 personnes, avait été rejetée par le Conseil d'Etat vaudois. L'expulsion semble donc cette fois inéluctable.
Depuis plus d'une année, le sort des Kuljanin, arrivés en Suisse en 2001, suscite un important élan de solidarité à la Vallée de Joux, où ils habitaient. Interdits de travail, ils ont depuis été déplacés à Yverdon-les-Bains par la Fareas.
On ne baisse pas les bras
Malgré ces mauvaises nouvelles, le comité de soutien des Kuljanin refuse de baisser les bras. Il rappelle que cette famille est menacée en Bosnie par des intégristes et que la fille, Mirela, est atteinte de sclérose en plaque. Le comité va réunir des signatures de personnalités politiques d'ici mardi pour aller demander le soutien du Grand Conseil.
Inscription à :
Articles (Atom)