samedi 31 décembre 2005

Tu veux finir ton apprentissage? Signe d’abord ton ordre d’expulsion!


Dans 24heures Raphaël Delessert nous explique la situation d'une jeune fille faisant partie des "523":
Menacée de renvoi dans son pays d'origine, Spresa, 19 ans, poursuit un brillant apprentissage à Aigle. Il y a quelques jours, le Service de la population l'a engagée à signer un document l'autorisant à terminer sa formation à la condition qu'elle quitte la Suisse une fois son CFC en poche.

Outrés par une démarche qui, selon eux, relève d'un infâme chantage: Christiane Rithener, députée au Grand Conseil, et Gérard Pella, pasteur à Vevey, parrainent la famille Memetovic depuis le printemps dernier. Un couple et ses trois enfants originaires de Serbie et Monténégro, arrivés en Suisse en 1999, et qui émargent au rang des «523» requérants déboutés par Berne. Aujourd'hui, une petite moitié d'entre eux risquent encore un départ forcé vers leur pays natal.

La famille, établie à Vevey, a déposé sa demande d'asile en mai 1999. Depuis, les parents ont toujours régulièrement travaillé dans notre pays, fait remarquer la députée socialiste. Les deux garçons sont scolarisés tandis que Spresa, l'aînée, a débuté un apprentissage d'employée de commerce à Aigle en été 2004. La jeune fille, aujourd'hui âgée de 19 ans, a obtenu d'excellents résultats aux examens de fin de première année.

Menacés d'expulsion par le canton, les Veveysans d'adoption ont passé plus d'un mois au centre paroissial Sainte-Claire, entourés par les bénévoles de la Coordination Asile Riviera. C'était l'hiver dernier, et la situation s'est calmée depuis; la famille, qui a regagné son appartement, est actuellement au bénéfice d'une autorisation de séjour provisoire et renouvelable.

Coup de tonnerre début décembre: Spresa est convoquée au Service de la population (SPOP), à Lausanne. Là, on lui remet un document qu'elle est priée de signer dans les dix jours. En substance, la jeune fille peut achever son apprentissage à deux conditions: elle devra quitter la Suisse dès la fin de sa formation si la commission suisse de recours en matière d'asile ne l'autorise pas à rester. Elle doit aussi s'engager à subvenir entièrement à son entretien - logement, assurance maladie et nourriture - pendant sa formation.

Soutenue par son patron, Spresa ne paraphe pas la déclaration et envoie un courrier au SPOP, expliquant qu'il lui est impossible de terminer son apprentissage sans le soutien affectif et financier de ses parents. «Sa formation lui tient vraiment à cœur, elle m'a même dit que ça la tuerait de devoir arrêter en cours de route», affirme Christiane Rithener.

Le pasteur Pella est révolté par le procédé: «Il est inhumain de désolidariser ainsi Spresa de ses parents. En admettant qu'ils obtiennent un permis et qu'elle signe ce document, elle devra partir toute seule!»

La députée fustige, elle aussi, la méthode cantonale: «Tout se démantèle alors que des démarches sont en cours au Grand Conseil.»

Contacté, le Service de la population n'a pas voulu prendre position: «Nous ne communiquerons pas sur ce dossier durant les fêtes de fin d'année», indique une collaboratrice.