Dites-vous Rital
à vos enfants?
C’était à Zurich au début des années 60. Mon père, chauffeur de taxi modeste, traitait la petite colonie d’Italiens qui vivaient non loin de notre immeuble de dräckigi Tschingge, soit l’équivalent de sales Ritals. Ils faisaient trop de bruit, leur cuisine puait, ils étaient trop différents. Bref, ils dérangeaient sa certitude d’être chez lui.
Un jour, je devais avoir 9 ans, imprégnée du climat familial, je faisais une remarque abjecte au sujet du Tschingg croisé au magasin du coin, où il venait s’acheter ses litrons dans un suisse allemand approximatif, teinté autant de vin que d’italien.
«Ah non», me corrigeait mon père avec véhémence «ce n’est pas un Tschingg, c’est un Suisse». Devant ma perplexité, il m’expliquait que cet homme était Tessinois et que je devais faire attention à ce que je disais.
Souvent, je me rappelle ses paroles, elles m’ont fait réfléchir et elles me guident encore. Elles m’ont encouragé à voter contre Schwarzenbach et les initiatives des Vigilants et autres Démocrates suisses.
Aujourd’hui, face aux slogans UDC toujours aussi trompeurs et simplistes, repris par une droite soucieuse de ne pas perdre son électorat, je reste fidèle à la mise en garde paternelle. Je fais attention avant de reprendre bêtement ce que d’autres me dictent de dire et de penser.
Je ne sais pas comment mon père vivrait aujourd’hui le nom de famille qui a remplacé le sien à côté de mon prénom. Il est mort avant. Ses petitsenfants portent un nom italien, lui aussi aurait dû faire attention à ce qu’il disait. Et vous, que dites-vous à vos enfants
Doris Agazzi,
Saint-Cierges
Il y a deux types d’immigration
Hop! Tous les étrangers dans le même sac. Quelle injustice!.
Depuis 1945, des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Yougoslaves et d’autres Européens sont venus chez nous pour travailler. Si le statut de saisonnier était injuste, ceux qui l’acceptaient savaient à quoi s’en tenir. Tous ces travailleurs ont participé à la prospérité de ce pays. Ils méritent remerciements et respect.
Depuis des années, on ferme les yeux sur une immigration mal contrôlée qui assure une main-d’oeuvre bon marché à l’économie et fait perdre des milliards aux assurances sociales. Cette politique aveugle provoque une augmentation du néo-nazisme, de l’insécurité, de la délinquance, du trafic de drogue, de la prostitution, du sida. Celles et ceux qui soutiennent cette décadence sociale, morale, spirituelle affichent une tolérance qui frôle la lâcheté.
Voter oui le 24 septembre ne fera pas de tort aux travailleurs étrangers honnêtes qui sont souvent plus attachés à la bonne marche de ce pays que beaucoup de Suisses
Paul Goumaz,
Lausanne
La confidentialité n’est plus garantie
Ilyacertains aspects de la nouvelle Loi sur l’asile dont on ne parle guère et qui pourtant sont critiquables. Je pense au fait que l’autorité suisse pourrait transmettre au pays d’origine certaines informations relatives à un requérant d’asile.
La majorité des requérants provient de pays dans lesquels les forces de l’ordre sont très puissantes, menacent, agissent arbitrairement, emprisonnent, voire participent à des assassinats extrajudiciaires ou collaborent avec des milices privées extrêmement violentes.
Il faut en outre compter avec la corruption qui gangrène tout le pouvoir.
Au moment d’expliquer les motifs de sa fuite, le requérant doit donc surmonter ses craintes face à l’administration et faire soudain une totale confiance. (…) Mais comment espérer créer la confiance indispensable à la révélation de confidences lorsque l’enquêteur devra indiquer au requérant que certaines informations pourront être transmises aux autorités de son pays? Le requérant ne pourra pas parler librement ni donner des informations détaillées et vivantes qui rendraient ses déclarations crédibles et justifieraient l’octroi du statut de réfugié.
Seule une garantie absolue de confidentialité favorise la mise en confiance et permet au requérant d’exposer ses motifs d’asile. La loi ne lui assure plus cette confidentialité, quelles que soient les restrictions mises à la transmission d’informations
Gaston Magnenat,
Lausanne
Un employé modèle
Avant la votation du 24 septembre, j’aimerais attirer l’attention de ceux qui hésitent sur le sujet du renvoi des étrangers. Certains d’entre eux sont à la charge de l’Etat, c’est-à-dire de nous. D’autres travaillent, paient des impôts et entretiennent leurs proches restés au pays et qui, sans cet apport, ne pourraient pas s’en sortir.
Tel est le cas de notre employé municipal, Adem, qui dorlote littéralement notre village et ses habitants depuis de nombreuses années.
Toujours disponible pour tous, été comme hiver, jour et nuit, il pratique également le bénévolat et l’on ne compte plus les personnes âgées qui, sans son aide, n’auraient d’autre choix que d’opter pour l’EMS.
Adem est sérieux et n’épargne ni son temps ni sa peine. Cette situation est satisfaisante à plus d’un titre: pour lui-même et sa famille restée au Kosovo, qu’il peut ainsi entretenir, mais aussi pour les habitants de Bassins qui voient leur environnement villageois amélioré.
Quel dommage qu’Adem ne soit que champion de bon coeur et non de foot: il aurait déjà reçu son passeport rouge à croix blanche depuis longtemps! Aux indécis de cette votation si importante, n’oubliez pas que ce ne sont pas les textes de loi proposés qui pourront résoudre avec humanité un cas tel que celui que je vous ai présenté
Ruth Jeanmonod,
Bassins
Le tri et le contrôle sont nécessaires
Depuis toujours la Suisse a eu une grande tradition humanitaire envers les personnes persécutées à travers le monde. Cette politique, sur laquelle tous les partis sont d’accord, a été bénéfique tant pour l’image du pays que, plus prosaïquement, pour son économie.
Faut-il alors ouvrir les portes toutes grandes comme le prônent certains, la main sur le coeur ou, au contraire, se gendarmer et mettre en marche une panoplie de règlements discriminatoires?
Un petit exemple nous montre la voie à suivre.
La récente guerre du Liban a amené la destruction du pays et près d’un million de réfugiés. La Suisse s’attendait à un déferlement de gens à ses portes. Dès que la situation s’est calmée un peu, tous ces réfugiés se sont précipités, non pas en Suisse, mais dans leurs villages dévastés, pour les reconstruire. Et ceci sans aucune garantie que le malheur ne leur retombera pas de nouveau sur la tête.
Conclusion: il y a toutes sortes de réfugiés et il ne faut pas les mettre tous dans le même panier. Donc, il faut bien qu’un contrôle existe et même un tri, n’en déplaise à certains. Cela pour permettre à ceux pour lesquels nous devons avoir de la compassion de venir chez nous à l’exclusion des tricheurs, criminels et abuseurs de notre aide sociale. Etant invité, le réfugié garde sa dignité aux yeux de la population et c’est essentiel pour son acceptation. C’est le but que cherchent à atteindre, entre autres, les lois sur l’asile et les étrangers
Daly Chéhab
La Tour-de-Peilz
Des lois trompeuses
Tout a déjà été dit sur ces deux lois, étroitement liées l’une à l’autre. Il faut néanmoins répéter sans relâche qu’elles sont inefficaces et trompeuses (notamment en ce qui concerne la lutte contre la délinquance), qu’elles sont injustes, inhumaines et disproportionnées; qu’elles sont contraires à nos engagements internationaux (un comble en regard de notre tradition humanitaire!) et enfin qu’elles sont inutilement coûteuses. C’est pourquoi je recommande sans hésitation à chacun de voter deux fois non pour le bien de notre pays.
Philippe Biéler,
ancien conseiller d’Etat, Maracon
samedi 9 septembre 2006
La prison facilite-t-elle les renvois ?
Lire l'article D'aymerick DEJARDIN-VERKINDER dans 24heures:
La durée de la détention devrait rendre les requérants coopératifs. Faux, selon les opposants, qui demandent plus d’accords de réadmission.
Prolonger la détention pour faciliter les renvois. C’est ce que préconise la nouvelle loi pour les requérants d’asile récalcitrants. Pour les opposants, il existe des moyens plus efficaces de faciliter ces retours au pays: les accords de réadmission. Or, Blocher a été nettement moins actif sur le front diplomatique que sur celui de la répression.
Si la nouvelle Loi sur les étrangers devait être acceptée par le peuple le 24 septembre prochain, la durée maximale de la détention en vue de l’expulsion passera alors à dix-huit mois, contre neuf actuellement. Les partisans de ce texte espèrent qu’un séjour prolongé derrière les barreaux rendra les requérants récalcitrants plus coopératifs. Sauf que, dans bien des cas, leur pays d’origine refuse de les reconnaître comme ses ressortissants, rendant ainsi leur renvoi impossible.
Pour y remédier, la Suisse négocie, depuis déjà plusieurs années, des accords dits de réadmission avec les Etats dont sont originaires les demandeurs d’asile déboutés et les personnes en situation illégale. Ces accords règlent avec précision les modalités de retour.
A ce jour, 38 accords migratoires ont été signés, dont seulement deux avec des pays africains – Namibie et Nigeria. Toutefois, nous pouvons renvoyer des personnes dans leur pays sans accord formel de réadmission. Les autorités de ces pays délivrent souvent des laissez-passer pour les personnes qui leur sont présentées comme étant des ressortissants. » «C’est loin d’être suffisant, estime la conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi (PS/ GE). Il faudrait plus d’accords de réadmission et moins de mesures de contraintes.» Et de s’appuyer sur les conclusions du rapport de la Commission de gestion du National, publié en 2005, affirmant qu’«une détention prolongée des requérants à expulser ne facilite pas forcément leur renvoi».
A la tête d’un comité bourgeois opposé au durcissement des mesures de contraintes, le conseiller national Claude Ruey (Lib/VD), fustige le manque d’entrain de Christoph Blocher. «Sa prédécesseure, Ruth Metzler, s’était davantage engagée pour les accords migratoires, lâche le Vaudois. Depuis que Blocher est là, il n’y a pas grand-chose qui bouge en ce sens.»
«Pas aussi facile que ça!»
Même son de cloche du côté de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), qui rappelle qu’une année de détention coûterait, selon les cantons, environ 100 000 francs.
Au Département fédéral de justice et police (DFJP), on affirme être «très actifs» sur le front des accords migratoires. «Seulement, ce n’est pas aussi facile que ça, explique Livio Zanolari, porte-parole du DFJP. Les partenaires de la Suisse posent parfois des conditions inacceptables.»
La durée de la détention devrait rendre les requérants coopératifs. Faux, selon les opposants, qui demandent plus d’accords de réadmission.
Prolonger la détention pour faciliter les renvois. C’est ce que préconise la nouvelle loi pour les requérants d’asile récalcitrants. Pour les opposants, il existe des moyens plus efficaces de faciliter ces retours au pays: les accords de réadmission. Or, Blocher a été nettement moins actif sur le front diplomatique que sur celui de la répression.
Si la nouvelle Loi sur les étrangers devait être acceptée par le peuple le 24 septembre prochain, la durée maximale de la détention en vue de l’expulsion passera alors à dix-huit mois, contre neuf actuellement. Les partisans de ce texte espèrent qu’un séjour prolongé derrière les barreaux rendra les requérants récalcitrants plus coopératifs. Sauf que, dans bien des cas, leur pays d’origine refuse de les reconnaître comme ses ressortissants, rendant ainsi leur renvoi impossible.
Pour y remédier, la Suisse négocie, depuis déjà plusieurs années, des accords dits de réadmission avec les Etats dont sont originaires les demandeurs d’asile déboutés et les personnes en situation illégale. Ces accords règlent avec précision les modalités de retour.
A ce jour, 38 accords migratoires ont été signés, dont seulement deux avec des pays africains – Namibie et Nigeria. Toutefois, nous pouvons renvoyer des personnes dans leur pays sans accord formel de réadmission. Les autorités de ces pays délivrent souvent des laissez-passer pour les personnes qui leur sont présentées comme étant des ressortissants. » «C’est loin d’être suffisant, estime la conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi (PS/ GE). Il faudrait plus d’accords de réadmission et moins de mesures de contraintes.» Et de s’appuyer sur les conclusions du rapport de la Commission de gestion du National, publié en 2005, affirmant qu’«une détention prolongée des requérants à expulser ne facilite pas forcément leur renvoi».
A la tête d’un comité bourgeois opposé au durcissement des mesures de contraintes, le conseiller national Claude Ruey (Lib/VD), fustige le manque d’entrain de Christoph Blocher. «Sa prédécesseure, Ruth Metzler, s’était davantage engagée pour les accords migratoires, lâche le Vaudois. Depuis que Blocher est là, il n’y a pas grand-chose qui bouge en ce sens.»
«Pas aussi facile que ça!»
Même son de cloche du côté de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), qui rappelle qu’une année de détention coûterait, selon les cantons, environ 100 000 francs.
Au Département fédéral de justice et police (DFJP), on affirme être «très actifs» sur le front des accords migratoires. «Seulement, ce n’est pas aussi facile que ça, explique Livio Zanolari, porte-parole du DFJP. Les partenaires de la Suisse posent parfois des conditions inacceptables.»
Appel pour une Suisse non blochérienne
Lire l'article de Sylvie Arsever dans le Temps - Suisse
RAS-LE-BOL. Des politiciens, des juristes, des citoyens et des citoyennes réagissent par voie d'annonces à la dégradation du débat politique et au mépris pour la Constitution.
RAS-LE-BOL. Des politiciens, des juristes, des citoyens et des citoyennes réagissent par voie d'annonces à la dégradation du débat politique et au mépris pour la Constitution.
La LEtr, matrice d'une immigration choisie
Lire l'édito de Didier Estoppey dans le Courrier
Elle reste quelque peu dans l'ombre d'une nouvelle loi sur l'asile qui lui vole la vedette. La Loi sur les étrangers (LEtr), également soumise au vote référendaire le 24 septembre, n'en représente pas moins elle non plus un enjeu central. D'abord parce que nombre de ses dispositions concernent principalement les requérants d'asile, notamment celles sur les mesures de contrainte (lire ci-dessus). Mais aussi parce qu'elle va bien au-delà de son intention proclamée d'offrir un «dépoussiérage» de la Loi sur le séjour et l'établissement, qui date de 1931, et qu'elle viendra remplacer si elle est acceptée en votation.
La LEtr commence par poser un principe cardinal, en distinguant les migrants entre les Européens, qui bénéficient de la libre circulation des personnes, et tous les autres, les seuls auxquels elle s'applique. De façon très restrictive, puisqu'elle décrète que seuls les cadres, spécialistes, chefs d'entreprise ou membres de diverses autres élites seront éligibles pour un permis de travail. Plusieurs pays, tels ceux des Balkans et la Turquie, qui ont fourni à la Suisse d'importants contingents de main-d'oeuvre, basculent ainsi dans ce deuxième cercle auquel on ferme quasiment les vannes. Et dont proviennent environ 40% des migrants vivant actuellement en Suisse...
Au-delà de cette révolution, dans laquelle ses opposants voient un cadre légal donné au racisme, la LEtr et ses 128 articles comprennent de nombreuses dispositions très critiquées. Outre celles permettant de punir ceux qui aident les sans-papiers (lire notre éditorial), les principales visent le regroupement familial, auquel sont apportées des restrictions drastiques. Alors qu'aujourd'hui, les mineurs jusqu'à 18 ans peuvent sans autre rejoindre leurs parents en Suisse, la LEtr impose un délai de cinq ans après l'arrivée des parents. Ce délai est même ramené à une année pour les enfants de 12 à 18 ans.
Les opposants dénoncent d'ailleurs quantité d'autres ingérences dans la vie privée, telle l'obligation faite aux candidats au regroupement familial de vivre sous le même toit ou la suppression du permis de séjour aux conjoints et enfants étrangers en cas de séparation du couple avant trois ans. La latitude donnée aux officiers d'état civil de traquer les «mariages blancs» est un autre point très contesté de la LEtr.
Il faut enfin parler d'une autre modification de taille: si le délai pour transformer un permis B en permis C est ramené de dix à cinq ans, il n'y aura plus de droit automatique au permis d'établissement. Celui-ci sera lié au «degré d'intégration» du migrant, auquel sont priées de veiller les autorités cantonales. Des cours de langue ou d'intégration pourront d'ailleurs être imposés à tout candidat à une autorisation de séjour, même de courte durée, ou au regroupement familial, prévoit la LEtr dans son article 54.
Mais la LEtr fait également beaucoup parler d'elle pour ce qu'elle ne prévoit pas... Elle reste ainsi totalement silencieuse quant aux possibilités de régularisation des quelque 100000 sans-papiers qui, selon les estimations des autorités fédérales elles-mêmes, travaillent en Suisse. Et qui ne vont certainement pas plier spontanément bagage si la loi est acceptée le 24 septembre...
Elle reste quelque peu dans l'ombre d'une nouvelle loi sur l'asile qui lui vole la vedette. La Loi sur les étrangers (LEtr), également soumise au vote référendaire le 24 septembre, n'en représente pas moins elle non plus un enjeu central. D'abord parce que nombre de ses dispositions concernent principalement les requérants d'asile, notamment celles sur les mesures de contrainte (lire ci-dessus). Mais aussi parce qu'elle va bien au-delà de son intention proclamée d'offrir un «dépoussiérage» de la Loi sur le séjour et l'établissement, qui date de 1931, et qu'elle viendra remplacer si elle est acceptée en votation.
La LEtr commence par poser un principe cardinal, en distinguant les migrants entre les Européens, qui bénéficient de la libre circulation des personnes, et tous les autres, les seuls auxquels elle s'applique. De façon très restrictive, puisqu'elle décrète que seuls les cadres, spécialistes, chefs d'entreprise ou membres de diverses autres élites seront éligibles pour un permis de travail. Plusieurs pays, tels ceux des Balkans et la Turquie, qui ont fourni à la Suisse d'importants contingents de main-d'oeuvre, basculent ainsi dans ce deuxième cercle auquel on ferme quasiment les vannes. Et dont proviennent environ 40% des migrants vivant actuellement en Suisse...
Au-delà de cette révolution, dans laquelle ses opposants voient un cadre légal donné au racisme, la LEtr et ses 128 articles comprennent de nombreuses dispositions très critiquées. Outre celles permettant de punir ceux qui aident les sans-papiers (lire notre éditorial), les principales visent le regroupement familial, auquel sont apportées des restrictions drastiques. Alors qu'aujourd'hui, les mineurs jusqu'à 18 ans peuvent sans autre rejoindre leurs parents en Suisse, la LEtr impose un délai de cinq ans après l'arrivée des parents. Ce délai est même ramené à une année pour les enfants de 12 à 18 ans.
Les opposants dénoncent d'ailleurs quantité d'autres ingérences dans la vie privée, telle l'obligation faite aux candidats au regroupement familial de vivre sous le même toit ou la suppression du permis de séjour aux conjoints et enfants étrangers en cas de séparation du couple avant trois ans. La latitude donnée aux officiers d'état civil de traquer les «mariages blancs» est un autre point très contesté de la LEtr.
Il faut enfin parler d'une autre modification de taille: si le délai pour transformer un permis B en permis C est ramené de dix à cinq ans, il n'y aura plus de droit automatique au permis d'établissement. Celui-ci sera lié au «degré d'intégration» du migrant, auquel sont priées de veiller les autorités cantonales. Des cours de langue ou d'intégration pourront d'ailleurs être imposés à tout candidat à une autorisation de séjour, même de courte durée, ou au regroupement familial, prévoit la LEtr dans son article 54.
Mais la LEtr fait également beaucoup parler d'elle pour ce qu'elle ne prévoit pas... Elle reste ainsi totalement silencieuse quant aux possibilités de régularisation des quelque 100000 sans-papiers qui, selon les estimations des autorités fédérales elles-mêmes, travaillent en Suisse. Et qui ne vont certainement pas plier spontanément bagage si la loi est acceptée le 24 septembre...
Des recalés de l’asile genevois parlent de leur survie en terre hostile
Lire l'article d'Eric Budry dans la Tribune de Genève en ligne
Deux requérants genevois déboutés témoignent à la veille du scrutin sur une révision de la Loi sur l’asile dont certaines mesures aggraveraient leur situation.
Deux requérants genevois déboutés témoignent à la veille du scrutin sur une révision de la Loi sur l’asile dont certaines mesures aggraveraient leur situation.
Les Chambres fédérales ont su faire bien plus fort que l'UDC
Lire l'article de Didier Estoppey
LOI SUR L'ASILE - Le peuple suisse rejetait de justesse, en 2002, une initiative de l'UDC. Mais le texte censé lui servir de contre-projet, sur lequel on votera le 24 septembre, va sur de nombreux points bien au-delà.
L'affaire paraît désormais relever de l'histoire ancienne. Elle remonte pourtant à moins de quatre ans. Souvenez-vous: nous étions le 24 novembre 2002. Le peuple suisse rejetait de justesse l'initiative de l'UDC «contre les abus dans le droit d'asile». Battue pour une poignée de voix, l'UDC elle-même n'a pas trop insisté pour qu'on recompte les suffrages, trop heureuse de pouvoir continuer à jouer les martyrs plutôt que d'avoir à assumer la responsabilité d'une initiative que tout le monde donnait pour inapplicable.
La droite bourgeoise, quant à elle, qui faisait encore mine de vouloir dresser un cordon sanitaire autour de l'UDC, poussait des soupirs de soulagement. Elle avait promis, en lieu et place de l'initiative qu'elle combattait, une révision de la loi sur l'asile. Celle-là même sur laquelle le peuple suisse est appelé à voter le 24 septembre.
Un seul point non repris
Il n'est pas inintéressant, quatre ans après, de se repencher sur l'initiative honnie et de la comparer au projet de loi qui lui sert de contre-projet. Le texte de l'UDC se déclinait en six points. Le premier était également le plus contesté: «L'autorité n'entre pas en matière sur une demande d'asile présentée par une personne entrée en Suisse au départ d'un Etat tiers réputé sûr (...)». Une exigence qui aurait pu exclure, de facto, tous les requérants n'ayant pas choisi l'avion pour arriver en Suisse... Mais qui aurait posé de gros problèmes quant à la réadmission, par les pays voisins, des candidats à l'asile y ayant transité. Ce point est le seul à ne pas être repris dans la nouvelle loi sur l'asile. «L'initiative fermait la porte de l'asile à la plupart des candidats, observe Yves Brutsch, du Centre social protestant (CSP). Mais la question de l'exigibilité de leur renvoi n'aurait pas moins continué à se poser. Son acceptation aurait débouché sur une multiplication des admissions provisoires ou des clandestins». La nouvelle loi, en refusant la filière asile, à quelques exceptions près, à tout candidat se présentant à nos frontières sans papiers d'identité –une exigence que ne contenait pas le texte de l'UDC– pourrait déboucher elle aussi sur une multiplication des non-entrées en matières. Sans résoudre pour autant, elle non plus, la question de l'exigibilité et de la faisabilité du renvoi.
Cinq points repris ou «améliorés»
Deux autres points de l'initiative sont repris tels quels dans la nouvelle loi: la possibilité de sanctionner les compagnies aériennes manquant à leur devoir de contrôler les papiers de leurs passagers, et la désignation par les cantons des dispensateurs de soins médicaux et dentaires aux requérants.
Trois points, enfin, ont été repris dans la nouvelle loi tout en subissant de notables «améliorations». L'UDC demandait l'élaboration par le Conseil fédéral d'une liste des Etats tiers réputés sûrs. En citant comme un des critères de cette bonne réputation le respect de la Convention européenne des droits de l'homme. La même liste apparaît dans la nouvelle loi, mais sans aucune référence à ladite convention.
L'initiative prévoyait deuxièmement pour les requérants des prestations d'assistance uniformes pour l'ensemble de la Suisse, en dérogation aux normes générales, et en principe fournies en nature. La nouvelle loi reprend les mêmes principes, sans imposer toutefois aucune uniformité aux cantons, qui continueront à bénéficier de forfaits fédéraux. Avec une certaine latitude laissée à ceux qui voudront continuer à se montrer un peu plus généreux. Mais aussi un chèque un blanc à ceux qui, comme certains cantons alémaniques, réalisent des économies sur les forfaits qui leur sont versés. La nouvelle loi perpétuera ainsi l'inégalité de traitement dont sont déjà victimes les requérants selon le canton auquel ils ont été attribués.
«Aide d'urgence»
Last but not least: l'initiative introduisait déjà l'une des modifications les plus décriées de la nouvelle loi, à savoir la suppression de l'aide sociale aux requérants déboutés, ainsi bien sûr qu'à ceux frappés de non-entrée en matière pour lesquels cette coupe est déjà en vigueur. En lieu et place, la nouvelle loi prévoit une «aide d'urgence», en principe fournie en nature. L'UDC voulait également soumettre à ce minimum vital «les requérants accueillis provisoirement qui ont gravement violé leurs obligations de collaborer», une clause que ne reprend pas la nouvelle loi. Celle-ci stipule par contre, contrairement à l'UDC, que l'aide d'urgence sera allouée «sur demande».
Il faut rappeler aussi que l'UDC atténuait cette clause d'exclusion en parlant de requérants «dont le renvoi est possible, admissible et acceptable». Des termes qui ouvrent la porte à quantité d'interprétations, et sur lesquels la nouvelle loi a préféré rester totalement silencieuse.
Nombreuses innovations
Au-delà des six modifications de la loi rejetées du bout des lèvres en 2002, le Conseil fédéral et les Chambres ont introduit, dans leur «contre-projet», quantité d'innovations auxquelles l'UDC elle-même n'avait pas songé à l'époque. A commencer par les fameux articles, inscrits dans la Loi sur les étrangers mais concernant avant tout les requérants d'asile, permettant de prolonger les mesures de contrainte jusqu'à un maximum de deux ans de détention administrative en vue du renvoi des récalcitrants. Il faut rappeler aussi la non-entrée en matière pour les requérants qui ne peuvent présenter leurs papiers d'identité dans les 48 heures (lire ci-dessous); un durcissement assorti d'une réduction du délai de recours contre les décisions de non-entrée en matière, qui passe à cinq jours.
Au-delà des mesures les plus critiquées, la nouvelle loi fourmille de nouvelles dispositions, qui occupent une vingtaine de pages dans la brochure du Conseil fédéral, et qui sont craintes comme autant de chausse-trappes par les défenseurs du droit d'asile. L'UDC ne se contente pas de dicter le la de la politique fédérale: vu la qualité du projet venu remplacer son initiative, elle semble passée maîtresse dans l'art de transformer les défaites en victoires. I
LOI SUR L'ASILE - Le peuple suisse rejetait de justesse, en 2002, une initiative de l'UDC. Mais le texte censé lui servir de contre-projet, sur lequel on votera le 24 septembre, va sur de nombreux points bien au-delà.
L'affaire paraît désormais relever de l'histoire ancienne. Elle remonte pourtant à moins de quatre ans. Souvenez-vous: nous étions le 24 novembre 2002. Le peuple suisse rejetait de justesse l'initiative de l'UDC «contre les abus dans le droit d'asile». Battue pour une poignée de voix, l'UDC elle-même n'a pas trop insisté pour qu'on recompte les suffrages, trop heureuse de pouvoir continuer à jouer les martyrs plutôt que d'avoir à assumer la responsabilité d'une initiative que tout le monde donnait pour inapplicable.
La droite bourgeoise, quant à elle, qui faisait encore mine de vouloir dresser un cordon sanitaire autour de l'UDC, poussait des soupirs de soulagement. Elle avait promis, en lieu et place de l'initiative qu'elle combattait, une révision de la loi sur l'asile. Celle-là même sur laquelle le peuple suisse est appelé à voter le 24 septembre.
Un seul point non repris
Il n'est pas inintéressant, quatre ans après, de se repencher sur l'initiative honnie et de la comparer au projet de loi qui lui sert de contre-projet. Le texte de l'UDC se déclinait en six points. Le premier était également le plus contesté: «L'autorité n'entre pas en matière sur une demande d'asile présentée par une personne entrée en Suisse au départ d'un Etat tiers réputé sûr (...)». Une exigence qui aurait pu exclure, de facto, tous les requérants n'ayant pas choisi l'avion pour arriver en Suisse... Mais qui aurait posé de gros problèmes quant à la réadmission, par les pays voisins, des candidats à l'asile y ayant transité. Ce point est le seul à ne pas être repris dans la nouvelle loi sur l'asile. «L'initiative fermait la porte de l'asile à la plupart des candidats, observe Yves Brutsch, du Centre social protestant (CSP). Mais la question de l'exigibilité de leur renvoi n'aurait pas moins continué à se poser. Son acceptation aurait débouché sur une multiplication des admissions provisoires ou des clandestins». La nouvelle loi, en refusant la filière asile, à quelques exceptions près, à tout candidat se présentant à nos frontières sans papiers d'identité –une exigence que ne contenait pas le texte de l'UDC– pourrait déboucher elle aussi sur une multiplication des non-entrées en matières. Sans résoudre pour autant, elle non plus, la question de l'exigibilité et de la faisabilité du renvoi.
Cinq points repris ou «améliorés»
Deux autres points de l'initiative sont repris tels quels dans la nouvelle loi: la possibilité de sanctionner les compagnies aériennes manquant à leur devoir de contrôler les papiers de leurs passagers, et la désignation par les cantons des dispensateurs de soins médicaux et dentaires aux requérants.
Trois points, enfin, ont été repris dans la nouvelle loi tout en subissant de notables «améliorations». L'UDC demandait l'élaboration par le Conseil fédéral d'une liste des Etats tiers réputés sûrs. En citant comme un des critères de cette bonne réputation le respect de la Convention européenne des droits de l'homme. La même liste apparaît dans la nouvelle loi, mais sans aucune référence à ladite convention.
L'initiative prévoyait deuxièmement pour les requérants des prestations d'assistance uniformes pour l'ensemble de la Suisse, en dérogation aux normes générales, et en principe fournies en nature. La nouvelle loi reprend les mêmes principes, sans imposer toutefois aucune uniformité aux cantons, qui continueront à bénéficier de forfaits fédéraux. Avec une certaine latitude laissée à ceux qui voudront continuer à se montrer un peu plus généreux. Mais aussi un chèque un blanc à ceux qui, comme certains cantons alémaniques, réalisent des économies sur les forfaits qui leur sont versés. La nouvelle loi perpétuera ainsi l'inégalité de traitement dont sont déjà victimes les requérants selon le canton auquel ils ont été attribués.
«Aide d'urgence»
Last but not least: l'initiative introduisait déjà l'une des modifications les plus décriées de la nouvelle loi, à savoir la suppression de l'aide sociale aux requérants déboutés, ainsi bien sûr qu'à ceux frappés de non-entrée en matière pour lesquels cette coupe est déjà en vigueur. En lieu et place, la nouvelle loi prévoit une «aide d'urgence», en principe fournie en nature. L'UDC voulait également soumettre à ce minimum vital «les requérants accueillis provisoirement qui ont gravement violé leurs obligations de collaborer», une clause que ne reprend pas la nouvelle loi. Celle-ci stipule par contre, contrairement à l'UDC, que l'aide d'urgence sera allouée «sur demande».
Il faut rappeler aussi que l'UDC atténuait cette clause d'exclusion en parlant de requérants «dont le renvoi est possible, admissible et acceptable». Des termes qui ouvrent la porte à quantité d'interprétations, et sur lesquels la nouvelle loi a préféré rester totalement silencieuse.
Nombreuses innovations
Au-delà des six modifications de la loi rejetées du bout des lèvres en 2002, le Conseil fédéral et les Chambres ont introduit, dans leur «contre-projet», quantité d'innovations auxquelles l'UDC elle-même n'avait pas songé à l'époque. A commencer par les fameux articles, inscrits dans la Loi sur les étrangers mais concernant avant tout les requérants d'asile, permettant de prolonger les mesures de contrainte jusqu'à un maximum de deux ans de détention administrative en vue du renvoi des récalcitrants. Il faut rappeler aussi la non-entrée en matière pour les requérants qui ne peuvent présenter leurs papiers d'identité dans les 48 heures (lire ci-dessous); un durcissement assorti d'une réduction du délai de recours contre les décisions de non-entrée en matière, qui passe à cinq jours.
Au-delà des mesures les plus critiquées, la nouvelle loi fourmille de nouvelles dispositions, qui occupent une vingtaine de pages dans la brochure du Conseil fédéral, et qui sont craintes comme autant de chausse-trappes par les défenseurs du droit d'asile. L'UDC ne se contente pas de dicter le la de la politique fédérale: vu la qualité du projet venu remplacer son initiative, elle semble passée maîtresse dans l'art de transformer les défaites en victoires. I
Tu n'aideras point ton prochain!
Lire l'édito de Virginie Poyetton dans le Courrier
Imaginez. Nous sommes au lendemain des votations du 24 septembre, vous conduisez votre voiture. Devant vous, une femme se fait renverser par un chauffard, qui prend la fuite. Vous décidez d'emmener la victime aux urgences. A l'hôpital, on vous expliquera que l'article 116 de la LEtr vous rend punissable pour l'aide que vous avez apportée à une personne sans papiers – le fait que vous ignoriez tout de son statut n'y change rien. Ils ne la soigneront pas, et vous êtes coupable... d'un excès d'humanité. La situation n'a rien d'exagéré. Elle a été dénoncée par des infirmières et par des représentants d'Eglise qui refusent de devoir, au nom de la nouvelle loi sur les étrangers soumise en votation le 24 septembre, renoncer à leur éthique. Car la loi stipule que rien ne peut justifier une aide apportée au séjour d'une personne sans statut légal. Ni motifs honorables – comme dans la loi actuelle – ni le droit d'offrir l'hospitalité sans demander à votre hôte de vous fournir ses papiers. La question se posera également pour tous les enfants à qui l'école publique a ouvert ses portes sans discrimination de statut. Verra-t-on demain des jeunes en âge d'être scolarisés forcés de renoncer à l'école au nom du respect des «Lex Blocher»? Le cercle est évidemment vicieux car le système de gestion migratoire que la LEtr – mais également la nouvelle loi sur l'asile – propose ne fera qu'agrandir la communauté des bannis de la légalité. Ces deux lois trient sur le volet les personnes qui auront le privilège d'être accueillies en Suisse. Selon le nouveau droit, le modèle type du parfait requérant serait une personne possédant un passeport flambant neuf et voyageant en avion. Un plus s'il promet de ne pas faire d'histoire en cas d'expulsion. Sinon, il y aura toujours moyen de lui faire passer deux ans en cellule en vue du retour. Quant aux migrants extra-européens qui souhaiteraient s'installer en Suisse, ils seront évidemment les bienvenus. A condition d'être qualifiés dans les domaines où la Suisse a besoin de main-d'oeuvre, d'être de préférence célibataires ou de ne pas souhaiter faire venir leur famille. Les élus seront rares. Personne n'est dupe. Ceux qui ne réussiront pas à entrer dans notre pays par la voie légale viendront par la petite porte. Et la hausse de l'illégalité risque fort d'engendrer un accroissement de la précarité et des besoins d'assistance. Imaginez. Un prêtre. Une femme sans papiers et sa fille viennent frapper à sa porte. La jeune mère vient de se faire renvoyer... sans toucher le salaire dû. L'homme d'Eglise les héberge en toute charité. Depuis le vote du 24 septembre 2006, cependant, son acte est devenu illégal et il se voit infliger une amende de 20 000 francs. Il s'agit bien entendu d'une fiction. Si la loi devait être acceptée, sans doute la résistance s'organiserait-elle. Mais pouvons-nous accepter que la haine et le rejet de l'étranger soient inscrits dans notre droit? | |
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