mercredi 10 décembre 2008

La hausse des demandeurs d'asile met les foyer sous pression

L'immigration et le trompe-l'oeil des retours volontaires

Lu dans LIBERATION.FR

Hortefeux, l'immigration et le trompe-l'oeil des retours volontaires

DESINTOX - Contre-expertise au quotidien des déclarations et des chiffres du débat public

CEDRIC MATHIOT

C'est un refrain que répète depuis plusieurs mois déjà le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Brice Hortefeux : l'objectif des 25.000 reconduite à la frontière en 2008 sera atteint, mais surtout, un tiers des «reconduits» le sera dans le cadre d'un retour volontaire. Ce que le ministre de l'Immigration et de l'identité nationale présente comme «une rupture». Dimanche dernier, sur Canal Plus, Hortefeux se félicitait ainsi :
«La grande nouveauté, la vraie rupture, c'est que cette année, plus du tiers des reconduites se feront de manière volontaire.»

«Comment les inciter?», demande la journaliste Anne-Sophie Lapix.

«Eh bien on agit!, s'enthousiasme Hortefeux. Il y a deux ans, ce chiffre était de 7% des reconduites, aujourd'hui, on sera à un tiers. On arrive à les convaincre avec des incitations, en donnant un petit pécule, de manière à ce qu'ils reviennent chez eux, dans leur pays, et qu'ils puissent bâtir un projet, qui puissent créer un petit commerce, un artisanat, une ferme et ainsi de suite.»

Les faits

Les retours volontaires – dont le principe remonte en France aux années 70 – ont été relancés en 2006 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. Ils continuent d'être encouragés depuis, pour deux raisons : par intérêt pour les populations concernés... et les finances publiques, comme l'écrit sans ambages un récent rapport sénatorial : «Cette politique est en effet nettement préférable pour les personnes concernées à la mise en rétention, et doit s'accompagner d'une sensibilisation plus efficace. Sur un plan budgétaire, elle apparaît d'un coût bien moindre que celle des reconduites à la frontière sous contrainte

Le même rapport sénatorial, rédigé par la commission des Finances du Sénat lors du réexamen du budget 2009, donne des chiffres qui confirment en apparence les dires d'Hortefeux : un tiers de reconduites se fera de manière volontaire (le chiffre de 10500 avait déjà été dépassé fin octobre) contre seulement 7% en 2006 (autour de 2000). Mais le rapport, s'appuyant sur les données de l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem), apporte également une précision d'importance qui ruine la démonstration du ministre.

Car il existe deux catégories de retours volontaires.

L'aide au retour volontaire (ARV) prévoit, outre l'organisation du retour (par la prise en charge du billet de transport aérien et du transport secondaire à l'arrivée dans le pays de retour), une aide financière de 2.000 euros pour un adulte seul, 3.500 euros par couple, 1.000 euros par enfant mineur jusqu'au 3e inclus, et 500 euros à partir du 4e enfant. L'aide est versée en trois montants fractionnés : 30 % en France avant le départ, 50 % six mois après le retour et 20 % 12 mois après le retour. Ce type de retour, tel que le décrit Hortefeux, est censé donner aux étrangers en situation irrégulière de quoi envisager une réinstallation dans leur pays d'origine.

L'ARV se distingue d'une autre procédure : l'aide au retour humanitaire (ARH), qui s'applique, elle, pour l'essentiel aux ressortissants communautaires, et à ceux qui ne peuvent bénéficier de l'aide au retour volontaire. Elle prévoit également l'organisation du retour mais une aide financière bien plus modeste : 300 euros par adulte et 100 euros par enfant. Même si cette somme a été doublée en février 2008 (elle représentait jusqu'à cette date 153 euros par personnne) elle n'offre pas vraiment de quoi ouvrir une boutique.

Or, sur les 10.577 retours à la frontière enregistrés fin octobre 2008, les retours volontaires «traditionnels» se limitaient à seulement 1867, selon le rapport du Sénat. Ils sont en stagnation depuis 2006. L'augmentation en flèche du nombre de reconduits volontaires s'explique par les 8710 reconduites enregistrées dans le cadre de retours humanitaires.  Ces derniers, détaille le rapport, concernent en très grande partie des Roumains (7028) et des Bulgares (834).

Cette surreprésentation des Roumains (essentiellement des Roms) s'explique ainsi : ces dernières années, ils ont nourri une bonne part des reconduites à la frontière. Mais depuis le 1er janvier 2007, Bulgares et Roumains, à l’instar des ressortissants des dix Etats devenus membres de l’UE en mai 2004, jouissent du droit à la libre circulation en Europe. Il est donc plus difficile de les éloigner de France. Ce qui explique une nouvelle stratégie consistant à les pousser désormais à «prendre» l'aide au retour humanitaire.

Pour ce faire, comme l'ont déjà largement dénoncé diverses ONG (lire Le communiqué du Gisti ou le rapport 2007-2008 du collectif Romeurope, téléchargeable ici), la police et des représentants de l'Anaem ont parfois investi des terrains occupés par des Roms, se montrant suffisamment persuasifs pour faire monter le plus grand nombre dans des bus ou des avions affrétés pour l'occasion. En dépit des 300 euros, la notion de retour "humanitaire" et "volontaire" est dans ces conditions discutable. L'efficacité du dispositif tout autant, puisque que certains, pas mécontents de toucher le pécule, reviennent en France derechef. Le manège est tellement connu qu'un fichage biométrique est en train d'être mis en place.

Mais l'important est qu'Hortefeux puisse clamer sur toutes les ondes et devant toutes les caméras que «les retours volontaires vont atteindre un tiers des reconduites en 2008».

Pas de naturalisation pour les soeurs Delija

Dans l’attente d’une réponse de Berne au sujet de l’octroi d’un permis de séjour, les deux Kosovares n’obtiendront pas l’aval communal pour un passeport à croix blanche.Un recours a été déposé. Un article de Karim di Matteo dans 24Pour Ajete et Ajna, la route vers l'intégration est encore longue Heures.
Le cas d’Ajete (31 ans) et Ajne (32 ans) se complique. Depuis deux ans, elles attendent que le Tribunal administratif fédéral statue sur un recours (le deuxième) déposé contre la dé­cision de l’Office fédéral des migrations de les expulser. Pa­rallèlement, la commune de Bex vient de refuser d’entrer en matière sur les demandes de naturalisation de ces deux soeurs kosovares, alors que l’examen est en cours pour deux de leurs frères. La différence? Eux étaient encore mineurs à leur arrivée en Suisse.
  La cité du sel avait pourtant posté un courrier daté du 21 novembre signifiant à Ajete et Ajne Delija que leur de­mande serait «à l’ordre du jour de la séance de Municipalité du 26 janvier 2009». Mais la ré­ponse négative est arrivée la semaine dernière déjà. «Nous avons demandé conseil au Ser­vice de la population, à Lau­sanne, qui nous a signifié que ce n’était pas possible de pour­suivre la démarche si elles n’étaient pas en possession d’un permis de séjour ou d’établisse­ment », regrette le municipal bellerin Alain Michel.
  «C’est faux», tonne Jean­Pierre Moser, l’avocat lausan­nois des deux soeurs. «J’ai dé­posé les deux demandes en mars dernier en vertu du fait que si l’on additionne tous les séjours effectués en Suisse, elles totalisent les douze ans régle­mentaires. J’ai recouru contre la décision de Bex auprès de la Cour cantonale de droit admi­nistratif et public pour qu’elle se prononce.» Concernant l’octroi d’un per­mis, les deux soeurs restent dans le flou. Il y a deux ans tout juste, elles avaient obtenu que leur situation soit examinée, rendant nul l’ordre d’expulsion émis pour le 30 novembre 2006. L’Office fédéral des mi­grations avait signifié un nou­veau refus en septembre 2007. D’où le second recours, actuel­lement en traitement.
  Les deux soeurs avaient béné­ficié d’un gros élan de solida­rité. En novembre 2006, elles avaient pu remettre une péti­tion munie de 2400 signatures au président du Grand Conseil vaudois.

Intégration et exclusion

CONFÉRENCE L’association Appartenances organise demain à 18 h 30 (auditoire Charlotte-Olivier, CHUV, rue du Bugnon 46, Lausanne) une conférence sur le thème «Intégration et exclusion, deux facteurs dans l’air du temps».
Elle sera donnée par le Dr Altay A. Manço, directeur scientifique de l’Institut de recherche, formation et action sur les migrations, en Belgique.
Inscription: 021 341 12 50 c.contino@appartenances.ch                              Prix: 25 francs.