Bénédicte dans le Courrier
samedi 3 septembre 2011
Des requérants d’asile qui n’existent pas
Berne réfute avoir voulu maquiller les statistiques en ne traitant pas dix mille demandes d’asile.
C’est à la demande de l’ambassadeur de Suisse en Syrie que l’Office fédéral des migrations (ODM) a décidé de ne pas traiter 7000 à 10 000 demandes d’asile déposées par des ressortissants irakiens. C’est ce qui ressort de documents officiels produits jeudi soir par l’émission 10 vor 10 de la TV alémanique.
Selon ces documents, l’ambassadeur en poste à l’époque à Damas, Jacques de Watteville, aujourd’hui chef de la Mission suisse auprès de l’Union européenne, est intervenu en novembre 2006 auprès de l’ODM pour l’inciter à ne pas réagir aux quelques 2000 lettres d’Irakiens reçues par ses services. Le diplomate craignait en effet une avalanche d’autres demandes, voire des attroupements aux portes de l’ambassade de Suisse, avec à la clé des risques pour la sécurité de son personnel.
Raison pour laquelle, dans sa lettre, Jacques de Watteville enjoint Berne à «adopter une approche coordonnée avec les autres ambassades occidentales concernées et avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, sinon nous risquons d’attirer à nous toutes les demandes d’asile et d’être submergés.»
Statistiques maquillées?
A la suite de cette démarche, l’ODM accepte de ne pas répondre aux demandes d’asile, «momentanément». Ce n’est que début 2010 que leur traitement débutera. Pourquoi si tard? Les autorités suisses de la migration en ont-elles profité pour maintenir les chiffres de l’asile à un niveau artificiellement bas? «Je ne vais pas me risquer à de telles suppositions. Mais il est clair que les statistiques de l’asile de l’époque ne peuvent plus être lues au pied de la lettre», affirme Denise Graf, d’Amnesty International. «Dix mille demandes d’asile ignorées sur deux ans, cela fait une différence assez énorme.»
Sous couvert de l’anonymat, un cadre de l’ODM conteste toute intention de maquiller les chiffres à l’époque. Pour sa part, le porte-parole de l’office, Michaël Glauser, explique que ces demandes déposées dans les ambassades n’apparaissent de toute manière pas dans les statistiques officielles, à moins que le requérant d’asile ait reçu le droit de venir en Suisse à l’issue d’un premier examen de son dossier par l’ODM (c’est le cas de 1295 personnes actuellement). Aucune malice là-dedans, assure le porte-parole. «Cela s’est toujours fait comme ça.»
Tour de vis contesté
Pour le reste, tout le monde préfère rester à couvert dans l’attente des résultats de l’enquête externe mandatée sur cette affaire par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, cheffe du DFJP. A cette enquête administrative pourrait s’en ajouter une autre, plus politique, si la commission de gestion suit lundi la proposition de sa présidente, la socialiste genevoise Maria Roth-Bernasconi.
En parallèle, la gauche réclame du Conseil fédéral qu’il renonce, à la lumière de cette affaire, à supprimer la possibilité de déposer une demande d’asile dans les ambassades de Suisse à l’étranger. Le gouvernement veut serrer la vis en raison de l’inflation du nombre de ces requêtes (665 en 2000, 3963 en 2010, 4247 depuis le début 2011), arguant que la Suisse est le dernier pays européen à offrir cette porte d’entrée à sa procédure d’asile. Le dossier est entre les mains du parlement, et la ministre Simonetta Sommaruga le laissera suivre son cours, indique-t-on dans ses services.
Enfin, la Télévision suisse romande affirmait hier soir que trois conseillers fédéraux au moins savaient que des milliers de demandes d’asile d’Irakiens étaient en souffrance à l’ODM. Outre l’ex-ministre Christoph Blocher (UDC), qui admet désormais les faits, l’entourage direct de Micheline Calmy-Rey (PS) et d’Eveline Widmer-Schlumpf (PBD) aurait été informé.
Les musulmans américains loin des clichés
Un sondage du Pew Research Center démontre que les musulmans sont satisfaits de leur vie aux Etats-Unis.
En 2007, le Pew Research Center, un institut de recherche indépendant, réalisait le premier sondage jamais effectué sur la situation, les croyances, les préoccupations et les opinions politiques des musulmans américains. Quatre ans plus tard, à l’orée de l’anniversaire des attentats du 11 septembre, il a réitéré sa démarche. Le résultat? Comme en 2007, une majorité de musulmans s’estiment largement intégrés et satisfaits de leur vie aux Etats-Unis. Ils n’ont pas le sentiment d’être exclus de la société. Ils rejettent massivement le terrorisme, et ne manifestent pas de colère quant aux préoccupations des Américains concernant l’islam.
Pourtant, depuis 2007, l’islam a souvent été au centre des débats. Avec, notamment, le projet de construction d’une mosquée près de Ground Zero, la tuerie de Fort Hood au Texas en 2009, l’appel d’un pasteur à brûler des Corans en 2010. Même s’ils affirment qu’être musulman est devenu plus difficile depuis le 11 septembre, leur sentiment d’être victimes de discriminations, de suspicion, d’insultes ou d’agressions n’a pas augmenté depuis 2007.
Origines diversifiées
Le sondage a été réalisé entre les mois d’avril et de juillet auprès de 1033 musulmans. Actuellement, 2,75 millions de musulmans vivent aux Etats-Unis. 81% d’entre eux ont la citoyenneté américaine, mais ils proviennent essentiellement de l’immigration. Les origines des musulmans américains sont très diversifiées, avec 77 pays représentés. La grande majorité de la population islamique est issue des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. 65% des musulmans sont sunnites, 11% chiites. A noter que 20% des musulmans américains sont des convertis. Eduquée, la classe moyenne islamique dispose toutefois d’un revenu inférieur à celui de la classe moyenne américaine.
Alors que l’opinion publique se montre sceptique sur la volonté d’intégration des musulmans – 51% de la population pense qu’ils souhaitent rester à l’écart de la culture dominante – les concernés sont 56% à affirmer que les musulmans veulent adopter le style de vie américain. Cependant, en matière d’identité nationale, la moitié d’entre eux se voient d’abord comme des musulmans et ensuite comme des Américains. Ce taux est similaire chez les chrétiens.
Une grande majorité de musulmans (80%) se disent satisfaits de leur vie aux Etats-Unis. Un indice de satisfaction qui dépasse celui de l’ensemble de la population. Le sondage de 2007 reflétait le large mécontentement des musulmans quant à la politique de Bush. En 2011, ils approuvent majoritairement le gouvernement Obama. Un résultat dû au fait que ce groupe se sent traditionnellement plus proche des démocrates que des républicains.
La religion est importante pour 70% des musulmans. 48% d’entre eux font leurs cinq prières quotidiennes, et 47% fréquentent la mosquée chaque semaine. Toutefois, ils ne sont pas dogmatiques: une majorité affirme qu’il y a plusieurs manières d’interpréter l’islam et que plusieurs religions peuvent mener à la vie éternelle.
Vision négative d’Al-Qaida
Le soutien des musulmans à l’extrémisme demeure négligeable. Seul 1% juge que les attaques suicides et la violence pour défendre l’islam sont souvent justifiables. 7% pensent que la violence est parfois justifiable. Par rapport à 2007, l’immense majorité des musulmans continue à exprimer une vision très négative d’Al-Qaida.
Mais 5% avancent une opinion favorable à l’égard du mouvement terroriste. 60% se disent préoccupés par une montée possible de l’extrémisme religieux aux Etats-Unis. Près de la moitié de la population musulmane se montre sévère à l’égard de ses dirigeants religieux, estimant que ceux-ci n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour le condamner.
Patricia Briel dans le Temps
Un camp de gens du voyage en sursis près de Londres
Dale Farm est le plus grand camp illégal de gens du voyage d’Europe, situé dans une vallée verte à une heure à l’est de Londres, à Basildon. La mairie leur a toujours refusé le permis de construire.
Le campement de Dale Farm. Photo Peter Lawson / Eastnews
Du haut de ses 14 ans, John est visiblement sonné. La colère froide et renfermée du jeune homme, couvert de taches de rousseur, s’exprime en peu de mots. «C’est injuste. On a acheté ce terrain, payé pour toutes les améliorations et maintenant on nous met dehors. Mais ici, c’est chez moi.» Pourtant, d’un jour à l’autre, lui et ses quatre frères vont être expulsés de leur terrain, forcés de reprendre la route dans leur caravane après sept années passées au même endroit. «Je devais commencer le collège la semaine prochaine. Mais à quoi cela sert-il d’aller à l’école pour deux jours à peine?»
Avec John, plus de 400 personnes attendent l’arrivée des bulldozers, des huissiers et des forces de l’ordre. Ils vivent à Dale Farm, le plus grand camp illégal de gens du voyage d’Europe, situé dans une vallée verte à une heure à l’est de Londres. La mairie de Basildon, dont dépend le terrain, leur a toujours refusé le permis de construire. Après plus de dix années sur place, ils ont perdu leur dernier recours judiciaire le 31 août.
Du point de vue de la loi, la mairie est dans son bon droit. Mais, sur place, l’affaire est plus compliquée. Les 80 familles qui y vivent sont propriétaires du terrain. Juste à côté, dans un autre camp parfaitement légal, habitent d’autres familles généralement liées à celles de Dale Farm.
Quand ces «voyageurs irlandais» (environ 20 000 des 300 000 gens du voyage en Grande-Bretagne sont des «Irish Travellers») se sont installés à Dale Farm il y a une décennie, ils ont investi une vieille décharge sauvage. Depuis, l’endroit a été amélioré et les routes renforcées. Le terme de «camp» correspond mal à la réalité: quelques maisons en dur ont été construites, et la majorité des habitants vit dans d’énormes mobile-homes. Malgré cela, la mairie a rejeté le permis de construire parce que le terrain se situe officiellement sur la «ceinture verte» et doit être protégé.
«On m’arrache les tripes»
«En me mettant dehors, on m’arrache les tripes», s’emporte Danny, 35 ans. Pour lui, ce terrain était le début d’une vie meilleure pour ses sept enfants. «Je ne sais pas lire, parce que je n’ai jamais pu aller à l’école, raconte ce rouquin au visage rond. Mais mes enfants vont tous à l’école», explique-t-il avec un accent de fierté.
Le problème de Dale Farm est symptomatique de la situation des gens du voyage au Royaume-Uni. En 1994, l’obligation des mairies de leur fournir des emplacements a été supprimée. A la place, le gouvernement de l’époque a incité les gens du voyage à acheter des terrains et à poser des demandes de permis de construire. Mais une étude – qui remonte à 2004- montre que 90% de leurs demandes sont rejetées, contre 20% pour la moyenne nationale. «On leur demande de respecter les règles mais, si on leur refuse l’autorisation de construire, ils n’ont pas d’autre choix que de s’installer sur des terrains illégaux», s’énerve Calum De Burgh, un activiste venu soutenir Dale Farm.
Pourtant, la mairie de Basildon refuse de transiger, malgré le coût exorbitant de l’expulsion (estimé à 23 millions de francs). Elle a proposé des logements alternatifs, et les municipalités voisines pourraient aussi aider, dit-elle. Surtout, elle a le soutien presque général des habitants locaux, qui parlent de vols et de comportements antisociaux.
Rumeurs ou réalité? «C’est simplement du racisme», réplique Myriam, 16 ans, qui vit à Dale Farm depuis l’âge de 6 ans. «C’est vrai, on est des grandes gueules. Mais on ne fait rien de mal.» Si elle se dit prête à se battre quand viendront les huissiers, elle reconnaît un certain défaitisme. «Nous n’avons nulle part où aller. Nous sommes condamnés à continuer à nous faire mettre dehors de terrain en terrain.»
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Sur le même sujet, lire également
- At Dale Farm, they are ready for the bailiffs dans The Independant
- Dale Farm: The council should Ignore the UN, and send in the bulldozers dans The Telegraph
- UN urges against eviction of Dale Farm travellers dans The Mirror
- UN urges council to postpone eviction of Irish Travellers dans The Irish Times
Peter Arbenz: la réorganisation de l’ODM était une «erreur»
Peter Arbenz, ancien «Monsieur réfugiés» de la Confédération, critique violemment la réorganisation de l’Office fédéral des migrations (ODM) introduite par l’ex-conseiller fédéral Christoph Blocher.
L’ancien «Monsieur réfugiés» de la Confédération, Peter Arbenz, critique violemment la réorganisation de l’Office fédéral des migrations (ODM) introduite par l’ex-conseiller fédéral Christoph Blocher. Ce dernier a volontairement démembré l’office, selon lui. L’ancien ministre de la Justice a supprimé des emplois et «des personnes, qui travaillaient vraiment bien, ont perdu goût à leur travail», a déclaré Peter Arbenz, dans une interview parue samedi dans le «Landbote». La successeure de M. Blocher, Eveline Widmer- Schlumpf, a poursuivi cette suppression de postes.
Peter Arbenz estime que la réorganisation de l’ODM n’a été dictée que pour économiser de l’argent. Avec des demandes d’asile en hausse, l’office ne peut plus maintenant assumer ses tâches. «La réorganisation était une erreur», ajoute Peter Arbenz, président de l’oeuvre d’entraide Helvetas. Dans l’interview, M. Arbenz critique surtout la suppression de la cellule de personnes qui ne travaillaient pas de façon permanente pour l’ODM, mais qui pouvaient être activées en cas de surcharge de travail. Ou Eveline Widmer-Schlumpf ?
De son côté, Heinz Brand, chef de la police des étrangers des Grisons et président de l’Association des chefs de polices cantonales des étrangers, parle aussi de réorganisation «loupée» de l’ODM. L’office a perdu un grand savoir-faire, a-t-il déclaré dans une interview parue samedi dans la «Neue Luzerner Zeitung». Contrairement à M. Arbenz, qui met en cause Christoph Blocher, Heinz Brand s’en prend à la conseillère fédérale PBD Eveline Widmer- Schlumpf. M. Brand est candidat UDC pour les élections au Conseil national. M. Brand reproche essentiellement à Mme Widmer-Schlumpf d’avoir séparé les procédures d’asile de celles pour les étrangers.
Le Matin
L’UDC va déposer une interpellation sur la politique d’asile
Le groupe parlementaire UDC va déposer une interpellation urgente sur la politique d’asile lors de la session d’automne des Chambres fédérales.
Lors de la session d’automne des Chambres fédérales, le groupe parlementaire UDC va déposer une interpellation urgente sur la politique d’asile. De son côté, le groupe socialiste rappelle sa volonté d’une sortie pleine et entière du nucléaire.
Lors de sa séance de samedi, l’UDC a décidé d’exiger du Conseil fédéral des informations sur la «situation désastreuse qui règne aussi bien dans le secteur de l’asile qu’à l’Office fédéral des migrations (ODM)», a-t-elle indiqué dans un communiqué. Le parti veut que le gouvernement prenne des «mesures efficaces contre le chaos qui s’étend» dans ce domaine.
L’UDC approuve la décision prise autrefois par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et l’ODM de ne pas entrer en matière sur les milliers de demandes d’asile déposées par des migrants irakiens en Syrie et en Egypte. «Cette décision a permis d’empêcher un important afflux de personnes n’ayant aucune raison valable de demander l’asile», peut-on lire dans le communiqué.
«La loi sur l’asile doit être appliquée dans toute sa rigueur. Il faut immédiatement entreprendre les révisions nécessaires pour accélérer massivement la procédure d’asile», a poursuivi l’UDC. Le parti veut aussi que soit réglé le problème «lancinant» des objecteurs de conscience érythréens.
De son côté, le groupe socialiste aux Chambres a critiqué la possibilité envisagée par la Commission de l’énergie du Conseil des Etats de ne pas fermer la porte à des réacteurs atomiques de nouvelles générations. Tout comme l’ont fait savoir vendredi les Verts, le PS veut une sortie pleine et entière du nucléaire et une transition vers les énergies renouvelables.
ATS