jeudi 16 septembre 2010

Minarets: la Suisse plaide l’irrecevabilité à Strasbourg

Le gouvernement suisse demande à la Cour européenne de ne pas entrer en matière sur les recours.

La Suisse demande aux juges de Strasbourg de ne pas entrer en matière sur les deux recours déposés devant la Cour européenne des droits de l’homme contre l’acceptation de l’initiative interdisant la construction de minarets. A défaut d’avoir eux-mêmes demandé à pouvoir construire un minaret et d’avoir refusé un refus des autorités suisses, les recourants ne peuvent saisir directement la juridiction européenne, estime l’Office fédéral de la justice dans sa prise de position officielle adressée mercredi à la Cour au nom du gouvernement suisse.

Une pirouette

Sur le fond, mais à titre subsidiaire seulement, l’OFJ tente de soutenir que l’interdiction approuvée en votation populaire en novembre 2009 ne viole ni la liberté religieuse ni le principe de la non-discrimination. L’explication tient plus de la pirouette que de la conviction, car les juristes de la Confédération le savent bien: le Conseil fédéral avait soutenu le contraire avant le scrutin, mais le vote du souverain lie désormais les autorités suisses, explique l’OFJ, soulignant «qu’on ne saurait supposer que le peuple et les cantons suisses, en adoptant l’initiative, ont voulu violer la liberté de religion des musulmans ou les discriminer».

Les deux requêtes émanent de plusieurs associations musulmanes, dont la Ligue des Musulmans de Suisse, et de l’ancien porte-parole de la mosquée de Genève, Hafid Ouardiri. A ce stade, c’est bien la possibilité pour les recourants de saisir directement la Cour de Strasbourg, sans avoir au préalable demandé sans l’obtenir l’autorisation de construire un minaret en Suisse, qui constitue l’enjeu juridique le plus important.

Pas de recours direct

Jusqu’ici, les juges de Strasbourg n’ont accepté que dans de rares cas d’examiner des plaintes qui n’avaient pas été précédées d’une procédure concrète au niveau national. Ils l’ont fait notamment lorsque les intéressés risquaient de subir directement et concrètement les effets d’une norme juridique nationale – par exemple une règle successorale ne plaçant pas sur pied d’égalité les enfants nés dans le mariage et ceux qui ne le sont pas.

Au lendemain du vote, le constitutionnaliste Andreas Auer estimait dans ces colonnes qu’un recours direct à Strasbourg était possible. Dans sa prise de position, l’OFJ soutient au contraire que les recourants ne pourraient s’adresser à Strasbourg qu’après avoir demandé en vain l’autorisation de construire un minaret. Ils auraient pu faire valoir leurs droits devant les autorités suisses et jusqu’au Tribunal fédéral. Celui-ci aurait dû examiner la conformité de l’interdiction avec les traités internationaux ratifiés par la Suisse, assure l’OFJ, s’avançant sur un point qui n’a pourtant pas encore été tranché de manière parfaitement explicite par les juges de Mon-Repos.

L’interdiction du port du voile intégral dans les services publics en Suisse a suscité à nouveau des débats intenses mercredi dans les parlements cantonaux. Contrairement au Grand Conseil argovien la veille, les députés bâlois et bernois ne veulent pas d’une telle interdiction.

Denis Masmejan dans le Temps

Burqa: la France invente la loi “pédagogique”

Le Parlement a définitivement adopté la loi dite « antiburqa » mardi 14 septembre. Le texte, qui doit encore être soumis au Conseil constitutionnel, ne sera applicable aux femmes qu'après six mois de « pédagogie ». Mauvaise conscience ou infantilisation ?

Selon le projet de loi porté par Michèle Alliot-Marie, toute femme qui déciderait de conserver son niqab sera passible d'une amende de 150 euros. Le texte prévoit un moratoire d'une demi-année pour la sanction contre les femmes, alors qu'un homme qui contraindrait une femme à porter le voile intégral écopera sans délai d'une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison et 30 000 euros d'amende.

Le but : « Expliquer la vie en société, la civilisation »

Pourquoi ce sas de six mois pour les femmes ? Le texte instaure un temps dit « de pédagogie ». C'est le terme employé par le législateur, qui semble préférer la posture du maître à l'élève vis-à-vis de ces femmes adultes plutôt que de choisir les mots « sensibilisation » ou « information ».

Lire la suite de cet article de Chloé Leprince sur Rue89