mercredi 8 février 2006

Dépasser la honte


Voici l'éditorial de Jean-Yves Gentil dans la revue du PS Suisse, socialiste.ch

C’est un copain réfugié avec qui j’ai du plaisir à deviser. Voilà quelques années que je l’ai rencontrélorsqu’il était en pleine procédure après avoir déposé sa demande d’asile et connaissait quelques difficultés à se frayer un chemin dans la jungle administrative qui, à l’époque déjà, n’avait rien du gazon anglais. Des raisons qui l’ont poussé à quitter son pays pour rejoindre le notre, il m’a raconté assez pour que je me rende compte qu’il en avait sérieusement bavé. Du jour au lendemain, il a claqué sa porte et toutes ses économies, quittant sa famille et craignant pour sa vie. Aujourd’hui, il est installé et intégré, son patron compte sur lui et il s’est marié. Nos discussions, si elles portent toujours parfois sur la situation de son lieu d’origine où rien ne s’est vraiment arrangé, sont souvent consacrées à l’actualité suisse: du dernier match de la « Nati » à notre bordereau d’impôt, du 0,5 pour mille au parcage en ville. Nous parlons aussi politique et si nous ne sommes pas d’accord sur tout, du moins confrontons-nous nos avis. C’est dans le cadre de ces conversations que nous avons évoqué dernièrement le durcissement des lois sur l’asile et sur les étrangers. « Tu vois », me disait-il, « je suis un homme comblé. Ici, j’ai refait ma vie et je suis sûr que là-bas ils ont dû m’oublier. Pourtant, depuis l’année dernière et les votations finales des Chambres fédérales, j’ai l’impression que tout a recommencé. Ca me réveille la nuit, totalement paniqué. Je ne sais plus comment faire, je suis totalement perturbé ». C’est quand il s’est mis à pleurer que mon malaise, jusque-là diffus, s’est transformé en une honte carabinée. J’ai balbutié quelques paroles de réconfort et lui ai assuré que les jeux n’étaient pas faits, qu’il se trouvait encore, dans ce pays, des gens pour qui la tradition humanitaire et l’accueil des personnes en danger n’étaient pas de vains mots. Je ne suis pas sûr de l’avoir persuadé. Dans cette édition de socialistes.ch, vous trouverez – en annexe – une carte postale du PS consacrée au référendum contre la loi sur l’asile de même qu’en page 10, un formulaire de récolte de signatures pour le référendum contre la loi sur les étrangers. Ne les signez pas pour mon copain, mais pour les dizaines de milliers de personnes qui – comme lui voici quelques années – caressent aujourd’hui l’espoir d’être sauvées, qui ont – encore – de la Suisse une certaine idée. Plus que jamais, il nous faut dépasser la honte et nous mobiliser.

Halte à l'angélisme



Le numéro de février de Vivre Ensemble (pour s'abonner) est paru:
En voici l'éditorial écrit par Yves Brutsch
Le référendum est lancé et les débats vont s’intensifier. Beaucoup de commentaires opposent le réalisme du durcissement face aux abus à l’angélisme des défenseurs des réfugiés. Réalisme ? Angélisme ? Si les mots ont encore un sens, c’est bien le manque de réalisme des partisans de la révision qui doit être dénoncé.

Est-ce réaliste de penser que la Suisse respecte la Convention de Genève lorsqu’elle prévoit de refuser l’entrée en matière aux personnes qui demandent l’asile sans déposer de papiers d’identité ? Toute l’histoire montre que les réfugiés qui fuient des persécutions ne disposent souvent pas de tels documents.

Est-ce de l’angélisme de dire que seul un examen effectif des motifs d’asile permet de savoir si un requérant doit être protégé ?

Est-ce réaliste de croire qu’il suffit de couper les vivres à tous les déboutés pour faire partir des demandeurs d’asile qui ont quitté une situation sans issue et qui ont bravé mille dangers pour arriver en Suisse ?

Est-ce de l’angélisme de dire que cette suppression de l’aide sociale qui va viser des milliers de personnes par an, ne va pas engendrer une dégradation majeure de notre vie sociale, accroître la petite délinquance, les problèmes de santé publique, la mendicité, le travail au noir ?

Est-ce réaliste de multiplier les possibilités de détention administrative, jusqu’à deux ans de prison, comme si cela apportait une réponse aux difficultés d’exécution des renvois, alors qu’une étude fédérale toute récente montre que le taux de renvoi effectif est le même à Zurich qu’à Genève, où la détention est utilisée cent fois moins fréquemment ?

On pourrait multiplier les exemples. En fait, depuis l’origine, la politique officielle a rarement reposé sur une analyse sereine de la problématique. Les idées toutes faites, les a priori et les calculs politiques (il est plus simple de dénigrer les requérants que d’apporter des solutions à des problèmes complexes) n’ont cessé d’empêcher un débat objectif.

La réalité, la vraie, celle qui pousse des hommes, des femmes et des enfants à nous demander asile, intéresse au fond très peu les décideurs. Il est plus simple de déclarer arbitrairement qu’un pays est «sûr» et de refuser d’entrer en matière.

Battre en brèche l’angélisme avec laquelle une très large part de l’opinion publique continue de croire que notre politique d’asile, malgré tous les durcissements, reste guidée par le souci d’accueillir les «vrais réfugiés» représente bien le plus grand défi de la campagne référendaire.

Abonnements aux transports publics obligatoires pour tous les requérants



Lire l'article de Alain Walther dans 24heures en ligne
Dès le 1er avril, les membres des familles des requérants d’asile du grand Lausanne seront «automatiquement» au bénéfice d’un abonnement Mobilis. Les TL encaisseront ainsi 1 million de francs. Pour sa part, la Fareas affirme simplifier ses comptes. Et les principaux concernés, les requérants, qu’en pensent-ils?

Quelque trois mille requérants d'asile du grand Lausanne ne pourront plus prendre le bus sans abonnement. En effet, la Fareas (Fondation vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile) et Mobilis (communauté tarifaire comprenant les TL) ont signé un accord qui va changer la vie des requérants.

Dès le 1er avril, la Fareas abonnera automatiquement les requérants assistés. Avantage pour la fondation: elle ne payera plus en espèces (1 fr. 30 par jour et par personne) mais en nature. Avantage pour Mobilis: en échange d'un «bon rabais» d'entreprise, la communauté tarifaire empochera, selon nos estimations, 1 million de francs supplémentaires.

Resquilleurs de tous les pays

De part et d'autre, les signataires du contrat se gardent de voir dans cet accord une éventuelle mesure de lutte contre la resquille. «Nous avons des resquilleurs de tous les pays et d'ailleurs tous les resquilleurs ne sont pas tous des requérants et tous les requérants ne sont pas des resquilleurs, souligne Roger Perrin, directeur du marketing des TL et actuel responsable de Mobilis.

Un travailleur social qui doit garder l'anonymat nuance: «Avec ce qu'ils touchent par mois pour eux et leur famille sans avoir le droit de travailler, on peut comprendre que les requérants économisent sur leur budget transport en ne payant pas dans le bus.»

A la Fareas, on a envoyé une lettre à toutes les personnes concernées et les séances photos ont déjà commencé pour lancer la campagne d'abonnement automatique, donc obligatoire.

Première tentative

Cet accord n'est pas le premier que tentent la Fareas et les TL. Il y a une dizaine d'années, une première tentative avait échoué. A l'époque, les TL - qui aujourd'hui démentent cette version - auraient trouvé indélicat de faire bénéficier les requérants d'asile d'abonnements meilleur marché que ceux proposés aux Lausannois lambda.

«Nous ne voulons choquer aucune mentalité, explique Roger Perrin. Comme n'importe quelle entreprise, la Fareas nous a fait une proposition. Comme elle fait le travail elle-même (préparation des abonnements), elle a eu droit à un rabais supplémentaire.» Et voilà pourquoi, au 1er avril, un requérant avec un abonnement de deux zones payera 45 francs au lieu de 58 francs par mois.

Conséquences financières très lourdes pour les familles de requérants

La directive de la Fareas mettra à mal les budgets de nombreuses familles de requérants. A titre d’exemple, une famille (deux adultes, trois enfants dont deux de plus de 6 ans) reçoit de la fondation une assistance de 1400 francs par mois. Dès le 1er avril, la famille va recevoir 2 abonnements «adulte» à 45 francs et 2 abonnements «enfant» de plus de 6 ans à 33 francs. Total: 156 francs de moins chaque mois, sur les 1400 francs alloués.
Là où le bât blesse, c’est que les enfants ont une carte famille délivrée par les CFF et qui leur permet de voyager avec leurs parents sur toutes les lignes de transport pour la modique somme de 20 francs par an.
Autrement plus avantageux que les 393 francs annuels facturés par Mobilis: «Je vais payer vingt fois plus cher pour mon fils.» Chacun de son côté, la Fareas et les TL se sont engagés à trouver la meilleure solution possible à ce problème

Les requérants Ethiopiens Fribourgeois demandent à être régularisés

Lire l'article de la Liberté

L'aide au retour laisse sceptique les africains

Lire cet article de Huguette Nganga paru la semaine dernière dans la Liberté

L'aide sociale de 3e classe attend au contour les migrants indésirables

Lire l'article de Michael Rodriguez dans le Courrier sur la réorganisation de l'asile dans le canton de Vaud

Extraits:
Selon leur sensibilité politique, les députés vaudois se font une idée très variable de l'aide à apporter aux requérants d'asile et aux sans-papiers qui se trouvent dans le besoin. Pour la droite, il s'agit avant tout d'aider... à partir les requérants déboutés ou frappés de non-entrée en matière, ainsi que les sans-papiers. C'est en effet au nom d'une politique «dissuasive et cohérente» que le député radical Gérard Bühlmann a plaidé hier pour que l'aide d'urgence concédée à ces migrants jugés indésirables reste au niveau minimal que le Conseil d'Etat lui a fixé dans son projet...
La nouvelle loi entérine en effet le principe d'une aide sociale de troisième classe, introduit par le législateur fédéral. Selon ce principe, les requérants d'asile déboutés ou frappés de non-entrée en matière ainsi que les sans-papiers, n'auront droit qu'à une aide minimale, octroyée autant que possible en nature. Dans le canton de Vaud, celle-ci correspondrait grosso modo à 240 francs par mois et par personne, soit deux fois moins que l'assistance perçue par les réfugiés reconnus comme tels. Rappelons que ces derniers touchent déjà un montant inférieur de moitié à l'aide sociale vaudoise...

Le canton revoit en profondeur son organisation en matière d’asile

Lire l'article de Jean-Michel Jacot-Descombes dans 24heures
Sur le même sujet voici la dépêche de l'ATS
La Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile (Fareas) se voit confier de nouvelles missions, dont l’aide aux requérants et l’aide d’urgence aux étrangers en situation illégale
Dix séances de commission, trois rapports différents, des amendements à la pelle: la nouvelle loi sur l'aide aux requérants d'asile et à certaines catégories d'étrangers (Lara) promettait un débat interminable au Grand Conseil. Promesse tenue hier puisque la journée n'a pas suffi pour terminer la première lecture. Loin s'en faut. Il est vrai que le projet couvre de nombreux thèmes, dont la réorganisation en profondeur de la Fareas. Mais aussi la question de la prise en charge des requérants d'asile et des clandestins.

Dans un canton de Vaud qui n'a toujours pas réglé la question des «523», le sujet est, qui plus est, sensible. Exemple avec, précisément, la question de l'aide d'urgence prévue pour les personnes séjournant illégalement sur le territoire vaudois et qui sera assumée par la Fareas. La gauche s'est opposée avec force à l'introduction de cette nouvelle norme.

«C'est anticonstitutionnel»

«Cela revient à institutionnaliser trois niveaux d'aide, a déploré la socialiste Sandrine Bavaud. L'aide sociale ordinaire, l'assistance aux requérants d'asile qui est inférieure de moitié à la première et enfin l'aide d'urgence qui est encore plus basse. C'est anticonstitutionnel.» Sa collègue de parti Michèle Gay Vallotton a renchéri en soulignant que «la dignité humaine devient à géométrie variable».

A droite, les députés ont défendu fermement le projet de loi. «La réaction de la gauche démontre une nouvelle tentative pour faire accepter chez nous les personnes en situation illégale, a déclaré le radical Gérard Bühlmann. Or, elles devront partir tôt ou tard et tout ce qu'on fait pour les retenir n'est que pure hypocrisie.» Au vote, l'aide d'urgence a été adoptée par 77 voix contre 63 et 7 abstentions.

Hier, les députés ont par ailleurs accepté que la Fareas passe du statut de fondation à celui d'établissement de droit public. En revanche, ils devront encore examiner les modalités de son assainissement et celles censées régler le financement du futur établissement. Le Grand Conseil a par ailleurs accepté que la question de l'asile dépende désormais d'un seul département, soit celui des Institutions et relations extérieures. La gauche souhaitait en effet faire dépendre les tâches de police des étrangers et celles d'assistance de deux départements différents. A noter que les députés ont encore accepté la création d'une commission consultative en matière d'asile.