Lire la revue de presse de Laurent Buschini dans 24heures
La presse européenne hésite sur les qualificatifs. Mais entre «Choc», «séisme», «tempête» ou «révolte» dans une politique suisse habituellement calme, la non-réélection de Christoph Blocher intéresse. La plupart des commentateurs y voient la fin de la concordance.
"Le parti de Blocher part dans l'opposition". C'est à la une de tous les sites suisses. Mais pas seulement.
La Sueddeutsche Zeitung met aussi la nouvelle en une. Tremblement de terre en Suisse, poursuit le site allemand, qui annonce l'éviction du contesté ministre de la Justice. Le site rend compte de la prestation de serment de la nouvelle conseillère fédérale, Eveline Widmer-Schlumpf, une "politicienne de province inconnue". Il relate la décision annoncée par le chef du groupe UDC, Caspar Baader, de ne pas soutenir les deux élus UDC du gouvernement et d'entrer en opposition. Le site met aussi en lien des explications du système politique suisse. Même intérêt pour la politique suisse en Autriche. Die Presse fait sa une de l'éviction de Blocher. Pour le site, la Suisse a depuis aujourd'hui un gouvernement de centre gauche. La formule magique en vigueur depuis 1959 est devenue caduque, avance le journal.
En France, seul Le Figaro met la nouvelle en une de son site. "Pourquoi cette éviction?, se demande le quotidien. Christoph Blocher a durci la législation sur le droit d’asile et l’immigration. Son parti a été accusé de racisme par l’ONU durant la campagne électorale. La gauche et les centristes se sont donc mis d’accord en secret, une alliance inattendue, pour apporter leurs voix à un autre membre de l’UDC, Eveline Widmer-Schlumpf, considérée comme une modérée" relate le journal. Libération parle aussi en une de l'éviction de Christoph Blocher. "Puni, Blocher pourrait se venger en obligeant les deux conseillers fédéraux UDC élus à se retirer ou en les excluant de sa formation, s’ils refusent" estime le site.
Pour le Monde, "en menant une campagne ouvertement xénophobe et anti-européenne, le ministre de la justice et de la police s'est aliéné une partie de la droite modérée".
"L'homme de droite Blocher perd son poste dans le gouvernement suisse", titre El Pais, dont l'information figure en une du site. "Une journée qui s'annonçait routinière s'est convertie en une véritable tempête dans un paysage politique suisse d'ordinaire serein" poursuit le site espagnol, pour qui l'éviction du «polémique et controversé» leader de la droite est une «crise sans précédent». Le site rappelle que le caudillo suisse s'est rendu célèbre par sa campagne de refoulement des étrangers et l'affiche du mouton noir désormais célèbre.
En peligro la fórmula mágica suiza
RODRIGO CARRIZO COUTO
El derechista Blocher podría irse a la oposición y paralizar el Estado al ser desplazado del Gobierno
Si le «Corriere della Sera», plus grand tirage en Italie, évoque un «tremblement de terre politique à Berne» dans un article en pleine page, le site du journal ne consacre rien à l'événement. Pas plus que la Stampa ou la Repubblica.
La nouvelle a aussi passé la Manche. "Le leader de l'extrême droite suisse est éjecté du gouvernement" titre le Guardian. Le site parle d'un "coup qui plonge la politique suisse dans un territoire incertain". Le site, comme la plupart des sites européens, tente de faire comprendre le système gouvernemental suisse. Non sans quelques approximations, comme celle de présenter le président de la Confédération comme une sorte de premier ministre. Reste que pour le Guardian, les règles très prévisibles de la politique suisse vont changer.
Switzerland's far-right leader is kicked out of cabinet
Ian Traynor, Europe editorThursday December 13, 2007
The Guardian
Despite leading his anti-immigrant Swiss People's Party (SVP) to a second general election victory seven weeks ago, Blocher, a billionaire businessman and justice minister in the outgoing government, was caught napping by a deft piece of overnight political manoeuvring by Social Democrats and Christian Democrats who blocked his path to cabinet by persuading a party colleague to stand against him...
L'éviction de Christoph Blocher a même traversé l'Atlantique. Le site du New York Times relate la chute de l'homme fort de l'UDC. Le site rappelle que l'UDC avait remporté le plus large score d'un parti aux dernières élections fédérales en s'appuyant sur des thèses populistes que les Nations Unies avaient qualifiées de racistes. Pour le site new-yorkais, l'éviction de Christoph Blocher pourrait mettre à mal la formule du gouvernement par consensus qui régit la Suisse depuis un demi-siècle. Il cite la parlementaire bâloise des Verts Miriam Behrens, pour qui l'UDC n'a jamais cessé d'être dans l'opposition même s'ils sont dans le gouvernement de consensus.
"Séance chaotique"
Dans un long article de haut de page, le "Corriere della Sera", plus grand tirage en Italie, évoque un "tremblement de terre politique à Berne". Le quotidien milanais note que le "milliardaire, l´anticonformiste, le polémiste" Christophe Blocher a été remplacé par une "inconnue".
Fin de la formule magique
"Le modèle de consensus suisse menace de se briser", titre en Allemagne "Die Welt". "Désormais, le système politique en Suisse vacille", renchérit la "Frankfurter Rundschau".
Mouton noir
Le quotidien britannique "International Herald Tribune" estime lui aussi que "le vote a placé un point d´interrogation sur l´avenir du système suisse".
GENEVA: Less than two months after Christoph Blocher led the far-right Swiss People's Party to a comfortable election victory, parliamentarians ejected the controversial justice minister from the cabinet Wednesday.
The vote placed a question mark over the future of Switzerland's system of consensus government. In an election by Parliament of the seven-member Federal Council, which functions as Switzerland's cabinet, lawmakers voted for another SVP member, Eveline Widmer-Schlumpf, perceived as more moderate, over Blocher.
Nombre de commentateurs opposent les événements du 12 décembre ("journée de l´humiliation" pour Christoph Blocher, selon "Die Welt") au score réalisé par l´UDC le 21 octobre ("journée du triomphe", selon les termes du journal allemand"). Ils rappellent aussi la campagne "agressive" du parti agrarien marquée par la polémique autour du mouton noir.
Les "perdants alliés" (lors des élections fédérales) ont organisé une "action de représaille qui, sous cette forme, est unique pour la république alpine plutôt peu agitée" qu´est la Suisse, constate "Die Welt". Le journal allemand décrit la séance des Chambres fédérales de mercredi comme "turbulente à l´échelle suisse, voire presque chaotique".
Martyr
Et la presse européenne de prévenir des risques d´une UDC dans l´opposition. "Rien n´indique que la capacité de nuisance de l´UDC blochérienne, volontiers xénophobe, sera amoindrie par ce putsch parlementaire", selon "Libération".
"Le gouvernement à Berne aura moins de marge de manoeuvre" s´il doit tenir compte de la résistance d´une opposition parlementaire, prévoit la "Süddeutsche Zeitung".
"Un Blocher déchaîné comme martyr sur les bancs de l´opposition peut être encore plus dangereux que dans le gouvernement", avertit le quotidien autrichien "Kurier".
Le "Soir" belge mise aussi sur le fait qu´en démocratie directe, Christoph Blocher "aura toutes les possibilités de déployer ses talents de populiste".