mardi 2 décembre 2008

Un Vaudois et une Congolaise fêtent un mariage qu’ils ne peuvent valider

La célébration était fixée depuis longtemps, mais c’était sans compter la complexité administrative. Impossible d’officialiser l’union le jour J. Un article de Laure Pingoud dans 24 Heures.
Une robe ivoire. Des invités venus de loin. Une église. Alors que tout était réuni pour le mariage, Danita Mbonzi et Jean-Philippe Charbonney ont fait la fête sans pouvoir se dire «oui». Depuis plus d’une année, cette jeune Congolaise lutte pour obtenir les papiers qui lui permet­tront d’épouser le Vaudois qu’elle aime, avec qui elle vit à Chavan­nes- près-Renens.
  Juin 2007. Après cinq ans de concubinage, Jean-Philippe et Danita – arrivée en Suisse à l’âge de 17 ans pour rejoindre sa ma­man – fixent la date de leur mariage avec l’état civil, une an­née plus tard. «Nous avons de­mandé si le délai suffisait et l’offi­cier d’état civil nous a dit que cela jouerait, qu’on avait de la marge», se souvient Danita. Coif­feuse de profession, au bénéfice d’un permis B, la fiancée sait que son origine rend les démarches complexes: elle doit réunir des documents au Congo, qui seront ensuite authentifiés par l’ambas­sade suisse de Kinshasa. Une pro­cédure exigée pour une trentaine de pays.
  A la fin de l’année, Danita a pu collecter les pièces par l’intermé­diaire d’un oncle et d’un avocat au pays. Son dossier est alors ouvert par l’ambassade en janvier 2008. Et le temps passe. «Comme je n’avais toujours pas de nouvel­les en avril, j’ai commencé à m’inquiéter et j’ai réagi auprès de l’état civil», se souvient-elle.
  Car, entre-temps, les futurs mariés ont réservé l’église, pré­paré le culte, commandé le trai­teur et fait les invitations. Pas question donc de reporter la fête, comme le conseille leur officier de mariage. Pour faire avancer le dossier, le couple multiplie alors les demandes, à Kinshasa et au Canton, et fait jouer ses relations. Pendant que l’état civil intervient aussi plusieurs fois auprès de l’ambassade en faveur des fian­cés.
  Juin 2008. A quelques jours de l’échéance, la réponse finit par arriver. Mais c’est le couperet: les documents de Danita ne sont pas authentifiés, car ils ne sont pas conformes à la loi congolaise. Elle doit donc fournir de nouvelles pièces. «Pourquoi ont-ils attendu aussi longtemps pour me dire que mes papiers sont illégaux?» s’étrangle Danita.
Cas pas isolé

  Interrogée par téléphone à Kinshasa, la consul Marianne Jenni entend ce désarroi. «Je comprends que c’est très péni­ble. » La longueur de la procé­dure s’explique par les difficultés liées à la vérification de l’authen­ticité des papiers d’identité. La corruption est fréquente et la Suisse ne peut pas se permettre de la cautionner. Les vérifications de documents sont donc fasti­dieuses, les relations avec les autorités complexes et l’accès à certains villages difficile, alors que les avocats de bonne réputa­tion à qui confier ces missions sont rares. Dans le canton de Vaud, le cas de Danita n’est d’ailleurs pas isolé, selon Jean­-François Ferrario, directeur de l’état civil: ces douze derniers mois, sur les 23 dossiers de Con­golais, douze ont reçu une ré­ponse négative. Pourtant, le couple a maintenu sa fête. «Nous n’avons pas eu le choix, s’exclame-t-elle dans un éclat de rire jaune. On attendait les invités et certains du Congo!» Les amoureux n’ont pu signer aucun papier, mais – d’entente avec le pasteur et l’état civil – ils ont pu transformer leur cérémo­nie religieuse en «action de grâce», sans échange d’alliance. «J’en ai pleuré», avoue Danita.
  Entre tristesse et colère, elle a recommencé sa quête de docu­ments. Qui, à nouveau, atten­dront leur vérification. «Pour nous, la date du mariage reste le 5 juillet. Lorsqu’on pourra le si­gner, on mangera une pizza avec nos témoins.»