Champions de la laïcité, les radicaux genevois ressortent une vieille loi qui proscrit la soutane. Le texte bannirait les vêtements religieux tels que la burqa. Un article de Judith Mayencourt dans 24 Heures.
L’ œil pétillant de malice, Jean Romain ne cache pas son plaisir: «Vous allez voir, ça va faire boum à Genève.» Le philosophe, essayiste et désormais député radical au Grand Conseil vient de déposer, avec son parti, un projet de modification de la loi sur le culte extérieur. Un texte, revisité, qui devrait prendre dans ses filets les vêtements religieux – et en premier lieu la burqa.
Adoptée en 1875, alors que le Kulturkampf déchire le pays, la loi sur le culte extérieur est l’un des piliers de la laïcité genevoise. Le texte, toujours en vigueur, même s’il est tombé en désuétude, proscrit la soutane dans l’espace public. Jean Romain propose aujourd’hui de remplacer l’interdiction du costume ecclésiastique par celle du costume religieux – toutes croyances confondues. Dans son argumentaire, le radical en précise les limites: oui aux accessoires religieux (kippa, foulard, croix ou col romain), mais non au costume, à savoir un ensemble de vêtements et d’accessoires conçus pour être portés ensemble, ou alors un vêtement unique recouvrant l’ensemble du corps. Vous avez dit burqa? «Oui, mais pas seulement», reconnaît Jean Romain, qui vise aussi les juifs orthodoxes ou les raéliens en tunique blanche.
«Nombreux avantages»
Opportunisme médiatique? L’homme s’en défend et désigne la montée des intolérances religieuses, ainsi qu’une menace réelle pour la paix confessionnelle. «Des temps plus troublés nous attendent», affirme-t-il, avant de dérouler tous les avantages de sa proposition: le texte est non discriminatoire. Ensuite, le Tribunal fédéral en a déjà constaté la conformité avec le droit supérieur. Et enfin, il ne concerne que les personnes résidant à Genève, et non les touristes, dont le canton a toujours respecté la totale liberté religieuse.
A Genève, où les esprits sont chauds dès qu’il s’agit d’une question religieuse, le débat ne fait que commencer. Dans le canton d’Argovie, en revanche, on affine déjà la proposition. La commission parlementaire chargée en mai de préparer un projet d’initiative cantonale, renonce à une interdiction de la burqa, jugée arbitraire et disproportionnée. Elle lui préfère une interdiction plus générale de se masquer en public, exception faite du carnaval ou en cas de problème de santé. Le projet passera devant le parlement cet automne .