mardi 10 février 2009

La famille Boldyreva: «Notre départ est imminent»


Lilia Boldyreva et ses cinq enfants rescapés du Monte Lema (TI) tentent de récolter 60'000 francs avant de rentrer en Ukraine.

Victor Fingal - le 10 février 2009, 00h13
Le Matin

Le compte à rebours a commencé. La famille ukrainienne qui s'était égarée sur le Monte Lema (TI) en janvier 2008 et avait failli mourir de froid en franchissant la frontière italo-suisse est sur le point de regagner sa patrie d'origine. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) avait en effet confirmé en novembre dernier une décision de l'Office fédéral des migrations (ODM), qui avait rejeté la demande d'asile, l'Ukraine étant considérée par la Suisse comme un pays sûr. La famille ukrainienne, qui vit encore à Martigny, va obtempérer. Mais avant elle tente de réunir en urgence quelque 60'000 francs pour pouvoir s'acheter une maison sur place.

«En Ukraine, les locations d'appartement ne sont pas développées comme en Suisse. Nous sommes obligés d'acquérir un logement si nous voulons avoir un toit», précise Oksana Boldyreva, 22 ans, qui s'exprime dans un français des plus corrects au nom de la famille. Une quête placée sous le signe de l'urgence. «Ce n'est plus qu'une question de jours, nous nous attendons à devoir partir dans le courant de février.»

C'est Lilia, la maman de 43 ans, qui a entraîné les siens dans un périple insensé. Une mère tantôt admirée pour sa foi et sa volonté, tantôt décriée pour les risques qu'elle a fait prendre à sa famille. Une mère Courage, qui a engagé sa progéniture dans un périple de huit ans à travers l'Europe pour échapper, dit-elle, à un mari violent et à des représentants de l'autorité en place qu'elle ne veut plus nommer à cause des répercussions possibles lors de son prochain retour.

Délire ou réalité? Difficile de faire le tri. Oksana, par contre, est plus précise: «Nous appartenons à une minorité russophone vivant en Ukraine près de la frontière russe. Nous sommes baptistes dans une région à majorité orthodoxe. Quand nous étions enfants, nous subissions des vexations et même des attaques physiques violentes, comme des coups de pied dans la figure, de la part d'autres élèves.»

Permis humanitaire refusé
Le désespoir de cette famille qui était restée bloquée par un demi-mètre de neige, passant deux nuits de janvier à la belle étoile, avait ému le pays. Un élan de solidarité, surtout au Tessin, où les oeuvres d'entraide catholiques avaient récolté plus de 700 signatures, avait obligé le Conseil d'Etat à se mobiliser. Le Tessin demandait à Berne l'octroi d'un permis humanitaire et se disait prêt à accueillir la famille en perdition. Peine perdue.

«La famille Boldyreva est coupable d'avoir joué cartes sur table», relève Philippe Rothenbühler, le pasteur de l'Eglise évangélique de Martigny qui a pris les Ukrainiens sous son aile. Et l'homme d'Eglise d'ajouter: «Je connais des candidats à l'asile qui ont obtenu des permis sous de faux noms après avoir été expulsés une première fois du pays.» Le sort des enfants présents lui tient particulièrement à coeur.

D'autant plus que celui de deux filles de Lilia est incertain. Elles avaient quitté le bateau alors que la famille séjournait dans un camp pour réfugiés en Hongrie. Svetlana, 18 ans, aurait été adoptée par une famille hongroise. Ludmilla, 20 ans, vivrait en clandestinité en Autriche. Restent, outre Oksana, les quatre autres enfants qui ont suivi leur mère: Alex, 16 ans, Denis, 15 ans, Maxim, 11 ans, et Alona, 10 ans. Tous parlent déjà le français après une année en Suisse. Alona suit une école primaire à Martigny. «C'est elle qui parle le mieux le Français», explique fièrement la maman. Les autres ont été placés dans des classes pour étrangers. Oksana, la plus âgée, parle sept langues, glanées au cours de son périple et des différentes écoles qu'elle a dû fréquenter. «J'aurais aimé devenir traductrice», confie la jeune femme. Mais le sort en a décidé autrement. Avec sa mère, elle va ouvrir un petit magasin de légumes à Donyeck, près de la frontière russe, pour subvenir aux besoins de la famille.

25'000 francs déjà récoltés
Les oeuvres d'entraide ont permis de récolter 25'000 francs. Six mille francs ont été payés en avance pour la maison d'une valeur de 60'000 francs que les Ukrainiens désirent acquérir à Donyeck. Les deux adultes, la mère et Oksana, recevront ensemble 6000 francs d'aide au retour et une allocation de 4000 francs par cas (pour toute la famille) leur a aussi été attribuée.

Une fois en Ukraine et s'ils réalisent leur projet d'ouvrir un petit magasin de légumes, la fondation suisse de Service social international leur versera encore 5000 francs. La famille ukrainienne tente actuellement de récolter les 30'000 francs manquant par le biais de donations faites à l'Eglise évangélique de réveil à Martigny.

www.eermartigny.ch

 

Huit années d'errance
Le périple de la famille ukrainienne démarre le 13 juin 2000 quand Lilia et ses sept enfants passent la frontière pour tenter de se réfugier en Slovaquie. Mais ils n'y resteront que cinq jours avant d'opter pour la Hongrie, jugée plus accueillante. Au pays des Magyars, les Ukrainiens vont séjourner plus de sept ans avant de se voir refuser définitivement un permis humanitaire.

Dès lors, Lilia est persuadée que le salut des siens passe par la Suisse. Mais deux des filles refusent de suivre leur mère. Les cinq autres enfants acceptent le pari de leur maman, et la famille quitte la Hongrie le 9 janvier 2008. Elle passe par l'Autriche et l'Italie. Une organisation d'aide aux SDF va les prendre en charge une nuit à Milan. Par deux fois, ils tenteront d'obtenir un visa par le biais du consulat. Sans succès. Malgré un sit-in de protestation organisé devant la représentation suisse le 12 janvier.

Lilia décide alors de tenter le tout pour le tout, sans tenues d'hiver adéquates et juste munie d'un talkie-walkie, elle veut traverser la frontière italo-suisse. La famille en perdition - l'un des fils souffrant de graves gelures - sera secourue le 20 janvier par un hélicoptère de la Rega. Avant d'être placés à Martigny, les Ukrainiens ont passé par les centres de Chiasso et du Bouveret.

Les Nyonnais n'ont pas peur d'accueillir des requérants

Hier, les citoyens ont plus critiqué les difficiles conditions de vie des requérants qu’exprimé des craintes face à leur arrivée. Un article de Madeleine Schürch dans 24 Heures.

Le conseiller d’Etat Philippe Leuba est venu hier soir expliquer les raisons de l’ouverture, en urgence, d'une structure d'hébergement pour requérants d'asile dans un abri PCi de Nyon. La majorité des citoyens présents se sent concernée par un accueil de qualité.Photo Alain Rouèche, Nyon, le 9 février 2009 «C’est bizarre, y a rien eu de négatif!» commentait un citoyen en sortant hier soir de la séance d’information organisée par ville et canton sur l’arrivée prochaine de requérants d’asile à Nyon. Ou presque. L’assemblée venue écouter les autorités locales et le conseiller d’Etat Philippe Leuba, une centaine de personnes, était en effet composée de conseillers communaux, de bénévoles déjà rodés au processus d’accueil des migrants et de quelques citoyens lambda.

Un devoir d’humanité

Personne n’a remis en cause la donnée de base: Nyon se doit, par solidarité avec les autres régions du canton, d’ouvrir enfin une structure pour accueillir des requérants. En revanche, plusieurs voix se sont élevées pour regretter le choix d’un abri PCi. Une centaine d’hommes seuls, dont les trois-quarts ont entre 15 et 35 ans, y seront entassés pour dormir, une structure de jour animée par des bénévoles étant ouverte ailleurs, à l’Esp’Asse. Ces Somaliens, Erythréens, Nigériens, Tamouls et Irakiens vivront en moyenne trois mois, au maximum six, dans ces locaux borgnes. «C’est long pour des gens en détresse, avec qui les pays jouent au ping-pong», s’indignait l’écrivaine Corinne Desarzens.

Les requérants séjournant à Nyon seront en effet des «cas Dublin», qui ont déjà déposé une demande d’asile dans un pays tiers et devront y être retournés. A cet assistant social formé à l’accueil des primo arrivants, qui s’inquiétait de la violence que peuvent comporter les renvois forcés, Philippe Leuba, qui se targue d’appliquer une politique de l’asile ferme mais humaine, n’a pas caché qu’il pourrait y avoir des cas où il faudra user sur place des mesures de contraintes.

D’autres se sont inquiétés du peu d’argent que touchent les requérants (190 francs par mois) alors qu’ils devront se rendre à Yverdon pour faire leur commande d’assistance financière mensuelle. «On ne pourrait pas leur offrir un abonnement des transports publics, leur ouvrir des salles de gym pour faire du sport?» lançait un citoyen. Pierre Imhof, directeur de l’Etablissement vaudois pour l’accueil des migrants (EVAM), a rappelé que son institution, qui prend en charge l’entier des coûts liés à l’asile dans le canton de Vaud, pratiquait des forfaits dans la moyenne suisse.

La sécurité en question

Seul Francis Cattin, président de l’UDC locale, a relayé les craintes qui sourdent d’habitude parmi la population. A savoir que fera la police en cas de dérapages et qui payera les dégâts? Municipale de la Police, Elisabeth Ruey-Ray a expliqué qu’aucun dispositif spécial n’était prévu, qu’on verrait au jour le jour. Pour éviter les tensions liées au désœuvrement des requérants, il faudra justement soigner l’accueil.

Troublante enquête sur le racisme au Vatican

Serge Bilé a cosigné un ouvrage qui met en lumière les traitements discriminatoires, parfois violents, dont sont victimes les religieux de couleur. Un article de Philippe Dumartheray dans 24 Heures.

Serge Bilé, auteur et réalisateur. Photo LDDPassage à tabac de prêtres noirs, dont un ami de Benoît XVI, religieuses amenées à se prostituer, rebuffades à l’égard des cardinaux africains de la curie. Voilà quelques cas étayés par des témoignages et mis au jour par Serge Bilé, qui a enquêté à Rome avant de revenir avec un livre choc*.

Auteur d’une demi-douzaine de livres et de plusieurs films dont un tourné en Valais et consacré à un saint noir, saint Maurice, Serge Bilé se garde bien d’accuser les derniers papes. «C’est au niveau de la curie que les choses posent problème. Mais les papes sont-ils au courant? On vient d’en avoir un petit aperçu avec les propos négationnistes de Mgr Williamson.»

Pour Serge Bilé, ce qui se passe au Vatican n’est pas étonnant. «Les Italiens y sont largement majoritaires. Et leur mentalité est contaminée par ce qui se passe en Italie, notamment avec une politique très dure à l’égard des immigrés.»

Religieuses exploitées

Serge Bilé vient également de réaliser un film sur les zones d’ombre du Vatican. Témoignages à l’appui, il a découvert qu’une demi-douzaine de religieuses noires avait contracté le virus du sida après avoir été amenées à se prostituer. «Elles sont exploitées, elles n’ont pas forcément la vocation, elles finissent par être déstabilisées. Lorsqu’elles contractent le sida, on les renvoie chez elles pour éviter un scandale à Rome.»

Pour Serge Bilé, le racisme au Vatican n’est pas récent. En 1956 déjà, un groupe de prêtres africains avait signé un ouvrage intitulé Des prêtres noirs s’interrogent pour dénoncer les discriminations. Quelques années auparavant, en 1944, Pie XII avait utilisé son influence pour qu’il n’y ait pas de soldats noirs lors de l’occupation de Rome lors de la Seconde Guerre mondiale. Un Pie XII ambigu qui avait aussi sévi contre les auteurs de déclarations racistes.

Pourquoi ce racisme au sein de l’Eglise? Serge Bilé relève que l’héritage est lourd. «Dans la Genèse, il est écrit que Cham a vu son père, Noé, nu. Cham a été maudit. Les exégèses ont donné une autre version. Cham avait voulu humilier son père, soit en couchant avec sa mère, soit en violant son père. Il aurait été condamné à avoir les cheveux crépus. Et des théologiens ont alors affirmé que les Noirs sont nés blancs avant de devenir noirs à cause de la couleur de leur péché.»

Serge Bilé relève aussi que Nostradamus avait annoncé que l’avènement d’un pape noir serait le prélude à l’Apocalypse!

PHILIPPE DUMARTHERAY

* Serge Bilé, Audifac Ignace, Et si Dieu n’aimait pas les Noirs? 120 pages, Pascal Galodé éditeurs

Lire cet article d'Afrik.com et celui paru sur grioo.com