Diplômé, bien noté, payant ses impôts, Xavier reste un clandestin
MIGRANTS - En Suisse depuis 1997, un couple d'Equatoriens sans papiers et ses deux filles doivent quitter le territoire à la fin du mois. Fait marquant, le père a obtenu en toute légalité un CFC de sommelier et un titre menant à la patente. Une pétition a été remise hier au Grand Conseil.
MARTINE CLERC
Xavier Guanoluisa ne comprend pas. «Je suis déçu, avec tout ce que nous avons fait pour nous intégrer. Mais je vais continuer à me battre», explique-t-il dans un français impeccable. Accompagné de son épouse et de ses deux petites filles, il a déposé, hier au Grand Conseil, une pétition garnie de 1150 signatures «pour que la famille puisse poursuivre sa vie dans le canton de Vaud».
Xavier Guanoluisa est arrivé en Suisse il y a onze ans. Lui et son épouse ont, depuis, travaillé sans discontinuer, lui dans la restauration, elle comme femme de ménage ou maman de jour. Tous deux avec un casier judiciaire vierge. Aujourd'hui, ils doivent partir, le Tribunal administratif fédéral ayant confirmé, fin 2007, le refus de la Confédération de leur accorder un permis humanitaire. Leur délai de départ est fixé au 30 septembre.
Le Service vaudois de la population avait, lui, donné un préavis positif en 2005, au vu de la bonne intégration du couple. Celui-ci avait déposé une demande de permis. «Plusieurs centaines de sans-papiers du canton de Vaud ont reçu ces mêmes décisions, explique Christophe Tafelmacher, avocat et membre du Collectif de soutien aux sans-papiers. Mais le fait que ce monsieur ait obtenu des titres professionnels en Suisse est bien plus rare. » En effet, Xavier Guanoluisa, a décroché en 2006 son CFC de sommelier en cours d'emploi, accompagné du Prix spécial pour la meilleure note en pratique. Le printemps dernier, il a encore obtenu le certificat cantonal d'aptitudes et de diplôme pour licence d'établissement (ancienne patente), qui lui permettrait d'ouvrir un établissement public). Il a aussi passé son permis de conduire.
«Politique schizophrène»
Comment est-ce possible d'obtenir ces titres officiels sans permis de séjour? Au Service cantonal de la formation professionnelle, Alain Garnier explique: «Ce parcours n'a rien d'exceptionnel. Il est possible de passer un examen de fin d'apprentissage sans être en possession d'un titre de séjour. Cette personne suivait les cours professionnels comme auditeur. » Durant toutes ses années d'activité professionnelle, dans différents établissements publics vaudois, Xavier Guanoluisa s'est acquitté de ses cotisations sociales et a payé ses impôts, lorsque ses employeurs ne s'y opposaient pas. De 2004 à 2007, le temps de la procédure, l'Equatorien a bénéficié «d'attestations de tolérance» cantonales de trois mois renouvelables, lui permettant d'être employé légalement. Il a ainsi travaillé au Café-Restaurant du Raisin, à Lausanne. Antonio Cabido, son patron, est consterné: «Ce n'est pas normal de renvoyer quelqu'un qui a accompli toutes ces formations. Il fait un excellent travail. »
A Lausanne, le nombre d'Equatoriens travaillant sans statut légal est estimé à 500 personnes. Ils seraient de 10 000 à 15 000, toutes nationalités confondues, à vivre et à travailler clandestinement dans le canton. Roger Saugy, député socialiste fustige une politique schizophrène: «Soit on assume les lois et on expulse la centaine de milliers de sans-papiers qui font vivre l'économie suisse, soit on trouve une solution pour les intégrer quand ils sont restés ici si longtemps. »