mardi 17 août 2010

Les expulsés de retour

Un avion de la Confédération transportant cinq requérants d’asile déboutés n’a pas pu atterrir en Gambie. Ceux-ci ont été replacés en détention en vue d’une nouvelle expulsion.

La reprise des expulsions de requérants d’asile déboutés vers l’Afrique n’est pas allée sans mal. Cinq des six personnes embarquées fin juillet à Zurich ont dû rebrousser chemin après que les autorités gambiennes eurent refusé l’autorisation d’atterrir à l’avion affrété par la Confédération.

Quatre mois et demi après le décès d’un Nigérian lors de son expulsion sous la contrainte à l’aéroport de Zurich, ce vol de la société Hello le 28 juillet était le premier que l’Office fédéral des migrations (ODM) a affrété pour l’Afrique, a indiqué hier Jonas Montani, porte-parole de l’ODM. Confirmant une information de la NZZ am Sonntag, il a précisé que le vol avait pour destinations le Mali et la Gambie.

Malien déposé

Lors de son escale à Bamako, il n’a connu aucun problème pour y déposer un requérant d’asile malien débouté. Mais, alors qu’il voulait poursuivre en direction de Banjul, les autorités de l’aviation civile gambienne lui ont refusé le droit d’atterrir.

La Suisse avait pourtant obtenu précédemment le feu vert, mais seulement oralement, selon le porte-parole de l’ODM. Berne ignore toujours les raisons qui ont poussé la Gambie à refuser soudain cet atterrissage. Cela malgré des discussions sur place avec le Ministère des affaires étrangères et les autorités d’immigration.

Aucun accord signé
Il n’existe certes aucun accord de réadmission signé entre la Suisse et la Gambie. Mais la coopération s’est toujours déroulée sans accroc lors des actions précédentes. «C’est la première fois qu’on nous refuse un atterrissage en Gambie», a dit le porte-parole de l’ODM.

De retour à Zurich, les cinq Gambiens ont été replacés en détention en vue d’expulsion. Un nouveau vol à destination de la Gambie est déjà prévu, a assuré Jonas Montani. Le nombre de personnes, la date et les autres escales envisagées demeurent confidentiels, a-t-il ajouté, évoquant des questions de sécurité.

Le coût d’un vol se monte à quelque 110 000 francs.

Article du Matin

Santé: solution en vue pour les requérants déboutés

Le problème des requérants déboutés exclus par les cantons de l'assurance maladie sera surmonté. Une solution sera trouvée et devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain, a indiqué le Conseil fédéral.

Interpellé sur ce thème, le gouvernement a répondu le 30 juin. Les chefs des deux départements fédéraux concernés se sont ensuite mis d'accord pour régler ce problème, a indiqué lundi Jean-Marc Crevoisier, porte-parole du département fédéral de l'Intérieur (DFI).

Le chef du DFI Didier Burkhalter et sa collègue Eveline Widmer-Schlumpf, en charge du Département fédéral de justice et police, ont trouvé un accord de principe. "Il y a volonté que les requérants déboutés, ou ayant fait l'objet d'une non entrée en matière, restent assurés à une caisse-maladie", a dit Jean-Marc Crevoisier.

"Ils seront des affiliés normaux. Les cantons devront payer les primes rétroactivement en cas d'hospitalisation ou pour traitement médical de ces requérants en Suisse", a-t-il précisé.

Après cet accord de principe, les deux chefs de département ont transmis le dossier à leurs offices respectifs afin qu'ils élaborent une ordonnance d'application. Celle-ci sera envoyée aux cantons et aux assureurs pour consultation ces prochaines semaines.

"Pratique illégale"

SOS Racisme avait un peu plus tôt dans la journée dénoncé une nouvelle fois la pratique "illégale" des cantons. Pour la plupart, ceux-ci excluent de l'assurance maladie les requérants d'asile déboutés ou ayant fait l'objet d'une non-entrée en matière.

Cette pratique perdure depuis avril 2004, a déploré Françoise Kopf, coordinatrice de l'organisation lors d'une conférence de presse lundi à Berne. Le Conseil fédéral a été plusieurs fois alerté mais "le gouvernement n'a jusqu'ici pas été en mesure de faire respecter le droit existant", a expliqué l'ancien chancelier de la Confédération François Couchepin.

"Nous demandons aux cantons de réassurer notamment tous les requérants déboutés afin qu'ils bénéficient des soins médicaux qui découlent de la LAMal", a-t-il indiqué. L'organisation demande aussi à l'Office fédéral de la santé publique de veiller à l'application correcte de la loi par les cantons.

Financement en question

Pour SOS Racisme, ces mesures doivent être appliquées indépendamment du fait que la question du financement n'est pas encore réglée. Celui-ci pourrait être pris en charge par les cantons et/ou la Confédération.

"Le nombre de personnes domiciliées en Suisse concernées par ces exclusions de l'assurance maladie est impossible à déterminer mais il y en a des milliers", estime Françoise Kopf. "Il va devenir pléthorique notamment avec le durcissement de la loi sur l'asile ou l'augmentation des motifs de non entrée en matière", prévient-elle.

ats/cht

Requérants privés de soins: bientôt la fin ?

Didier Burkhalter et Eveline Widmer-Schlumpf se sont mis d’accord sur un projet d’ordonnance qui devrait empêcher une pratique dénoncée depuis deux ans.

Un jeune homme violemment tabassé qui se fait rejeter de l’hôpital où il est venu demander des soins. Un médecin qui refuse de soigner une angine récalcitrante, d’autres qui distribuent les tranquillisants sans consultation aux patients dépressifs…

Cela se passe en Suisse, accusent Françoise Kopf, Martin Egmont et Afra Weidmann, actifs dans l’aide aux requérants d’asile déboutés. En toute illégalité: les personnes ainsi mises sur la touche ont été exclues de l’assurance maladie obligatoire. Or tous ceux qui résident en Suisse, avec ou sans papiers, doivent être assurés.

C’est la LAMal qui le dit, et personne ne le conteste. Les autorités cantonales réassurent d’ailleurs ceux qui arrivent, malgré les obstacles dressés devant eux, à obtenir des soins médicaux.

Vers une solution

Cette situation choquante devrait cesser: les conseillers fédéraux concernés, Didier Burkhalter et Eveline Widmer-Schlumpf, viennent de se mettre d’accord sur un projet d’ordonnance qui devrait y mettre fin, précise le porte-parole du premier, Jean-Marc Crevoisier.

Après la suppression de l’aide sociale aux requérants sans titre de séjour, de nombreux cantons ont cessé de payer leurs primes d’assurance, réduisant leur droit aux soins aux cas d’urgence.

Interpellé en 2008 par Françoise Kopf et l’ancien chancelier de la Confédération François Couchepin, l’Office fédéral de la santé publique a précisé que cette pratique était illégale. Mais elle a perduré, avec l’approbation au moins tacite de l’Office fédéral des migrations. Elle concerne également les requérants qui ont obtenu le droit de rester en Suisse pendant que la Cour européenne des droits de l’homme examine leur cas.

Cela devrait changer: le projet d’ordonnance prévoit que les cantons pourront suspendre le paiement des primes d’assurance des déboutés mais devront les payer rétroactivement si l’intéressé, qui restera assuré, a eu besoin de soins médicaux.

François Couchepin et Françoise Kopf restent méfiants. Ils réclament que les requérants déboutés puissent conserver leur carte d’assuré, sésame indispensable pour l’accès aux soins. Et continuent à s’élever contre une politique, qui, selon le premier, «consiste à priver des humains de l’essentiel dans le but de les faire disparaître».

Sylvie Arsever dans le Temps

“J’en ai marre de passer pour un dealer”

Consommateurs de cocaïne et policiers ont trop tendance à prendre Anasthase Lokonon pour un dealer. Ce Lausannois, citoyen suisse, s’insurge.

Anasthase Lokonon

Grosse fatigue pour Anasthase Lokonon, Lausannois de 33 ans et noir de peau. De plus en plus souvent, il a maille à partir avec des quidams qui le prennent pour un petit vendeur de cocaïne. Le dernier funeste quiproquo a fini devant la justice.

En décembre dernier, le Suisse d’origine togolaise se promène vers 21 h place Saint-François. Ignorant le syllogisme «si tous les dealers étaient Noirs, tous les Noirs ne seraient pas dealers», un inconnu venu de Genève lui demande de la coke.

Le Lausannois lui dit qu’il se trompe. L’homme devient agressif et sort un couteau suisse. Le Lausannois réussit à éviter le coup de couteau dans le ventre, prend la fuite et appelle la police qui arrête l’agresseur. Il sera condamné pour tentative de lésions corporelles, menaces et contraintes. «Cela me révolte, constate la victime de l’agression, mais les gens pensent que la quasi-totalité des Noirs sont des dealers.» Et les méprises ne sont pas rares.

Place Bel-Air, quelques mois auparavant, un homme en trottinette prend Anasthase Lokonon à partie. Même quiproquo, noir de peau, mais pas dealer! Les deux hommes en viennent aux mains. Cette fois-là, après avoir porté plainte, il y a eu arrangement. Le Lausannois obtient en contrepartie des excuses et 100 francs de dédommagement.

Les policiers aussi
Plus récemment, sur la place Chauderon, selon Anasthase Lokonon, ce sont des policiers lausannois en civils qui contrôlent l’homme noir de peau. Contacté, Marc Vuilleumier, municipal de Police, rappelle «que la police lausannoise s’efforce actuellement de diminuer le plus possible les a priori lors des contrôles d’identité». Mais Anasthase Lokonon voit dans cet événement un «délit de faciès». Son agacement est d’autant plus grand que deux contrôles policiers antérieurs lui restent encore en travers de la gorge.

Cour européenne des droits de l’homme
En octobre 2006 dans le train Lausanne-Yverdon, le malchanceux dit avoir été contrôlé au tout petit matin par la police ferroviaire. Cela finit par une fouille intime dans les locaux du poste de la gare de Lausanne. «C’était humiliant. J’étais nu et ils m’ont demandé de m’accroupir», raconte le passager du train du matin. «Quand ils ont fini de contrôler mon identité, les agents m’ont demandé pourquoi je n’avais pas dit que j’étais Suisse.»

Anasthase dépose alors une plainte. La police dira au juge qu’il n’avait jamais été interpellé. Le magistrat insistera sans obtenir d’autres informations et finit par prononcer un non-lieu. Un recours plus tard, le Tribunal d’accusation confirme le non-lieu. Le Lausannois a poussé l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Il y a deux ans, Anasthase Lokonon porte encore plainte pour avoir été molesté par la police ferroviaire alors qu’il refusait de montrer ses papiers d’identité. Cela se passait le 10 juillet 2007. «Ces hommes étaient en civil et ne se sont pas légitimés.»

A l’époque, dans nos colonnes, les CFF avaient expliqué que ce contrôle renforcé était tout à fait légitime. «Cette fois, j’ai été condamné à une semaine de travaux d’intérêts publics», reconnaît le voyageur.

La cause de tous ces soucis? Anasthase n’en doute pas un instant: la couleur de sa peau, évidemment. «Mais que cela soit clair, je ne me blanchirai pas comme Michael Jackson», conclut le trentenaire.

Alain Walther dans 24 Heures