vendredi 2 décembre 2005

Ce qui me passionne c'est mon travail


«La première chose à laquelle je pense le matin, c’est mon travail! Tout va bien dans l’en­treprise, les collègues, l’am­biance, le patron.» L’oeil pé­tillant, Bajram Jakupi préfère parler boulot que plan de vol. Il po-si-tive. Depuis trois ans, le père de famille kosovar tra­vaille dans une entreprise de ferblanterie-couverture à Be­gnins. «Ces temps, à cause du froid, on travaille plutôt en ate­lier. Ou alors on fait des dépan­nages. Chaque jour, j’apprends des choses, c’est passionnant.» Se cacher pour échapper au renvoi forcé? «Pas question. Je n’ai rien fait de mal», tranche-t­il. Catégorique, il refuse de per­dre espoir et préfère évoquer la «belle histoire» qu’il écrit avec la Suisse, depuis son arrivée dans la région de La Côte, il y a douze ans. Soutenu notamment par Eric Voruz, syndic de Mor­ges, Bajram Jakupi veut y croire. «Des solutions, on en trouve si on veut.»
Lien vers la description du projet de 24heures
Permis B pour les Jakupi en Juillet 2006

Finalement le conseil des Etats respecte la constitution

Vincent Bourquin dans 24heures relève le retour du conseil des Etats à la légalité constitutionnelle.
Le Conseil des Etats est revenu hier sur sa première décision: l’aide d’urgence pour les requé­rants déboutés ne pourra pas être supprimée. Toutefois, il a intro­duit une condition.

Finalement le Conseil des Etats a écouté le Tribunal fédéral. Selon les juges de Mon-Repos, la sup­pression de l’aide d’urgence vio­lait la Constitution suisse. Toute­fois, les sénateurs ont émis une condition: ceux qui demandent cette aide doivent pouvoir faire état d’une situation de détresse. Cette mesure, adoptée par 22 voix contre 18, a été soutenue par Christoph Blocher: «Cette restriction n’aura pas beaucoup d’effet en pratique, mais c’est le minimum que l’on puisse exiger», a affirmé le chef du Département de justice et police. La Chambre des cantons a par contre large­ment refusé de donner la possibi­lité au Conseil fédéral de limiter la prise en charge des soins médi­caux pour certains requérants.
Yann Golay, porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), ne s’offusque pas de cette condition, qui selon lui respecte la Constitution fédé­rale. Mais ce qui le fâche beau­coup plus, c’est l’ensemble du projet de nouvelle loi sur l’asile. D’après lui, cette révision va plus loin que l’initiative de l’UDC qui avait été refusée, de justesse, par le peuple en 2002. Cette révision sera formellement adoptée le 16 décembre, mais il est déjà certain qu’un référendum sera lancé. «Cela fera le jeu de l’UDC, mais on doit aller jusqu’au bout pour s’opposer à ce mouton à cinq pattes», affirme Yann Go­lay. Deux comités référendaires devraient d’ailleurs voir le jour. L’un composé d’ONG comme l’OSAR ou Amnesty Internatio­nal et un autre avec les partis de gauche: «Eux vont insister sur le transfert des charges aux cantons et nous sur le respect des droits humains», explique Alain Bo­vard, juriste de la section suisse d’Amnesty International

La guerre des mots

Voici comment François Nussbaum dans La Liberté et Le Courrier résume les débats du Conseil des Etats sur la loi sur l'asile et celle sur les étrangers.
La fin des débats sur la révision du droit d'asile joue sur les mots. Ils disent autre chose que ce qui est écrit, ou ne veulent rien dire.
Le parlement veut achever, durant cette session d'hiver, la révision des lois sur l'asile et sur les étrangers. Ce sera le cas puisque, hier, la deuxième lecture du Conseil des Etats n'a laissé que deux divergences avec le Conseil national, que celui-ci devrait en principe éliminer la semaine prochaine. En fait, on ne se bagarre plus que sur des mots et des faux-fuyants.

Sauver la face
Le durcissement du droit, dans ces deux textes, a déjà permis d'exclure de l'aide sociale les personnes frappées d'une décision de renvoi exécutoire. L'aide d'urgence, elle, aurait connu le même sort si le Tribunal fédéral n'était pas intervenu pour déclarer une telle mesure «non conforme» à la Constitution. Il a fallu faire marche arrière, tout en sauvant la face.
Ainsi, une personne qui demande une reconsidération de la décision définitive de renvoi (par exemple si elle a de nouveaux éléments à fournir) ne recevra l'aide d'urgence que «sur demande». Quant à ceux qui ne coopèrent pas à l'organisation de leur départ, ils n'auront droit à cette aide d'urgence que «si leur situation de détresse est rendue vraisemblable».
Quelqu'un qui n'a rien à manger et ne sait où dormir est, à l'évidence, dans une situation de détresse, et demande forcément l'aide d'urgence. Il s'agit donc de précisions «totalement inutiles», remarque Christiane Brunner (soc/GE). Absolument, admettent successivement Trix Heberlein (rad/ZH) et Christoph Blocher. Mais il faut de tels «signes dissuasifs».
Et que devient l'admission «provisoire» (autrefois «humanitaire»), accordée à ceux qui n'obtiennent pas le statut de réfugiés mais qui méritent protection? La loi doit définir les conditions dans lesquelles on renonce au renvoi. Faut-il que le renvoi mette leur «vie» en danger? Ou suffit-il qu'il représente une «mise en danger concrète de leur personne»?

Politique du bluff
Finalement, il faudra une «mise en danger de leur existence». Autrement dit, un danger de mort? Pas du tout! On parle en fait de l'intégrité physique, qu'il s'agisse de torture, de viol ou de maladie grave qui ne peut être soignée dans le pays d'origine. C'est ce qui correspond, depuis longtemps, à la pratique. Pourquoi ne pas le dire clairement dans la loi? Il faut des signes...
C'est ce que dénonce Dick Marty (rad/TI) depuis le début: on opte pour des formules qui roulent les mécaniques, même si elles ne veulent plus rien dire ou ne sont pas applicables. C'est, selon son expression, la «politique du bluff».

Dans la peau d'un noir


Sans rapport direct avec la problématique de l'asile, Temps Présent a consacré une émission entière au racisme anti-noir qui constitue certainement un des non-dit sous-jacent à la xénophobie helvétique actuelle.
Peut-on se fondre dans le quotidien, à l'abri des préjugés et des réticences, lorsque l'on est noir en Suisse. Grâce à une caméra cachée, Temps Présent vous propose de vous glisser dans la peau de Gorgui Ndoye, un jeune homme de couleur qui a arpenté plusieurs villes romandes afin de trouver un logement, un travail et tenter de passer une nuit en boîte...
Visionnez l'émission en qualité modem en haute qualité

Il est temps de s'unir contre le racisme d'Etat


Autres editoriaux et article récents de Didier Estoppey sur l'asile:
Le 1er juillet 2006, comparaison entre les lex Blocher et la loi Sarko
25 mars 2006
20 janvier 2006
10 décembre 2005
début novembre 2005 octobre 2005 Le profilage ethnique en cause Le rapport que Berne ne veut pas lire Et maintenant que faire? Le mardi noir de l'asile Cornelio Sommaruga Les WC comme ultime horizon

L'éditorial de Didier Estoppey dans Le Courrier est particulièrement virulent, le voici dans son intégralité:
Un nouveau pas a été franchi hier dans la déshumanisation de la Suisse. Même s'il était attendu, le vote du Conseil des Etats ne peut que venir glacer une nouvelle fois les défenseurs du droit d'asile et des étrangers. Malgré des appels à la raison qui se multiplient depuis des mois, les sénateurs ont refusé tout début d'ouverture à celles et ceux que les routes de l'exil ont conduit jusqu'à nous. Les sans-papiers continueront ainsi à devoir se contenter de la clandestinité comme seule planche de salut. Quant aux immigrants légaux, ils n'ont qu'à bien se tenir: l'octroi automatique d'un permis d'établissement après dix ans de séjour a été supprimé dans la Loi sur les étrangers.
S'agissant de celle sur l'asile aussi, les sénateurs l'ont détruite jusqu'au bout. On pouvait au moins s'attendre, après le ralliement du National à la quasi-totalité des durcissements apportés en mars dernier par les Etats, à ce que ceux-ci reculent sur la mesure la plus décriée: la suppression de toute aide d'urgence aux requérants déboutés, invalidée par le Tribunal fédéral. Les sénateurs, qui n'avaient d'autre choix que de rétablir ce minimum vital, y ont mis une condition vexatoire: ceux qui rechignent à quitter la Suisse devront faire état d'une situation de détresse pour obtenir ce soutien...
Le prochain acte est déjà écrit: les divergences subsistant entre les deux Chambres sont suffisamment mineures pour que les deux lois soient adoptées en vote final, comme prévu, le 16 décembre. Il ne restera alors qu'une arme pour combattre la descente aux enfers programmée par nos élus: le référendum.
Mais c'est là que les choses se compliquent. Alors que deux comités référendaires unitaires viennent de se former, à Genève et dans le canton de Vaud, contre les deux lois, tout indique, au plan national, qu'on s'apprête à partir en ordre dispersé. Le Parti socialiste suisse vient ainsi de décider de ne s'impliquer que dans la bataille contre la Loi sur l'asile, jugeant ne pas avoir assez de forces pour attaquer parallèlement celle sur les étrangers. Des syndicats, au contraire, envisagent de combattre cette dernière, mais pas celle sur l'asile...
Dans une campagne référendaire qui s'annonce très difficile, ces petits calculs d'appareils sont suicidaires. Et absurdes. Car les deux lois participent de la même logique: le déni de toute réalité humaine de la part de nos autorités. Les quelque 200 000 sans-papiers vivant en Suisse ont été produits autant par un droit des étrangers fermant toute les vannes que par une Loi sur l'asile fabriquant par milliers des déboutés poussés à la clandestinité. Quant aux droits humains, même s'ils sont niés d'une manière particulièrement flagrante dans la Loi sur l'asile, il ne faut pas oublier qu'ils le sont tout autant par celle sur les étrangers, qui donnera pour la première fois rang légal aux pratiques discriminatoires d'une Suisse fermant ses portes aux non-Européens.
Face au racisme d'Etat en voie de s'institutionnaliser sous prétexte de combattre la xénophobie qu'il alimente, il est encore temps de serrer les rangs. C'est le dernier espoir.

Loi sur l'asile: les commentaires du Temps

Voici l'article de Valérie de Graffenried dans Le Temps
Extraits:
...
Au final, la loi qui sera adoptée par les Chambres est bien plus restrictive que l'actuelle, au grand dam du camp rose-vert, mais également d'une poignée de PDC, libéraux et radicaux, romands essentiellement. Le référendum, brandi d'abord sous la forme de menace par la gauche et les œuvres d'entraide, est devenu réalité. Il aura comme effet pervers d'ouvrir inévitablement une voie royale à l'UDC, qui, une fois de plus, trouvera l'occasion de se profiler sur un de ses thèmes de prédilection.

La loi sur l'asile version 2005 prévoit notamment de porter la durée maximale de la détention d'un requérant débouté en vue de son expulsion à vingt-quatre mois au lieu des douze actuels, de fixer des périmètres d'assignation ou d'exclusion pour ceux qui ne respectent pas une décision de renvoi. Tous les requérants concernés par une décision négative - et plus seulement ceux qui sont déboutés d'office - seront par ailleurs privés d'aide sociale, et un requérant qui ne présente pas de documents d'identité ou de voyage dans les 48 heures pourra être débouté d'office.

Jeudi, les sénateurs ont aussi procédé à l'élimination des divergences concernant la loi sur les étrangers, qui limite l'immigration extra-communautaire aux seuls travailleurs qualifiés. L'affaire a été bouclée en dix minutes. La loi est prête à passer en votation finale le 16 décembre. Elle souligne notamment que l'octroi d'un permis d'établissement après dix ans en Suisse ne se fera plus automatiquement. Les conditions de regroupement familial ont également été victimes d'un sérieux coup de vis. Le Forum pour l'intégration des migrantes et des migrants (FIMM), qui soutient déjà le référendum contre la loi sur l'asile, vient d'annoncer qu'il en lancera aussi un contre cette loi.