Paru le Samedi 04 Octobre 2008 dans le Courrier
OLIVIER CHAVAZ
CONFÉRENCES - L'ex-rapporteur de l'ONU Doudou Diène et le généticien Albert Jacquard sont invités à Genève pour les quatre-vingts ans de l'organisation.
Pour fêter les quatre-vingts ans de sa fondation, la section genevoise Ligue suisse des droits de l'homme (LSDH) s'ouvre sur la cité en organisant trois événements publics et gratuits (lire ci-dessous). Le premier rendez-vous, qui se déroulera en deux temps, s'interrogera sur le racisme en Suisse; le second traitera de la privation de liberté. D'un côté, un thème transversal et, de l'autre, l'un des chevaux de bataille de l'association. Doudou Diène, l'ancien rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines de racisme, et Albert Jacquard, généticien, donneront chacun une conférence.
«Nos activités sont en général peu visibles du grand public, c'est pourquoi nous profitons de cet anniversaire pour partager nos réflexions et lancer le débat avec la population», indique Damien Scalia, président de la LSDH. Formellement implantée dans une demi-douzaine de cantons, essentiellement romands, la ligue n'est active qu'à Genève depuis plusieurs années. «Mais la section vaudoise vient de sortir d'un long sommeil, notamment en raison de nombreuses demandes émanant de détenus des Etablissements pénitentiaires de la plaine de l'Orbe», se réjouit Damien Scalia.
Bénévolat
A Genève, quelque trois cent cinquante membres cotisent, parmi lesquels trente à quarante prennent régulièrement part aux activités de l'association. Le fonctionnement est exclusivement basé sur le bénévolat. «Les cotisations constituent notre seule ressource financière, c'est la garantie de notre indépendance. Nous ne sollicitions des subventions que pour l'organisation d'événements ponctuels.»
La LSDH travaille actuellement dans deux domaines principaux: les conditions de détention et l'observation de procès. Le centre de détention administrative de Frambois, où sont enfermés les étrangers en situation irrégulière, fait entre autres l'objet d'une attention toute particulière. Des membres s'y rendent chaque semaine et s'entretiennent avec les prisonniers. De nombreux problèmes touchant à la santé des détenus sont relevés. Au plan judiciaire, les bénévoles de la ligue suivent des audiences tant à l'étranger –Tunisie, Sahara occidental, mais aussi, plus proche, le procès Colonna à Paris l'an passé– qu'à Genève. Le but étant de jauger le respect des droits de la défense.
Récemment, la LSDH a fait entendre sa voix pour s'opposer à la criminalisation des mendiants, aux côtés de l'association Mesemrom
samedi 4 octobre 2008
Recrudescence des actes racistes en Italie
ITALIE. Un Chinois agressé sans raison par un groupe de jeunes Romains. La gauche dénonce un climat d'intolérance.
Eric Jozsef, Rome
Samedi 4 octobre 2008
Il patientait tranquillement jeudi à l'arrêt de bus de Tor Bella Monaca dans la banlieue populaire de Rome. A l'improviste, six jeunes adolescents l'ont apostrophé: «Hé, Chinois de merde.» L'un d'entre eux a ensuite commencé à le frapper. Les autres l'ont roué de coups de pied. Le visage en sang, l'homme, âgé de 36 ans, s'est écroulé à terre. Seule l'intervention d'un passant (conseiller municipal de l'Alliance nationale) a permis de mettre en fuite le groupe de jeunes. Interpellés quelques heures plus tard, les jeunes se sont murés dans un inquiétant silence, incapables d'expliquer les raisons d'un tel passage à tabac en plein après-midi.
Eric Jozsef, Rome
Samedi 4 octobre 2008
Il patientait tranquillement jeudi à l'arrêt de bus de Tor Bella Monaca dans la banlieue populaire de Rome. A l'improviste, six jeunes adolescents l'ont apostrophé: «Hé, Chinois de merde.» L'un d'entre eux a ensuite commencé à le frapper. Les autres l'ont roué de coups de pied. Le visage en sang, l'homme, âgé de 36 ans, s'est écroulé à terre. Seule l'intervention d'un passant (conseiller municipal de l'Alliance nationale) a permis de mettre en fuite le groupe de jeunes. Interpellés quelques heures plus tard, les jeunes se sont murés dans un inquiétant silence, incapables d'expliquer les raisons d'un tel passage à tabac en plein après-midi.
"Moi, je fais mon chiffre et rien que mon chiffre"
"Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l'immigration", d'Alexis Spire :
LE MONDE DES LIVRES | 02.10.08 | 11h18 • Mis à jour le 02.10.08 | 11h18
our ordinaire en préfecture : un agent d'accueil s'apprête à enregistrer la demande d'asile d'une grand-mère sri-lankaise. Le guichetier a jugé le dossier complet. La vérificatrice intervient, vociférant : "C'est du regroupement familial, ce n'est pas de l'asile ! Ce n'est pas la peine d'attendre, on ne vous croira pas", assène-t-elle, envoyant le dossier voler en l'air.
Le sociologue Alexis Spire nous plonge dans l'univers des guichets de préfectures, directions départementales du travail et services des visas des consulats. Fondé sur plusieurs enquêtes menées entre 2003 et 2007, ce livre met en lumière l'action de ceux qui, dans les coulisses de l'administration, "font" la politique de l'immigration.
Chacun à son niveau, ces agents interviennent sur les conditions d'entrée en France, sélectionnent les migrants les plus "utiles" aux entreprises, et décident lesquels pourront rester sur le territoire. Les étrangers se trouvent ainsi face à des représentants de l'Etat qui peuvent choisir de les régulariser ou de les expulser, sans déroger à une législation qui, au fil des réformes successives, leur laisse de plus en plus de liberté.
Ainsi les titres délivrés hier de plein droit sont-ils désormais remplacés par des dispositifs accordant un pouvoir discrétionnaire aux échelons locaux. Et ce sur fond d'imprécision croissante des critères juridiques. En fonction de ce qu'il considère comme une "bonne" intégration, l'agent peut décider d'accorder à l'étranger un statut stable de résident ou de le maintenir dans la précarité. "Une telle évolution n'est pas anodine, relève Alexis Spire : elle constitue pour le pouvoir politique le seul moyen de concilier des pratiques juridiques apparemment respectueuses des droits fondamentaux et des pratiques de plus en plus répressives à l'égard des étrangers."
On aurait tort, cependant, de soupçonner ces fonctionnaires de racisme. Les services des étrangers ne suscitent guère de vocations, beaucoup se retrouvent à ces postes sans l'avoir choisi. Ces agents ne bénéficient d'aucune formation spécifique, ni même de stage centré sur les techniques d'accueil et de gestion des conflits. Ils s'en remettent à leurs collègues qui ont eux-mêmes appris "sur le tas", et aux normes édictées par les agents intermédiaires, lesquels privilégient des critères de rendement. "Largement impulsée par les gouvernants et les hauts fonctionnaires, la traque de la fraude - des "faux touristes", "faux demandeurs d'asile", "faux mariages" - devient l'obsession fédératrice des agents", observe Spire. Et la "politique du chiffre" ne fait que renforcer la suspicion.
Il y a bien quelques réfractaires qui plaident pour une écoute plus attentive, une instruction plus approfondie de chaque dossier. Certains réussissent à partir, mais les autres finissent par s'habituer. "Avec le temps, on s'endurcit", dit une fonctionnaire. Et la grande majorité des agents se montrent indifférents : ils ne résistent ni n'adhèrent véritablement aux normes qui leur sont inculquées. "Issus du monde ouvrier ou des petits employés, ils conçoivent l'activité de maintien de l'ordre comme n'importe quel autre métier, ils s'y consacrent sans éprouver ni passion ni scrupule et se conforment de façon pragmatique aux injonctions de la hiérarchie. Ils ne s'embarrassent d'aucune considération morale ou politique", explique Alexis Spire. "Moi, je fais mon chiffre et rien que mon chiffre", résume l'un d'entre eux.
ACCUEILLIR OU RECONDUIRE. ENQUÊTE SUR LES GUICHETS DE L'IMMIGRATION d'Alexis Spire. Ed. Raisons d'agir, 124 p., 7 €.
Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 03.10.08
LE MONDE DES LIVRES | 02.10.08 | 11h18 • Mis à jour le 02.10.08 | 11h18
our ordinaire en préfecture : un agent d'accueil s'apprête à enregistrer la demande d'asile d'une grand-mère sri-lankaise. Le guichetier a jugé le dossier complet. La vérificatrice intervient, vociférant : "C'est du regroupement familial, ce n'est pas de l'asile ! Ce n'est pas la peine d'attendre, on ne vous croira pas", assène-t-elle, envoyant le dossier voler en l'air.
Le sociologue Alexis Spire nous plonge dans l'univers des guichets de préfectures, directions départementales du travail et services des visas des consulats. Fondé sur plusieurs enquêtes menées entre 2003 et 2007, ce livre met en lumière l'action de ceux qui, dans les coulisses de l'administration, "font" la politique de l'immigration.
Chacun à son niveau, ces agents interviennent sur les conditions d'entrée en France, sélectionnent les migrants les plus "utiles" aux entreprises, et décident lesquels pourront rester sur le territoire. Les étrangers se trouvent ainsi face à des représentants de l'Etat qui peuvent choisir de les régulariser ou de les expulser, sans déroger à une législation qui, au fil des réformes successives, leur laisse de plus en plus de liberté.
Ainsi les titres délivrés hier de plein droit sont-ils désormais remplacés par des dispositifs accordant un pouvoir discrétionnaire aux échelons locaux. Et ce sur fond d'imprécision croissante des critères juridiques. En fonction de ce qu'il considère comme une "bonne" intégration, l'agent peut décider d'accorder à l'étranger un statut stable de résident ou de le maintenir dans la précarité. "Une telle évolution n'est pas anodine, relève Alexis Spire : elle constitue pour le pouvoir politique le seul moyen de concilier des pratiques juridiques apparemment respectueuses des droits fondamentaux et des pratiques de plus en plus répressives à l'égard des étrangers."
On aurait tort, cependant, de soupçonner ces fonctionnaires de racisme. Les services des étrangers ne suscitent guère de vocations, beaucoup se retrouvent à ces postes sans l'avoir choisi. Ces agents ne bénéficient d'aucune formation spécifique, ni même de stage centré sur les techniques d'accueil et de gestion des conflits. Ils s'en remettent à leurs collègues qui ont eux-mêmes appris "sur le tas", et aux normes édictées par les agents intermédiaires, lesquels privilégient des critères de rendement. "Largement impulsée par les gouvernants et les hauts fonctionnaires, la traque de la fraude - des "faux touristes", "faux demandeurs d'asile", "faux mariages" - devient l'obsession fédératrice des agents", observe Spire. Et la "politique du chiffre" ne fait que renforcer la suspicion.
Il y a bien quelques réfractaires qui plaident pour une écoute plus attentive, une instruction plus approfondie de chaque dossier. Certains réussissent à partir, mais les autres finissent par s'habituer. "Avec le temps, on s'endurcit", dit une fonctionnaire. Et la grande majorité des agents se montrent indifférents : ils ne résistent ni n'adhèrent véritablement aux normes qui leur sont inculquées. "Issus du monde ouvrier ou des petits employés, ils conçoivent l'activité de maintien de l'ordre comme n'importe quel autre métier, ils s'y consacrent sans éprouver ni passion ni scrupule et se conforment de façon pragmatique aux injonctions de la hiérarchie. Ils ne s'embarrassent d'aucune considération morale ou politique", explique Alexis Spire. "Moi, je fais mon chiffre et rien que mon chiffre", résume l'un d'entre eux.
ACCUEILLIR OU RECONDUIRE. ENQUÊTE SUR LES GUICHETS DE L'IMMIGRATION d'Alexis Spire. Ed. Raisons d'agir, 124 p., 7 €.
Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 03.10.08
Libellés :
France,
immigration
Inscription à :
Articles (Atom)