mardi 10 janvier 2006

Contrôle sanitaire réduit pour les requérants d'asile

Carole Pantet dans 24heures revient sur les conséquences sanitaires des restrictions budgétaires dans le domaine de l'asile:
Depuis le début de l’année, les requérants d’asile arrivant à Val­lorbe ne subissent plus automa­tiquement de dépistage contre la tuberculose. La Confédération espère ainsi économiser près de 2,5 millions de francs, sur la base de 10 000 requérants par année.

La Croix-Rouge suisse a quitté le CERA (Centre d’enregistrement des requérants d’asile) de Val­lorbe le 31 décembre dernier. L’organisation, qui était en charge des examens médicaux des requérants d’asile dans les CERA, s’est retirée silencieuse­ment, perdant dix-huit postes au passage.
L’Office fédérale de la santé publique (OFSP) a en effet dé­cidé d’alléger les contrôles sani­taires aux frontières et de man­dater la société zurichoise ORS Service en lieu et place de la Croix-Rouge suisse. «On re­grette vraiment cette décision, mais nous ne pouvons qu’en prendre acte. Nous ne sommes pas en position de juger», réagit Hans Beat, chef du département migration de la Croix-Rouge suisse à Berne.
Jusqu’au début de cette an­née, chaque requérant subissait une radiographie de dépistage et un test tuberculinique lors de son arrivée au CERA. Il recevait aussi le programme de vaccination suisse. «L’OFSP a reçu un programme de renon­cement à certaines tâches. Le choix de supprimer la radiogra­phie et le test tuberculinique a été fait selon un rapport entre le coût et le résultat (lire l’enca­dré).
Et les vaccins se feront désormais dans les cantons», explique Gilbert Forestier, res­ponsable de la division CERA à l’Office des migrations.
Selon l’OFSP, environ 450 radiographies du thorax étaient nécessaires pour déter­miner un cas de tuberculose contagieuse. «A vrai dire, nous avons déjà hésité à supprimer ce test en 1992, rappelle Peter Helbling, collaborateur scienti­fique à l’OFSP. Mais nous n’étions pas encore prêts à al­ler de l’avant. Ce qui a déclen­ché la décision, c’est leur coût important (n.d.l.r.: 440 francs par requérant) ». Pour Peter Helbling, ces tests étaient cer­tes utiles, mais trop onéreux. «Il est préférable d’utiliser cet argent ailleurs. Par exemple en donnant plus de moyens aux infirmières qui suivent les tu­berculeux pour qu’elles puis­sent s’assurer qu’ils prennent leur traitement.» En effet, en Suisse, seule la moitié des re­quérants d’asile possiblement infectés commencent un traite­ment et tous ne le terminent pas.

Questionnaires informatisés
Désormais, la tuberculose est donc dépistée grâce à un simple questionnaire informa­tisé disponible en 28 langues. Une infirmière diplômée inter­roge le requérant pendant une vingtaine de minutes sur son état de santé. Le questionnaire aboutit à un nombre de points qui poussent ou non le person­nel soignant à envoyer le re­quérant chez un médecin qui effectuera alors radiographie et frottis d’expectoration. Lors de ce même entretien, le re­quérant reçoit une information sur le mode de fonctionnement du système de santé suisse et visionne une vidéo de préven­tion contre le sida.
Cette mesure d’économie dans le domaine de la santé des requérants d’asile n’est pas une première. Elle fait suite à la suppression en 2005 des con­sultations médicales individuel­­les, testées en programme pi­lote à Vallorbe et Chiasso. «Les requérants doivent, de­puis lors, faire part de leurs problèmes de santé aux agents de sécurité ou au personnel de la maintenance qui communi­quent leur demande à l’admi­nistration », explique Sandra Antrilli, conseillère juridique au Service d’aide juridique aux exilés de Vallorbe. Avec l’aug­mentation prévue pour avril 2006 de la durée de séjour dans les CERA, cet accès res­treint aux soins inquiète parti­culièrement les associations

Le rapporteur spécial sur le racisme de l'ONU est en Suisse


Valentin Zubler dans 24heures est allé interroger ce haut fonctionnaire Sénégalais actuellement en mission dans notre pays:


» Doudou Diène ne badine pas avec la xénophobie. Un peu partout dans le monde, «la bête est sortie du bois», déplore le rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme. Et en Suisse? C'est justement afin d'y répondre que l'ancien diplomate sénégalais a entrepris, hier, une visite-enquête de cinq jours à Bellinzone, Berne, Bâle et Neuchâtel.

Au cours de son voyage, Doudou Diène rencontrera les conseillers fédéraux Pascal Couchepin et Christoph Blocher, ainsi que des représentants des autorités cantonales, d'ONG et de communautés de migrants. Le tout avant de soumettre, en mars, un rapport provisoire à la prochaine session de la Commission des droits de l'homme.

- Pourquoi cette visite?


- Toutes les sociétés traversent un processus de multiculturisation. Je souhaite savoir ce qu'il en est en Suisse. Mais je m'interroge surtout sur le nombre de votations et de référendums, dans ce pays, concernant les étrangers. La démocratie directe est une bonne chose, mais pourquoi tant de scrutins sur cet objet? Par ailleurs, j'aimerais connaître les raisons du refus par le peuple des deux projets de naturalisation facilitée des jeunes étrangers en septembre 2004.

- Vos premiers éléments de réponse?

- Avant les votations, la presse dénonçait certains discours xénophobes. Et je me souviens d'une affiche inquiétante représentant des mains brunes prêtes à s'emparer de passeports suisses (n.d.l.r.: le placard de l'UDC).

- Votre venue intervient alors que le Parlement vient d'adopter deux lois sur l'asile et les étrangers, combattues en référendum.

- Les crispations identitaires sont communes à beaucoup de pays. Elles se traduisent notamment par l'adoption de lois qui criminalisent les requérants ou les immigrés. Mon enquête déterminera si tel est le cas ici.

- Vous insistez sur la nécessité d'interdire les partis ne cachant pas leurs penchants xénophobes.

- C'est ce qu'exigent les Conventions internationales. Or, la rhétorique traditionnelle des partis d'extrême droite est récupérée par les partis démocratiques.

- Comment jugez-vous les efforts d'un pays?


- D'abord, j'évalue la stratégie politique et l'appareil juridique mis en place contre le racisme. Mais aussi les efforts en matière de culture et d'éducation.

- Vous allez rencontrer des responsables du FC Bâle. Racisme et sport font-ils trop bon ménage?

- J'ai déjà dénoncé la montée du racisme dans le sport, notamment le football. D'ailleurs, je regrette profondément les récents heurts entre la Suisse et la Turquie pour la qualification de la Coupe du monde 2006. Les grandes fédérations doivent s'engager.