mercredi 27 janvier 2010

Un prix pour favoriser l’intégration

Vous soutenez la compréhension entre les Vaudois et les immigrés? Le Prix du Milieu du Monde sera peut-être pour vous. La Chambre cantonale consultative des immigrés lance la 2e édition de ce concours, qui récompense les collectivités et les actions de privés, suisses ou étrangers. A la clé, une somme de 5000 francs. Les candidatures sont à déposer jusqu’au 15 mars 2010, sous format électronique.

Infos: www.vd.ch/integration

France: la burqa proscrite des services publics

La mission parlementaire appelée à statuer sur le port du voile intégral renonce à son interdiction générale. Un article de Christophe Jacquet, Paris, pour 24 Heures.

La montagne n’accouche pas d’une souris, mais presque. Après sept mois de débats acharnés, la mission parlementaire «sur la pratique du port du voile intégral» a remis son rapport hier, dans une grande confusion. Plusieurs de ses membres, députés UMP, ont menacé de le rejeter, fustigeant la «demi-loi» préconisée au final. La mission propose en effet d’interdire le niqab ou la burqa, non pas dans la rue, mais uniquement dans les services publics.

La loi envisagée devrait empêcher toute personne de «dissimuler son visage» dans les administrations, les transports en commun, les hôpitaux, les écoles… Plus précisément, elle forcerait «les personnes non seulement à montrer leur visage à l’entrée du service public, mais aussi à le conserver découvert tout au long de leur présence».

Privées de prestations

Les contrevenant(e)s qui rechigneraient à tomber le voile ou le casque de moto intégral n’écoperont pas d’une amende, mais ne recevront pas «la prestation souhaitée», soit par exemple le versement des allocations ou la remise de papiers d’identité.

Pour la mission, cette proposition de loi a minima a l’avantage de pouvoir échapper à la censure du Conseil constitutionnel, car les interdits évoqués, multiples et non discriminatoires a priori, sont décidés pour des motifs d’ordre et de sécurité publics. La voie législative n’en demeure pas moins étroite. La France peut toujours se voir condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour atteinte à la liberté d’opinion, si elle ne limite pas strictement le dispositif.

La querelle juridique à venir ne freine pas pour autant les défenseurs d’une interdiction générale du voile intégral dans tout l’espace public. Le chef des députés UMP, Jean-François Copé, entend faire sa propre proposition de loi en ce sens, qui prévoit notamment des amendes.

Président de la mission, le député communiste André Gérin, qui a déclenché les hostilités depuis sa commune de Vénissieux, lui a déjà emboîté le pas dans le rapport, déterminé à faire cesser cette pratique, «fruit d’un enfermement communautariste et étendard d’un mouvement intégriste, le salafisme».

L’absence des intéressées

Embrasé en quelques jours en juin dernier, le feu n’est pas près de s’éteindre sous un phénomène encore marginal. Les renseignements généraux estiment à 400 les femmes portant le voile intégral, le gouvernement à 1900. Elles ont été absentes du débat. Aucune n’a été entendue par les députés. Pour elles, l’incompréhension demeure.

Interrogées pour un documentaire réalisé par l’Observatoire du religieux de l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence et diffusé par OummaTV*, quatre femmes voilées craignent de «rester cloîtrées». L’une va peut-être retirer le niqab parce qu’elle y est «obligée», ou alors «se cacher». Une autre n’entend pas «l’enlever si la loi passe», et aller jusque devant le Parlement européen, car «on ne peut pas nous interdire ce que l’on veut être, ce n’est pas possible». £

* www.oummatv.tv/Il-y-a-des-femmes-derriere-la

Rencontre avec le n°2 chinois: silence sur les deux Ouïgours

Le vice-premier ministre chinois Li Keqiang est arrivé en visite officielle hier à Berne. A l’issue des entretiens avec une délégation du Conseil fédéral, deux déclarations ont été lues à la place de la traditionnelle conférence de presse. Les journalistes n’ont pas pu poser de question, comme l’avait demandé la délégation chinoise. Pas de commentaire sur les éventuelles pressions des autorités chinoises relatives à l’accueil de deux ex-détenus ouïgours de la prison américaine de Guantánamo. Selon Evelyn Kobelt, porte-parole du Département fédéral de l’économie (DFE), ce sujet n’a pas figuré à l’agenda des discussions. Le vice-premier ministre chinois est venu en Suisse à l’occasion du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays. Il a été reçu par Doris Leuthard, présidente de la Confédération et ministre de l’Economie, ainsi que par la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey. «Les entretiens ont porté sur les relations bilatérales en général, les relations économiques, le dialogue politique et la crise financière», a précisé le DFE.

ATS / AP

“Cet Ouzbek qui arrive, il faut l’aider à se reconstruire”

Mourad Benchellali, Français d’origine algérienne, a passé deux ans et demi dans la prison. Il estime, tout comme Amnesty internationa, l que l’Europe doit aider à fermer Guantánamo. Photo Stéphane de Sakutin / AFPUn ex-détenu de la prison américaine vient d’arriver à Genève. Comment pourra-t-il reprendre sa vie? Selon Mourad Benchellali, qui a séjourné dans le même camp, un soutien extérieur est indispensable. Un article de Caroline Zuercher dans 24 Heures.

L’ex-détenu ouzbek de Guantánamo, que le canton de Genève a décidé d’accueillir à titre humanitaire, est arrivé en Suisse dans le courant du mois de janvier. La Confédération l’a annoncé hier, mais, dans le but de le protéger et de l’aider à s’intégrer ni le canton de Genève ni Berne n’en disent davantage.

Comment vit-on ces premiers jours de liberté? Et les suivants? Mourad Benchellali, Français d’origine algérienne, a passé deux ans et demi dans la prison de Guantánamo. On lui reprochait d’avoir séjourné dans un camp d’entraînement d’Al-Qaida en Afghanistan. Il a toujours clamé son innocence, en expliquant avoir naïvement suivi son frère. Remis aux autorités françaises en juillet 2004, il restera encore derrière les barreaux hexagonaux jusqu’en janvier 2006. Un destin qu’il raconte dans un livre, Voyage vers l’enfer. Aujourd’hui, le jeune homme de 27 ans, blanchi par la justice française, a reconstruit sa vie. Il répond à nos questions.

– Comment se sent-on à la sortie de Guantánamo?

– Mon premier désir a été de revoir ma famille et mes amis. Mais bizarrement, dans un second temps, j’ai eu besoin de rester seul. Reprendre le contact avec les autres, c’est difficile… Cette sortie est une chose brutale. Il m’a fallu du temps pour raconter ce qui était arrivé.

Et puis, on se sent seul. Dans mon cas, je suis rentré en France, le pays où j’ai grandi. C’était un avantage, car même si les autorités ne m’ont pas aidé, je connaissais les structures. Je savais où demander de l’aide, par exemple pour trouver un emploi. Mais les choses seront dix fois plus dures pour cet Ouzbek qui arrive seul à Genève après sept ans à Guantánamo: il n’a pas ces repères. Ni le soutien de ses proches, de cette famille qui a manqué durant des années.

Au retour, il y a aussi le traumatisme, proportionnel au temps passé là-bas… Vous faites des cauchemars. Et le regard des autres est difficile à supporter.

– Mais vous avez choisi de vous afficher dans un livre…

– J’espérais que les gens me comprennent mais, pour beaucoup, cela n’a pas été le cas. Et si ce livre m’a aidé à exorciser certains traumatismes, il m’a aussi valu d’être reconnu dans la rue. J’ai vu des personnes avoir peur de moi, j’ai perdu des emplois en intérim. Lorsque la fermeture du camp a été annoncée (le gouvernement Obama a décidé le 22 janvier 2009 de fermer dans les meilleurs délais Guantánamo), les choses ont un peu changé… Mais cela n’a pas duré: les gens gardent à l’esprit l’idée qu’un ancien détenu de Guantánamo est susceptible d’être dangereux. Donc je pense qu’il vaut mieux garder ce passé secret: moins les autres savent ce qui vous est arrivé, moins vous subirez leurs regards.

– Quels conseils peut-on donner à une personne qui vit cette situation?

– Je crois surtout qu’il faut conseiller aux personnes qui l’accueillent de l’aider! Seul, cet Ouzbek ne peut pas faire grand-chose. Il doit évidemment rencontrer un médecin. Et s’occuper, ne pas rester sans rien faire. C’est le meilleur moyen pour ne pas trop y penser…

– L’aider comment?

– Il faut lui offrir un suivi au-delà des premiers mois passés en Suisse, veiller à ce qu’il trouve un travail, un logement. Et qu’il puisse reprendre contact avec ses proches.

– Vous avez été libéré il y a quatre ans. Vous êtes-vous reconstruit?

– Je me suis réinséré. J’ai un travail de carreleur, un enfant, un logement, une épouse. Mais on continue à penser à tout cela. Dans la tête, cela reste difficile…

– Certains Suisses estiment que c’est aux Etats-Unis d’assumer. Et d’accueillir les anciens détenus.

– Logiquement oui. Mais il faut comprendre que les Américains, traumatisés par le 11 septembre, sont plus réticents que les Européens. Et ces derniers ont beaucoup critiqué Guantánamo: aujourd’hui, ils doivent aider à sa fermeture.

Prédicateur islamique malvenu à Zürich

Le Volkshaus de Zurich refuse de louer une salle au prédicateur allemand Pierre Vogel. Ses hôtes suisses menacent de réclamer des dommages-intérêts.

Le conseil de fondation du Volkshaus de Zurich refuse de louer une salle au prédicateur islamique allemand controversé Pierre Vogel, alias Abu Hamza. Le Conseil central islamique (IZRS) va demander des dommages-intérêts si le conseil ne revient pas sur sa décision.

Des négociations sont en cours avec le conseil de fondation afin que Pierre Vogel puisse venir s’exprimer, a indiqué hier Qaasim Illi, porte-parole de l’IZRS. Il confirme ainsi des informations parues dans plusieurs médias.

Contrat déjà signé

Le contrat de location de la salle était déjà signé, mais le conseil de fondation du Volkshaus l’a cassé. Il est impossible de trouver une autre salle à si court terme, selon le porte-parole.

L’IZRS projette d’organiser un symposium au Volkshaus le 14 février. Quatre orateurs sont prévus, dont le prédicateur allemand controversé, qui doit parler de «La Suisse après l’initiative sur les minarets».

Persona non grata

Pierre Vogel voulait déjà participer à une manifestation contre la votation antiminarets sur la place Fédérale en décembre à Berne. L’Office fédéral des migrations (ODM) lui a signifié une interdiction d’entrée sur le territoire helvétique. Le prédicateur a tout de même tenté de venir en Suisse. Il a été interpellé à la frontière. Il a protesté, mais a confirmé par écrit avoir pris acte de l’interdiction d’entrer dans le pays. Il est ensuite reparti en Allemagne.

L’ODM n’a pas encore pris de décision quant à une éventuelle nouvelle interdiction d’entrée, a indiqué Michael Glauser, porte-parole. Il analyse la situation.

ATS

Driton Ibrahimi, clandestin accidenté, menacé et tabassé

Driton Ibrahimi travaillait au noir. Au printemps 2009, l’ouvrier fait une chute sur un chantier. Depuis, c’est la descente aux enfers. Une enquête d’Alain Walther dans 24 Heures.

Driton Ibrahimi© PHILIPPE MAEDER | Depuis son agression à Crissier Driton Ibrahimi, sans-papiers et sans domicile, a trouvé refuge chez des Lausannois en attendant la décision des Prud’hommes.

«Ils m’ont frappé et menacé de s’en prendre à mes enfants.» Driton Ibrahimi, travailleur clandestin kosovar, a été agressé une nuit de l’été dernier à Crissier. Depuis, il a peur et se cache. L’agression a eu lieu au coin de la rue des Alpes et de la rue de l’Industrie, à côté d’un gros pâté de maisons.

C’est là que, le soir, au rez-de-chaussée, des ouvriers portugais viennent boire un verre après le boulot. Dans les étages, trois studios sous-loués accueillent des travailleurs clandestins kosovars. Sur le palier, on trouve six paires de chaussures devant la porte d’un seul studio. Le propriétaire loue à une personne, mais, parfois, dix autres peuvent dormir dans la même pièce.

Agresseurs inconnus
C’est en se rendant à cette adresse, chez un ami qui acceptait de l’abriter pour la nuit, que Driton Ibrahimi, clandestin et père de famille kosovare de 30 ans, a été tabassé par quatre inconnus masqués d’un bas de soie. Roué de coups, lardé de coups de tournevis à deux pas de l’immeuble, Driton Ibrahimi a aussi encaissé les menaces de ses agresseurs: «Ils m’ont dit qu’ils m’apporteraient la tête de mes enfants qui vivent au Kosovo.» Accompagné par Me Jean Lob, Driton Ibrahimi a déposé une plainte pour agression avec lésions corporelles. «La police cantonale enquête, confirme le juge d’instruction Philippe Vauthier, mais l’identification des agresseurs est difficile.»

Menacé avec un marteau
Dans l’Est vaudois une autre plainte, nominative celle-là, a été déposée par Driton Ibrahimi. Elle visait un chef d’équipe de l’entreprise Bili Coffrages. Le 10 juillet dernier, devant témoin, sur un chantier à Aigle, le chef d’équipe aurait serré la gorge de l’ouvrier et l’aurait menacé d’un coup de marteau. L’employé au noir réclamait son salaire. Pour l’heure, la justice ne lie pas les deux affaires.

Tout avait commencé par une chute sur un chantier à Villeneuve. Le 27 mai, l’ouvrier tombe de trois mètres alors qu’il porte une lourde poutre. «Le chef d’équipe m’a dit d’aller chez un médecin qu’il connaît et de dire que j’étais tombé à vélo.» Il ne mentira pas, se rendra seul au CHUV et sera oublié par son employeur.

Versions contradictoires
«Il n’y a pas eu d’altercation sur le chantier de Villeneuve, deux personnes se sont juste échauffées», confirme Adnan Gashi, patron de Bili Coffrages. La version de Werner Schmidt, le secrétaire syndical d’Unia qui accompagnait le salarié, est beaucoup plus musclée. «J’ai empêché le chef d’équipe de frapper, raconte Werner Schmidt. Ensuite, nous avons été entourés de six hommes qui avaient tous des marteaux.»

Des tensions sur les chantiers, le syndicaliste à la retraite depuis peu en a vu d’autres. Cette fois, il s’agissait de récupérer deux mois de salaire (140 francs par jour, soit 15 fr. 55 de l’heure au lieu des 25 fr. 35 de la convention collective). L’ouvrier était payé de main à main dans un bowling de l’Ouest lausannois. L’entreprise concède deux semaines, l’employé revendique deux mois. Ils se rencontreront mardi prochain devant les Prud’hommes, à Nyon. «Je m’expliquerai devant le tribunal, ajoute Adnan Gashi, car tout a été fait dans les règles de l’art.»

Hier, Driton Ibrahimi, clandestin recueilli par des bonnes âmes lausannoises, avait peur pour ses enfants et sa famille. Il redoute des représailles au Kosovo. «Il faudrait qu’ils puissent changer de région.» Pour sa personne, il craint encore d’être pris à partie par des inconnus quand il ose sortir dans la rue.

Expulsé sans sa famille, mais avec des vis dans l'estomac

Nouvelle variante cynique de l’emballement de la machine à expulser, coûte que coûte : le 16 janvier dernier, un Tunisien dont la procédure d’asile était en cours d’examen a été expulsé vers la Tunisie, alors qu’il venait d’avaler des vis et des pièces de monnaie, et que le médecin de garde à qui il avait été présenté avait demandé à le revoir pour décider de l’opportunité d’une intervention chirurgicale. Un article de Anne Roy dans l'Humanité.

Originaire de Ben Guerdane en Tunisie, Ammar Lamloum avait fui son pays en 2008 et était arrivé, via l’Italie, en France, où sa femme l’avait déjà précédé, ainsi que leur enfant aujourd’hui âgé de six ans – un second, âgé de neuf mois, est né par la suite sur le sol français. M. Lamloum dépose une demande d’asile, ainsi que sa femme. C’est dans le cadre de l’examen de celle-ci qu’il est convoqué, le 4 janvier, à l’Ofpra. Au retour de cet entretien, il est arrêté sur l’autoroute près d’Évry. Contrôle routier, d’identité : M. Lamloum est placé au centre de rétention administrative de Palaiseau. Sa demande d’asile est traitée en procédure prioritaire, selon le Réseau Éducation sans frontières, qui relaie aujourd’hui son histoire. Ce qui signifie, en des termes plus crus, qu’elle n’est pas accompagnée d’une autorisation provisoire de séjour, et que M. Lamloum peut être renvoyé en Tunisie avant même le terme de la procédure. Il dépose un recours contre son arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Rejeté. En désespoir de cause, il entame une grève de la faim quelques jours plus tard. Puis avale des pièces de monnaie et des vis pour tenter d’échapper à son expulsion. À son arrivée à l’hôpital, il passe des radios qui attestent de la présence de ces objets métalliques. Faute de chirurgien disponible, il rencontre le médecin de garde qui se refuse à décider ou non de l’opérer et demande à le revoir le lendemain matin. M. Lamloum ne reviendra jamais : il a été expulsé entre-temps avec les vis dans le ventre, au risque d’avoir l’estomac déchiré.

À son arrivée à l’aéroport de Tunis, il est interpellé par la police tunisienne, et aussitôt placé en prison – comme tous les ressortissants tunisiens expulsés par la France. « Il a pu appeler sa femme pour la prévenir de son départ, puis l’appeler à nouveau à sa descente de l’avion, pour la prévenir qu’il serait placé en détention : depuis, elle n’a plus de nouvelles », raconte Nadia Nguyen, de RESF. Depuis l’arrestation de son mari, la femme d’Ammar Lamloum vit à Lyon avec leurs deux enfants. Tous trois étaient d’ailleurs présents lors de l’arrestation. Lorsque M. Lamloum a été emmené, ils ont été tout bonnement laissés sur le bord de la route. À charge pour eux de regagner leur domicile par leurs propres moyens.

Les requérants expulsables sont payés au lance-pierre

Le Parti démocrate chrétien souhaite changer l’image négative que projette la centaine de requérants d’asile frappés de non-entrée en matière (NEM) et non renvoyables dans leur pays. Selon le PDC, ces personnes devraient pouvoir effectuer, moyennant rémunération, des travaux d’utilité communautaire (TUC). Cela afin notamment d’éviter de les «pousser dans la clandestinité ou la délinquance». Un article de Didier Tischler dans 20minutes.

Une possibilité qui existe déjà. L’Hospice général propose en effet aux NEM des TUC ou autres activités rémunérées. Le hic: ces occupations sont rétribuées... 50 fr. par mois! Un «salaire» pas franchement incitatif. Seuls huit NEM avaient d’ailleurs choisi ce type d’activité à fin 2009. Mais l’Etat, qui offre déjà environ 300 fr. mensuels aux NEM comme aide d’urgence, en plus d’un logement et de nourriture, n’envisage pas d’augmenter ce montant.

«Ces personnes n’ont pas d’autorisation de séjourner en Suisse, rappelle Bernard ­Favre, secrétaire général du Département de la solidarité et de l’emploi (DSE). Les TUC leur permettent de choisir de retrouver une certaine dignité. Ils sont aussi un moyen pour eux d’échapper à l’ennui, à la solitude ou à la tentation d’activités illicites.» Pour le haut fonctionnaire, «la dignité n’ayant pas de prix, les prestations d’utilité publique ne sont pas rémunérées, mais récompensées par de l’argent de poche».

Une réponse «insatisfaisante» pour Anne-Marie von Arx. «Les NEM continueront à zoner et certains à dealer, réagit la députée PDC. Nous allons réfléchir à des contre-propositions».

"On a voulu faire un exemple et terroriser la population rom"

La mendiante rom arrêtée jeudi matin à l’aube par les policiers dans les locaux de l’Armée du Salut du quartier de Saint-Jean a été libérée vendredi après-midi, selon l’avocate Dina Bazarbachi, présidente de l’association Mesemrom. «Nous avons déposé une requête et elle a pu sortir», commente-t-elle. Par ailleurs, ses trois enfants âgés de 9, 6 et 3 ans, qui dormaient avec elle et qui ont été placés en foyer, avaient été confiés quelques heures plus tôt à leur tante, information confirmée par le Service de protection des mineurs (SPMi). Un article de Christian Lecomte dans le Temps.

Pour rappel, la mère était recherchée pour délit de mendicité. «Ses amendes, qui s’élevaient à 2000 francs, avaient été converties en peine privative de liberté de 22 jours», précise l’avocate, qui a dénoncé une détention illicite. «Nous avons assisté à ce qui s’est déjà passé à maintes reprises, explique-t-elle: les contraventions ont été notifiées de manière indue dans la Feuille d’Avis Officielle. cette voie n’est en effet ouverte qu’à des personnes ne disposant pas de domicile et ce n’est pas le cas s’agissant des Roms de passage à Genève, dont ma cliente, qui, tous, disposent d’une adresse figurant sur leur carte d’identité roumaine.»

Pour l’exemple

Aucun commentaire de la police genevoise qui, hier, ne souhaitait pas communiquer sur le cas de cette femme. Pour la responsable de Mesemrom, il ne fait aucun doute que la «descente» de jeudi fait suite à la décision prise la veille par le Conseil d’Etat, autorisant les forces de l’ordre à appréhender tout mendiant accompagné d’enfants et à confier ces derniers aux services des mineurs en prononçant si nécessaire la clause péril. Celle-ci permet le retrait immédiat du droit de garde des parents sur l’enfant et son placement.

«On a voulu faire un exemple et terroriser la population rom, c’est le début des dérives», accuse Dina Bazarbachi. Les militants de Mesemrom ont par ailleurs tenté toute la journée de jeudi de savoir ce qu’il était advenu de la maman et de ses trois enfants, sans que ces interventions aient abouti. «Un policier du poste de la Servette m’a même dit avec cynisme: «Vous n’avez qu’à faire un signalement de disparition.» Et durant tout ce temps, le père, qui est souffrant et qui a dû rentrer à Annecy où la famille loge, était désespéré.»

L’avocate a d’autre part appris que le plus jeune des enfants avait été séparé des deux autres «faute de place dans le foyer d’accueil» et «placé pour la nuit dans le service de pédiatrie de l’hôpital cantonal». «La police dit qu’elle souhaite agir avec humanité, elle n’en prend pas le chemin, poursuit Dina Bazabachi. Elle s’indigne quand elle voit des enfants roms qui dorment parmi les rats et les poubelles, c’est oublier que ce sont ces mêmes policiers qui l’an dernier ont systématiquement détruit leurs campements.» L’avocate compte porter plainte pour «tort moral énorme» et demander de fortes indemnités.


Renvoi des étrangers criminels: les partis rivalisent de propositions

Après le «syndrome minarets», le PLR et le PDC proposent chacun un contre-projet direct pour combattre l’initiative du mouton noir, tout en allant dans son sens. Une surenchère que déplore la gauche. Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps.

Attention, vives empoignades en vue. L’initiative de l’UDC sur le renvoi des étrangers criminels, dite du mouton noir, revient sur le devant de la scène et avec elle, son lot de questions. Après le succès de l’initiative anti-minarets en novembre, le Conseil des Etats a décidé de reporter son débat sur ce texte délicat à la session de mars et a chargé sa commission des institutions politiques d’étudier son invalidation ou l’opportunité de lui accoler un contre-projet direct. Elle s’y attellera lundi. En attendant, le PLR vient de proposer son propre contre-projet direct. Et le PDC fera de même jeudi.

Voilà de quoi avoir le tournis. A vingt mois des élections fédérales, on assiste à une surenchère féroce sur un sujet qui a toujours été très porteur. Force est de constater que l’initiative de l’UDC séduit: elle est parvenue à récolter 210 000 signatures en un temps record. Ni une, ni deux, le PLR a tenté d’imposer un premier contre-projet indirect, balayé en mars, «victime d’une alliance contre-nature entre la gauche et l’UDC». «Depuis, les minarets sont passés par là. Cette fois, nous intervenons avec un contre-projet direct pour être plus efficaces. L’UDC pose la bonne question; le PLR apporte la réponse adéquate!», résume Christian Lüscher (PLR/GE).

Abus dans l’aide sociale

Pour le Conseil fédéral, l’initiative de l’UDC, même si elle pose des problèmes évidents, ne viole pas le droit impératif international, le jus cogens. A entendre Christian Lüscher, le PLR préfère contourner la question de son invalidation, «même si elle est contraire au droit international contraignant». «Ne nous cachons pas derrière des arguties juridiques», commente le Genevois. «La criminalité des étrangers est un vrai problème sur lequel le peuple doit se prononcer. Or, le texte de l’UDC, très vague et flou, pose des problèmes. Nous avons donc élaboré un catalogue de délits à inscrire dans la Constitution de meilleure qualité et plus détaillé, en respectant le jus cogens».

Si l’UDC veut priver de leur titre de séjour les auteurs de meurtre, viol, «ou tout autre délit sexuel grave» ainsi que ceux qui ont commis un acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite des êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction», le PLR se veut plus précis. Il parle aussi d’assassinat, de brigandage qualifié, de prise d’otage, d’infraction grave à la loi sur les stupéfiants, d’infraction grave contre le patrimoine, d’incendie ou «toute autre infraction passible d’une peine privative de liberté d’une année au moins». Et d’expulser également tous ceux qui ont été condamnés à au moins 18 mois de prison ou une peine pécuniaire équivalente fixée par la loi.

L’UDC veut renvoyer ceux qui «ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale»? Le PLR aussi. Il précise dans son texte que les étrangers sont privés de leur titre de séjour et expulsés du pays «s’il a été constaté par une décision d’entrée en force qu’ils ont commis une escroquerie ou un autre abus grave en vue de percevoir des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale».

Accent sur l’intégration

La proposition du PLR n’est-elle finalement pas juste un simple copier-coller de l’initiative de l’UDC, un peu mieux ficelée? Christian Lüscher s’en défend. «Notre texte apporte une sécurité juridique: il respecte la Constitution et le droit international, dont le principe du non-refoulement. Et surtout, nous insistons dans la première phrase sur le fait que la Confédération doit veiller à ce que les étrangers s’intègrent dans l’ordre libéral et démocratique de la Suisse. C’est un principe auquel nous tenons. Le PLR demande d’ailleurs une loi-cadre sur l’intégration.»

Le contre-projet du PLR a de bonnes chances d’être accepté, du moins au Conseil des Etats où le PS et l’UDC sont minoritaires, a assuré mardi, confiant, le conseiller aux Etats Rolf Büttiker (PLR/SO), devant la presse.

Après les élections fédérales

Vraiment? C’est oublier que le PDC entre aussi dans la danse de la surenchère alors que la loi actuelle permet déjà, dans les faits, d’expulser des étrangers criminels. Le groupe démocrate-chrétien, qui a décidé de ne pas demander l’invalidation du texte de l’UDC, proposera un projet bien différent. Pas de catalogue à la Prévert des délits qui devraient justifier un renvoi: le PDC se concentre sur la peine.

Pour le parti, un étranger pourrait ainsi se faire retirer son permis de séjour s’il est condamné à une peine d’au moins 2 ans de prison ou s’il a cumulé plusieurs délits totalisant 720 jours de peine privative de liberté. Des propositions qui vont dans le sens du contre-projet indirect du Conseil fédéral. Le PDC devrait également présenter jeudi une initiative parlementaire exigeant que la Chancellerie fédérale examine plus scrupuleusement les initiatives populaires qui lui sont présentées. Qu’elle ne statue pas juste sur la forme mais aussi sur le fond.

L’UDC, elle, n’a pas manqué de fustiger mardi le projet du PLR, «dont l’unique effet est de diluer, voire d’empêcher, l’objectif de notre initiative, à savoir l’expulsion systématique des étrangers ayant commis des crimes graves». Le parti assure qu’il ne retirera pas son initiative. Mais il a toujours en travers de la gorge le fait que le Conseil des Etats a décidé de repousser à mars le débat qui fera inévitablement des vagues. Pour l’UDC, cette décision relève de la pure tactique électorale, avec pour seul objectif de chercher à repousser la votation populaire après les élections fédérales de 2011.