vendredi 22 octobre 2010

Nouveau recours contre le minaret à Langenthal

Après la ville de Langenthal, c’est au canton de trancher.

On prend les mêmes et on recommence. Comme attendu, les opposants au minaret de Langenthal vont déposer recours auprès du Tribunal administratif bernois. Il y a quelques semaines, le canton avait donné son feu vert à la construction d’un minaret et d’une coupole, déboutant un premier recours. La Direction des travaux publics avait estimé que le permis de construire délivré par la Ville en juin 2009 était valable, puisqu’il avait été accordé avant la votation populaire du 29 novembre 2009.

C’est justement le résultat de la votation que met en avant le comité «Stopp Minarett Langenthal» pour justifier sa démarche. Son porte-parole, Daniel Zingg, membre de l’Union démocratique fédérale (UDF), exprime son in­compréhension devant une autorisation accordée «contre la volonté du peuple» et martèle son opposition au symbole politique de «l’idéologie totalitaire qu’est l’islam». «Nous espérons qu’ils vont entendre raison», dit-il de ses opposants.

On disait le président de la communauté musulmane locale, Mutalip Karaademi, fatigué de lutter: cet Albanais de Macédoine, venu en Suisse dans les années 1980, a lancé son projet de construction en 2006, déclenchant bien malgré lui les hostilités nationales qui ont conduit au vote de l’hiver dernier. Mais il assure qu’il n’a pas l’intention de baisser les bras. «Nous nous attendions à ce recours, réagit-il. Nos opposants ne montrent que haine et opportunisme politique. C’est triste. Mais nous n’allons pas leur faire le cadeau de laisser tomber.»

Albertine Bourget dans le Temps

Bataille de chiffres sur le nombre de renvois de criminels étrangers

Selon la Commission fédérale pour les questions de migration, les expulsions sont aujourd’hui déjà nettement plus fréquentes que ce que dit le Département de justice et police. L’initiative de l’UDC serait dès lors inutile.

La campagne qui s’ouvre en vue de la votation du 28 novembre sur l’initiative pour le renvoi des délinquants étrangers tourne à la bataille de chiffres. Selon la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), les renvois effectués aujourd’hui en vertu des bases légales actuelles sont nettement plus élevés que ce qui a été affirmé jusqu’ici. En 2008, on peut ainsi partir de l’idée que 615 délinquants ont été effectivement renvoyés, et ce chiffre a augmenté en 2009 à 750, a affirmé la CFM jeudi. La tendance est à l’augmentation du nombre de renvois, constate-t-elle, même si certains cantons annoncent plutôt un recul.

Quoi qu’il en soit, ces données sont en très net décalage avec les estimations officielles avancées par le département d’Eveline Widmer-Schlumpf, qui évalue à 400 en moyenne par an les renvois prononcés actuellement contre des délinquants étrangers. Pour la CFM, la conclusion s’impose naturellement: la réglementation en vigueur est suffisante, l’initiative inutile, et vaudra à la Suisse d’insolubles problèmes avec l’Union européenne car elle est contraire à l’accord sur la libre circulation des personnes.

La polémique est née des chiffres fournis récemment par le Département fédéral de justice et police. Selon les services d’Eveline Widmer-Schlumpf, l’initiative de l’UDC, si elle était acceptée, ferait presque quadrupler le nombre de renvois prononcés – mais pas forcément exécutés – contre des délinquants étrangers, qui passerait à quelque 1500. Selon des projections effectuées à la demande des commissions parlementaires durant l’examen de ces textes, le contre-projet défendu par le Conseil fédéral et les Chambres en guise de moyen terme conduirait à environ 800 renvois par année.

Ces chiffres doivent être fortement relativisés, a toutefois reconnu l’Office fédéral des migrations lui-même. Ce ne sont que des estimations, et elles ne tiennent pas compte, en particulier, du nombre de renvois qui pourraient effectivement être mis à exécution. On sait en effet que certains pays n’acceptent pas de reprendre leurs ressortissants, ou que, faute de pouvoir établir les documents de voyage nécessaires, l’expulsion est impossible. Il existe également des obstacles juridiques, notamment lorsque la vie ou l’intégrité physique du délinquant seraient menacées dans son pays d’origine. La libre circulation des personnes avec l’UE restreint par ailleurs notablement les possibilités d’expulser des délinquants européens. Il faut que la personne représente une menace «actuelle, effective et d’une gravité suffisante» pour les «valeurs fondamentales de la société».

Les nouvelles analyses fournies par la CFM font paraître les chiffres officiels plus fragiles encore. Les données de la commission présidée par Francis Matthey se fondent sur des études confiées au Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) et au Centre de droit des migrations de l’Université de Neuchâtel.

Ces enquêtes apportent des informations sur le type de délinquants qui font le plus souvent l’objet d’un renvoi. Il est ainsi rare que des ressortissants des pays de l’UE et de l’AELE doivent quitter la Suisse. Pour les autres nationalités, les autorités font preuve de davantage de retenue dans leur pratique d’expulsion dès lors que le séjour en Suisse a duré longtemps, et qu’il est légalement consacré par un permis d’établissement, soit de longue durée. En pratique, ce sont les condamnations supérieures à deux ans qui valent au délinquant d’être expulsé. En dessous, les autorités semblent juger que le principe de la proportionnalité commande le plus souvent d’y renoncer, quoique certains cantons l’envisagent pour des peines de 12 mois et plus. Mais les autorités exercent leur marge d’appréciation au cas par cas. Un acquis auquel la CFM estime qu’il ne faudrait pas renoncer.

Un article signé Denis Masmejan dans le Temps