jeudi 3 décembre 2009

Les éditos des journalistes de la rsr

Ce n’est pas la faute du peuple !

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Jean-Marc Béguin

On entend, et on lit, déjà les proses de beaux esprits démocrates qui n’acceptent pas la voix du peuple. Et qui remettent en cause le périmètre de la démocratie directe. Le peuple ne serait pas assez mûr, pas assez serein, trop manipulable pour se prononcer sur des sujets de société comme les minarets ou l’internement à vie. Allons donc. Quelle arrogance élitiste ! Là n’est pas le problème.

Le problème, et il bien réel, est dans la faiblesse du Conseil fédéral et du Parlement, dans son manque de courage et de discernement. Si comme tout le monde semble le dire aujourd’hui l’interdiction des minarets est contraire à la convention des droits de l’homme et à d’autres textes internationaux, alors il fallait l’invalider et ne pas la soumettre au peuple. Les autorités n’ont pas eu cette lueur de pertinence. Pensant - quelle erreur ! - que le peuple rejetterait ce texte et ainsi ni vu, ni connu, que nous aurions échappé à la vindicte de l’UDC ! Que nenni !

Mais vouloir restreindre les droits populaires parce que le Conseil fédéral et le Parlement se sont couchés, ce n’est pas sérieux. Il faut assumer maintenant ce vote. Mettre aussi l’UDC devant ses responsabilités. On entend déjà ses hurlements satisfaits quand les juges étrangers condamneront la Suisse. Ce sera hélas une deuxième victoire pour l’UDC.
Il faudra pourtant avoir le courage de dire, si la Cour européenne des droits de l’homme l’exige, que cet article constitutionnel ne pourra pas être appliqué. Et que l’on a berné le peuple en lui posant la question. Parce que les droits de l’homme et le droit international s’imposent à tous. Sinon, c’est la démocratie que l’on sacrifie.
Jean-Marc Béguin

Et maintenant, la libre circulation !

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Pierre-Han Choffat

Etre en phase avec les préoccupations des citoyens. Voilà la recette. Il y a eu les frontaliers et le succès du MCG. Il y a maintenant l’interdiction des minarets. Et il y aura peut-être demain la libre circulation des personnes. Etre en phase avec les préoccupations des citoyens, donc.

Sauf que c’est une façon bien angélique de voir les choses. Jouer avec les peurs, les attiser même. Voilà qui est bien plus proche de la vérité.

La stratégie de la peur pour affirmer ensuite qu’on est les seuls à comprendre le peuple. Et donc gagner des électeurs. Mais en terme de solution aux problèmes stigmatisés, vous pouvez toujours repasser.

Pour les minarets, le mal est fait. Mais n’en arrivons pas là avec la libre circulation. Dénoncer l’accord pour le renégocier n’est tout simplement pas réaliste. Cette position n’est pas crédible. Mais elle parle une nouvelle fois aux tripes de citoyens inquiets de voir des travailleurs européens débouler en Suisse alors que le chômage grimpe inexorablement. Il faut donc contrer. Ne pas laisser s’instiller le doute. A cet égard les prises de position de Micheline Calmy-Rey et de Doris Leuthard sont réjouissantes.

L’injonction aux employeurs de recruter d’abord parmi les travailleurs installés en Suisse n’a rien à voir avec un retour au protectionnisme. C’est juste un appel moral, c’est souligner que l’autorité entend les craintes de la population. La volonté de revoir l’accès aux prestations de l’assurance chômage, c’est dire que l’autorité veut trouver des solutions pragmatiques. Il faut y aller. En faire plus. Renforcer les contrôles. Tout pour éviter de casser ce système qui a permis de créer des milliers d’emploi. Cela aussi, et surtout, c’est parler aux préoccupations des citoyens.

Pierre-Han Choffat

Minarets: le prix de la peur

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Nicole Lamon

Les Suisses ont peur de la différence. Pour n’avoir pas pris le pouls de cette crainte, nos autorités se retrouvent plongées dans un double cauchemar.

Cauchemar national tout d’abord.

En voulant interdire la construction des minarets, les citoyens ont voulu sanctionner la communauté musulmane, ses manifestations visuelles, en un mot sa différence.

Grands spécialistes du réduit national, démocrates jusqu’à la moëlle, tolérants tant qu’on ne marche pas sur leur drapeau, les Suisses peinent à dire oui à l’Autre.

Et l’Autre, c’est l’étranger dans les années 1970, c’est l’Européen de l’EEE en 1992, c’est l’immigré de longue date quand on dit NON aux naturalisations facilitées, et aujourd’hui, c’est donc LE musulman.

Légitime, la peur de la sharia, de la burka, du retour à une société machiste ont cabré les Suisses. Aux élus fédéraux de lancer une politique d’intégration nationale, et de cesser d’attendre que chaque petite commune règle son problème particulier.

Mais le cauchemar est aussi international. Les réactions indignées et les représailles économiques vont parachever l’annus horribilis de la politique extérieure de la Suisse. Au Conseil fédéral de se muer en grand communicateur, et de motiver son réseau d’ambassadeurs à sortir de sa réserve. Si elle veut rester un partenaire fiable aux niveaux économique, politique mais aussi culturel et touristique, la Suisse des officiels doit se lancer dans une croisade d’explications qui pourrait durer plusieurs mois.

Nicole Lamon

Semaine d'action de SOSF à Lausanne

La Suisse n'a pas à faire des excuses

La PC pour évacuer un campement ROMS

Les caricatures de minarets

La votation inspire les humoristes

Après le séisme provoqué par le vote helvétique, certains ont pris le parti d’en rire. Entre une fausse initiative populaire au vitriole, la distribution de minarets à bricoler soi-même ou un sketch des Inconnus qui refait surface, tout est bon pour tourner le vote en dérision.

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Le dessin de Stef, un inédit de 20 minutes.

Christophe Darbellay: «On n'est pas la carpette du monde!»


Sandra Jean/Viviane Menétrey - le 03 décembre 2009, 10h30
Le Matin

50 commentaires

Après la burqa, vous vous attaquez aux cimetières musulmans et juifs. Qu'est-ce qui vous arrive? Vous dérapez?
Pas du tout. Je n'ai jamais dit que je voulais interdire les cimetières juifs. Tout ce que j'ai dit dimanche au sujet de l'islam figure dans des documents du PDC de 2006 et 2007. Je n'avais donc aucune raison de changer de discours, je dis la même chose depuis 3 ans. Quant aux cimetières, cela ne me pose aucun problème d'être enterré à côté d'une personne d'une autre religion. Mais je n'imagine pas que dans ce pays, pour chaque religion, chaque secte ou confession, on fasse un cimetière séparé dans chaque village. Cela ne serait plus gérable si nous faisions de nouvelles exceptions. Les communes sont responsables de ces décisions et le principe veut en général que l'on ne fasse pas de distinction d'origine ou de religion.

Mais vous êtes le seul à réagir aussi vivement au Parlement. Vous ajoutez de l'huile sur le feu!
Je n'ajoute pas une once d'huile sur le feu! Je répète simplement ce que j'ai toujours dit en répondant aux questions qu'on me pose. Ces revendications datent de 2006. J'ai toujours le même avis sur la question et je ne vais pas en changer!

Même l'UDC ne va pas aussi loin que vous. Vous sautez dans leur train?
C'est ridicule! Franchement, je ne comprends pas ce type de procès. Ce que je dis, je le dis depuis 2006! L'UDC a peur de sa victoire et du résultat car elle n'a jamais envisagé de gagner.

Franchement, ça fait un peu récupération politique. Pourquoi avoir été si discret durant la campagne antiminarets?
J'ai accepté toutes les invitations et les émissions. Et j'ai toujours commencé par dire: «Je reconnais que nous avons des problèmes à résoudre.» Ce ne sont pas les minarets, mais il y en a d'autres. Au moins, maintenant, les journalistes s'intéressent à ce que je dis depuis longtemps.

Mais la burqa ne pose pas problème aujourd'hui.
Ce n'est pas la seule question, mais c'est un symbole. Il y a toutes sortes de problèmes et laisser pourrir les choses est la pire des solutions. La burqa n'est pas compatible avec l'intégration souhaitée, ni avec l'égalité hommes-femmes.

Il y a donc vraiment un problème avec les musulmans de Suisse?

La plupart d'entre eux sont intégrés, mais une minorité refuse de respecter nos règles et rêve d'une charia à la place de la Constitution fédérale, et ça, c'est inacceptable! Nous sommes tous égaux devant la même loi.

Vous vous attaquez donc à une infime minorité. Est-ce que ça vaut vraiment le coup?
Peut-être mais vous ne pouvez pas ignorer une minorité. Quand on parle de la violence chez les jeunes, cela ne concerne qu'une petite partie d'entre eux. Vous ne pouvez pas faire comme si ce problème n'existait pas. Sinon, on ne s'occupe plus de drogue, ni de violence ou de fondamentalisme religieux. La population a peur des fanatiques et nous ne pouvons rester sourds.

Quels sont les problèmes avec les musulmans?
Nous avons en Suisse un problème d'intégration. Il n'est pas spécifique aux musulmans, mais il touche une partie de la dernière génération de migrants. Nous devons aussi résoudre les problèmes de violence, de criminalité, et nous attaquer aux questions de sécurité. Cela suppose une vraie politique d'intégration et aussi de la fermeté.

Mais quand vous parlez intégration, vous visez les musulmans en particulier?
Entre autres. Il y a un certain nombre de choses à faire passer dans cette communauté: l'égalité homme-femme, des chances, la question des mutilations génitales, des meurtres d'honneur ou des mariages forcés. Nous avons déjà beaucoup de dispositions légales. Il faut simplement les appliquer.

C'est-à-dire?
Si un imam ne parle pas une des langues nationales, est mal intégré, et qu'en plus, il prêche la haine envers le monde occidental, il n'a rien à faire chez nous. Jusqu'à aujourd'hui, un seul canton a décidé de renvoyer un imam radical: le Valais.

Vous êtes en train de nous dire que les cantons ne font pas leur travail?
Tous ne font pas leur devoir. Les cantons doivent mener une politique d'intégration humaniste et exigeante. C'est ce que je prône et je ne céderai pas sur ce point. Jusqu'ici, nous n'avons pas défini assez clairement les règles du jeu. Concernant la formation des imams, par exemple, il y a des choses à faire et chacun le sait.

Pourquoi vouloir rajouter des règles alors qu'il existe déjà des lois interdisant la discrimination?
Mais il faut les traduire dans la pratique! Des gens me disent que des directeurs d'écoles acceptent des dispenses de gym, de natation en raison de la religion. Quand on vit dans un pays, il faut s'adapter à ses règles, sinon, on n'a rien à y faire. Il n'y a pas de concessions à faire sur l'école. Ne pas appliquer cette égalité, c'est ce qui rend les gens fous, et qui explique en partie le vote de dimanche...

Concrètement que va faire le PDC?

Nous allons développer un certain nombre de positions, demandant différentes mesures: de l'intégration, de la formation, des sanctions, des interdictions. Ce sera peut-être un projet de loi ou des interventions parlementaires, c'est encore à voir.

Pourtant votre parti semble se distancier de vous. Hier, (ndlr: Mardi ), Urs Schwaller déclarait que les interdictions n'étaient pas une solution.
Nous n'avons jamais dit que nous nous limiterions à des interdictions. Mon parti est derrière moi, même si tout le monde n'est pas d'accord. La présidence savait exactement ce que j'allais dire dimanche après cette votation et personne ne s'y est opposé. Il est vrai que certains politiciens ont eu des amnésies et se sont offusqués, mais je leur ai rappelé ce qu'ils avaient signé en 2006.

Votre combat est-il motivé par les valeurs chrétiennes que vous défendez?
Le «C» c'est la tolérance, la solidarité, le respect de l'autre. Le «C» de chrétien ne veut pas dire que nous sommes la carpette du monde! Que nous cautionnons la violence, le mariage forcé, le fondamentalisme ou les mutilations génitales!

Lettre à Damas

PAR ALAIN CAMPIOTTI
Ancien journaliste au «Temps», Alain Campiotti écrit à son professeur d’arabe, Basel Nejem
Cher ami, cher professeur,

J’aurais dû écrire depuis longtemps. Maintenant, il est très tard. Le ciel s’est obscurci. Vous avez dû apprendre, par Al-Arabia, Al-Jazira et les autres, sur le bel écran plat de la cuisine, que les Suisses ont décidé, démocratiquement, d’interdire la construction de minarets dans leur pays.

Je me suis demandé dimanche soir ce que vous inspirait, à vous le catholique, un pareil vote. Je soupçonne que vous avez été à la fois abasourdi et pas trop surpris. Abasourdi que ça vienne de la placide Suisse. Mais pas trop surpris: vous avez vécu sur les deux rives, vous savez ce qu’en Europe on dit et pense des musulmans, parmi lesquels vous vivez. La pesanteur des préjugés, l’étrangeté cultivée de l’autre.

Vous m’aviez étonné en disant, vous le chrétien, que vous compreniez le regain d’islam. Non pas les poseurs de bombes, mais l’aspiration qu’ils révèlent. Nous vivions, me disiez-vous, sous la lointaine tutelle de l’Empire ottoman. Tout ce qui est venu après était pire. Le charcutage de la région, découpée en Etats artificiels sous mandat, puis sous la poigne d’autocrates locaux. Les musulmans ont la nostalgie d’une communauté plus large, moins corsetée, régie par des valeurs «descendues» avec le Livre, non pas le voile ou le djihad, mais plus de justice.

La justice… Tu ne construiras pas de minaret! Ici, après le choc de ce vote imprévu, les gouvernants et les commentateurs s’emploient à limiter les dommages et à trouver des explications à la méchante humeur populaire. La boîte à outils est grande ouverte: sociologie, psychologie, économie, héritage culturel, repères identitaires ébranlés par la globalisation…

On évite l’histoire: trop de mauvais souvenirs. L’Europe, au siècle dernier, a été le foyer d’où sont sorties les intolérances les plus barbares, accomplies par l’isolement puis l’élimination de catégories entières de population. Mais le temps efface ces horreurs inouïes, et il suffit de ne plus en parler pour oublier comment elles sont nées dans les têtes. Pourtant, ça recommence. L’islam, deuxième religion du continent, est désormais tenu pour un corps étranger au cœur de l’Europe. A endiguer, dans un premier temps. L’ignorance le dispute à l’imposture dans cette opinion maintenant majoritaire. L’épouvantail d’Al Qaida est brandi pour imposer la mise sous surveillance de populations qui viennent dans leur grande majorité des Balkans et de Turquie. Il y a quinze ans, les Suisses se mobilisaient – un peu – pour protéger la coexistence multiculturelle de Sarajevo assiégée, où les clochers côtoient depuis longtemps les minarets. Sarajevo a été rejetée dans l’autre monde.

A Lausanne, il y a une nouvelle mosquée. Elle n’a pas de minaret, bien sûr. Pour tout dire, vue de la rue, elle n’a rien d’une mosquée. Aucun signe extérieur musulman. On dirait un entrepôt, ou un garage. D’ailleurs les fidèles, pour accéder à la salle de prières, doivent descendre une rampe qui naguère était faite pour les voitures. L’endiguement est déjà réalisé. Les musulmans de Lausanne ont accepté de se rendre invisibles, de manière préventive. Leur mosquée est près de chez moi. Quand je passe devant cette façade anonyme et lugubre, cher Basel, je me souviens de Damas.

Vous essayiez de faire entrer un peu d’arabe dans ma cervelle rouillée. Je sortais éreinté des trois heures de mon épreuve quotidienne. Mais ma chambre – c’était l’hiver – était glacée. Alors, je partais dans les ruelles de la vieille ville, à la recherche d’un café internet ou d’une tranche de pizza. En prenant à gauche dans le dédale de Bab Touma, j’arrivais à Bab Sharqi et à sa concentration d’églises: votre cathédrale, pleine de la ferveur joyeuse d’une communauté minoritaire qui maintient son affirmation, avec ses scouts, ses processions. Je rentrais par la rue des couvents. En prenant à droite dans le dédale, j’arrivais à la grande mosquée par les boutiques de Nofara.

Il faisait trop froid chez vous: j’avais fait des Omeyyades ma salle de lecture. J’avais trouvé, le dos appuyé à une large colonne, un coin bien chauffé sous le tapis. Je lisais Raymond Carver, dont j’avais trouvé une édition piratée à Nofara. Un homme est venu me demander si j’étais croyant. J’ai répondu non. Il a dit «ahlan wa sah lan» – soyez le bienvenu. Derrière la colonne, des pèlerins iraniens pleuraient en sortant de la petite salle où ils croyaient avoir frôlé la tête d’Hussein, leur martyr. A droite, il y avait un autre crâne, celui de Jean-Baptiste, dans une petite chapelle surchargée. Et juste au-dessus de ma tête, le minaret de Jésus.

Après le vote sur les minarets, la polémique enfle

PAR LES LECTEURS DU TEMPS
Le vote de dimanche a suscité un très grand nombre de réactions de la part de nos lecteurs. Nous en publions ici quelques extraits
Une fièvre intense s’est répandue après l’interdiction des minarets décidée par la majorité des Suisses dimanche dernier. Elle touche bien entendu Le Temps: de partout, des lecteurs et des internautes expriment avec une intensité rarement observée leur opinion ou leur (res) sentiment. Amertume, honte et colère de la minorité stupéfaite du résultat, alarmée par ses conséquences. Mise en cause des élites (dont les médias, souvent désignés) pour beaucoup de partisans de l’interdiction, dont la parole si rare avant la votation semble s’être libérée. Et qui veulent préciser les raisons de leur choix, refu sant d’être taxés d’islamophobie, de xénophobie ou d’ignorance. Car derrière les minarets, c’est l’extrémisme islamique et l’ostentation de la foi qui sont invoqués, la peur de les voir menacer la sécularisation de notre société. Un deuxième débat, non moins virulent, s’est développé sur la démocratie directe. Notre éditorial, mardi, questionnait son usage dans pareil cas. Beaucoup de correspondants nous en font le reproche: la souveraineté populaire, à leurs yeux, est un absolu démocratique qu’il est sacrilège de mettre en cause. Par les quelques lettres reproduites dans cette page, nous avons tenté de refléter l’éventail très large de ces considérations. Nous y avons ajouté un texte d’Alain Campiotti, ancien rédacteur en chef adjoint puis correspondant à New York du Temps. C’est une autre lettre encore, qui parle des liens qui rattachent des hommes au-delà des péripéties collectives. Liens de l’amitié et de l’estime, au milieu des nuées inquiètes. (Jean-Jacques Roth)

Vertu collective…

S’il est vrai, comme vous l’écrivez dans votre éditorial du 30 novembre, que les musulmans de Suisse ne méritent pas l’injustice de ce vote sanction inspiré par la peur, les fantasmes et l’ignorance, il me paraît d’autant plus indispensable de se poser la question suivante: que vaut encore notre sacro-sainte démocratie directe? Depuis des années, à l’occasion de chaque votation fédérale surtout, je ne puis m’empêcher de méditer ce que l’homme de lettres écossais Thomas Carlyle écrivit au début du XIXe siècle à propos de la démocratie (je traduis): «Je ne crois pas en la vertu collective des individus stupides.» Force m’est, en effet, d’être aujourd’hui convaincu que l’ignorance évoquée dans votre éditorial est principalement due à la stupidité de la majorité de celles et ceux qui ont voté oui à l’interdiction des minarets le dimanche 29 novembre 2009. Jean de Muralt, Genève

Et les libres-penseurs?

[…] Il est surprenant que dans les nombreux commentaires entendus, il ne soit fait mention que de «la victoire de l’extrême droite», du «vote de la peur» ou de «vote honteux». Il n’est pas tenu compte de l’opinion de dizaines de milliers de citoyens suisses ou binationaux, qui sont agnostiques ou athées, situés politiquement à gauche et intellectuellement «libres penseurs», dont je fais partie et qui de ce fait sont considérés par certains comme intolérants, voire fascistes. Et cela me fait horreur.

Pour ces citoyens, l’implantation de nouveaux lieux de cultes […] représente une régression pour l’ensemble de l’humanité. Ces citoyens sont pour une atténuation lente de l’influence des religions et des sectes et favorables à des entraves, associées à des protections juridiques et politiques, pour contrer leur développement pernicieux. Ils sont pour l’accès intensifié pour tous les peuples à une instruction universaliste et laïque qui privilégiera la tolérance […] Jean-Pierre Crippa, Goudargues, France

Verdict antidémocratique

[…] En Suisse, nous avons tendance à qualifier une décision de «démocratique» dès qu’elle suscite une majorité de suffrages auprès des votants. Or, à mes yeux, le verdict de dimanche n’a rien de démocratique. Il ne fait qu’entériner une mesure discriminatoire à l’encontre d’une minorité religieuse. […] Il est extrêmement réducteur de définir la démocratie comme étant le produit de ce que souhaite la majorité de la population. Dans une démocratie, les lois encadrant la pratique d’une confession sont les mêmes pour tous les citoyens. Interdire la construction de minarets revient donc à introduire une inégalité de traitement entre des citoyens d’un même pays, mais de confessions différentes. […] En France, quand une proposition de loi viole les principes fondamentaux de la république laïque, celle-ci, pour autant qu’elle ait été avalisée par le parlement, est envoyée à la corbeille par les juges de la Cour constitutionnelle. Et, sincèrement, je crois que la démocratie en ressort renforcée. Christophe Wildi, Le Grand-Saconnex (GE)

Culpabilisation collective

[…] Je trouve choquante la réaction des médias et de la classe politique. «Consternant», «il faut se hâter de l’expliquer à nos voisins ou aux pays musulmans», peut-on lire ici ou entendre là. Ou comme dans le titre de votre éditorial: «La peur et l’ignorance». Ce que je trouve consternant, c’est […] cette tentative de culpabilisation collective, comme si les citoyens suisses qui se sont prononcés en masse étaient des demeurés ou des paranoïaques de la menace islamiste. Ces réactions démontrent en tout cas l’emprise du terrorisme intellectuel des fondamentalistes musulmans contre lesquels l’initiative était dirigée. Victor Gani, Conches (GE)

J’ai honte d’être Suisse

J’ai honte d’être Suisse. Le résultat de la votation sur les minarets me sidère et me navre. Penser qu’une majorité de Suisses refuse à un pourcentage important le droit de montrer où est son lieu de culte me fait douter de l’évolution de nos concitoyens. Il y a environ un siècle, avec la création de la Croix-Rouge, notre pays montrait au monde sa solidarité. Aujourd’hui, il s’est entièrement refermé sur lui-même. C’est à pleurer! Lorsqu’il y a un problème avec une frange importante de la population, ce n’est pas en la boycottant que l’on va le résoudre, mais en l’intégrant et en discutant avec elle. Comment se peut-il qu’Oskar Freysinger, le fer de lance de cette initiative, dont le père venu d’Autriche a été accepté chez nous et pour qui la solidarité suisse a joué à l’époque, ait pu soutenir une telle initiative, en faisant fi justement de cette solidarité avec des gens qui ne pensent pas tout à fait comme lui? Ne devrait-on pas le renvoyer dans le pays de son père? […] Henri Garin, Domdidier (FR)

Vote identique en France

Les personnes bien pensantes et les politiciens coupés du peuple sont consternés: l’initiative interdisant les minarets a été acceptée par 57,5% du peuple suisse. Mais j’aimerais rappeler un sondage paru récemment: le 6 novembre, le maire de Marseille a remis le permis de construire de la future grande mosquée.

Le quotidien français Le Figaro, à la fin de l’article où il annonçait l’événement, posait la question suivante à ses lecteurs: Approuvez-vous une telle construction? Plus de 34 000 personnes se sont exprimées et le résultat est sans ambiguïté: 70% de non et 30% de oui. François Brélaz, député UDC, Cheseaux-sur-Lausanne (VD)

Un autre «dimanche noir»

S’il était encore là, Jean-Pascal Delamuraz aurait peut-être parlé d’un autre «dimanche noir». Comment, à notre époque où nous voyageons tous, où les médias nous offrent la possibilité de comprendre les autres cultures, peut-on être si étroit d’esprit et démontrer un tel manque de tolérance vis-à-vis de la culture islamique? […] N’est-ce pas effrayant? Le conflit étant ouvert, la suite se traduira probablement par des ripostes du monde musulman que des leaders irresponsables de l’UDC vont certainement utiliser pour mettre de l’huile sur le feu. Les personnes qui ont voté en faveur de l’initiative vont-ils faire le point sur leur choix et en assumer les conséquences? J’aimerais dire aux musulmans déçus: consolez-vous en pensant qu’à peu près la moitié des Suisses sont, dans cette affaire, de votre côté. Michel Progin, Jongny (VD)

Une sourde colère

Les Suisses se sont prononcés contre les minarets et non contre les mosquées ou les salles de prière. Bref, on peut considérer qu’ils se sont prononcés en faveur d’un islam discret, fondu dans le paysage helvétique. D’ailleurs, j’ai l’intime conviction qu’un tel référendum aurait eu les mêmes résultats en France ou en Belgique. Cela dit, peut-être faut-il aussi voir dans les conclusions de ce référendum l’expression d’une sourde colère populaire après la récente humiliation libyenne. […] Laurent Opsomer, Hergnies, France

Un symbole désastreux

Après le refus de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen, voici un deuxième «dimanche noir»: celui où le peuple suisse a démontré qu’il peut être majoritairement raciste, sot et hypocrite. Raciste, car l’initiative anti-minarets a été utilisée par beaucoup comme un moyen d’exprimer des peurs irrationnelles, savamment entretenues par l’extrême droite de l’échiquier politique, à l’égard des musulmans en particulier et du monde arabe en général; or, une telle attitude hostile contre un groupe, contre une catégorie de personnes, n’est rien d’autre que du racisme. Sot, puisqu’il n’a pas compris que cette votation touchait aux droits fondamentaux et à la protection des minorités, principes clefs de tout Etat démocratique; par conséquent, il a renvoyé un symbole désastreux […] qui met la Suisse dans une situation encore plus délicate au niveau international […] Michel Gorin, Genève

Musulmans intolérants

Pourquoi les musulmans se posent-ils si rarement la question de leur propre intolérance face aux valeurs modernes (cruauté des abattages halal, rejet fanatique de l’homosexualité, indifférence à la notion de liberté individuelle, etc.)? Le problème est là, et pas dans la prétendue intolérance des Européens qui, par exemple, admettent le bouddhisme sans problème…Guy Féquant, Barby, France

Dissiper la peur

C’est vrai qu’il y a un certain amalgame entre les islamistes radicaux et les musulmans dits «modérés». C’est vrai aussi que cela fait peur de voir, à la télévision, les islamistes d’Al-Qaida décapiter leurs otages, tuer des gens innocents à Mumbaï, au Pakistan, et aux Etats-Unis […].

Il incombe ainsi aux musulmans modérés, Tariq Ramadan en tête, de dissiper cette peur, cet amalgame, en se dissociant clairement des extrémistes, en dénonçant énergiquement cette fureur islamiste. Or jusqu’à ce jour, on n’entend de leur part qu’un silence assourdissant.
Gia Tien Nguyen, Prilly (VD)

46% des Français sont contre la construction de minarets


SONDAGE - Selon une enquête d'opinion publiée ce mercredi...

Si la question leur était posée, ils répondraient «oui» à 46%.Selon un sondage Ifop pour le Figaro, publié ce mercredi, 46 % des Français se disent favorables à l'interdiction de la construction de minarets. Près de 40% les acceptent et 14% ne se prononcent pas. Si le résultat en faveur de l'interdiction n'atteint pas les 58% du référendum suisse, «la crispation autour de l'islam n'a jamais été aussi forte», note le responsable du sondage Jérôme Fourquet sur le figaro.fr

L'institut de sondage a en effet également posé la question sur l'édification de mosquées. Résultat: quelque 41% des sondés refusent la construction de ces lieux de culte musulmans. En 2001, ils n'étaient que 22% et en 1989, 38%, rappelle Jérôme Fourquet.

Sarkozy sur les minarets : "un irresponsable", selon Ayrault


NOUVELOBS.COM | 02.12.2009 | 18:44

Un député UMP affirme que le chef de l'Etat a commenté le vote suisse en disant "que c'était l'illustration que les gens, en Suisse comme en France, ne veulent pas que leur pays change".

Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault (Sipa)

Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault (Sipa)

Le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault, a jugé, mercredi 2 décembre, que le présidentNicolas Sarkozyétait "un irresponsable" avec ses commentaires concernant l'interdiction de construction deminarets décidée, par référendum, par les Suisses.
Devant des députés UMP, le chef de l'Etat a vu mardi dans l'interdiction des minarets en Suisse, la crainte, plus générale, des populations de voir leur pays "dénaturé".
"C'est un irresponsable", s'est emporté Jean-Marc Ayrault, lors de Questions d'Info LCP/France Info/AFP.
Il a estimé que les propos du président constituaient une "rupture avec le modèle français, républicain, laïc qui reconnaît à chacun de pouvoir exercer librement son culte sans pousser à des formes de radicalité, dans des conditions apaisées et de dignité".
"Ayons une attitude sereine. La France est suffisamment forte pour pouvoir intégrer ces réalités", a ajouté poursuivi Jean-Marc Ayrault.


"Garder leur identité"


Un des députés UMP présents à cette réunion avec le chef de l'Etat a affirmé à l'AFP: "Il nous a dit que c'était l'illustration que les gens, en Suisse comme en France, ne veulent pas que leur pays change, qu'il soit dénaturé. Ils veulent garder leur identité. Selon l'analyse du président, les Français ne veulent pas voir des femmes en burqa dans la rue mais cela ne veut pas dire qu'ils sont hostiles à la pratique de l'islam".
Ces propos avaient été confirmés ensuite par plusieurs autres participants.

Minarets: la Libye dénonce un "référendum raciste"


RÉACTION | La Libye a dénoncé mercredi un "référendum raciste" interdisant la construction de minarets en Suisse, estimant que ce vote constituait une "violation flagrante des droits de l’Homme".


AFP | 02.12.2009 | 17:27

"Le Comité national des droits de l’homme de la Grande Jamahiriya condamne et déplore le référendum raciste, qui a eu lieu en Suisse (...) et qui interdit la construction de minarets", indique un communiqué publié par l’agence libyenne Jana.

Le référendum, approuvé dimanche par 57,7% des électeurs et qui interdit toute nouvelle construction de minarets dans le pays, "constitue une violation flagrante des droits de l’Homme et des conventions internationales (...) et est une atteinte au droit des musulmans en Suisse à la liberté religieuse", ajoute le communiqué.

Le Comité affirme par ailleurs qu’il n’était "pas surpris par cette action de la part d’un Etat pratiquant l’hypocrisie politique". Il accuse la confédération helvétique de "codifier le racisme et la haine des religions à travers ses lois et sa Constitution tout en faisant semblant de respecter les droits de l’Homme et la primauté de la loi".

Il appelle par ailleurs les pays arabes et l’Organisation de la conférence islamique (OCI) à prendre "des mesures urgentes" contre la Suisse "pour l’inciter à annuler cette loi raciste".

Les relations entre la Suisse et la Libye sont tendues depuis l’arrestation musclée d’Hannibal, un fils du numéro un libyen Mouammar Kadhafi, le 15 juillet 2008 à Genève

Prières du vendredi: la diplomatie suisse retient son souffle


VOTE ANTIMINARETS | Après le oui du peuple suisse à l'interdiction des minarets, la diplomatie helvétique scrute les réactions du monde musulman. Prochaine échéance: la prière du vendredi et les prêches des imams.

© LAURENT GUIRAUD-a | La prière du vendredi et les prêches des imams seront attentivement suivis par les diplomates suisses en poste dans les pays arabes.

ATS | 03.12.2009 | 09:38

«Pour l'instant, on ne note aucune menace», constate l'ambassadeur Johannes Matyassy, directeur de Présence Suisse, dans une interview au quotidien «La Liberté». «Il n'y a eu aucune grande manifestation devant nos ambassades et le drapeau suisse n'a pas été brûlé, si bien qu'on ne peut pas parler de crise majeure, même s'il y a quelques appels au boycott de produits suisses», relève Johannes Matyassy,

«Ce qui se passe actuellement va plus loin que l'image de la Suisse», observe le diplomate. «La question n'est pas de savoir si la Suisse est aimée ou non, mais d'éviter une grave crise politique et d'éventuelles menaces», met-il en garde.

Pour ce faire, le Département fédéral des affaires étrangères, dont dépend Présence suisse, active ses réseaux dans le monde musulman «pour calmer le jeu, expliquer ce vote et rappeler que la Suisse n'est pas contre la pratique de l'islam, ni contre les mosquées.» En allant «plus loin que la seule question des minarets», les initiants ne facilitent pas la tâche aux diplomates, relève M. Matyassy.

Il faut «se garder de toute intervention vers l'extérieur qui renforcerait le malaise interne», avertit l'ambassadeur. «Il s'agit d'un vote démocratique. La Suisse n'a pas à s'en excuser, mais elle doit montrer qu'elle prend ce résultat très au sérieux. Et elle ne doit pas cacher aux pays musulmans que la présence de l'islam dans les pays occidentaux pose un certain nombre de questions.»

Minarets: diplomates et politiques tentent de calmer le jeu

Si les appels au boycott se multiplient, aucun acte violent contre les ambassades suisses ne s'est produit. [Reuters]
La votation sur les minarets continue de faire la Une des gazettes helvétiques. Quatre jours après le scrutin, aucun acte de représailles n'a frappé les ambassades suisses dans les pays arabes. A l'interne, tandis que certains enfoncent le clou en proposant de nouvelles mesures visant les musulmans, d'autres tentent de rattraper le coup en leur adressant des messages d'ouverture.
"L'après 29 novembre" La Suisse surveille les réactions à l'étranger après le vote sur les minarets. Premier constat: celui, rapporté par La Liberté , du directeur de Présence Suisse, cette unité du département des Affaires étrangères en charge de la communication internationale: "pour l'instant on ne note aucune menace. Il n'y a eu aucune manifestation devant nos ambassades et le drapeau suisse n'a pas été brûlé". Johannes Matyassy reste néanmoins attentif à la prière du vendredi. Est-ce le calme avant la tempête, demande La Liberté. Ces dernières années, répond le diplomate, nous avons tissé tout un réseau de contacts parmi les faiseurs d'opinion dans les pays musulmans. Ce réseau est aujourd'hui mis à profit pour calmer le jeu, expliquer le vote et rappeler que la Suisse n'est pas contre la pratique de l'Islam ni contre les mosquées. Néanmoins, poursuit Johannes Matyassy, le message n'est pas facile à faire passer car on voit que les initiants dans leurs déclarations vont plus loin que la seule question des minarets.

L'intégration en question Un de initiants de la campagne anti-minarets a les honneurs d'un quotidien français. Celui que Le Figaro appelle le barde à longs cheveux: Oscar Freysinger. L'UDC valaisan a eu tout loisir de raconter sa vie au journaliste ébahi qui découvre un homme ravi de rappeler qu'on l'a traité de Le Pen de pacotille, de sale Suisse. Celui que Le Figaro appelle le fer de lance de la campagne anti-minarets ne croit pas aux représailles. Les choses vont se calmer, jure Oscar Freysinger. D'ici trente ou quarante ans l'islam aura fait sa mue et il n'y aura plus de problème. Il faut que l'Islam ait son siècle des Lumières, conclut le Valaisan. Dans Le Matin , un autre Valaisan, qui veut lui faire interdire la burqa, s'explique longuement. Le PDC Christophe Darbellay réaffirme qu'il y a un problème d'intégration avec les musulmans. A la question de savoir si son combat est motivé par les valeurs chrétiennes qu'il défend, il répond: Le C de Chrétien, c'est la tolérance, la solidarité et le respect de l'autre. Le C ne veut pas dire que nous sommes la carpette du monde, que nous cautionnons la violence, le mariage forcé, le fondamentalisme ou les mutilations génitales.

Levrat en défenseur des musulmans Dans les gazettes alémaniques, deux messages sont adressés aux musulmans. Le premier, dans le Tages-Anzeiger, est celui du président du Parti socialiste Christian Levrat. Le Fribourgeois se profile en anti-Darbellay. Plutôt que de rebondir sur le vote de dimanche en prônant de nouvelles interdictions, le président du PS veut envoyer un signal positif à la communauté islamique. Accueillons maintenant quelques prisonniers de Guantanamo, lance-t-il. Le deuxième message, dans la Neue Zürcher Zeitung , est signé d'un prof d'histoire égyptien à l'Université de Munich. Hamed Abdel-Samad raconte cette religion islamique incapable de se réformer à travers les siècles. Chaque fois, les efforts de s'adapter à la modernité ont buté sur la toute puissance du Coran. La seule évolution possible, selon l'auteur, c'est une réconciliation entre l'islam et l'athéisme.

Interdiction des minarets en Suisse Dalil Boubakeur : “une très mauvaise surprise”

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, le Dr. Dalil Boubakeur, s’est déclaré hier “désagréablement surpris” par le résultat du référendum organisé, sur proposition de la droite populiste, la veille en Suisse, interdisant la construction de minarets. “C’est une mauvaise surprise alors que tout le monde ne s’attendait pas à une telle interdiction, avec une telle majorité de 57,5%.

Ce résultat montre une certaine méfiance et une peur de l’Islam et un amalgame entre l’image d’un Islam, religion de tolérance et d’ouverture, et celle d’une minorité tenant d’un islamisme plus activiste et politique”, a-t-il indiqué dans un entretien à l’APS.

Pour le Recteur de la Grande mosquée de Paris, les résultats de ce référendum dénotent “un vote de méfiance et de peur, résultat des campagnes médiatiques contre l’Islam et de toute la propagande Islamophobe enregistrées un peu partout en Europe”. “Dans presque tous les pays d’Europe, les populations observent avec crainte ce qui se passe chez eux. Les manifestations de peur n’ont jamais cessé.

A Marseille par exemple, il y a eu longtemps une réticence pour la construction de la grande mosquée. Ce n’est pas un phénomène nouveau. J’espère que ces manifestations de peur resteront un phénomène strictement limité à l’échelle locale”, a-t-il dit.

“En suisse, en France ou ailleurs, les musulmans veulent vivre leur religion tranquillement et à l’ombre de leur minaret. Celui-ci n’est pas un symbole d’agression. C’est un style architectural classique.

Ce ne sont pas seulement les musulmans qui ont perdu, mais tous les démocrate

par Hasni Abidi
LE MONDE | 02.12.09 | 16h16 • Mis à jour le 02.12.09 | 18h56


u lendemain du vote contre les minarets, un de mes étudiants m'a demandé : "Que peut-on encore faire pour dire aux Suisses qui ont voté en faveur de cette interdiction que nous ne sommes pas ceux qu'ils croient ?" Ma réponse a été immédiate : d'abord accepter le résultat de la votation populaire. Il ne suffit pas de vanter les mérites de la démocratie directe helvétique ; il faut aussi en assumer les conséquences, même quand elles font mal.


Ce ne sont pas seulement les musulmans qui ont perdu, dimanche 29 novembre, mais tous les démocrates. Les musulmans de Suisse ont perdu une partie déloyale. Ils ont été laissés seuls et sans défense face à la propagande monstrueuse des partis populistes. A travers une question maladroite et biaisée, ils ont été jugés sur leur passé et soumis à un test de mensonge sur leurs intentions futures.

Par excès de confiance peut-être, ils avaient jugé utile de placer le débat sur le registre de la liberté de culte garantie par la Constitution et sur la lutte contre la discrimination. Bref, une ligne de défense citoyenne, et des valeurs universelles. Hélas ! Les dirigeants gouvernementaux ont déserté le champ de bataille, et les musulmans se retrouvent orphelins.

Depuis cinquante ans, le processus d'intégration est en marche, mais l'Islam rencontre plus d'obstacles que les autres religions. Voulant être traités comme leurs concitoyens, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, les musulmans de Suisse ne cessent d'être tenus pour responsables de tous les excès et de toutes les souffrances liés à l'Islam. Vouloir se fondre dans la masse paraît voué à l'échec : la méfiance persiste, il leur faut encore et toujours prouver qu'ils sont vraiment suisses. Pourtant, ces hommes et ces femmes originaires de plus de cent pays ne sont pas dissuadés de revendiquer leur "suissitude". Ils peuvent être à la fois suisses, musulmans et arabes, africains, turcs ou albanais. Leur identité est multiple, mais leur responsabilité ne l'est pas. Elle est individuelle.

Que faire alors ? Je veux encore croire au sursaut de la classe politique. Elle doit comprendre enfin que les musulmans de Suisse ne sont pas de passage, qu'ils font désormais partie du paysage et qu'ils contribuent à la richesse du pays. Seule leur visibilité politique, sociale et culturelle pourrait faire en sorte d'apaiser les esprits. Mais il incombe à la classe politique de faciliter leur accès aux postes à responsabilité, et de leur confier des missions publiques afin que l'électeur moyen se familiarise avec les Mehmet, Ahmed et Mamadou nés à Genève, Zurich et Lugano.

Allez, notre ministre des affaires étrangères, osez ! Laissez-les porter les couleurs de la Suisse dans le monde ! C'est à eux d'être les futurs minarets d'une Suisse humaine, tolérante et ouverte. Cette Suisse nous manque déjà.

Le Conseil fédéral juge la mesure “contraire à la liberté religieuse”

Une réaction d'Algérie
Par : Saïd Chekri
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À la suite de l’interdiction de construction de nouveaux minarets en Suisse, votée par référendum populaire le 29 novembre dernier, plusieurs manifestations regroupant des milliers de personnes ont été organisées, avant-hier, à Lausanne et à Genève, ainsi que dans d'autres villes en Suisse, pour protester contre cette mesure. Les réactions hostiles à cette décision avaient commencé à s’exprimer, de par le monde, immédiatement après l’annonce des résultats du référendum.
Perçu comme “un manifeste d'islamophobie” par la presse et les politiques, le vote référendaire contre la construction de nouveaux minarets en Suisse a été également condamné par plusieurs pays et institutions. Ces réactions ont été manifestement prévues par le Conseil fédéral suisse qui, dès la proclamation des résultats du vote référendaire, a convoqué une conférence de presse à Berne. La conseillère fédérale, Évelyne Widmer-Schlumpf, a alors assuré que malgré cette décision, “les musulmans de Suisse peuvent continuer à pratiquer leur religion” (…) tout en assurant que la mesure “ne vise que les minarets” et que “les mosquées et autres lieux de prière musulmans peuvent toujours être construits et utilisés, dans le respect des prescriptions de la législation en vigueur dans le domaine de l’aménagement du territoire, de la construction et des émissions sonores”. Par conséquent, a expliqué la conseillère fédérale, “la liberté de professer la foi musulmane et de pratiquer cette religion, individuellement ou en réunion avec d’autres, n’est en rien touchée par cette interdiction”. Tout en reconnaissant que l’interdiction d’ériger de nouveaux minarets constitue pour la communauté musulmane “une restriction de sa liberté de manifester publiquement sa foi (…)”. Évelyne Widmer-Schlumpf estime que ce vote populaire est sans nul doute “l’expression de crainte et d’inquiétude au sein de la population”. Il s’agit, en particulier, de la crainte que la propagation des idées fondamentalistes puisse mener à “l’établissement de sociétés parallèles qui se replient sur elles-mêmes, rejettent les traditions de notre organisation étatique et sociale et ne respectent pas notre ordre juridique”. “Ces craintes doivent être prises au sérieux, ce que le Conseil fédéral a toujours fait et continuera de faire à l’avenir, même s’il estimait — tout comme la majorité du Parlement — que l’interdiction d’ériger des minarets n’était pas un moyen approprié pour lutter contre les visées extrémistes”, a-t-elle encore ajouté.
Abordant les conséquences du vote référendaire, elle estime que la décision du peuple et des cantons en faveur de l’inscription dans la Constitution fédérale d’une interdiction d’ériger de nouveaux minarets doit être respectée. “Le Conseil fédéral avait, cependant, déjà estimé, que cette interdiction est contraire à la liberté de religion et à l’interdiction de la discrimination telles qu’elles sont garanties par la Convention européenne des droits de l’Homme et par le Pacte de l’ONU relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l’ONU)”, a-t-elle encore souligné. Ce qui l’a amenée à s’interroger sur le sort que la Cour européenne des droits de l'Homme réserverait à un recours contre cette interdiction et sur les conséquences d'un tel recours.
Le dialogue entre les groupes religieux et sociaux et les autorités doit se poursuivre et se renforcer, préconise-elle.
À la fin de son allocution, la conseillère fédérale a tenu à rappeler que la Suisse a plutôt bien réussi, jusque-là à “apaiser les tensions motivées par la religion et à trouver des solutions pragmatiques à des problèmes concrets”. Elle appelle à faire preuve de “mesure” et de “clairvoyance”, et à prendre conscience que les différences peuvent être une source d’enrichissement, afin de “préserver la paix religieuse”. Le Conseil fédéral ne ménagera pas ses efforts pour atteindre cet objectif, a-t-elle conclu