mercredi 22 juin 2005

Parcours de réfugiés


Les autorités vaudoises se déchirent depuis des mois sur le renvoi de réfugiés qui n'ont pas obtenu d'autorisation de séjour en Suisse.
Aujourd'hui dans Recto Verso, Alain Maillard, vous propose une rencontre sans parti pris avec deux "expulsables" membres des "523".

Nouvelle poussée de xénophobie anti-réfugiés à Bex


Quelques semaines après les slogans racistes écrits sur les murs et la nuit de violence, les mêmes personnes remettent de l'huile sur le feu.
Lire l'article d'Estelle Bressoud publiée dans l'édition Chablais de 24heures.
Extrait:

«Estimez-vous que le renvoi des délinquants étrangers devrait se faire sans délai?», «Trouvezvous que nos autorités sont à la hauteur des problèmes?» ou «Etes-vous d’avis que le système scolaire pourrait revenir à plus de discipline?»
Voici quelques-unes des vingt questions que les habitants de Bex ont pu découvrir hier matin dans leur boîte aux lettres — fait relayé hier sur les ondes de Radio Chablais. Les abonnés au «non» sont priés de déchirer la lettre. Ceux du «oui» se voient encouragés à grossir les rangs de Bex-Espoir, l’œuvre même des signataires de la missive, à savoir Lino, André et Roger
(n.d.l.r.: Nino Neri, André Corboz et Roger Genet) sous le slogan «Ne plus nous prendre pour des poires, j’adhère à Bex-Espoir».

Les buts de cette association dite «de défense du citoyen», née le 9 juin dernier dans le sillage des incidents impliquant notamment des requérants d’asile du centre de la Fareas? «Faire bouger les choses!», assène son porte-voix, Isabelle Durand, une quadragénaire établie à Bex depuis novembre, qui
s’avoue «extrêmement dérangée par les requérants incorrects». «On nous dit qu’à Bex, tout va bien. C’est faux. On nous ment», dit-elle en pointant un doigt accusateur en direction des édiles politiques. Pas d’action particulière à l’horizon, mais la volonté de faire cause commune. Quant aux allusions contenues dans le questionnaire — par exemple, le déficit de discipline à l’école et de contrôle aux frontières —, Isabelle Durand ne les nie pas. «Tous les sujets évoqués sont en rapport avec les requérants: leurs enfants qui sèment le désordre en classe, les délinquants qui profitent de nos largesses», poursuitelle, affirmant qu’une dizaine de personnes se sont d’ores et déjà ralliées à la cause. Le président du comité, Lino Neri, abonde dans le même sens: «On se soucie très peu des gens de Bex. Ce qu’on veut: être plus impliqués dans le dialogue.» Contacté, le syndic, Michel Flückiger, préfère s’abstenir de commentaires. De son côté, Alberto Cherubini, président du Groupement d’appui aux requérants d’asile, déplore ce qu’il perçoit comme une «démarche de trop»: «C’est d’un mauvais goût! La poire est pourrie. Nous appuyons la position de la Municipalité qui a essayé de calmer le jeu par un tous-ménages
(n.d.l.r.: un résumé des actions décidées en accord avec le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud, distribué peu avant).

L'article est heureusement accompagné d'un commentaire de Philippe Favre qui dit tout le mal que lui évoque de telles méthodes:
Le pseudo-questionnaire qui a inondé les boîtes aux lettres bellerines sent la manipulation à plein nez. Les questions sont particulièrement orientées — qui oserait nier que les problèmes existent et que les solutions tardent? — et leur objectif à peine voilé: faire adhérer le plus grand nombre à la cause de Bex-Espoir pour augmenter la pression sur les autorités locales. Une pression qui ne fera qu’envenimer la situation et raviver les angoisses de la population. Pire, les statuts de ce nouveau groupuscule font froid dans le dos: «Confondre et condamner les délinquants abrités au Centre Fareas de Bex.» On voudrait organiser une chasse aux sorcières qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Ecoutez la séquence du journal du matin sur la Première et l'interview de Pierre Imhof

Quand on NEM...tome 5

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« Le pire ?
C’est qu’on ne me croit pas… »


Témoignages autour des personnes
ayant reçu une décision NEM
(Non-Entrée en Matière sur leur demande d’asile),
mises à la rue par les mesures fédérales d’allègement

Tome 5, 14 juin 2005

Les personnes frappées de décision "NEM", logées en abri PC à Lausanne (dortoirs chauffés, mais sans aération naturelle), reçoivent 3 repas par jour. Mais à part ça, pas un centime. Il y a quelques semaines, ils devaient être dehors pendant la journée, même s'il neigeait. Ensuite, on leur a accordé un billet de bus, mais toujours pas d'argent. Mois après mois, passer la journée entière avec l'interdiction de travailler, sans avoir de quoi se payer un café ou un journal, quand il fait froid ou qu'il pleut… Ceux qui ont fait ces prescriptions, on dirait qu'ils font tout pour pousser ces personnes dans le trafic de drogue, ou le travail clandestin !
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J'ai visité un dortoir de l’abri PC. Ceux qui ont fait du service militaire connaissent cette odeur caractéristique de transpiration et de renfermé. C'est déjà difficile à supporter quand on doit y dormir 5 ou 10 nuits. Mais il y a des personnes qui dorment là, à trente ou plus, depuis bientôt une année ! Pour combien de temps encore ??
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Les femmes ont un dortoir à part. Elles sont moins nombreuses, le local sent moins mauvais. Mais elles n'ont pas de douches. Si elles vont dans la douche des hommes elles ne savent pas qui peut entrer.
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Il y en a parmi elles, parmi eux, qui sont venus d'Afrique au péril de leur vie, entassés sur des petites embarcations qui prenaient l'eau, à la merci des passeurs – dont ils ne savent jamais les noms, mais qu'ils ont dû payer parfois plus de 1000 euros. Ces passeurs leur ont parfois donné de fausses pièces d'identité, mais les leur ont reprises. Ce qui fait qu'ils arrivent ici sans pouvoir prouver leur identité. Alors : NEM, Non Entrée en Matière ! Certes, ce sont ces passeurs qui sont les grands criminels, mais ils demeurent introuvables ! Et continuent leurs escroqueries.
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Pour payer les passeurs, ils se sont souvent endettés auprès de leurs familles ou amis, à qui ils ont promis qu'une fois en Europe, ils leur enverraient de l'argent. Arrivés ici, ils trouvent le bunker, le froid, la neige, l'interdiction de travailler, la crainte de la police suisse, la méfiance de la population. Le plus dur, c'est encore la solitude. Beaucoup ne peuvent recevoir ni donner de nouvelles à leur famille : leurs parents sont morts, ou sont illettrés, n'ont pas d'adresse ni de téléphone… Ici, ces jeunes gens sont souvent coupés de tout ce qu'ils connaissaient, et se retrouvent sans lien, hors relation. Quand on pense à ce que signifie la communauté, pour des Africains !…
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Et puis il y a les contrôles incessants de la police. Un Noir, c'est « forcément un dealer de drogue » (il y en a, c’est vrai ! mais la plupart n'en sont pas !!! …et se font contrôler systématiquement). Prises de judo même à ceux qui ne se débattent pas, confiscation d'argent et de papiers. Des plaintes ont été déposées, mais il y a rarement des témoins. Le pire, c'est l'humiliation d'être arrêté en rue.
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La Suisse espère que cela va les pousser à rentrer d'eux-mêmes. Ça ne marche pas, et pour cause. Le plus souvent ils ne PEUVENT pas rentrer, faute de papier d'identité. Et puis ils sont sûrs que ce qui les attend chez eux est encore pire que ce qu'ils vivent maintenant. Et peut-être que, pour eux, le plus terrible c'est de rentrer les mains vides. Ils avaient dit qu'ils allaient gagner de l'argent en Europe et qu'ils paieraient leurs dettes. Rentrer sans même un cadeau à leur mère ou à leur oncle, c'est perdre la face. C'est comme le pire déshonneur. Passer pour traître, alors qu’on a été trahi. Ah, s'ils pouvaient travailler, ne serait-ce que 3 mois avant de rentrer, pour pouvoir acheter quelques cadeaux!
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Toutes celles et tous ceux qui fuient pour ne pas être torturés, tués, "disparaître" à tout jamais : celles-là, ceux-là correspondent à la définition traditionnelle du réfugié politique. Mais quand ils racontent leur histoire à l'audition de demande d'asile on leur demande des preuves. Et ceux qui n'en ont pas, c'est à dire presque tous, on ne les croit pas ! Il faudrait demander aux tortionnaires de laisser un billet – sur papier officiel – disant : nous avons l'intention de vous arrêter et de vous torturer. Ou encore : nous certifions que nous avons torturé une telle ou un tel, de telle à telle date et de telle façon !!! Même celles et ceux qui disent que leur frère, leur sœur, leur mari, leur père a "disparu", on ne les croit pas, à Berne, quand ils disent qu'ils sont menacés.
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J'ai rencontré, par mon travail dans les organisations de droits humains, beaucoup de gens qui avaient été torturés. Tous et toutes (surtout les femmes à cause des viols, mais les hommes aussi) avaient infiniment de peine à parler de leurs tortures. Et c’est insupportable, quand ils parviennent à raconter ces choses effroyables qui les ont traumatisés à vie, de s'entendre dire : Tu mens ! Mais aux yeux de l'Office fédéral des Migrations (ODM), si tu n'as pas de preuve ou un certificat médical que tu as été torturé ou que tu risques ta vie, tu peux être renvoyé sans problème.
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Merci d’avoir lu ces témoignages. Les premiers tomes :
1, « Un seul programme, enlever la couleur » ;
2, « C’est arrivé près de chez vous ! » ; 3, « Dans le froid – Hors du temps » et 4, « Manger, ce n’est pas le plus important… » sont encore disponibles. Vous désirez les recevoir ? Vous souhaitez être tenu-e au courant de la suite ? Contactez-nous !
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Editeur responsable :
Carrefour d’Associations NEM
c/o SOS-Asile Vaud
Adresse de contact :
Hélène Küng,
Alpes 24, 1006 Lausanne
021 320 98 75 ou 079 321 28 69
kung.jacqhel@urbanet.ch

Les Ethiopiens se rebiffent: patrons solidaires


Lire l'article dans 24heures qui racontent la suite du combat des requérants Ethiopiens interdits de travail. De plus en plus de patrons refusent de les licencier.
Hier, pour le cinquième mardi consécutif, une centaine de requérants déboutés éthiopiens et érythréens ont manifesté devant le Grand Conseil. Dans le canton depuis cinq, sept ou dix ans, ils réclament leur régularisation. Et s’opposent à l’interdiction de travailler qui les frappe massivement (lire notre édition du 1er juin). Alliés inattendus et de plus en plus visibles: les patrons. Selon la Coordination asile Vaud, ils seraient une quarantaine dans le canton à refuser de licencier leurs collaborateurs, souvent employés depuis longtemps. Hier le personnel du Home Salem à Saint-Légier, propriété de la Fondation Eben-Hézer, a remis une pétition à la présidente du Grand Conseil, l’exhortant à autoriser Lidya, aide - infirmière éthiopienne, à poursuivre son travail. Le bistrot lausannois la Bossette ou encore la filiale de Vevey de Manpower ont, eux, écrit au Canton pour dire leur volonté de garder leurs employés menacés. Le temps presse pour ces requérants qui ont, pour la plupart, reçu un délai de congé pour le 31 juillet. Entre 300 et 400 personnes sont concernées. Côté politique, la motion Melly demandant au Conseil d’Etat de renoncer aux renvois forcés et à l’interdiction de travailler sera examinée le 30 juin par une commission. Ensuite, le Parlement décidera ou non de renvoyer le texte au gouvernement.

Comme pendant la guerre...

Courrier de lecteur paru dans 24heures
Nedim Hadziavdic, recourant d’asile débouté, a été mis sous mesures de contrainte le 27 mai dernier et expulsé vers Sarajevo le 7 juin. Voici ce qu’il nous a confié à la fin du dernier entretien au centre de détention de Frambois (GE), le 7 juin.
— J’aimerais sortir, tout de suite. Un jour, c’est trop long, je suis retourné en prison, comme pendant la guerre.
— Je réfléchis trop. Je me souviens il y a treize ans en arrière, je me souviens pendant la guerre en 1992.
— J’aimerais sortir. Peut-être ils me cassent la santé, ici, encore plus.
— Quand je sortirai, il me restera comme une photo, comme une cassette, qui tourne dans ma tête, comme les images de la guerre, qui tournent dans ma tête...
Nedim Hadziavdic, Bosniaque, célibataire de 35 ans, est profondément et durablement traumatisé après avoir survécu aux camps d’extermination serbes de Celopek et Batkovic en 1992 et à la guerre qu’il fera ensuite comme aidechauffeur entre 1992 et 1996. Il est venu demander l’asile en Suisse en décembre 1997. Mais c’était trop tard: «Le recourant ne remplissait plus, en décembre 1997, les conditions de reconnaissance de la qualité de réfugié», dixit Berne en juillet 2001.
Julia Ogay-Zosso,
Coordination Asile

Lire (en anglais) le compte rendu d'une audience du TPI sur Celopek
Extrait:
Celopek was the site of some of the most barbaric actions of a barbaric war.
Lire l'acte d'accusation contre le chef du camp de Batkovic

Les bénéfices de l'immigration supérieurs à ses coûts


"Bon nombre des inquiétudes que suscite l'immigration, comme les pertes d'emplois, la baisse des salaires, la hausse des dépenses de sécurité sociale et la croyance selon laquelle les migrations échappent à tout contrôle, sont non seulement exagérées ou infondées, mais aussi contredites par les faits", affirme l'OIM dans son rapport "Etat de la migration dans le monde en 2005".


L'organisation rappelle que, selon une étude récente, les immigrés ont rapporté au Royaume-Uni en 1999-2000 4 milliards de dollars de plus par le biais des impôts qu'ils n'ont reçu sous la forme de prestations diverses.


Aux Etats-Unis, l'immigration a généré un revenu national supplémentaire de 8 milliards de dollars en 1997, selon une autre étude.

Seule l'équité économique permet une politique migratoire respectueuse de tous

Lire l'article de fond de Michel Schwery, paru dans le Courrier qui analyse la manière dont la Suisse continue à n'avoir pas de politique migratoire en multipliant les révisions de la loi sur les étrangers et loi sur l'asile.