lundi 27 mars 2006

Opinion d'Yves Christen dans 24heures

«Cette loi, que j’aurais voulue plus généreuse, je l’ai acceptée en mon âme et conscience, en chassant aussi bien les démons que les anges»
En 2005, le nombre de deman­des d’asile a chuté de 30%. Il est difficile de savoir si cela est dû à un durcissement de la politique de M. Blocher, qui rend notre pays moins attractif, ou à l’amé­lioration de la situation dans les Balkans. S’il y a encore beaucoup de demandeurs pro­venant de Turquie et des pays du Moyen-Orient englobés dans le conflit irakien, à l’ave­nir, les demandes en prove­nance de l’Est, relevant du droit d’asile ou non, vont diminuer.
En 2005, le tiers des deman­des viennent d’Afrique, dont de nombreux pays refusent de re­prendre leurs ressortissants. L’Espagne et l’Italie sont con­frontées à des afflux à travers la Méditerra­née difficiles à maîtriser. C’est d’Afrique, inca­pable de répon­dre aux défis de la mondiali­sation et qui s’appauvrit, que viendra la pression ces prochai­nes décennies. Malgré la misère et les pandémies, sa population augmente, elle a passé de 220 millions en 1950 à 880 mil­lions aujourd’hui, et l’on prédit une population de 1,8 milliard en 2050.
Abdou Diouf, ancien prési­dent du Sénégal, disait en 1991: «Vous risquez d’être envahis demain d’une multitude d’Afri­cains qui, poussés par la mi­sère, déferleront par vagues sur les pays du Nord. Et vous aurez beau faire des législations con­tre l’émigration, vous ne pour­rez pas arrêter ce flot car on n’arrête pas la mer avec les
bras.» C’est donc à la commu­nauté internationale d’apporter une aide mieux coordonnée et d’introduire des règles de com­merce équitable. La Suisse doit augmenter sa part qui se situe bien en dessous de l’objectif de 1% de notre budget.
En attendant, des mesures doivent être prises dans notre pays pour maîtriser ce flux mi­gratoire annoncé, car la popula­tion est inquiète, pas seulement parce que l’UDC de M. Blocher dénonce les abus et attise les craintes, mais en raison de faits réels, tels l’afflux de réfugiés en Italie et en Espagne, ou encore la montée de l’islam.
La révision de la loi d’asile propose de raccourcir les procé­dures d’admission et de renvoi, ce qui devrait permettre d’évi­ter des cas aussi douloureux de demandeurs qui prennent ra­cine chez nous et qui se voient signifier leur expulsion après plusieurs années. Je me suis d’ailleurs opposé à ces déci­sions inhumaines.
J’ai voté cette loi sous certai­nes conditions. Que l’aide d’ur­gence soit acquise, selon notre Constitution, que l’admission, même provisoire, ne dépende pas exclusivement d’une mise en danger existentielle, que les demandeurs aient accès à tous les soins et que l’exigence de documents de voyage et de piè­ces d’identité ne constitue pas sans autre un motif de non-en­trée en matière si des indices probants de persécution exis­tent.
Par ailleurs, M. Blocher a pro­mis d’introduire parmi les mo­tifs d’asile, la persécution non étatique, pour motifs religieux ou de conflits civils. J’ai acquis la conviction que cette loi res­pectait le droit international et en particulier la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. De plus, il est certain que la complexité des problèmes mi­gratoires nous imposera à terme d’adopter les mêmes nor­mes que celles de l’UE.
Cette loi, que j’aurais voulue plus généreuse, je l’ai acceptée en mon âme et conscience, en chassant aussi bien les démons que les anges. Je crois que la population a besoin de savoir que le Parlement se préoccupe de cette situation sans arrière­pensée populiste, afin que le million et demi d’étrangers en Suisse ne souffrent pas de sen­timents hostiles dus à notre incapacité à maîtriser ces pro­blèmes migratoires.
YVES CHRISTEN
■ Conseiller national radical

Opinion de Jean Tschopp dans 24heures

«La nouvelle loi sur les étrangers et la révision de celle sur l’asile montrent les effets funestes d’une immigration choisie»
La droite dite du centre s’est volatilisée avec le décès de Jean-Pascal De­lamuraz. Chez le grand vieux parti, depuis que l’ancien con­seiller fédéral vaudois s’en est allé, plus un radical n’a placé la dignité humaine au coeur de son action politique.
Comment M. Christen résout­il l’impossible équation consis­tant à parrainer des requérants déboutés tout en adoptant la plus agressive des contre-réfor­mes en matière d’asile et de droit des étrangers? La droite a élu M. Blocher au Conseil fédé­ral sur un programme politique consistant à exclure les étran­gers de Suisse, tout en caution­nant les dérives racistes d’un parti qui fait de la peur de l’autre sa raison d’être.
Comment les cousins français UMP des radicaux envisagent­ils la politique suisse dans le domaine de l’accueil des étran­gers? Dans un discours de juin 2005, M. Nicolas Sarkozy cite la Suisse comme le modèle à suivre, qui a fait du passage «d’une immigration subie à une immigration choisie» un suc­cès. «Il est possible de mieux organiser les flux migratoires, d’autres pays, comme la Suisse, l’ont fait.» Le ministre français de l’Intérieur ne se trompe pas, en Suisse l’immigration choisie s’est institutionnalisée, depuis 1998 en tout cas avec la révision de l’Ordonnance sur la limita­tion du nombre d’étrangers. Se­lon ce principe, les étrangers qualifiés (cadres, diplômés uni­versitaires et des Hautes Ecoles principalement) sont privilégiés vis-à-vis des étrangers non qua­­lifiés.


La nouvelle loi sur les étrangers sur laquelle le peuple devrait bientôt voter vient en­core renforcer les faveurs accor­dées aux travailleurs qualifiés dans l’octroi des autorisations de séjour (art. 23 LEtr). Pour le professeur de droit des étrangers Nguyen, cette inéga­lité de traitement constitue «une discrimination basée sur la situation sociale» prohibée par la Constitution fédérale (art. 8 al. 2).
Les effets pervers de cette révision ne s’arrêtent pas à la violation de notre Charte fon­damentale, ils jettent le voile sur une économie souterraine. Dans le canton de Vaud, 20 000 sans-papiers s’activent dans l’ombre et travaillent en finan­çant nos assurances sociales. Ces sans-papiers n’ont pour la plupart pas le statut de tra­vailleurs qualifiés. Mais com­ment nier que ces 20 000 immi­grés ne correspondent pas à un «besoin économique», explique le professeur Nguyen. L’immi­gration choisie empêche l’inté­gration des étrangers. Les étrangers hors Union euro­péenne auxquels s’appliquera la loi sur les étrangers sont les Italiens, Espagnols et Hongrois d’hier. Aujourd’hui, les enfants de ces travailleurs saisonniers venus construire nos routes, bâ­tir nos immeubles et faire fonc­tionner notre économie ne pourraient pas faire des appren­tissages, suivre des études et s’intégrer si la porte n’avait été ouverte qu’aux travailleurs qua­lifiés il y a vingt ou trente ans. Qui peut pré­tendre qu’Ita­liens et Espa­gnols ne se sont pas intégrés dé­sormais? Avec la nouvelle loi sur les étrangers, le bailleur qui conclut un contrat avec un sans­papiers,


JEAN TSCHOPP
■ Président Jeunesse Unia

« Le discours xénophobe de l'extrême droite se banalise »

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Après sa visite en Suisse, Doudou Diene s'exprime sur la situation du racisme en France...