vendredi 30 juillet 2010

Discours de N. Sarkozy à Grenoble

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Mix & Remix dans l'Hebdo

Des requérants d’asile mariés ont été séparés à tort, dénonce Strasbourg

La Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse pour avoir empêché deux Ethiopiennes déboutées de vivre avec leur mari en attendant leur renvoi.

Deux requérantes d’asile éthiopiennes viennent d’obtenir gain de cause: mariées, elles auraient dû pouvoir vivre avec leurs époux en attendant leur renvoi de Suisse. Dans deux arrêts publiés jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg condamne l’Office fédéral des migrations (ODM) pour avoir séparé ces couples pendant près de cinq ans. Ou plutôt pour avoir refusé de modifier l’attribution cantonale afin de leur permettre de vivre ensemble. Les sept juges ont à l’unanimité souligné que la Suisse avait violé l’article 8 («droit au respect de la vie privée et familiale») de la Convention européenne des droits de l’homme. Avant ces arrêts, l’ODM avait rarement été épinglé par Strasbourg.

Les deux requérantes, Zaid Agraw, 38 ans, et Rahel Mengesha Kimfe, 36 ans, seront indemnisées chacune à hauteur de 5000 euros (6843 francs) pour tort moral, en plus d’autres défraiements. Les Ethiopiennes et leurs futurs époux sont arrivés illégalement en Suisse entre 1994 et 1998, pour déposer une demande d’asile. Les deux femmes ont été attribuées administrativement aux cantons de Berne et de Saint-Gall; les hommes au canton de Vaud. Hébergés dans différents centres d’accueil alors qu’ils n’étaient pas encore mariés, aucun des quatre n’a obtenu l’asile. Mais voilà: leur expulsion s’est avérée impossible, les autorités éthiopiennes refusant de reprendre leurs concitoyens.

Retour à Saint-Gall, menottée

Les deux femmes épouseront leurs compagnons éthiopiens rencontrés dans l’intervalle, en 2002 et 2003, à Lausanne. Mais l’ODM refuse de les transférer dans le canton de Vaud au motif qu’«un changement d’attribution cantonale est exclu pour des requérants d’asile déboutés dont le délai de départ initialement fixé pour quitter la Suisse était échu». Dans la décision concernant Zaid Agraw, les autorités suisses soulignent par ailleurs que les époux savaient, au moment de se marier, qu’ils ne pourraient pas séjourner ensemble en Suisse.

Après son mariage, Rahel Mengesha a principalement vécu avec son époux à Lausanne, illégalement. Mais elle était passible d’une sanction pénale pour séjour illégal lorsqu’elle lui rendait visite. Et sa décision de ne pas séjourner dans le canton de Saint-Gall a eu des conséquences pratiques importantes, comme la suspension de l’aide sociale. Convoquée en décembre 2003 à l’hôtel de police de Lausanne, elle a été reconduite sur-le-champ à Saint-Gall, menottée. «Sans avoir pu passer par le domicile de son époux pour y préparer le voyage ou se changer», précise l’arrêt. Sa demande de regroupement familial, d’abord refusée, ne sera acceptée qu’en 2008. Pendant cinq ans, elle n’a ainsi, en théorie, pas eu le droit de vivre légalement avec son mari.

Zaid Agraw a connu un sort similaire. En 2005, elle a mis un enfant au monde, qui a vécu avec elle dans le canton de Berne. Et donc séparé du père. Elle n’a obtenu une autorisation de séjour dans le canton de Vaud qu’en 2008, l’ODM ayant considéré son droit à l’unité de la famille.

Affaire d’un mort-né en 2008

La Cour admet que les autorités suisses ont intérêt, dans une certaine mesure, à ne pas modifier le statut des demandeurs d’asile déboutés. Mais pour la CEDH, la séparation prolongée a, dans ces affaires, constitué une «restriction grave à la vie familiale». D’autant que les deux couples ne pouvaient envisager, et pour longtemps, de «développer une vie familiale en dehors du territoire suisse», l’exécution de leur renvoi s’étant révélée impossible en raison du blocage systématique de la part des autorités éthiopiennes au rapatriement de leurs concitoyens.

L’ODM va-t-il désormais changer sa pratique et permettre aux requérants qui se marient après leur arrivée en Suisse d’être attribués à un même canton? Réponse prudente du porte-parole Jonas Montani: «L’ODM va étudier le jugement de la CEDH, en incluant la décision de l’époque de notre office et un éventuel verdict du Tribunal administratif fédéral. Nous déciderons après cette analyse si un changement de pratique est nécessaire.»

Par le passé, l’ODM s’était rarement fait taper sur les doigts par la Cour européenne des droits de l’homme. En 2000, la CEDH a, dans le cadre d’un accord à l’amiable passé avec la Suisse, permis le réexamen du dossier d’une Congolaise, dont la demande d’asile avait été rejetée alors qu’elle était atteinte du sida, de l’hépatite B et de la tuberculose. Avec cet accord à l’amiable, la Suisse a pu éviter d’être épinglée.

Elle n’a par contre pas échappé à une condamnation en février 2008. La CEDH a alors donné raison à une requérante d’asile algérienne, dont l’enfant mort-né a été enterré sans cérémonie à Buchs (AG) en 1997, en son absence. La mère a déposé plainte pour abus d’autorité et atteinte à la paix des morts.

Valérie de Graffenried dans le Temps

Berne sursoit au renvoi de l’ex-policier chinois vers l’Italie

Coup de théâtre dans l’affaire Abudureyimu. Après son refus d’embarquer sur un vol à destination de Rome, il pourrait bénéficier d’une procédure d’asile. Il est de retour à Neuchâtel.

«La police m’a dit: à Rome tu seras libre. J’ai dit non, que j’utiliserai des moyens extrêmes pour ne pas y aller. Alors la police m’a dit: tu peux ne pas aller à Rome, mais tu dois retourner à Neuchâtel.» Joint par téléphone au centre de détention administratif de Frambois près de l’aéroport de Genève, Nijiati Abudureyimu avait l’espoir hier soir qu’un nouveau chapitre puisse s’ouvrir pour lui en Suisse.

Après son refus le matin même d’embarquer volontairement sur un vol à destination de Rome, l’ex-policier chinois d’origine ouïgoure qui dénonce un trafic d’organes sur les condamnés à mort dans son pays (LT du 28.07.2010) ne peut plus être renvoyé vers l’Italie, son premier pays de transit en Europe où il s’estime en danger du fait de la présence d’une forte communauté chinoise et du manque de structures d’accueil. Le délai de réadmission vers ce pays, en accord avec la procédure dite de Dublin, expirait en effet le 29 juillet.

Les portes de l’asile s’ouvrent-elles pour autant à ce témoin sensible dont l’Office fédéral des migrations (ODM) avait refusé d’examiner la requête en raison de questions de procédure? Pas encore. «Il y a désormais deux possibilités, explique Michael Glauser, le porte-parole de l’ODM. Nous allons d’abord réexaminer la possibilité de faire une demande d’un nouveau délai de renvoi auprès de l’Italie. Si elle accepte nous organiserons un nouveau vol. Si elle refuse, nous entrerons alors dans une procédure d’asile.» S’il n’obtient pas l’asile, Nijiati Abudureyimu devrait théoriquement être renvoyé vers la Chine. Débordée, l’Italie ne répond jamais aux sollicitations de la Suisse pour des réadmissions de demandeurs d’asile dans le cadre des accords de Dublin.

Le conseiller d’Etat Frédéric Hainard, responsable des questions de migrations à Neuchâtel, a décidé hier en fin de journée de placer Nijiati Abudureyimu dans l’un des deux centres d’accueil de requérants de son canton, estimant qu’il ne pouvait pas le priver davantage de sa liberté (lire ci-dessous).

«Il s’agit manifestement de quelqu’un qui doit obtenir l’asile, estime Yves Brutsch, le porte-parole pour les questions d’asile du Centre social protestant (CSP) de Genève. S’il devait être renvoyé en Chine, il serait menacé de persécution. Il a des choses importantes à dire à la communauté internationale. C’est un cas particulier.» Yves Brutsch rappelle que même dans le cadre des accords de Dublin la Suisse peut très bien traiter la demande d’un tel requérant. «C’est une question de volonté politique», poursuit Yves Brutsch.

Michael Glauser n’était pas en mesure hier de dire si d’autres Chinois ou Ouïgours avaient par le passé bénéficié de l’asile en Suisse. Il précise toutefois que le cas de Nijiati Abudureyimu ne peut pas être comparé à celui des deux Ouïgours, anciens détenus de Guantanamo, que la Confédération avait accepté d’accueillir en début d’année à la demande des Etats-Unis. «Il s’agit de deux procédures différentes, nous expliquait-il dans un mail la semaine dernière. Le Conseil fédéral avait décidé d’accueillir à titre humanitaire deux Ouïgours de nationalité chinoise qui étaient détenus depuis plusieurs années par les Etats-Unis à Guantanamo sans avoir été accusés ni condamnés afin de contribuer à la fermeture du camp américain, camp qu’il avait précédemment jugé comme étant non conforme au droit international.»

Peut-on parler avec Nijiati Abudureyimu d’un cas humanitaire? C’est ce que l’ex-policier défend. Il est venu en Suisse, explique-t-il, pour chercher protection et pouvoir témoigner de ce qu’il a vu sur les champs d’exécution de condamnés à mort à Urumqi, le chef-lieu de la Région autonome du Xinjiang peuplée de musulmans au nord-ouest de la Chine.

«Je ne sais pas ce qui va se passer maintenant, expliquait hier soir Nijiati Abudureyimu. Mon retour à Neuchâtel est une bonne nouvelle. Mais il me faut un avocat et j’ai besoin de 3000 francs.»

Frédéric Koller dans le Temps

«Je suis favorable à ce qu’il obtienne l’asile à Neuchâtel»

Frédéric Hainard est pessimiste sur les chances de l’ex-policier chinois de rester en Suisse.

Trop heureux de pouvoir détourner l’attention des accusations d’abus de pouvoir portées contre lui (qui font l’objet d’une commission d’enquête parlementaire), le conseiller d’Etat neuchâtelois suit avec intérêt l’affaire Abudureyimu alors qu’il est en vacances.

Le Temps: pourquoi avez-vous décidé de reprendre Nijiati Abudureyimu?

Frédéric Hainard: Il n’a pas voulu embarquer dans l’avion. Le commandant de bord a donc refusé de le prendre. Il n’était plus possible d’attendre un autre vol avec un accompagnement de deux policiers. Le délai de renvoi étant dépassé, il fallait éviter qu’il reste dans un centre de détention. Je suis fâché contre l’ODM qui nous a averti trop tard sur la date butoir pour le renvoyer.

– Que va-t-il se passer?

– Le traitement du dossier relève entièrement de la compétence de l’ODM. Notre canton n’a aucun moyen d’intervenir. C’est un immense problème car il s’agit d’un cas de non-entrée en matière (NEM). Soit Berne décide de l’expulser vers la Chine. Soit, et ce serait exceptionnel, l’ex-policier bénéficie d’une décision d’admission provisoire ou du droit d’asile.

– Pourquoi exceptionnel?

– Car en général les Chinois ou les Ouïgours n’obtiennent pas l’asile en Suisse. Je suis curieux de savoir quelle sera la décision de l’ODM car il devra en assumer la responsabilité. J’attends cela avec impatience. Soit c’est le renvoi, soit c’est l’autorisation de séjour: c’est manichéen.

– Etes-vous pessimiste sur les chances du requérant?

– Sur la base des expériences passées je suis pessimiste. Mais peut-être l’ODM changera pour une fois de position. En cas de refus, Neuchâtel va se prendre dans les gencives un renvoi vers la Chine.

– Que feriez-vous si vous deviez choisir?

– A titre personnel, je suis favorable à ce qu’il obtienne l’asile à Neuchâtel. Il n’a jamais troublé l’ordre public et il semble que c’est un témoin important.