mercredi 6 juillet 2011

Asile: le Conseil fédéral veut renforcer la collaboration avec l’UE

Une collaboration avec le Bureau européen d’appui en matière d’asile serait bénéfique pour la Suisse. Fort de cet avis, le Conseil fédéral a décidé mercredi de négocier avec Bruxelles un statut d’observateur dans cette instance.

Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), qui a commencé ses travaux le 19 juin, doit encourager la collaboration des Etats membres de l’UE en matière d’asile. Il assure des tâches de coordination et de soutien. En revanche, il n’a pas de pouvoir d’instruction à l’égard des autorités nationales.  Une de ses missions principales consiste à appuyer les Etats européens soumis à des pressions particulières en matière d’asile. Le Bureau peut par exemple déployer des équipes pour assister, sur place, le pays concerné, en organisant des services de traduction, en fournissant des informations sur les pays de provenance ou en apportant un soutien dans la gestion des procédures d’asile. L’EASO permet en outre d’échanger des informations et de coordonner les informations sur les pays de provenance.

Statut d'observateur

Un statut d’observateur permettrait à la Suisse de profiter du savoir-faire des experts européens et d’appuyer d’autres Etats avec ses propres expériences, selon le gouvernement.  La Suisse pourrait en outre s’associer aux mesures mises en oeuvre pour soutenir certains Etats, sans devoir reprendre la législation européenne en matière d’asile. La coopération instaurée par cet organisme renforcera le système d’asile européen, juge le Conseil fédéral.

Modalités non définies

Vu que l’EASO n’est pas un organisme institué par les accords de Schengen et Dublin, la Suisse n’est pas tenue d’y adhérer. Elle a néanmoins la possibilité d’y participer en tant qu’observateur. Les modalités de ce statut et de son futur engagement ne sont cependant pas totalement définies.  Le Conseil fédéral a adopté un mandat de négociation en vue de conclure un accord. Les commissions de politique extérieure des Chambres fédérales doivent encore donner leur aval avant que les pourparlers soient lancés.

ATS et Tribune de Genève

La Suisse bientôt rattachée au système d'information de Schengen

La lutte contre la fraude en matière de visas devrait être facilitée à partir de cet automne. Le Conseil fédéral a adopté mercredi une ordonnance pour rattacher la Suisse au système central d'information sur les visas des Etats Schengen.

Le texte règlemente en particulier la protection des données et les droits d'accès que la Commission européenne prévoit de mettre en service le 11 octobre. Le système contient les données biométriques des demandeurs de visas: les empreintes des dix doigts et une image faciale. Il doit améliorer la mise en œuvre de la politique commune des Etats Schengen en matière de visas. Le système permet également de lutter contre la fraude et les demandes réitérées de visas. Dans le cadre de la procédure Dublin, il sera utile pour déterminer l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile. Les autorités chargées de la prévention et de la détection du terrorisme ou d'autres crimes graves pourront également consulter le système d'information sur les visas. L'accès se fera alors via la centrale d'engagement de l'Office fédéral de la police.

ATS

Sommaruga à l'épreuve de l'asile

La ministre socialiste a empoigné sans complexe le dossier explosif de la migration. Procédure d’asile raccourcie, accords de réadmission, mise au pas des requérants qui troublent l’ordre public: Simonetta Sommaruga a suscité des attentes difficiles à satisfaire. Tour d’horizon pour Fribourg et Vaud.

Elle a promis de raccourcir la procédure d’asile, de 1400 jours en moyenne aujourd’hui, à 120 jours. Elle s’est engagée à mettre au pas les réquérants qui troublent l’ordre public. Elle a clamé sa volonté de conclure des accords de réadmission pour pouvoir renvoyer chez eux les demandeurs d’asile déboutés. En huit mois passés à la tête du Département de justice et police, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga s’est fortement profilée sur le dossier de l’asile. «Il est juste qu’on parle beaucoup de ce sujet qui préoccupe la population», répète à l’envi la socialiste bernoise. Mais à susciter tellement d’attentes, elle a pris le risque de décevoir. Une déception qui commence à poindre.

Au feu, les pompiers!

Sur le terrain, d’abord, la situation, sans être catastrophique, se tend en raison de l’arrivée de migrants en provenance d’Afrique du Nord. Entre janvier et fin mai, 8120 nouvelles demandes d’asile ont ainsi été déposées en Suisse, contre 5972 pour la même période de 2010. En extrapolant, on devrait dépasser les 20000 demandes cette année, contre 16000 en moyenne ces trois dernières années. On est toutefois encore très loin du pic de la guerre du Kosovo en 1999 et ses 47000 requêtes. Les cantons n’en ont pas moins commencé à se plaindre que la Confédération se décharge trop vite sur eux. A la clé: problèmes d’hébergement, incivilités, tensions avec la population. Simonetta Sommaruga a réagi au quart de tour, et envisage de distribuer aux perturbateurs des bons de nourriture plutôt que de l’argent de poche qu’ils dépensent en alcool. Elle a également obtenu que l’armée mette à disposition des cantonnements pour loger des demandeurs d’asile, ce qui évitera de les confier aux cantons. Le pompier Sommaruga se démène sur tous les fronts, au risque de donner l’impression qu’il y a déjà le feu. Dans le même temps, elle a promis au parlement de révolutionner la loi sur l’asile pour raccourcir la durée de la procédure de 4 ans à 4 mois en moyenne. Un défi titanesque. «Entre saisir les problèmes et les résoudre, il y a un pas», craint le vice-président de l’UDC, Yvan Perrin, pourtant bien disposé envers la ministre. «Il faut maintenant qu’elle agisse», s’impatiente poliment Urs Schwaller (pdc/FR).

La gauche pas tendre

«Pour agir, ce n’est pas la loi qu’il faut changer, mais la pratique des fonctionnaires de l’Office fédéral des migrations, qui ne respectent pas les délais», ajoute Fulvio Pelli, président du Parti libéral-radical, qui dénonçait hier la «pagaille» dans l’asile. Pour le Tessinois, les «cas Dublin» – personnes ayant déjà déposé une demande dans un autre pays européen, 40% des dossiers – doivent être traités en priorité. Simonetta Sommaruga rappelle que depuis le début de l’année, 1349 renvois ont eu lieu vers l’espace Dublin, dont 841 vers l’Italie. Mais elle admet qu’il y a matière à progrès. La nouvelle patronne de l’asile déplaît aussi à la gauche de la gauche. «Elle se présente comme la Dame de Fer du Conseil fédéral, alliant une orientation sociale-libérale avec la poursuite d’une application toujours plus brutale de la politique xénophobe de l’Etat», dénonce Jean-Michel Dolivo, député vaudois d’A Gauche toute? Au sein même du Parti socialiste, des élus, romands surtout, craignent que Simonetta Sommaruga ne fasse le jeu de l’UDC. «Avec la crise en Afrique du Nord, elle doit gérer une situation exceptionnelle», reconnaît de son côté Denise Graf, d’Amnesty International, pour qui Simonetta Sommaruga «a compris qu'il fallait collaborer avec les autres pays européens». Mais Amnesty promet de veiller à ce que les nombreuses réformes annoncées ne limitent pas davantage les droits des requérants. Le danger est réel, selon Denise Graf.

«Au moins, elle aura essayé»

Président du PS suisse, Christian Levrat vole au secours de sa conseillère fédérale. Les droits des requérants? Elle a renoncé à raccourcir le délai de recours et à limiter le regroupement familial. La grogne des cantons? Elle émane de conseillers d’Etat radicaux, en campagne contre le PS. Quant à la révolution annoncée de la procédure, Christian Levrat en soutient la direction générale. «Simonetta Sommaruga s’est néanmoins mis une pression importante. On verra bien si elle parvient à accélérer la procédure d’asile sans toucher aux droits des requérants. Si elle n’y arrive pas, il sera temps de tout arrêter, mais au moins, elle aura essayé.» Voilà la Bernoise avertie. «J’admets que la barre est placée très haut», dit-elle. A elle de faire la preuve de son ressort.^

Serge Gumy dans la Liberté

Les musulmans stigmatisés dans les médias suisses

Les musulmans sont souvent présentés comme un danger pour la Suisse, constate une étude menée par l'Université de Zurich. Trois raisons expliquent cet amalgame: des attentats terroristes à l'étranger, une tactique de partis populistes de droite et la tendance des médias à la polarisation et à la généralisation.

Deux sociologues de l'Université de Zurich notent dans leur étude soutenue par le Programme national de recherche publiée mercredi que dans le débat public, les migrants de confession musulmane sont perçus en bloc comme des musulmans et comme une menace pour la Suisse. Et ce même lorsqu'ils n'ont rien à voir avec le fondamentalisme. Ils se sont demandés comment cette généralisation a émergé.

Médias et politique examinés

Dans le cadre du Programme national de recherche (PNR) 58, Patrik Ettinger et Kurt Imhof ont examiné la façon dont la minorité musulmane est perçue dans les médias et au niveau politique. Les deux chercheurs ont analysé des quotidiens et des hebdomadaires parus depuis 1960 et ausculté des émissions d'information de la télévision publique alémanique (SF) diffusées depuis 1998. Ils se sont aussi penchés notamment sur les interventions parlementaires et leur compte-rendu dans les médias.

Longtemps, les musulmans n'ont guère été mentionnés dans le discours public en tant que groupe religieux. Le premier écho de grande envergure date de 1979, avec la révolution iranienne. Toutefois, à l'époque, cette dernière n'est interprétée que dans une perspective Est-Ouest, en raison du durcissement de la guerre froide.

Un tournant dès le 11 Septembre

Les choses changent après les attentats terroristes de septembre 2001 aux Etats-Unis. "Au départ, les médias faisaient une claire différence entre le terrorisme islamique à l'étranger et les musulmans de Suisse, intégrés et pacifistes", signale Patrik Ettinger. Le tournant s'est amorcé dès 2004. Il y a eu les attentats de Madrid et de Londres (2005), puis la controverse des caricatures de Mahomet (2006).

La perception d'un islam belliqueux impliqué dans des conflits internationaux a été de plus en plus généralisée aux musulmans de Suisse, note l'étude. L'analyse des sociologues montre que cette perspective a été surtout attisée par l'UDC. Dans ses annonces et sur ses affiches, ce parti a toujours plus souligné l'origine musulmane des migrants, en plus de leur origine ethnique, par exemple dans sa campagne pour la votation sur la naturalisation facilitée des étrangers de deuxième et de troisième génération en 2004.

L'exemple de la votation anti-minarets

Des représentants d'autres partis et les médias ont certes critiqué cette campagne, la qualifiant de raciste et de provocatrice. Mais pratiquement aucun débat de fond n'a eu lieu. "Cela a contribué à façonner une minorité musulmane en Suisse dans la communication publique", affirme Patrik Ettinger. Dans le cadre de l'initiative anti-minarets, les comptes-rendus des médias sur cette minorité sont devenus de plus en plus généralisateurs et négatifs. Les musulmans ont été davantage décrits collectivement comme "violents" et "ignorants" par exemple.

En 2006, dans les médias étudiés, près d'un tiers des catégorisations associées aux musulmans étaient généralisatrices ou négatives. Le taux atteint la moitié en 2009. Lors de la couverture de l'initiative anti-minarets, le phénomène est apparu de manière particulièrement flagrante. Même si la plupart des partis étaient opposés à l'initiative, ces derniers ont bénéficié de trois fois moins d'écho dans les médias que les partisans et leurs positions provocatrices.

"Cela vient aussi du fait que les opposants se sont nettement moins engagés", précise Patrik Ettinger. La parole a été donnée le plus souvent à des musulmans dans le rôle des opposants à l'initiative. Conclusion des deux scientifiques: les médias n'ont pas réussi à instaurer un débat public différencié autour de cette votation.

ATS et RSR