dimanche 31 juillet 2011

La croix blanche de Moudon et ses absents

La croix blanche humaine qui a accueilli la présidente de la Confédération, c'etaient eux : les résidents de l’Établissement Vaudois de l'Accueil des Migrants de Moudon. Une action symbolique d'intégration à nuancer.

moudon evam La croix blanche de Moudon, c'est l'idée de Cécile. A six jours de la fête nationale, la responsable du secteur nord ouest de l’Établissement Vaudois de l'Accueil des Migrants (Evam) est venue proposer aux 160 migrants hébergés dans deux immeubles à la sortie de Moudon, de participer à l'accueil de la présidente de la Confédération.

Cette trentenaire toute pimpante est passée inviter chaque famille pour une réunion informelle qui se tient au pied de l'immeuble. Les enfants y chantent un « joyeux anniversaire » destiné à la Suisse et comptent les jours qui les séparent de l'événement.  « Ce sera un coup de pub qui fera la première page des journaux », promet Cécile à la soixantaine de migrants présents. Quelques jeunes traduisent ses propos en albanais ou somali.

« Et elle a qu'elle âge la Suisse ? », lui demande Albert avec un accent vaudois. A 6 ans, cet Albanais préfère l'école aux vacances. «  Je m'embête ici », marmonne t-il. S'il est scolarisé, sa famille logée par l'Evam, est dans une situation de transition. Ses parents attendent une réponse de Berne qui se fait attendre depuis plusieurs mois afin d'obtenir des permis de travail.

D'ailleurs, suite à leurs études, leurs enfants n'auront pas nécessairement les papiers pour postuler à un emploi. « C'est l'une des contraction des lois sur l'immigration, rappelle Cécile. Ces textes sont sujets à de multiples révisions électoralistes depuis une dizaine d'années alors qu'ils concernent moins d'1% de la population. »

Pour les 5000 habitants de Moudon, les statuts kafkaïens des demandeurs d'asiles sont difficiles à comprendre. « Toujours est-il que maintenant qu'ils sont là, il faut cohabiter. Et cela ne peut se faire qu’en les invitant aux événements de la ville », soutient Claude Vauthey, le secrétaire municipal.

A Moudon, tout passe par la conviction qu'une fête des enfants vaut mieux qu'un grand discours politique sur l'intégration venu de Berne. La municipalité soutient donc les projets de mixité sociale de Cécile ou ceux de l'association Suisse étranger, devenue véritable médiateur entre les principales communautés étrangères et la municipalité.

Les réticences de l'accueil à l'école

L'arrivée des migrants n'a pas été toujours bien acceptée dans la ville ouvrière, comprenant 42% d'étrangers. Au départ, les Moudonnois se sont opposés à la création d'un foyer d'hommes célibataires. Aujourd'hui, avec l'hébergement des familles, c'est l'éducation qui fait débat. 

« Quelques parents y réfléchissent par deux fois avant d'envoyer leurs enfants dans l'école communale avec un fort taux d'étrangers  », mentionne Magadis Richardet élue communale UDC, tout en avouant, que dans la classe de son fils, « la tête de classe est un Yougoslave ». « Bosniaque », rectifie le cadet. L'agricultrice, mère de quatre enfants, reconnaît le succès d'une fresque réalisée en mai dernier à la sortie de l'école, en collaboration avec des migrants de l'Evam. « En discutant, nous réalisons que nous avons les même centres d’intérêts, comme le bien être de notre famille. »

L'épicerie du coeur à Moudon. Photo Caroline Venaille Magadis apporte désormais une soixantaine d’œufs de son exploitation à « l'épicerie du coeur »,  organisée chaque jeudi par des bénévoles. Les plus démunis de Moudon, dont la plupart vivent à l'Evam, viennent y chercher les invendus des grandes surfaces. En fin de journée, la place centrale de Moudon s'anime d'un va-et-vient de familles avec leur cabas, sous le regard des grand-mères moudonnoises. Pour certains enfants, c'est l'occasion de sortir de leur immeuble.

Un dense réseau associatif

Le carnet d'adresse de Jan de Haas, le pasteur de Moudon, recense 300 contacts, toutes couleurs politiques confondues, souhaitant aider un ou des migrants. « Nous avons permis à six familles dont le voyage de retour était prévu. Aujourd'hui, elles ont obtenu des permis B de travail». Des actions soutenues par un dense réseau associatif qui tente de pointer les contradictions législatives pour aider les migrants qui vivent dans l'ombre, comme Adam.

Ce jeune guinéo-sénégalais n'en pouvait plus d'attendre une décision administrative de renvoi dans un foyer. Depuis que sa demande d'asile a été rejetée, passer ses journées devant la télé alors qu'il avait seulement envie de travailler le rendait fou.

Il a préféré aller démarcher des chantiers et a renoncé à « l'aide d'urgence » de 350 CHF versée tous les mois par l'Evam. « Question de dignité », souligne t-il. Aujourd'hui, Adam vit caché. Des promesses d'embauches signés par des patrons potentiels n'ont pas suffit à régulariser sa situation. Il reste en dehors de cette croix suisse, à laquelle, pourtant, il participe économiquement.

Caroline Venaille pour l’Hebdo et Blogtrotters 2011

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Caroline Venaille est une des participantes de Blogtrotters 2011 de l’Hebdo. Elle poste ses articles, au fil de son périple à vélo à travers la Suisse, à la découverte des étrangers.

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