samedi 25 septembre 2010

La migration, ça sent bon

Vingt-quatre femmes migrantes de l'association Recif racontent leur vécu et livrent leurs meilleures recettes de cuisine dans un livre-témoignage.

Elles s'appellent Adina, Analine, Béatrice, Dora, Eunice, Eva, Eman, Hadda, Entisar, Isabelle, Ji-Hye, Khush, Luz Stella, Maria Eugenia, Marianela, Nour, Récea, Saadia, Sandra, Selvi, Thao, Tsovik, Venia et Zyrafete. Ces vingt-quatre femmes viennent des quatre coins du monde, et ont uni leurs cultures et leurs histoires dans un livre sur le thème de la migration. Et comme ce thème doit sentir bon en finalité, elles ont apporté les saveurs gustatives de leur pays d'origine, par le biais de recettes de cuisine.
«Femmes de coeur et d'épices», le livre verni jeudi soir dans un Club 44 de La Chaux-de-Fonds plein à craquer, est né d'une rencontre multiculturelle de l'association Recif, qui s'occupe des femmes migrantes dans le canton de Neuchâtel. Une discussion autour d'une table qui a débouché sur l'idée de mettre en commun des recettes de cuisine. «D'accord», leur a répondu Capucine Maillard, qui a présidé à la conception de l'ouvrage, «mais je souhaite que ce soit l'occasion de raconter vos histoires personnelles et votre vécu de la migration». Après de longues heures de rires, de larmes, de poses pour la photo et de remue-méninges, l'aventure de ces vingt-quatre migrantes trouve son résultat. Un livre illustré qui invite au voyage, dans l'assiette et dans les coeurs.
Tous les témoignages recueillis parlent donc de la douleur ressentie lors des premiers temps passés dans un pays d'accueil totalement inconnu. Ils évoquent l'isolement, avec «les pleurs devant la télé». Très vite, les migrantes expriment à leur manière leur façon «d'aller vers l'autre». A savoir le Suisse et sa réalité, en surmontant les chocs culturels, comme – pour Dora – l'apprivoisement de la fondue! Capucine Maillard se livre pour cela à un travail de «confiseuse d'histoires». Elle le fait par l'écoute de son propre vécu de migrante, de France en Suisse via la Roumanie.
Thomas Facchinetti, chef du service cantonal neuchâtelois de la cohésion multiculturelle, salue la démarche. «Dans les années 1960», rappelle-t-il, «le regard des Suisses sur les migrants était conditionné par des habitudes alimentaires différenciées. Le simple fait de cuisiner à l'huile d'olive était alors signe d'exclusion.» Ce n'est plus le cas aujourd'hui, même si les provenances très diverses et le plus grand brassage culturel rendent l'intégration plus complexe. Les vingt-quatre femmes racontent leur vécu en Suisse à leur manière. Les témoignages évoquent la quête du bonheur dans un nouvel environnement.
Capucine Maillard n'a pas voulu arrêter l'exercice à la sortie d'un livre. Ce «Femmes de coeur et d'épices» a déjà fait un petit, avec le projet d'un nouvel ouvrage invitant à prendre la route. Un «livre à la mer», conçu comme une bouteille lancée sur les vagues du monde, qui invite les globe-trotters à entrer dans la démarche de ces vingt-quatre migrantes. L'embarquement est immédiat...

Philippe Chopard dans le Courrier


Note : Femmes de coeur et d'épices », recettes et histoires de 24 femmes migrantes en Suisse, éditions G d'Encre, www.editions-gdencre.ch.