La conférence mondiale contre le racisme débute à Genève le 20 avril 2009. Près de huit ans après celle de Durban, elle fera le point sur le racisme dans le monde. Migrants, minorités, peuples autochtones, peuples vivant l’occupation ou d’autres formes de discriminations, peuples victimes du colonialisme et de l’esclavage, réfugié·e·s et Roms sont-ils aujourd’hui plus respectés qu’alors ?
a déclaration et le programme d’action de Durban se tournaient en 2001 vers toutes les victimes des différentes formes du racisme. Les milieux concernés constatent que leur condition a empiré. Dès le 17 avril, le Forum de la société civile se réunira à Genève. Il transmettra à la Conférence les conclusions de ses travaux, ses préoccupations, ses attentes.
Le racisme hier
Les idéologies racistes sont nées au 19e siècle. Elles sont nées du nationalisme, qui mythifie les Etats nations et s’impose aux peuples en proclamant leur génie racial ; de l’antisémitisme, qui ajoute à la judéophobie chrétienne la haine moderne des Juifs accusés d’être sans-patrie; du colonialisme qui justifie la civilisation de la « race blanche » ; de l’élitisme des classes dominantes qui nourrit le ressentiment des classes opprimées.
Le monde a changé. Les anciennes colonies ont acquis le statut d’Etat indépendant et une représentation au sein de l’Organisation des Nations Unies. A marche forcée, la mondialisation de l’économie redessine la carte du monde. Elle bouscule les Etats nations et avec eux les identités nationales et culturelles.
… et aujourd’hui
Le monde a peu changé. À l’offensive, le capitalisme s’est attaqué à la gauche avec laquelle il négociait au cours des « Trente glorieuses ». Il démantèle les acquis des ressortissants des anciennes puissances coloniales et occidentales.
Ses anciennes colonies subissent elles aussi son pillage. Certaines l’imitent en développant un capitalisme qui profite des bas salaires qu’il impose. Sur la terre entière, les migrants suivent les richesses volées à leur pays et cherchent un travail ou un refuge dans les pays qui ruinent les leur ou qui y entretiennent la guerre.
L’illusion que les inégalités sociales et internationales auraient une cause naturelle ou raciale dissimule l’aggravation de ces inégalités. Aux racismes anciens, produits de malheurs passés qui n’ont pas connu de réparations, s’ajoutent des formes nouvelles de ce fléau.
Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde
Au cœur des anciennes puissances coloniales émerge un racisme identitaire et victimaire pour combattre le soi-disant affaiblissement de la race blanche. Parmi les régions qui avaient été soumises aux anciennes puissances coloniales s’étendent des idéologies, nationalistes et racistes qui veulent elles aussi imposer leur influence. Elles confortent la croyance en un « choc des civilisations » et contribuent à désinhiber le racisme occidental contemporain. Avec le départ de Bush, la lutte contre l’axe du mal est peut-être terminée. L’alliance contre le terrorisme, ce dangereux fourre-tout, a encore de beaux jours devant elle.
Contre de telles conditions, contre le capitalisme et les pouvoirs qu’il impose n’existerait-il aucune communauté d’intérêts qui unisse tous les peuples de la Terre, au-delà des frontières nationales, raciales et religieuses qui les divisent ?
Mobiliser contre le racisme
La Suisse accueille la Conférence mondiale contre le racisme. Applique-t-elle la Convention de l’ONU contre la discrimination qu’elle a ratifiée il y a 15 ans ? Après avoir examiné le rapport de la Suisse, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale formulait, le 11 août 2008, de sévères conclusions.
Il relevait que la législation suisse ne définit pas la discrimination raciale conformément à la Convention. Il notait la protection inadéquate du droit de se marier et de fonder une famille pour les étrangers originaires d’un État non membre de l’Union européenne. Il regrettait le recours au profilage racial et le manque de progrès pour combattre les attitudes racistes et xénophobes contre certaines minorités, notamment les Noirs, les musulmans, les gens du voyage, les immigrants et les requérants d’asile ainsi que les allégations d’usage excessif de la force. Il s’inquiétait de ce que nous savons toutes et tous :
• La sélection raciste des bénéficiaires d’une autorisation de séjour qui contraint des centaines de milliers de « sans-papiers » à vivre sans statut légal et dans la peur.
• La Loi sur l’asile, inhumaine pour les réfugiés qu’elle déboute, est à nouveau révisée : les guerres poussent à l’exil de nouveaux malheureux.
• Mais aussi la loi genevoise contre les mendiants que les autorités ont adoptée en sachant que les Roms fuient le racisme contre leur communauté dans leur pays d’origine.
• Ainsi que les récentes décisions du Conseil national : ne pas invalider l’initiative antiminarets, durcir le Code civil « afin que les étrangers séjournant illégalement en Suisse ne puissent plus se soustraire par mariage à l’obligation de quitter le pays ».
Solidarité avec le peuple palestinien
Au cœur des préoccupations de la Conférence mondiale, le soutien aux Tamouls, aux Tibétains aux Palestiniens en lutte pour la reconnaissance de leur droit à l’existence !
La demande des Palestiniens que leurs droits soient reconnus, que le droit international s’impose contre l’apartheid qu’ils subissent constitue un enjeu majeur de cette réunion.
L’Etat d’Israël et ses partisans mobilisent avec acharnement contre la Conférence. Ils invitent la Grande-Bretagne, la France, la Suisse, l’Union européenne à imiter le Canada, les Etats-Unis, l’Italie, Israël et à boycotter elles aussi la conférence. Pensent-ils éviter que l’indignation qu’a soulevée le massacre de Gaza ne soit entendue à Genève ?
Karl Grünberg
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