
Lire la suite dans 24heures

Avec une juste distance, le cinéaste Fernand Melgar expose la vie quotidienne des migrants dans le centre d'accueil de Vallorbe. Son film sort mercredi. Perspective.
PAR GERARD DELALOYE dans Largeur.com
Aux yeux des participants à ces rencontres, qui sont une émanation du Forum social mondial lancé en 2001 à Porto Alegre (Brésil), la norme dite "retour" est un mur, au même titre que celui que les Etats-Unis érigent physiquement à la frontière mexicaine.
"Faire des immigrants les boucs émissaires de la crise économique est typique d'une mentalité raciste qui les considère indésirables mais nécessaires et qui préfère qu'ils soient vulnérables pour mieux les exploiter", a proclamé le Brésilien Luiz Baseggio, porte-parole du comité international du FSMM.
Exhortant l'Europe à "retrouver sa vocation à travailler à une intégration mondiale", la motion finale du Forum réclame le retrait de la directive, ainsi que la ratification par les pays européens de la Convention de l'ONU sur les droits des migrants. Ce texte a été adopté en 1990, mais aucun Etat de l'UE ne l'a encore signé. Parmi les revendications de la "déclaration de Rivas" figure aussi "la mise en place d'un mandat ou d'un instrument spécial au sein de l'ONU pour remplir les vides existants dans la protection des migrants".
L'Espagne, naguère citée en exemple pour sa politique libérale en matière d'immigration, a été particulièrement critiquée pour avoir avalisé la directive retour et adhéré au dispositif de surveillance des frontières Frontex. Mais aussi à cause de la volonté récemment exprimée par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero de réduire le contingent des contrats de travail dans les pays d'origine en raison de la crise économique.
Selon les responsables du Forum, la crise actuelle n'est pas l'unique responsable des restrictions des politiques migratoires des pays riches. "La directive retour n'est pas une mesure circonstancielle, s'est exclamé l'évêque brésilien Demetrio Valentini. Cette initiative révèle que nous sommes face à une crise de civilisation qui affecte l'humanité tout entière." Pour le sociologue belge François Houtart, de l'université catholique de Louvain, 150 à 200 millions d'êtres humains seront déplacés lors des quatre prochaines décennies à cause des dérèglements climatiques et environnementaux.
Du jamais vu à Orbe! La diffusion du film La Forteresse de Fernand Melgar a réuni 148 personnes, samedi, dans la grande salle du cinéma Urba, dont la capacité est de 117 places: des spectateurs étaient assis sur les marches. Pour chacune des deux projections du film qui a obtenu le Léopard d’or à Locarno, le cinéma a refusé du monde. Le record réalisé par Ratatouille, l’été passé, avec 117 spectateurs en une séance, est tombé.
Pour rendre hommage à la population locale, le réalisateur lausannois Fernand Melgar a tenu à présenter en avant-première le film tourné pendant deux mois – de décembre 2007 à février 2008 – au Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe (CEP). Mais Vallorbe ne disposant pas de salle de cinéma, c’est dans la cité des deux poissons que la projection a eu lieu.
Face aux partisans et détracteurs de la loi sur l’asile, le réalisateur lausannois estime que son travail consiste à trouver «un équilibre entre objectivité et subjectivité». Selon lui, même si son film peut être qualifié d’engagé, il n’en est pas pour autant militant.
Le conseiller d’Etat Philippe Leuba pense de son côté que La forteresse mettra mal à l’aise les extrémistes de tous bords de la politique de l’asile. «Les jusqu’au-boutistes qui sont pris dans leur absolutisme et leur dogmatisme ne peuvent pas entendre le message de ce film», résume-t-il.
Le film a fait réagir le public. Céline, employée au CEP: «Les requérants viennent souvent me remercier alors que moi je me sens inutile et impuissante face à leur détresse.» A l’évidence, le film documentaire de Fernand Melgar va relancer le débat sur le sort de ces gens dont «on ne sait pas d’où ils viennent et qui ne savent pas où ils vont». A. P. N.
La Forteresse sera diffusé dans les salles romandes dès mercredi.