Mix & Remix dans l'Hebdo
jeudi 25 novembre 2010
Une pétition contre le renvoi de Kader Dosso
Société civile et partis politiques font bloc pour s’opposer à l’expulsion du requérant d’asile ivoirien.
Une pétition contre l’expulsion du requérant d’asile ivoirien Kader Dosso (33 ans) circule depuis hier à Sainte-Croix. Les signatures seront envoyées aux conseillers d’Etat Philippe Leuba et Jacqueline de Quattro. «Il nous faut réagir avant que la gendarmerie reçoive l’ordre d’évacuer Kader», explique Paul Schneider, chirurgien à la retraite à l’origine de la pétition. En quelques heures, plus de cent signatures ont été collectées. Le médecin garde l’espoir qu’un permis humanitaire soit attribué au requérant d’asile ivoirien.
Cet élan lancé par la société civile a reçu l’adhésion des partis politiques, dont l’UDC. «Je suis choqué d’apprendre que Kader Dosso va être expulsé. J’étais contre le fait qu’il prononce le discours du 1er Août car j’estime que pour notre fête nationale, un tel honneur doit revenir à un Suisse. Mais si on garde les criminels et qu’on renvoie les bons gars, je n’y comprends plus rien», commente Nicolas Werren, président de la section UDC du balcon du Jura. Blaise Fattebert, le syndic socialiste de Sainte-Croix, se dit «consterné par la décision de renvoi» contre ce jeune ivoire actif sur le plan professionnel et pompier volontaire à Sainte-Croix. Thierry Blaser, le président du groupe Ouverture, trouve «scandaleux de renvoyer un homme intégré dans la vie communautaire».
Le Tribunal administratif fédéral a légitimé l’expulsion par ses doutes sur la vraisemblance des circonstances invoquées par Kader Dosso (permis N) pour s’opposer à son expulsion, à savoir notamment l’assassinat de son frère pour des raisons politiques. Et ne croit pas que Kader Dosso risque d’être torturé à son retour en Côte d’Ivoire.
Ce pays de l’Afrique de l’Ouest traverse une grave crise politico-militaire depuis 2002. Prévu dimanche, le second tour de l’élection présidentielle pourrait faire voler en éclats le calme précaire qui y règne actuellement. Le scrutin opposera le président sortant Laurent Gbagbo (au pouvoir depuis dix ans) et Alassane Ouattara, ex-premier ministre exclu des joutes électorales précédentes pour «nationalité douteuse».
24 Heures
La cathédrale pour vitrine
Etrangers en Suisse, ils sont repartis de Moudon Vaudois
A quatre jours des votations, 220 personnes ont été naturalisées lors d’une cérémonie pleine d’émotion, hier à Moudon.
Du bout des lèvres, presque timidement, elle a prêté serment. «Je le promets.» Trois mots, et la voilà Suissesse, et Vaudoise. Puis elle s’est effondrée en larmes dans les bras d’une amie. «Désormais, nous sommes compatriotes.»
Comme cette jeune Somalienne, ils étaient 220 étrangers à accomplir, hier à Moudon, le dernier geste pour l’obtention de leur naturalisation suisse. Ils l’ont fait lors d’une cérémonie organisée pour la première fois hors de Lausanne, où dix à quinze rendez-vous par an sont fixés, pour naturaliser 4000 étrangers dans le canton. Et un joli clin d’œil pour Moudon, ancienne capitale du Pays de Vaud, «cité du bon accueil» qui compte 40% d’étrangers.
Mais les héros de la journée, ce n’était pas le Conseil d’Etat, présent pour la première fois au complet pour assister à cette prestation de serment. C’étaient les hommes et les femmes qui se pressaient, anxieux, pour recevoir le précieux sésame donnant droit au passeport à croix blanche. Dans la salle, leurs familles. Sur les visages, beaucoup d’émotion. Les félicitations se mêlent aux sanglots. On téléphone aux proches qui n’ont pas pu venir. «Ça y est, je suis Suisse!»
A la sortie, ils sont désormais 220 nouveaux Vaudois à se faire photographier devant l’immense drapeau suisse, accroché sur le temple Saint-Etienne de Moudon. Avec, dans leurs mains, leur certificat d’état civil. Hier matin, ils étaient encore Albanais, Portugais, ou Français. Ils sont désormais citoyens helvétiques.
Ils voteront dimanche
Dimanche, ils pourront glisser leur bulletin de vote dans l’urne, s’ils s’inscrivent au registre des électeurs de leur commune avant vendredi. Mais pour ces nouveaux citoyens suisses, l’heure n’est pas aux discours politiques. «Pour certains, la procédure de naturalisation a débuté il y a deux ans. Aujourd’hui, c’est surtout un jour de joie et de fête, et pour nous aussi, qui les avons suivis», sourit Delphine Magnenat, responsable du secteur des naturalisations à l’Etat de Vaud.
Entre le fromage et le vin blanc, les nouveaux Suisses se pressent pour serrer les mains des conseillers d’Etat, ou se faire photographier avec Pascal Broulis. «Depuis votre arrivée dans notre pays, vous avez dû vous efforcer de comprendre la mentalité des Suisses. C’est le même effort d’ouverture qui fait que la Suisse existe, depuis ses débuts, en mêlant des religions et des langues différentes», leur a lancé le président du Conseil d’Etat, en leur souhaitant «bonheur et prospérité».
Mais, à l’heure de prendre les couleurs suisses, certains avaient peut-être le cœur serré. Un sentiment qu’a bien compris la conseillère d’Etat Anne-Catherine Lyon. «Ne ressentez pas de déloyauté par rapport à votre pays d’origine, les a-t-elle encouragés. On peut être heureux de vivre en Suisse, tout en ayant la double nationalité, et en aimant deux pays dans son cœur.»
Sarah Bourquenoud, Alain Walther (textes), Jean-Bernard Sieber (photos)
La chute de Ricardo Lumengo, coup dur pour les Noirs de Suisse
Une pétition vole au secours de l’élu d’origine africaine condamné pour fraude électorale.
Ils sont Noirs. Et élus politiques en Suisse romande. Révoltés, tristes ou critiques, ils ont tous quelque chose à dire sur la descente aux enfers de Ricardo Lumengo, premier élu d’origine africaine sous la Coupole. Et condamné pour fraude électorale. «Ce qui lui arrive est une désolation, commente Raoul Lembwadio, président du Conseil communal (exécutif) de Boudry (NE). L’impact symbolique est fort pour toute la communauté. J’espère que les jeunes Noirs continueront à oser s’engager en politique.» «Les Suisses vont-ils désormais, encore plus, réfléchir à deux fois avant d’élire un Noir?» s’interroge quant à lui Oscar Nkezabera, président du Conseil communal de Moudon.
Principale crainte de ces élus: le risque de stigmatisation de l’entier de la communauté. Avec un élément aggravant, le fait que l’affaire éclate en pleine campagne sur l’initiative des «moutons noirs». La semaine dernière, l’hebdomadaire Die Weltwoche , proche de l’UDC, n’hésitait pas à assimiler Ricardo Lumengo aux délinquants d’origine africaine mal intégrés en Suisse, au même titre que les dealers.
Une association, le Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir (CRAN), vient ainsi de lancer une pétition de soutien. Elle déplore «que le premier parlementaire d’origine africaine soit réduit, à son corps défendant, à incarner le symbole du premier parlementaire suisse condamné pour fraude électorale». Elle rappelle que les traditions judiciaires et politiques suisses «se sont souvent révélées plutôt complaisantes» par le passé avec d’autres élus, des Blancs, qui n’ont pas été condamnés pour des fautes du même type. «Qu’on me prouve que cette injustice n’est pas motivée par sa couleur de peau!» tonne Kanyana Mutombo, secrétaire général du CRAN. «Les sanctions politiques n’ont rien à voir avec le fait qu’il est Noir, rétorque Raoul Lembwadio. En politique, personne ne se fait de cadeau.»
Au parlement, le Biennois revendique son rôle de représentant des Noirs. «Une posture maladroite. La plupart des étrangers ont des associations pour les défendre, estime Oscar Nkezabera. A Moudon, je défends les Suisses, les étrangers, les pauvres, le groupe socialiste. Je ne tiens pas à être élu sur ma couleur, mais sur mon travail politique.» Lumengo répond aux critiques: «On ne peut exiger de moi que je sois irréprochable, sous prétexte que je suis le premier Noir élu au parlement et que j’incarne le symbole d’une intégration réussie. Je suis un politicien comme un autre.» Pas sûr que l’avis soit partagé par ses collègues du National, où il siégera seul dès lundi. L’élu a dû démissionner du PS et de son groupe parlementaire. Il attend que la justice se prononce en deuxième instance.
Martine Clerc dans 24 Heures
"Moi, Kader, bosseur et bientôt renvoyé de Suisse"
Micromécanicien et pompier, le requérant Ivoirien Kader Dosso sera renvoyé. Le Tribunal administratif fédéral a rendu sa décision.
A Sainte-Croix, même au sein de la section de l’UDC, Kader Zoumana Dosso (33 ans) est perçu comme un modèle d’intégration. Lors des festivités du 1er Août, ce requérant d’asile ivoirien arrivé en Suisse en 2008 a eu l’honneur de prononcer un discours devant les autorités municipales et la population. Actif sur le plan professionnel dans une entreprise de micromécanique, où il est apprécié, pompier volontaire et ancien bénévole de l’Ecole de cirque, il ne ménage pas sa peine pour servir la collectivité.
«Moi, Kader, bosseur et bientôt renvoyé de Suisse»
«Il y a Ivan, le violeur qui sera bientôt Suisse et il y a Kader, le bosseur qui sera bientôt renvoyé de Suisse», parodie-t-il avec un humour qui cache mal son dépit. La semaine passée, ce célibataire a reçu une lettre du Tribunal administratif fédéral qui l’a bouleversé. Statuant sur la décision de renvoi formulée par l’Office fédéral des migrations contre laquelle l’Ivoirien avait fait recours, cette instance a confirmé la mesure d’expulsion. Définitive, cette décision n’offre aucune possibilité de recours. Le tribunal juge que l’intéressé «n’a pas rendu hautement probable qu’un retour dans son pays l’exposerait à des traitements contraires aux engagements internationaux signés par la Suisse».
Kader Dosso n’est pas de cet avis. S’il a fui la Côte d’Ivoire – pays d’Afrique de l’Ouest qui vit une crise politico-militaire depuis 2002 –, c’est parce que sa vie y était en danger à cause de son origine ethnique. «Je militais dans l’opposition. Mon frère a été tué pour des raisons politiques», indique-t-il. A la veille du second tour de l’élection présidentielle, prévue dimanche, les dissensions tribales entre le Nord et le Sud sont toujours vives.
A Sainte-Croix, la décision de renvoi du requérant d’asile suscite un émoi indéniable. «C’est dégueulasse! Il travaille, parle très bien le français, s’engage pour le village et il va se faire renvoyer», s’insurge une jeune maman. Une femme d’une cinquantaine d’années s’emporte: «A cause de cette décision débile, c’est la première fois de ma vie que je suis tentée de me mettre en marge de la loi.»
Dans la cour enneigée du Collège de la gare, des gamins lancent un «Salut Kader», en apercevant le requérant d’asile. Il leur répond avec un sourire qui ne trahit pas la déception et l’incompréhension qui l’habitent. «On me laisse m’attacher à une région et à des gens et après on veut m’expulser.»
Abdoulaye Penda Ndiaye dans 24 Heures
Show de police contre un squat de demandeurs d'asile à Nice
Une spectaculaire opération de police, avec fracas de portes d'entrée et fouille en règle du bâtiment, s'est déroulée jeudi à l'aube dans le squat occupé par 115 demandeurs d'asile dans le centre de Nice dont Rue89 vous parlait déjà la semaine dernière, dans un reportage que nous reproduisons ci-dessous.
Selon Emmanuelle Gaziello, élue communiste niçoise, qui s'est rendue sur place à 6 heures du matin jeudi, les policiers lui ont déclaré que cette opération était « destinée à vérifier que tout était bien en sécurité dans cet immeuble ». Pourquoi alors avoir cassé la porte d'entrée, demande l'élue.
A 6h30, les policiers sont repartis bredouille. Une opération d'autant plus surprenante que deux jours avant, une audience en référé en justice avait décidé de… renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour que les juges puissent statuer sur le fond, estimant qu'il n'y avait pas d'urgence.
L'intervention policière est peut-être plus à rapprocher de la manifestation d'extrême droite qui s'est produite le 13 novembre devant le squat, et dont nous avions déjà raconté les détails.
Lire la suite de cet article de Jean-Baptiste Malet sur Rue89
Référendum: la Suisse appliquera-t-elle le programme du FN ?
La Suisse serait-elle en train de devenir le royaume des référendums anti-étrangers ? Dimanche, le peuple helvétique est appelé à se prononcer sur un texte de loi qui vise à priver de droit de séjour les étrangers condamnés pour un délit grave. Pour Gilbert Casasus, professeur en études européenne à l'Université de Fribourg, une partie de l'électorat se radicalise..
En cette fin de novembre, la Suisse s’apprête à vivre un dimanche électoral auquel elle nous a malheureusement trop habitués depuis quelques années. Après les référendums sur l’asile, l’accueil des étrangers et l’immigration en 2006 et celui sur l’interdiction des minarets en 2009, voilà que le peuple suisse va vraisemblablement se prononcer pour la privation du droit de séjour pour les criminels étrangers, « indépendamment de leur statut et de tous leurs droits à séjourner en Suisse ». Sont visées notamment toutes les personnes qui « ont été condamnées par un jugement entré en force pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d'une autre nature tel que le brigandage, la traite d'êtres humains, le trafic de drogue ou l'effraction; ou si elles ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale ».
Fruit d’une initiative populaire, déposée comme à l’accoutumée par ladite Union Démocratique du Centre (UDC), ce référendum ne laisse planer aucun doute sur l’idéologie profondément xénophobe de ce parti. Parce que conscient des effets négatifs que pourrait entraîner l’adoption de ce texte par le peuple, le Conseil fédéral, soit le gouvernement suisse, a décidé de proposer « un contre projet » destiné à « préciser les motifs de révocation, (à) tenir davantage compte du degré d’intégration lors des décisions (et à) réserver le principe constitutionnel de la proportionnalité des mesures prises par l’autorité et le droit international public ». Toutefois, parce que trop proche de l’initiative de l’UDC, ce contre projet est également combattu par une grande partie de la gauche et par l’ensemble des organisations de défense des droits de l’homme.
De même, nombre de juristes s’insurgent contre l’initiative de l’UDC. Ils la jugent contraire à plusieurs clauses de la Convention européenne des droits de l’homme et en contradiction parfaite avec les accords de libre circulation des personnes que la Confédération helvétique a conclus avec l’Union Européenne. Celle-ci a d’ailleurs d’ores et déjà manifesté ses plus vives inquiétudes et menacé Berne à demi-mot de remettre en cause l’avenir des négociations bilatérales qu’elle a menées depuis une dizaine d’années avec la Confédération helvétique. Enfin, de nombreuses voix s’élèvent contre cette initiative, la considérant tout simplement comme inapplicable car se heurtant, et heureusement, à trop de garde-fous et de recours juridiques.
Mais tous ces avertissements ne semblent pas faire mouche. De plus en plus, les étrangers, criminels ou non, deviennent les parfaits boucs-émissaires d’une Suisse repliée sur elle-même. Alors qu’elle doit sa prospérité au plus de 1,8 million d’immigrés qu’elle accueille sur son territoire, la Confédération helvétique n’est donc pas à l’abri d’un racisme, par nature honteux et dégradant. Notamment promu par un parti de plus en plus proche de l’extrême droite, il gagne du terrain chez un électorat que l’on n’aurait jamais soupçonné, il y a quelques années, de sympathies xénophobes. Ainsi de nombreux citoyens, électeurs de la droite traditionnelle, désirent désormais apporter leur suffrage à l’initiative de l’UDC.
Car c’est bel et bien au centre-droit que se joue l’avenir politique de la Suisse. Officiellement qualifiés de « bourgeois », les partis de la droite centriste n’arrivent guère plus à se positionner au sein d’un échiquier politique qu’ils ont dominé durant plusieurs décennies. Parce qu’incapables de rompre leurs alliances nationales, cantonales et locales avec l’UDC, ils sont même prêts à abandonner leurs propres idées pour faire allégeance à celles de l’Union Démocratique du Centre. Si les chrétiens-démocrates, souvent fidèles aux principes humanistes de la religion, s’opposent en grande majorité à cette initiative, il n’en est pas toujours ainsi chez certains libéraux et chez nombre de leurs électeurs dont beaucoup se reconnaissent dans les thèses de la droite dure. Déjà très proches des milieux patronaux et fervents partisans du néolibéralisme économique, ces libéraux, que l’on nomme « radicaux » en Suisse romande, prennent désormais leurs distances vis-à-vis de positions qui naguère avaient fait leur force.
Il y a quelques semaines, ils ont renoncé à leur engagement européen et renvoyé aux calendes grecques une adhésion éventuelle de la Suisse à l’Union européenne. Quant aux idées de la philosophie libérale, elles sont de plus en plus reléguées au second plan. Reste alors aux libéraux, dignes de ce nom, le soin de se démarquer de l’UDC et de ne pas tomber dans le piège que celle-ci tend avec succès aux responsables de leur parti. Car en Suisse, comme partout ailleurs en Europe, la démocratie ne saurait accepter la remise en cause de l’État de droit et les atteintes portées aux libertés individuelles qui s’appliquent à chaque citoyen, quelle que soit sa nationalité.
Marianne2 offre sa tribune à Gilbert Casasus, professeur en études européennes à l'Université de Fribourg