Erich Dürst, chef de la Division asile cantonale, se présente au Législatif d’Epalinges sous la bannière d’un parti qui défend bec et
ongles les requérants déboutés. Le haut fonctionnaire estime qu’il n’y a pas d’incompatibilité, mais les Verts sont embarrassés.
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C’est la première fois que les verts présentent une liste pour les élections communales à Epalinges. Une initiative que le parti écologiste doit à un certain Erich Dürst, candidat au législatif de cette commune des hauts de Lausanne... et acteur clé du dossier de l’asile au sein de l’administration cantonale. En tant que responsable de la Division asile, Erich Dürst est en effet le bras droit du chef du Service de la population (SPOP), Henri Rothen. Il est l’homme qui réquisitionne la police pour exécuter les mesures de contrainte à l’encontre des requérants déboutés. Erich Dürst n’en a pas moins choisi un parti qui, sur le dossier des «523», a dénoncé le recours à la force plus vigoureusement encore que les socialistes. Au mois de janvier 2005, les verts avaient même claqué la porte du «groupe d’analyse» sur l’asile. La démarche initiée par le Conseil d’Etat visait à dénicher, au sein des églises, des partis et des organisations non gouvernementales, des parrains susceptibles d’accompagner les requérants déboutés sur la voie du retour volontaire. Les travaux du groupe d’analyse étaient guidés par deux hauts fonctionnaires: Stève Maucci, adjoint juridique au secrétariat général du département de Jean-Claude
Mermoud et membre du Parti socialiste, et Erich Dürst. Les roses étaient restés jusqu’au bout à la table des discussions. Le haut fonctionnaire, dont l’affiliation
au parti écologiste est récente, ne voit pas d’incompatibilité entre ses deux casquettes. «Beaucoup de verts désapprouvent certains aspects de la politique cantonale, admet-il. Mais ce n’est pas un fait qui me trouble dans l’exercice de mes fonctions ». Pour Erich Dürst, son engagement politique a, d’entente avec les
verts, été clairement distingué de sa fonction à l’Etat. Sa sensibilité politique n’aurait-elle donc pas d’effet sur son activité au SPOP? «En tant que cadre de l’Etat, je ne suis pas politicien, répond Erich Dürst. Je suis tenu d’une part par la
loyauté vis-à-vis de mon employeur, et d’autre part par ma conscience professionnelle dans le cadre légal existant». Son parti défend bec et ongles des requérants contre lesquels Erich Dürst requiert des mesures de contrainte, mais cela ne constitue pas
pour lui un cas de conscience. «Je me suis engagé chez les verts parce que, globalement, c’est le parti qui représente le mieux mes convictions, argumente-
t-il. Mais cela ne veut pas dire que je sois d’accord avec eux sur chaque question». Sur l’asile, par exemple? «Je ne peux pas m’exprimer publiquement là-dessus», rétorque Erich Dürst. L’asile fait pourtant partie des domaines abordés par Erich Dürst dans le cadre de ses activités politiques. L’homme s’est en effet joint récemment au groupe de réflexion des verts sur la migration. La conseillère nationale
Anne-Catherine Ménétrey révèle qu’Erich Dürst travaille à un projet d’initiative populaire pour une politique migratoire plus ouverte. Chez les verts, la candidature d’Erich Dürst provoque pourtant un certain embarras. Députée au Grand
Conseil, Anne Weill-Lévy tombe des nues. «Je suis juste interloquée», lâche-t-elle, refusant d’en dire plus en l’absence d’éléments précis sur l’attitude d’Erich Dürst au SPOP. Son collègue Yves Ferrari, qui était au parfum depuis longtemps, se veut diplomate: «Si sa sensibilité verte lui permet d’avoir, au niveau professionnel,
une approche de plus en plus humaine, c’est tant mieux», avance-t-il. Yves Ferrari estime que «c’est au candidat de se demander s’il est apte à défendre les valeurs des verts», et non au parti de lui imposer une ligne.
Quel est, plus précisément, le rôle joué par Erich Dürst au SPOP? Pour certains, il serait un défenseur opiniâtre du droit d’asile, alors que d’autres le considèrent à l’inverse comme un acteur du durcissement. «Erich Dürst, c’est l’idéologue du
SPOP, affirme Bruno Clément, de la Coordination asile. C’est lui qui, avec Roger Piccand (chef du Service de l’emploi, ndlr), est à l’origine des interdictions de travail pour les requérants déboutés». Parmi ceux qui ont eu l’occasion de le
côtoyer, un profil dominant se dégage toutefois, qui renvoie à la «loyauté» invoquée
par l’intéressé lui-même. Erich Dürst apparaît comme un exécutant, aussi peu enclin à durcir les positions qu’à résister aux élans d’Henri Rothen et de Jean-Claude
Mermoud. Serviteur zélé de lois qu’il connaît sur le bout des doigts, il se serait
fait, dans le cadre du groupe d’analyse, le porte-voix du credo cher au ministre UDC, selon lequel le canton n’a aucune marge de manoeuvre en matière d’asile.