samedi 9 octobre 2010

Manifestation anti-minaret

Une centaine de manifestants, la plupart d'extrême-droite, sont venus manifester leur colère contre la construction d'un minaret à Langenthal.Le permis de construire avait été octroyé avant le vote des Suisses fin 2009 qui interdit la construction de tout édifice de ce type.

Journal de 19:30 de la TSR

Un fichier bien caché stigmatise les Roms

La découverte d’une liste de gendarmerie qui associe, au mépris de loi, «délinquance itinérante» et «minorités non sédentarisées» provoque la colère des associations.

roms expulsion

Quatre associations ont déposé plainte contre un «fichier ethnique, illégal et non déclaré» de la gendarmerie sur les Roms et les gens du voyage. L’existence de tels fichiers interdits a toujours été niée par le gouvernement français.

Comme l’a révélé Le Monde daté du 8octobre, l’action en justice de la Voix des Roms, l’Union française d’associations tsiganes (Ufat), la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (Fnasat) et l’Association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC), s’appuie sur des documents de l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), dirigé par un colonel de gendarmerie, et destinés à «effectuer une généalogie des familles tsiganes», ce qui «ne semble possible qu’avec l’utilisation d’un fichier» dénommé Mens, pour «Minorités ethniques non sédentarisées».

«Généalogie» Les avocats Mes William Bourdon, Henri Braun et Françoise Cotta ont découvert sur Internet la présentation des missions de l’OCLDI par un chef d’escadron lors d’une conférence à Lille, en 2004. Ce gendarme expose «la généalogie des familles tsiganes», région par région, et attribue à chacune des habitudes délinquantes : vols de bijoux, trafic de voitures, blanchiment, etc. Les «groupes à risques» répertoriés décomposent «les gens du voyage» en deux ethnies («Manouches et Gitans»), puis les distinguent des «délinquants itinérants en provenance des pays de l’Est» et «des équipes de cités». Enfin, un «état numérique des interpellations de Roms (étrangers) par la gendarmerie» les classe par nationalité.

Le représentant de l’Office utilisait ce tableau litigieux lors de conférences comme lors de la «formation des chefs de sûretés départementales ou urbaines», en juin 2005, ou à Bucarest (Roumanie), en avril 2004, pour exposer le travail de la Cellule interministérielle de liaison sur la délinquance itinérante (Cildi), montée en France pour constituer «un réseau de correspondants dans les pays étrangers».

Selon les plaignants, ces documents «attestent de l’existence d’un fichier des interpellations des Roms (ethnie) nationalité par nationalité», de surcroît «non déclaré» à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), comme c’est obligatoire. Me Bourdon a mandaté mercredi un huissier de justice pour «rechercher la trace» de Mens sur le Net et assure qu’il a obtenu une «liste de résultats», bientôt transmise au procureur de la République de Paris.

Ces documents suspects étant datés de 2000 à 2004, une autorité de la gendarmerie nationale a indiqué à Libération : «C’est un vieux truc ! A ma connaissance, il n’a jamais existé de fichier Mens à proprement parler, mais des données Mens utilisées dans le fichier généalogique tenu par l’OCLDI jusqu’à sa suppression, fin 2007.» Ce ponte de la gendarmerie, à laquelle incombe la sécurité dans les zones rurales et par conséquent la délinquance itinérante, rapporte que ses pairs «employaient des vocables divers comme manouches ou gitans» mais qu’une circulaire du 25 mai 1992 leur a demandé «d’utiliser le terme plus correct de "minorités ethniques non sédentarisées» (Mens). Ensuite, sur le fichier généalogique de la délinquance itinérante, des personnes étaient identifiées en tant que Mens, et il y a fort à parier qu’il y avait plein de gens du voyage. Mais cela remonte à l’époque où les fichiers n’étaient pas en règle. Depuis, la police et la gendarmerie ont fait le ménage.»

Supprimé. Ce haut gradé de la gendarmerie assure que «l’intégralité des fiches de ce fichier généalogique a été supprimée il y a près de trois ans, on a fait de l’ordre sans attendre que ça sorte dans les médias». Le ministère de l’Intérieur «précise qu’il n’a pas connaissance d’un tel fichier» Mens, mais affirme également que «le fichier généalogique» de l’OCLDI a été supprimé le 13 décembre 2007, «conformément aux obligations de la loi».

Le communiqué du cabinet de Brice Hortefeux précise que «demeure seulement en vigueur la base de données de suivi des titres de circulation délivrés aux personnes sans domicile ni résidence fixe, base de données autorisée par un arrêté interministériel du 22 mars 1994 et après avis de la Cnil», selon lui. Un «contrôle dans les bases de données de la gendarmerie nationale» a été demandé à un groupe présidé par le criminologue Alain Bauer.

Si elle était confirmée, l’existence d’un «fichier ethnique» toujours niée par les autorités françaises relancerait le tollé né des expulsions de Roms, reprochées à la France dans le monde entier.

Patricia Tourancheau dans Libération

Moins d’immigrés

chiffre immigration

24 Heures

Des extrémistes de droite manifestent contre un minaret

minarets manifestation langenthal Une septantaine de manifestants d’extrême-droite ont protesté samedi à Langenthal contre le projet de construction d’un minaret. Une contre-manifestation de l’extrême-gauche a été annulée au dernier moment.

Quelques extrémistes de gauche du mouvement Antifa se sont pourtant réunis près de la gare de Langenthal. La police a mis sur pied un important dispositif de sécurité à la gare et dans les environs du centre de culte musulman. En début d’après-midi, aucune confrontation n’avait eu lieu.

L’appel à manifester devant la mosquée de Langenthal avait été lancé par Dominic Lüthar du Parti nationaliste suisse (PNOS) et Willi Frommenwiler, président de la section bernoise du Parti des automobilistes.

Le comité «Stopp Minarett» s’est distancié de la manifestation. Les groupuscules extrémistes sont souvent plus intéressés à se faire de la publicité, que par la problématique en soi, a-t-il indiqué dans un communiqué.

ATS relayé par 24 Heures

Révolte de requérants d’asile en attente de renvoi

La brigade de sécurité publique est intervenue en nombre ce samedi à la mi-journée à Frambois, le centre où sont détenus les requérants d’asile en attente de renvoi.

frambois révolte requérants

Des détenus, en attente de renvoi, ont saccagé les locaux, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre. Le porte-parole de la police genevoise, Jean-Philippe Brandt, se montre discret sur l’effectif engagé mais confirme la nouvelle. «Des individus révoltés ont tout saccagé vers 11 h 15», explique-t-il. Soit les locaux dans lesquels ils étaient réunis.

Un mouvement de protestation animé par des ressortissants africains. D’autres détenus, originaires des ex-pays de l’Est, ont chahuté à leur tour. Ce qui a nécessité une intervention en deux endroits distincts de l’établissement genevois.

Les pompiers sont venus en appui avec un fourgon et deux ambulances, en raison notamment des menaces proférées de départ de feu. Peu après 13h, le calme revenait à Frambois.

On ne déplore aucun blessé du côté des forces de l’ordre, des surveillants et des détenus. L’usage de la contrainte n’a apparemment pas été nécessaire pour mettre un terme à ces troubles internes.

Thierry Mertenat dans 24 Heures

Oskar Freysinger dénonce “l’autocensure démocratique”

L’UDC valaisan avait d’abord été interdit de parole à Schaerbeek, un quartier de Bruxelles à forte population musulmane. Après un nouveau refoulement samedi matin d’un hôtel proche de la Commission européenne, il a finalement tenu sa conférence au Parlement flamand, à l’invitation de l’extrême droite locale.

Oskar Freysinger ne pouvait pas rêver mieux pour soigner son image de politicien persécuté, cette fois en Belgique et aux postes des Institutions européennes. Après l’annulation initiale de sa conférence à Schaerbeek, une commune bruxelloise à forte population musulmane (turque et marocaine), l’élu Valaisan de l’UDC a été, samedi matin, refoulé de l’hôtel Crowne Plaza, proche de la Commission Européenne, où l’association belge Euboco (http://www.euboco.eu/) qui l’avait invité avait loué une salle.

Plusieurs voitures de police dépêchées dès le matin étaient sur place, malgré l’absence de toute opposition ou manifestation. Idem pour la télévision et la radio belge. Tandis que la cinquantaine de personnes venues l’écouter patientait en pleine rue. Jusqu’à ce que Filip de Winter, le leader flamand du Vlams Belang, parti séparatiste d’extrême droite, propose d’accueillir le Conseiller National au… Parlement flamand, où l’intéressé a pu finalement s’exprimer pendant plus de deux heures.

«Le modèle européen n’a pas d’avenir»

«Avec des adversaires comme cela, je ne peux pas perdre la guerre. Aucune menace n’a été proférée contre moi par les musulmans. L’autocensure démocratique a fait le reste…», a vertement répliqué Oskar Freysinger, prompt à passer du sujet de sa conférence sur «L’Islam, un danger?» à une dénonciation en règle de l’UE incapable, selon lui, de «défendre devant ses portes la liberté d’expression».

Resté silencieux tout au long de la conférence de l’élu helvétique au Parlement flamand, juste à côté des bureaux du premier ministre belge, le leader du Vlams Belang, Filip de Winter, avait beau jeu d’évoquer son «devoir démocratique». «Je suis très conforté par ce que je viens de vivre, a poursuivi Oskar Freysinger, avant de dénoncer longuement les problèmes récurrents de l’islam et de justifier l’interdiction des minarets en Suisse. Ce qui vient de se passer à Bruxelles, capitale de l’Europe, est extrêmement grave. On se soumet aujourd’hui aux réactions éventuelles des islamistes…»

Sa conférence n’avait pourtant rien d’un événement de grande ampleur. L’association à l’origine de l’invitation, Euboco, engagée dans la défense des «valeurs occidentales», n’est pas un mouvement de masse et la plupart de ses membres présents ce samedi à Bruxelles étaient des retraités certes résolument «de droite», mais sans vociférer ou proférer d’accusations violentes.

Le refus de l’hôtel Crowne Plaza, sur lequel la direction n’a pas donné d’explications convaincantes, est à relier à l’émotion initiale des autorités locales de Schaerbeek. Une opportunité aussitôt saisie par Oskar Freysinger qui, face à la Commission européenne et à deux pas du parlement européen et de la Mission suisse auprès de l’Union, a redit son hostilité à l’UE: «Le modèle européen actuel n’a pas de futur, a-t-il répété dans l’enceinte du parlement flamand. Il faut juste attendre la prochaine crise financière!».

Clichés et attaques démagogiques

La conférence de l’édile valaisan, en tant que telle, a repris point par point son argumentation contre les minarets et contre l’expansionnisme islamiste, mêlant vraies citations, clichés faciles, attaques démagogiques et raccourcis habiles. Rappelant à plusieurs reprises qu’il «n’a pas de fatwa contre lui», Oskar Feysinger s’est dit très inquiet pour la Turquie et le Liban «gagnés par une islamisation féroce». A l’unisson des partis populistes anti-islam qui ont actuellement le vent en poupe dans l’UE, notamment aux Pays-Bas avec le parti de la liberté ouvertement islamophobe de Geert Wilders, le conseiller national UDC a dénoncé sous tous les angles «la tendance de l’islam à contrôler la vie privée et la sphère publique». Le public, acquis à sa cause, a applaudi. L’aventure rocambolesque d’Oskar Freysinger à Bruxelles, s’est, à petite échelle, mais devant les caméras, une fois de plus transformée en (petit) succès politique pour l’intéressé.

Richard Werly dans le Temps

La gendarmerie accusée de fichée l’ethnie rom

Au moment où Sarkozy est reçu par le pape, deux nouvelles affaires enveniment les relations entre le gouvernement et les gens du voyage.

Deux nouvelles affaires qui n’ont pas de lien direct empoisonnent encore plus les relations entre le gouvernement français et les Roms. Elles interviennent au moment où le président Sarkozy est reçu au Vatican par Benoît XVI. Cet été, le pape s’était montré critique envers les dispositions prises par la France contre les nomades originaires de l’Europe orientale.

La première affaire se rapporte à la plainte pénale déposée au Parquet de Paris par quatre organisations de défense des gens du voyage et des Roms. Cette plainte accuse la gendarmerie d’avoir constitué un fichier ethnique sur les Roms et les gens du voyage – cette catégorie floue dans laquelle les autorités françaises rangent toutes les populations nomades. Ce fichier, intitulé MENS (Minorités ethniques non sédentarisées), engrangerait les données généalogiques de familles roms. Il s’agit donc clairement de les viser en tant que groupe ethnique, ce qui est rigoureusement interdit en France, pays encore traumatisé par les fichiers juifs que dressait le régime de Pétain durant l’Occupation.

La pression de Bruxelles

Cette affaire tombe d'autant plus mal que la France est actuellement sous enquête par l’Union européenne à la suite d’une circulaire du Ministère de l’intérieur ordonnant la destruction des camps de Roms, en priorité. Bruxelles avait fixé un délai au 15 octobre à la France pour qu’elle mette ses règlements en conformité avec le droit européen, qui garantit la libre circulation de tous les citoyens de l’Union, y compris les Roms. D’ailleurs, la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding – qui avait eu des mots très durs à l’endroit de Paris –, a annoncé, hier, que si l’existence d’un tel fichier était confirmée, il constituerait «un élément nouveau qui s’ajouterait à ce dossier».

Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a déclaré tout ignorer de ce fichier et a demandé au Groupe de contrôle des bases de données – présidé par le criminologue Alain Bauer – d’enquêter à ce propos. Le ministre admet qu’il y avait eu jadis un fichier généalogique, mais il a été supprimé le 13 décembre 2007.

La deuxième affaire a été révélée, hier, par la chaîne télévisée France 24 . Plusieurs Roms vivant dans un camp à Méry-sur-Oise, non loin de Paris, ont fait l’objet de prises d’empreintes génétiques (ADN). Le Parquet de Pontoise affirme avoir détruit ces données.

«Ce n’est pas un cas isolé, explique à 24 heures Stéphane Lévêque, directeur de la Fédération nationale des associations solidaires avec les Tsiganes et les gens du voyage. D’autres cas nous ont été signalés. Ces informations sont en train de remonter vers nos associations.»

Le regard de Rome

La question des Roms a-t-elle été évoquée, hier, lors de la visite au Vatican du président français? Le communiqué officiel du Saint-Siège ne mentionne pas ce sujet parmi ceux abordés par Benoît XVI et Nicolas Sarkozy. Mais, lors de la «prière à la France» dite par le cardinal Jean-Louis Tauran, un compatriote du président, il a été fait allusion à «l’accueil des persécutés et des immigrés», ce qui dans la langue de bois vaticane signifie que le gouvernement français est sous sainte observation. Comme à Bruxelles .

Jean-Noël Cuénod dans 24 Heures

« Il n'y a jamais eu de fichier de Roms », selon le général Morel

L'ex-chef de la cellule contre la délinquance itinérante nie sur Rue89 l'existence d'un fichier ethnique et parle d'« amalgames ».

cildi A la gendarmerie, on dément à tous les étages. Après le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, qui a indiqué jeudi ne pas avoir « connaissance d'un tel fichier » ethnique illégal sur les Roms et avoir demandé « de procéder à un contrôle », c'est au tour du général à la retraite Jacques Morel, ancien responsable de l'OCLDI (Office central de lutte contre la délinquance itinérante), de démentir.

Le Monde avait révélé ce même jeudi l'existence d'un fichier baptisé Mens (Minorités ethniques non-sédentarisées), constitué par l'OCLDI, illégal car basé sur l'ethnie et non sur la nationalité. Une révélation appuyée un peu plus tard par des documents internes à la gendarmerie nationale, publiés par par LeMonde.fr et Rue89.

Il ne s'agirait que d'« amalgames », selon Jacques Morel, resté sept années à la tête de la structure, de la création de la Cildi (Cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante) sous le gouvernement Juppé en mai 1997 jusqu'à sa transformation en OCLDI sous le gouvernement Raffarin en juin 2004.

Malgré les documents, Jacques Morel continue de défendre cette structure composée de gendarmes et de policiers, placée sous l'égide de la gendarmerie nationale, qui a changé de ministère de tutelle le 1er janvier 2009, passant de la Défense à l'Intérieur. Il reconnaît l'utilisation de l'expression « minorités ethniques non sédentarisées », mais se refuse à admettre toute constitution de fichier ethnique.

Rue89 : Quand, par qui et dans quel but la Cildi a-t-elle été mise en place ?

Jacques Morel : Cette cellule a été créée à la suite d'une décision des ministres de la Justice, de la Défense et de l'Intérieur en mai 1997, Jacques Toubon, Charles Millon et Jean-Louis Debré. La décision de créer cette cellule interministérielle était d'essayer d'apporter une réponse nouvelle à des phénomènes de délinquance itinérante qui n'étaient pas compatibles avec l'organisation et l'articulation des forces de police et de gendarmerie, puisque les délinquants itinérants s'affranchissent des frontières administratives et juridiques.

Il n'y avait pas de centralisation de cette délinquance et, à l'époque, il y avait des phénomènes assez émergents, qui étaient des vols de distributeurs automatiques de billets, des vols de fret, des agressions de personnes âgées, et ça commençait à sensibiliser la population.

C'était au départ une entité modeste ; nous n'étions que quatre. Puis, en 2004, cette cellule interministérielle a été transformée en office central. Aujourd'hui, ils ont toujours à leur tête un colonel, mais sont quarante, dont un commissaire et huit fonctionnaires de police. J'ai quitté cette structure à l'été 2004.

Lire la suite de cet article de Julien Martin sur Rue89

Pourquoi Oskar Freysinger fait peur aux Belges

Le chantre de l’interdiction des minarets devait s’exprimer samedi dans le quartier bruxellois majoritairement musulman de Schaerbeek. Sa conférence, sous la pression des élus, a été déplacée dans un lieu moins sensible.

A l’ombre de la mairie néogothique de Schaerbeek, typique de cette fin du XIXe siècle qui fut l’âge d’or de la Belgique industrielle, Hamid tire le rideau de son salon de coiffure. Comme tous les jours, ses clients ont patienté devant les images de La Mecque retransmises en direct par une chaine saoudienne. Le ton est donné. Pour ce Marocain d’origine, naturalisé belge après avoir grandi à Bruxelles, la référence religieuse ne se discute pas. Schaerbeek est pour lui «un quartier musulman de Bruxelles», où les mosquées bien fournies en fidèles l’ont définitivement emporté sur les églises de plus en plus désertes. L’islam, ici, a porte ouverte et tête haute.

C’est cette réalité qu’Oskar Freysinger a failli bousculer. Jusqu’au milieu de cette semaine, le conseiller national valaisan de l’UDC devait s’exprimer samedi soir à Schaerbeek sur les «dangers de l’islam». Une salle avait été reservée pour l’orateur helvétique au Centre Diamant, situé dans une partie «belgo-belge» de la commune.

Las. Inquiète de voir le chantre de l’interdiction des minarets débarquer dans sa ville à l’invitation d’une association de promotion «de la culture chétienne occidentale», la bourgmestre (maire) libérale, Cécile Jodogne a pris les devants. Informé des risques, le loueur de salle a déclaré forfait. C’est finalement au pied de la Commission européenne, ce samedi matin, que l’élu UDC délivrera son message… dans un hôtel prisé des délégations en visite à Bruxelles.

Interdiction? Pas sur le papier. Mais dans les faits, cela revient au même. «La réalité que nous vivons ici est trop facile à caricaturer et à exploiter, concède la bourgmestre au Temps, soulagée. Je ne connais pas Oskar Freysinger, mais nous ne sommes pas ici en Suisse. Son discours anti-minarets pourrait allumer le feu.»

L’imposant bureau, avec ses vitraux aux fenêtres, la statue du roi Leopold II, qui colonisa le Congo, et celle d’une femme nue au milieu de la pièce, respire le Bruxelles européen et chrétien. Sauf que Schaerbeek, de l’autre côté des murs de briques, est un jeu de dominos communautaire.

Les Turcs y dominent «la petite Anatolie», à proximité de la basilique royale Sainte-Marie, toute en coupoles. Les Marocains sont chez eux près de la «cage aux ours», un square où s’entrecroisent les trams sur fond d’immeubles décatis. S’y ajoutent Bulgares, Roumains, Arméniens, Tchetchènes… «Notre victoire, c’est que ça n’explose pas, explique Tamimoun Essaidi, adjointe chargée de l’intégration. Cela grâce à notre travail avec toutes les communautés et toutes les religions.»

La réalité se lit dans les rues. Schaerbeek compte une dizaine de mosquées, dont une seule, la Mosquée Fatih de la Chaussée de Haecht, arbore un timide minaret peint en vert, pas plus haut que les autres façades. Un foulard sombre recouvre les cheveux d’une femme sur deux. Au grand marché de la rue Sainte-Marie, des fidèles quêtent pour la construction d’une mosquée aux Pays-Bas.

«Bien sûr que l’on se sent en minorité, lâche Suzanne, une retraitée bruxelloise, après avoir pris l’avis du jeune curé roumain qui célèbre ce soir-là la messe devant six paroissiens. A l’hôpital voisin, il n’y a même plus de porc dans les repas.» Bruxelles n’est pas pour rien, de l’avis général, une capitale dépassée par son immigration, empêtrée dans un «vivre ensemble» plus imposé que désiré.

«Il y a des vérités qu’il faut dire, reconnaît un libraire marocain, convaincu qu’Oskar Freysinger aurait pu s’exprimer dans le quartier. Y a-t-il trop d’immigrés? Oui. Cela pose-t-il des problèmes? Oui, y compris sur le plan religieux. Mais cette histoire de minarets est stupide. Parlons éducation, travail, droits et devoirs… La stigmatisation est un piège utilisé par les politiciens de tous les bords.»

Car Schaerbeek et ses 50% de musulmans sur environ 150 000 habitants n’est ni le paradis des «multi-culti» (les partisans du multiculturalisme), ni le ghetto islamisant dénoncé par Euboco, l’association qui a convié le député suisse. Lequel, interrogé par Le Temps, s’indigne de «l’atteinte à la liberté d’expression», et se défend de vouloir «agresser quiconque en mettant l’accent sur les aspects problématiques de l’islam».

Alors? «Il y a beaucoup de clientélisme dans tout ça, corrige un commerçant de la rue du Brabant, la grande artère turque, à proximité de laquelle les vitrines remplies de prostituées en bikini narguent les austères mères de familles voilées. Les mosquées sont pleines de mouchards liés aux flics. La majorité municipale joue des uns et des autres pour être réélue. On évite les gêneurs.»

«Bien sûr que nous ne sommes pas à l’abri d’une poussée islamiste se défend pour sa part la bourgmestre. Mais pour l’heure, notre digue tient.» A preuve: l’extrême droite a été laminée. Les mosquées ne sont pas cachées. Les églises ne sont pas graffitées. Imams et curés se parlent. La maison des femmes, ouverte récemment, résiste aux pressions. Les retraités «belgo-belges», certes isolés, ne sont pas abandonnés. Le lien social, dopé à coups de subventions et de compromis, n’est pas rompu. Les violences communautaires, survenues ailleurs à Bruxelles, ont d’ailleurs ignoré Schaerbeek. Sans effacer, toutefois, la peur du «chaudron».

Richard Werly dans le Temps