vendredi 19 mars 2010

Qui sont les étrangers que la Suisse expulse ?

En 2009, 43 «vols spéciaux» ont été organisés pour rapatrier de force plus de 200 étrangers. Un article du Temps signé Valérie de Graffenried.

Avec son initiative du «mouton noir», l’UDC veut priver de leur titre de séjour et expulser des étrangers condamnés pour des délits graves. Rien à voir avec le cas du requérant nigérian à Zurich, qui était en voie d’expulsion parce que l’asile ne lui a pas été accordé. Pour éviter toute confusion, des petites précisions s’imposent.

Première remarque: la loi sur les étrangers permet déjà de renvoyer des étrangers qui ont commis des délits; les cantons n’y recourent cependant pas avec la même énergie. Mais dans les faits, les renvois dont on parle le plus concernent généralement les clandestins et les requérants d’asile déboutés d’office ou après une procédure.

Sur les 7272 étrangers qui ont dû quitter la Suisse par la voie aérienne en 2009, 1739 (24%) sont partis de manière autonome. 91% ont eu droit à une aide au retour. Le départ des 5533 autres (76%) s’est inscrit dans le cadre d’une procédure de «rapatriement contrôlé», souligne l’Office fédéral des migrations. 5080 ont fait l’objet d’une escorte policière jusqu’à l’embarquement sur un vol de ligne. Et dans 453 cas, une escorte par des agents de sécurité a dû être assurée jusque dans le pays de destination, à bord d’un vol de ligne ou d’un «vol spécial». Au total, 37 vols spécialement affrétés ont été organisés l’an dernier pour 241 personnes. Six autres de ces vols ont été nécessaires pour transférer 119 requérants vers l’Etat où ils avaient déposé leur première demande d’asile, conformément à l’accord de Dublin.

Des accords nécessaires

Pour tout renvoi, le principe du non-refoulement, selon lequel une personne ne peut pas être renvoyée vers un pays où sa vie est en danger, doit être respecté. Certains renvois ne sont ainsi pas «raisonnablement exigibles ou licites». Voilà qui explique pourquoi des personnes, qui ne peuvent pas prétendre au statut de réfugié, reçoivent une admission provisoire.

Autre problème: certains pays, africains surtout, refusent carrément de reprendre leurs ressortissants. La Suisse cherche alors à signer des «accords de réadmission». Les négociations sont souvent difficiles, les pays concernés demandant des contreparties. A ce jour, la Suisse en a conclu 47. Dans nos colonnes, le conseiller d’Etat Philippe Leuba (PLR/VD) militait récemment pour qu’elle en signe davantage. «On voit mal comment notre pays, fût-il armé d’un article constitutionnel massue, pourrait forcer les frontières, a fortiori lorsque celles-ci ne sont qu’à peine entrouvertes aux principes de la démocratie et du droit, souligne-t-il.

Nyon construira son centre de requérants d’asile

Cette fois, c’est décidé. Nyon aura son centre de requérants d’asile permanent. Qui accueillera à la fin de l’année une soixantaine de personnes à l’Esp’Asse. Un article de Madeleine Schürch dans 24 Heures.

centre requérants nyon

Longtemps montré du doigt pour son manque de structures d’accueil pour requérants d’asile, l’ouest du canton va se rattraper. Nyon a enfin proposé une solution qui permettra de fermer l’hébergement d’urgence, ouvert il y a une année dans un abri PCi. Mercredi, la ville a signé une convention avec l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants) et la Fondation Esp’Asse pour la construction d’un bâtiment pouvant accueillir 60 personnes en cours de procédure d’asile ou bénéficiant d’une admission provisoire.

D’ici à la fin de l’année, des pavillons seront érigés sur la partie nord du parking de l’ancienne usine Stellram, transformée en 2001 en centre socioculturel abritant déjà de nombreuses associations et ateliers d’artistes. Ces logements provisoires permettront d’héberger des familles et des célibataires demandeurs d’asile, et plus seulement des cas Dublin(ndlr: personnes ayant déjà été enregistrées dans un autre pays de l’Espace Schengen) de courte durée, comme c’est le cas à l’abri PCi. A plus long terme, cette structure modulaire sera remplacée par un bâtiment définitif, à construire sur le site de l’Esp’Asse.

C’est en janvier dernier, alors que le Conseil communal accordait un crédit pour l’étude d’un plan de quartier dans ce secteur d’Etraz-Sud, que la ville s’est approchée de la fondation propriétaire des lieux. Celle-ci s’est montrée ouverte pour accueillir le futur centre, puisqu’elle envisageait de construire des logements à caractère social, notamment les appartements de secours qui font tellement défaut dans la région. «L’EVAM aurait voulu qu’on lui accorde un droit de superficie et construire lui-même, mais nous préférons garder la maîtrise du site, pour garantir l’esprit des lieux», explique Jean-Claude Bouvrot, administrateur de l’Esp’Asse. La fondation prendra donc à sa charge la réalisation des pavillons et, plus tard, du bâtiment définitif. L’EVAM sera ainsi locataire des logements individuels.

Capacité limitée

«Tous les partenaires sont ravis de cet accord, notamment la ville, qui pourra enfin offrir une structure correcte et permanente aux requérants», se réjouit Olivier Mayor, municipal des Affaires sociales. Porte-parole de l’EVAM, Emmanuelle Marendaz Colle relève l’excellente situation du futur centre, près de la gare, des bus et des magasins du centre-ville. Néanmoins, la Municipalité a voulu en limiter la capacité. «Jusqu’ici, tout s’est fort bien passé, notamment grâce aux bénévoles, dans un abri PCi qui a hébergé jusqu’à 120 hommes. Mais nous avons estimé qu’une structure pour 60 personnes qui feront des séjours de plus longue durée est une proportion raisonnable pour une ville de la taille de Nyon», précise Olivier Mayor. L’EVAM cherche à ouvrir à La Côte une deuxième unité d’accueil dans une commune de plus de 2000 habitants.

Apprentissage des sans-papiers

Deux lecteurs de 24 Heures expriment leur opinion dans le courrier des lecteurs.

Ils coûtent plus cher dans la rue qu’à une place d’apprentissage

Désœuvrés, les jeunes sans papiers se livrent à toutes sortes de bêtises. Ils coûtent plus cher dans la rue qu’à une place d’apprentissage.

Pourquoi ne pas permettre de faire une formation professionnelle à ceux qui s’engagent une fois celle-ci terminée, à retourner dans leur pays? Munis d’un métier, ils ont une chance de s’y intégrer et de contribuer à son développement. Ceux d’entre eux qui ,avant de partir, auront trouvé un employeur en Suisse disposé à les engager peuvent, de leur pays, entreprendre une démarche régulière d’immigration.

Parfaitement intégrés et disposant d’un contrat de travail, ils devraient revenir rapidement et obtenir ainsi légalement un permis de travail.

Jean-Jacques Meyer, Lausanne

Ne ferait-elle pas mieux de faire la chasse au travail clandestin?

Une fois de plus, la Municipalité de Lausanne va à l’encontre des intérêts de nos concitoyens en voulant permettre aux enfants de clandestins de faire un apprentissage!

Alors que chaque année des milliers de nos jeunes, Suisses et étrangers intégrés, ne trouvent pas de place, elle veut s’occuper de gens illégalement dans notre pays et cautionne donc ceux qui bafouent nos lois.

Cette majorité de gauche ne s’occupe pas de nos citoyens les plus faibles qui l’ont élue pour plus d’égalité sociale en faisant par exemple profiter leurs enfants (souvent placés dans des écoles privées…) de places d’apprentissage. Dans l’espoir qu’elle luttera contre la politique des petits copains au détriment de jeunes défavorisés… Elle ferait mieux de faire la chasse au travail clandestin pour éviter la sous-enchère salariale et la dégradation des conditions de travail dans les milieux les plus précaires et qui profitent avant tout aux patrons les plus malintentionnés!

Pourquoi nos élus ne font-ils pas passer à la caisse les patrons qui exploitent les clandestins?

Gérard Pasche, Renens

Un requérant débouté meurt durant son expulsion: que s’est-il réellement passé à l’aéroport de Zürich ?

Un Nigérian de 29 ans est décédé mercredi, peu avant son refoulement. Il avait entamé une grève de la faim et a été ligoté de force. D’autres requérants déboutés mettent en cause les méthodes policières.

«Cet homme a été brutalisé. Nous avons tous été brutalisés. Il a été menacé jusqu’à en perdre la vie. Il n’a pas supporté. Je ne peux pas dire ce qui l’a concrètement tué, mais c’est choquant.» Ces propos sont ceux de Julius, un requérant d’asile frappé d’expulsion. Avec quatorze autres détenus, il devait être renvoyé de force mercredi soir vers Lagos. Mais, à l’aéroport de Zurich, les choses ont mal tourné: un Nigérian de 29 ans, qui avait entamé une grève de la faim pour protester contre son refoulement, a succombé à un malaise, peu après avoir été ligoté de force.

Suite à cet événement, qu’il qualifie de «tragique», l’Office fédéral des migrations (ODM) a supprimé tous les vols spéciaux d’expulsion jusqu’à nouvel avis. Hier soir, Julius était donc de retour à Vernier (GE), à l’établissement de Frambois. Il nous a livré son témoignage par téléphone.

Liens trop serrés?

Comme c’est le cas lors d’expulsions, les requérants déboutés étaient pieds et mains liés. «On nous a traités comme des animaux. Les liens étaient très serrés. On nous a mis des casques», raconte Emmanuel, qui était lui aussi sur place. Quelqu’un en est mort: les deux hommes ne sont pas surpris. La victime était en bonne santé, précise Julius: «Certains criaient ou pleuraient. Lui, il était calme, comme en état de choc.»

Selon la police zurichoise, le Nigérian, qui avait arrêté de s’alimenter depuis plusieurs jours, a soudain perdu connaissance. Son état de santé s’est rapidement aggravé. Ses liens lui ont été ôtés; les policiers et des sauveteurs ont tenté de le réanimer. En vain. L’homme est décédé dans l’enceinte de l’aéroport. Le Ministère public zurichois a ouvert une enquête et l’institut médico-légal du canton est chargé d’autopsier le corps.

Y a-t-il eu des fautes? Interrogé sur ce point par la RSR, le directeur de l’ODM, Alard du Bois-Reymond, a précisé que, si tel était le cas, «les responsables devront en répondre» et que les mesures d’expulsion seraient adaptées en conséquence. Le directeur, qui était sur place, a ajouté ne pas avoir d’indications sur un recours excessif à la force.

Amnesty International (AI) s’est pour sa part dit «consternée» par ce décès. L’organisation de défense des droits de l’homme exige du gouvernement zurichois qu’il «mette immédiatement sur pied une instance d’enquête indépendante et impartiale» pour «établir si la mort du requérant est due à un usage excessif de la force».

Selon elle, plus aucun renvoi forcé ne doit désormais avoir lieu sans surveillance d’observateurs indépendants. Et de rappeler que ce drame porte à trois le nombre de personnes mortes en Suisse lors d’un renvoi forcé depuis 1999. «La combinaison de certaines mesures de contrainte avec d’autres facteurs, comme des problèmes de santé, peut conduire à la mort», souligne AI.

C. Z. avec les agences dans 24 Heures

Le Conseil des Etats ouvre une voie royale aux expulsions

Le peuple devrait se prononcer sur l’initiative de l’UDC concernant le renvoi des criminels étrangers. Et sur le contre-projet adopté hier par la Chambre des cantons. Celui-ci doublerait le nombre des expulsions. Un article de Daniel Audétat, Berne, dans 24 Heures.

Expulsion

Comment concilier droits populaires et droit international? Hier, le Conseil des Etats a tenté de trouver un point d’équilibre pour réaliser cet exercice périlleux. Avant le Conseil national, la Chambre des cantons devait se prononcer à la fois sur l’initiative populaire de l’UDC «Pour le renvoi des étrangers criminels» et sur le contre-projet direct à cette initiative qu’a élaboré la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats.

Au final, la position des sénateurs est limpide. Le contre-projet «Expulsion des criminels étrangers dans le respect de la Constitution» a été adopté par 22 voix contre 6 et 11 abstentions. Tandis que la recommandation de rejet de l’initiative était approuvée par 34 voix contre 5.

La première question à surmonter est brûlante: l’initiative sur le renvoi est-elle compatible avec le droit international? Oui et non, a répondu la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. Pour parvenir à valider l’initiative, le Département de justice et police a dû distinguer «droit international impératif» et «droit international non impératif». Le droit impératif pose le principe du «non-refoulement», qui interdit le renvoi d’une personne dans un pays où elle pourrait être exposée à une répression. A priori, l’initiative de l’UDC enfreint cette règle, puisqu’elle exige un renvoi «automatique» des étrangers condamnés.

Validation problématique

Les services d’Eveline Widmer-Schlumpf ont trouvé sur internet un argumentaire des initiants selon lequel ils n’ont «pas l’intention de contrevenir à ce droit international impératif». Cet élément a suffi pour que l’initiative soit validée par le Conseil fédéral, malgré les protestations de la gauche.

Reste le droit international «non impératif», où figurent le respect de la Convention européenne des droits de l’homme ou l’Accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes. L’initiative entre en conflit avec ces normes, reconnaît Eveline Widmer-Schlumpf. Le Conseil fédéral recommande donc le rejet du texte de l’UDC, en contrepartie d’un «serrage de vis» envers les étrangers délinquants.

Châtiment disproportionné

Le Département de justice et police a élaboré un projet d’arrêté qui précise les motifs de révocation des autorisations de séjour. De plus, ces autorisations seront accordées «en tenant davantage compte du degré d’intégration» des personnes qui les demandent.

Le socialiste jurassien Claude Hêche et le Vert genevois Robert Cramer ont explicité l’opposition de la gauche à ce dispositif en rappelant que l’actuelle loi sur les étrangers permet déjà aux cantons d’expulser les délinquants. A cette demande d’invalidation totale ou partielle de l’initiative, la droite a répondu que ce serait bafouer les 210 000 signataires du texte. Robert Cramer a vainement persévéré, en tentant d’amender le contre-projet du Conseil des Etats, qui imposerait souvent un «châtiment» disproportionné par rapport à la faute.

Expulsions démultipliées

Inspiré par les libéraux-radicaux et le PDC, ce contre-projet sénatorial implique le renvoi de tout étranger condamné à une peine d’au moins 18 mois de prison pour abus de prestations sociales ou escroquerie d’ordre économique; ainsi qu’à une peine de 2 ans de prison au moins ou à des peines pécuniaires s’élevant au total à 720 jours au moins sur dix ans. Selon le libéral-radical soleurois Rolf Büttiker, ces dispositions doubleraient le nombre annuel des expulsions, jusqu’à atteindre le chiffre de 800. Selon cette même estimation, l’initiative de l’UDC porterait à 1500 ces expulsions.

La pratique des renvois varie d’un canton à l’autre

«Si on se pose ces questions sur les renvois de criminels étrangers, c’est probablement parce que des cantons ont laissé aller les choses», avance Françoise Gianadda, ancienne cheffe du Service valaisan de la population et des migrations, à la retraite depuis peu. Car, aujourd’hui déjà, la loi prévoit la possibilité d’expulser certains délinquants. Selon le Tribunal fédéral, la question doit être étudiée pour toute personne condamnée à 2 ans ou plus de prison. Mais l’interprétation de ces règles varie.

«Certains cantons appliquent cette jurisprudence, d’autres se montrent plus larges», confirme Marie Avet, porte-parole de l’Office fédéral des migrations (ODM). Il n’existe pas de statistique exhaustive sur la question, mais, selon les chiffres d’un groupe de travail de l’ODM et de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP), le canton de Vaud a expulsé 210 délinquants titulaires d’un permis B ou C entre 2006 et 2008. Dans le même temps, Zurich a pratiqué 239 renvois, l’Argovie 75, Genève 53 et Berne 45.

Décisions subjectives
Lorsqu’on compare ces chiffres à ceux du nombre d’étrangers, le canton de Vaud fait figure de champion de l’expulsion des criminels. Certains se montrent-ils plus laxistes que d’autres? A Genève, on s’interroge sur la fiabilité de ces statistiques. Et la conseillère d’Etat Isabel Rochat insiste plutôt sur la nécessité que Berne finalise des accords de réadmission: «Un grand nombre des étrangers dont nous parlons proviennent de pays dans lesquels ils ne sont pas appliqués.» Son homologue vaudois, Philippe Leuba, répond pour sa part qu’il a fait de ces renvois une priorité. «Mais chaque conseiller d’Etat choisit les siennes», conclut-il. Françoise Gianadda est plus catégorique: «Certains pouvoirs publics ont baissé les bras.» Manque de courage, selon les uns, appréciation différente, pour les autres. Car ces décisions restent en partie subjectives. Roger Schneeberger, secrétaire général CCDJP, donne un exemple: «Quand une personne dit qu’elle se tuera si elle est expulsée et que l’expertise psychologique est peu claire, quelqu’un doit finalement décider de la mettre dans un avion ou pas.» La pratique des tribunaux cantonaux expliquerait aussi ces différences, certains emprisonnant plus souvent les étrangers en vue de leur renvoi.

Face aux disparités, la Confédération veut définir des règles plus claires. Les cantons en discutent eux aussi. «En Suisse orientale, nos pratiques sont harmonisées pour éviter un déplacement des étrangers vers un canton moins sévère», explique ainsi Karin Keller-Sutter, responsable saint-galloise de la Sécurité. Mais le processus a ses limites et, au final, seule une centralisation du système permettrait réellement son uniformité.

Caroline Zuercher dans 24 Heures

Surveiller les renvois forcés ?

Les vols pour des rapatriements forcés sont suspendus pendant la durée de l’enquête. Amnesty International réclame une nouvelle fois la création d’observateurs indépendants. Un article paru dans le Temps et signé Catherine Cossy.

Suite à la mort d’un demandeur d’asile nigérian lors de son expulsion, mercredi soir à Zurich, l’Office fédéral des migrations a suspendu les vols spéciaux de rapatriement en attendant les ­résultats de l’enquête. Dans une interview accordée à l’Aargauer Zeitung, le directeur de l’ODM, Alard du Bois-Reymond, a reconnu qu’il serait nécessaire d’adapter les mesures de contrainte s’il devait s’avérer qu’elles ont joué un rôle direct dans la mort du Nigérian. De même, si des fautes ont été commises dans le déroulement de la procédure, de nouvelles directives à l’intention des polices cantonales seraient également adaptées.

Amnesty International saisit cette occasion pour réclamer une nouvelle fois que les renvois forcés soient surveillés par des observateurs indépendants. «Lors des discussions sur la loi sur l’usage de la contrainte, nous avions demandé que l’on renonce aux chiens et aux Taser, mais que l’on prévoie des observateurs indépendants. En Autriche, par exemple, le Conseil national des droits humains, une institution qui n’a malheureusement pas sa pareille en Suisse, est informé à chaque fois qu’un vol spécial est organisé. Ses membres peuvent se présenter à l’improviste et assister à toute la procédure», explique Manon Schick, porte-parole de l’organisation. Elle poursuit: «En Suisse, la nouvelle commission indépendante de prévention de la torture pourrait jouer ce rôle.»

Jean-Pierre Restellini, son président, médecin, juriste et membre du Comité européen contre la torture, précise: «La commission a commencé son travail au début de l’année, tout reste à imaginer. Nous n’avons pas débattu de ce point précis jusqu’à maintenant. La loi fédérale est assez large, nous avons le pouvoir d’inspecter tout lieu où une personne est privée de liberté et les centres de rétention font partie du programme que nous nous sommes fixé cette première année. Mais il faut être conscient qu’une présence lors de toutes les procédures de renvoi forcé demande des moyens supplémentaires très importants.»

L’association Solidarité sans frontières, qui s’engage pour les droits des migrants et demandeurs d’asile en Suisse, n’est pas favorable à des contrôleurs indépendants. Balthasar Glättli, son secrétaire, explique: «Nous demandons de renoncer en bonne et due forme aux renvois forcés. Une mission d’accompagnement risque de donner l’impression que tous les problèmes sont résolus. Mais cela dépend beaucoup des compétences qu’elle reçoit. Peut-elle être tout le temps présente? A-t-elle le droit de témoigner sur ce qu’elle a vu? La situation n’est pas simple non plus pour les personnes et les associations qui assument cette tâche d’observation.» Solidarité sans frontières s’engage pour un retour dans la sécurité et la dignité. «Il faut travailler avec des incitations. Si l’on pense à ce que coûte l’internement en vue de l’expulsion et aux vols spéciaux mêmes, cet argent pourrait être mieux investi», poursuit Balthasar Glättli.

Depuis 2009, la Suisse est tenue, en vertu des Accords de Schengen, de respecter la directive de l’Union européenne sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui vise à favoriser, dans la mesure du possible, le retour volontaire.