Un Togolais libéré à Fribourg après une grève de la faim
LE COURRIER / LA LIBERTÉ
PHILIPPE CASTELLA - MERCREDI 26 AOÛT 2009
C'est en homme libre que Franck Agbekponou s'est endormi lundi, à
l'issue d'une journée qui l'aura fait passer par tous les sentiments.
Incarcéré à la Prison centrale de Fribourg il y a trois semaines en vue
de son renvoi au Togo, ce requérant d'asile débouté avait aussitôt
entamé une grève de la faim. Un mouvement de soutien s'est alors formé
autour du Centre de contacts Suisses-immigrés (CCSI/SOS Racisme) et de
la diaspora togolaise pour réclamer sa libération. Une manifestation a
réuni une huitantaine de personnes dans les rues de Fribourg.
Lundi matin , lorsqu'il a été amené menotté de la Prison centrale aux
locaux de la Police cantonale à Granges-Paccot, il ne pouvait pas
s'imaginer finir la journée en homme libre. On lui explique d'ailleurs
qu'on va l'emmener à l'aéroport en vue de l'exécution de son renvoi.
Après un trajet en fourgon policier jusqu'à Genève, on tente de le
convaincre de monter à bord d'un vol de ligne à destination du Togo via
le Maroc. «Ils ont tout fait pour me pousser à accepter, mais j'ai
refusé d'embarquer dans l'avion», témoigne-t-il.
Devant son refus, la police le ramène à Fribourg dans les locaux du
Service de la population et des migrants (SPoMi), où il est reçu par le
responsable de son dossier. «Là, il me tend un papier où j'ai pu lire
que ma détention est suspendue, raconte-t-il. Je ne l'ai pas cru. Mais
après ça, on m'a enlevé les menottes et laissé partir, libre.»
Une libération qui ne devrait être toutefois qu'un répit. S'il a été
relâché, c'est uniquement pour raison médicale, son état de santé
s'étant détérioré à la suite de sa grève de la faim, justifie Patrick
Pochon, chef du SPoMi. Mais toutes les conditions pour garder la
personne en détention seraient remplies, ajoute-t-il.
La procédure suivie hier est habituelle. Lorsqu'un requérant débouté
refuse de partir sur une base volontaire, le SPoMi organise son
accompagement jusqu'à l'embarquement sur un vol de ligne à destination
de son pays d'origine. «On essaie de mettre la pression maximale pour
que la personne adhère à son renvoi», ne cache pas Patrick Pochon.
Dans le cas de Franck Agbekponou, cela n'a pas suffi. Et comme on ne
peut le forcer à monter dans l'avion, l'étape suivante est, en général,
d'organiser son expulsion sous contrainte dans le cadre d'un vol spécial
affrêté par la Confédération. C'est ce qui devrait se passer pour le
ressortissant togolais. Mais comme les démarches devraient prendre un
certain temps, le SPoMi a jugé que son maintien en détention n'était pas
adapté, eu égard à son état de santé.
Franck Agbekponou est conscient qu'il ne s'agit probablement que d'un
répit. «Je suis heureux d'être libre, mais je ne pense pas que je sois
au bout du tunnel», confie-t-il. De la même manière que sa détention a
été suspendue, il va suspendre sa grève de la faim qui dure depuis trois
semaines. Mais il se dit prêt à recommencer si on le remet en prison et
de la mener «jusqu'au bout, jusqu'à la mort».
En attendant, il va poursuivre le combat sur le plan juridique. Son cas
fait déjà l'objet d'un recours auprès de la Cour européenne des droits
de l'homme et d'un autre auprès du Tribunal fédéral contre sa détention
administrative. Son avocat prépare aussi une demande de réexamen du
dossier, en s'appuyant notamment sur le fait que le battage médiatique
autour de son arrestation a eu des échos jusqu'au Togo, rendant plus
problématique encore son retour, indique Lionel Roche, du CCSI.
Du côté du Centre de contacts, on est passé hier de l'inquiétude à la
joie. Alertés dans la matinée que l'expulsion de Franck Agbekponou était
en cours, des militants du CCSI et des membres de la diaspora togolaise
se sont aussitôt rendus à l'aéroport de Genève pour manifester,
banderoles à l'appui, et tenter de bloquer la manoeuvre.
«On a le sentiment d'avoir remporté une victoire, en tout cas
provisoirement », commente Philippe Blanc, du CCSI. Pour lui, pas de
doute que c'est la grève de la faim et la mobilisation orchestrée qui
ont conduit à la libération du Togolais.